Ninna Granucci, cofondatrice et présidence de l'entreprise Green Spot Technologies, au sein de son laboratoire de recherche

La fermentation, nouveau paradigme de l'alimentation

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 07/02/2023|Modifié 07/02/2023 Construire la France de demain

Green Spot Technologies, entreprise de biotechnologie alimentaire, transforme par fermentation les résidus de l’industrie alimentaire en poudres à haute valeur nutritive. Une initiative saluée par France 2030.

Aujourd’hui, l’industrie agroalimentaire génère plus de 30 % de résidus ou co-produits : pelures de fruits et légumes, marc de fruits et du vin, drêches de brasserie (céréales après fermentation…), etc.
Ces rebuts sont utilisés comme nourriture pour les animaux, transformés en compost ou biogaz, ou finissent à la décharge.
Ne pourrait-on pas donner une seconde vie à ces aliments sous-exploités ? « Sim claro ! » (« bien sûr ») répond Ninna Granucci, cofondatrice et directrice de l’entreprise Green Spot Technologies (GST).
Native du Brésil, où elle obtenu son master de biotechnologie et biosciences, elle effectue sa thèse de doctorat en Nouvelle-Zélande sur la fermentation, puis choisit en 2018 la France pour créer son entreprise.
La particularité de GST est de partir de ces nouvelles matières premières (marcs de tomate ou de pomme, drêche de brasserie...) pour les transformer en poudres alimentaires dotées de haute valeur nutritive, par la fermentation.

La fermentation c'est magique ! Ça apporte naturellement aux aliments des qualités nutritives supérieures.

Ninna Granucci

  • Cofondatrice et présidente de GST
Précisons ! L’obtention de ces qualités nutritives supérieures ne se fait pas en ajoutant des compléments ou additifs, mais est le produit d’un processus de transformation biologique par fermentation naturelle.
Une fois cette dernière effectuée et la matière rendue sèche, celle-ci est moulue pour obtenir une poudre aux qualités nutritionnelles augmentées : haute teneur en protéines, fibres diététiques, et qui plus est de faible teneur en sucre et en graisse.
Ces poudres entreront dans diverses préparations alimentaires ou de boissons : pains, muffins, biscuits, steacks et barres de céréales, soupes... et, cerise sur le gâteau, leur utilisation ces dernières semaines par les étudiant de l'Institut Paul Bocuse pour proposer des créations culinaires esthétiques et gourmandes.

La France et l’alimentation, une évidence !

Reconnue pour son agro-industrie très développée, la France pour GST s’imposait car l'Hexagone croit aux start-up industrielles avec ses nombreux programmes de financement.
GST fait partie des 18 start-up et PME-ETI choisies à l'occasion de la 1e vague d’appels à projets «  Première usine ». concernant les start-up et PME industrielles. Elles ont pour ADN commun l’innovation, un élément-clé pour nourrir l’ambition d’industrialisation de la France d’aujourd’hui et demain.
Financé à hauteur de 2,3 milliards d’euros, le volet « Première usine » de France 2030, est une rampe de lancement pour permettre le passage de l’innovation à l’industrialisation avec la réalisation d’un démonstrateur ou l’essor d’une première usine.

La fermentation, nouveau sésame de l'alimentation saine

Véritable creuset des technologies alimentaires respectueuses de l'environnement, Green Spot Technologies compte parmi lesstart-up de biotechnologie qui entendent relever les défis de la production alimentaire moderne par des solutions de pointe, ici la fermentation naturelle.

Avec nos ingrédients issus de l'économie circulaire, nous réduisons le gaspillage en créant des denrées alimentaires nutritives de qualité supérieure en ne générant que de l'eau. Nous optimisons ainsi l'utilisation des ressources naturelles et nous respectons les équilibres climatiques.

Ninna Granucci

  • Cofondatrice et directrice de GST
La fermentation alimentaire par biotechnologie nécessite un degré élevé de connaissances et de techniques pour contrôler et optimiser le processus de fermentation. Cela comprend la sélection des micro-organismes appropriés, le contrôle de la température, du pH (potentiel hydrogène) et d'autres conditions de fermentation comme la surveillance fine du processus pour produire les résultats attendus.
La recherche et l’innovation autour des microorganismes et des techniques naturelles de fermentation sont financées par l’État à hauteur de 48,3 millions d’euros via France 2030  à travers la plateforme européenne le Grand défi « Ferments du futur »
La recherche académique d’excellence est pilotée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et les entreprises françaises sont réunies au sein de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA).

Interview de Ninna Granucci, cofondatrice et directrice de Green Spot Technologies. 

Un petit mot d’abord sur votre itinéraire particulier. Ça démarre du Brésil, c’est cela ?

Oui, je suis native du Brésil où j’ai obtenu mon Master de Biotechnologie et Biosciences. J’ai ensuite effectué ma thèse de doctorat en Nouvelle-Zélande où j’ai axé mon travail sur la fermentation. Le projet Green spot est né lors de mon arrivée en France, en 2018.

Pourquoi avoir choisi de venir en France ?
La France est reconnue pour son agro-industrie importante. Étant donné notre positionnement sur la transformation de résidus, de nombreuses matières étaient disponibles. Mais ce n’est pas tout, la France s’imposait car elle croit aux start-up industrielles et a de nombreux programmes de financement. L’État français joue un rôle crucial depuis que nous nous sommes implantés. Pour nous, « Food et France » c’est juste logique !

Qu'est-ce qui vous a conduit à la fermentation ?
Quand j’ai découvert la fermentation, j’ai trouvé ça tout simplement magique ! On crée un autre produit, avec des saveurs, des textures différentes. La fermentation remonte à 6 000 ans avant J-C. Depuis la nuit des temps, les aliments et les boissons transformés par la fermentation - le pain, les fromages, le vin, la bière, les fruits et légumes, etc - ont été des aliments de base dans les premières civilisations. Et ce procédé de fermentation est encore présent de nos jours,  puisque nos familles continuent de produire des aliments fermentés, comme la choucroute, les cornichons…

Par tradition ?
Pas uniquement. La fermentation offre des avantages nutritionnels différents de ceux qui proviennent des aliments frais. De plus, les produits fermentés ont une variété de saveurs et de textures propres. Par exemple, le yaourt et le fromage ou le pain fermenté à la levure qui a une texture unique.

La fermentation a aussi des avantages pour la santé ?
En effet, il est démontré que la consommation d'aliments fermentés a un impact bénéfique sur la santé mentale et le bien-être en général. Pourquoi ? Parce qu’ils sont riches en probiotiques, ces micro-organismes bénéfiques qui permettent de maintenir un intestin sain, qu'on appelle par ailleurs le « second cerveau ».  Les aliments fermentés sont également très riches en nutriments tels que les vitamines, les minéraux et les acides aminés. Nous sommes encore au début des découvertes sur le microbiote.

J’imagine que le procédé que vous utilisez n’est pas celui de nos grand-mères ?
Le principe reste le même. Mais nous produisons la fermentation de nos résidus avec des micro-organismes très spécifiques issues de notre recherche et des technologies permettant la production fine à échelle industrielle. Grâce à ce procédé chez GST, nous obtenons des produits finis avec des valeurs nutritives supérieures à celles initialement contenues dans les matières premières. C’est ce que l’on appelle l’« upcycling »

Expliquez-nous ce qu’est l’« upcycling » ?
L’ « upcycling » c'est la revalorisation de co-produits ou sous-produits issus de productions primaires. En ce qui nous concerne, nous transformons les résidus des industries agroalimentaires comme les pelures ou les marcs de fruits et légumes ou les drêches de brasserie, en produits à haute valeur nutritive. Nos travaux en R&D nous ont permis de trouver les bons micro-organismes et les bons outils industriels pour valoriser au mieux ces résidus, au niveau du goût et des qualités nutritionnelles. C'est cette valeur ajoutée qui le différencie du simple recyclage, le « recycling »

Mais ce n’est pas exclusif à la production alimentaire ?

Non, l’« upcycling » s’applique dans un large éventail de matériels, de produits, comme les vêtements, l’électronique, les meubles, etc, en gros tout ce qui est recyclable et transformé mais avec une plus value. Le but de l’« upcycling » est de réduire la quantité de déchets - alimentaires ou autres - , d’économiser les ressources naturelles et in fine de réduire les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre.

Justement, quel est l'impact de votre activité sur le plan environnemental ?
Un impact extrêmement positif ! L'« upcycling » des résidus alimentaires est une voie écologique par excellence car il convertit les déchets en nouveaux produits. Il réduit la quantité de résidus alimentaires et permet donc de réduire l'exploitation des ressources naturelles. L'« upcycling » donne aussi l'opportunité de créer de nouveaux emplois et de stimuler l'économie des régions.

Chez Green Spot Technologies, avec l'apport financier de « Première usine », nous prévoyons de de développer de manière importante notre masse salariale avec de nouveaux techniciens et ingénieurs mais aussi pour développer nos équipes marketing et de ventes.

Est-ce que l’alimentation de demain passera par la fermentation ?
Bien sûr ! Nous sommes persuadés du pouvoir de la fermentation pour une alimentation future de qualité.  Je pense que si nous avons été choisis par « Première usine », c'est parce que la fermentation est prise très au sérieux par la France. C'est une des technologies qui est en plein essor sur le plan de l'empreinte environnementale et de la qualité nutritionnelle. Nous faisons d’ailleurs partie du programme « Ferments du futur » pour la transition alimentaire que la France promeut.

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