« La notion d’impact est fondamentale pour France 2030 »

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 06/07/2023|Modifié 07/07/2023

Interview de Marc-Antoine Lacroix, directeur du pôle Évaluation et Impacts au sein du Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) en charge de France 2030.

1/ Vous dirigez la direction de l’évaluation au sein de Secretariat général pour l’investissement qui pilote France 2030. Quelles sont les missions de la direction de l’évaluation du SGPI ?

L’équipe du pôle « Evaluation et Impacts » de France 2030, c’est d’abord une équipe de cinq économistes passionnés par l’innovation au service d’une double mission :  d’une part, accompagner les pôles métiers avec les outils et les méthodes adaptées pour leur permettre de piloter la performance de leurs programmes (c’est notre mission « ressources ») ; mais aussi conduire les évaluations diligentées par le Comité de Surveillance des investissements d’avenir (c’est notre mission « évaluation »).
Avec France 2030, le rôle de l’évaluation s’est considérablement renforcé : en face de la prise de risque assumée en faveur des innovations de rupture, la contrepartie c’est de pouvoir dire ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, ce qui impact positivement nos sociétés et si possible le dire au bon moment ! D’où la nécessité d’être à la fois près des métiers, pour pouvoir mobiliser une information de qualité, mais aussi disposer d’un lien direct vis- à-vis de l’organe de surveillance.
J’ajoute que cette mission d’évaluation s’exerce aussi en réseau, soit au total une quarantaine de référents au sein des ministères et de notre quatre opérateurs (Bbifrance, l’Ademe, la Caisse des dépôts et des consignations ou encore l’Agence nationale de la Recherche). Collectivement, nous conduisons les exercices d’évaluations à trois moments clés : ex ante, c’est-à-dire avant d’engager les financements, in itinere c’est-à-dire en cours de vie du programme et ex post une fois les projets terminés sur la base des résultats observés.

2/ Vous travaillez notamment sur l’évaluation et l’impact de l’action de France 2030. Quelles sont les principales mesures d’impact et à que mesurent-elles concrètement ?

Cette notion d’impact est en effet fondamentale car France 2030 ne travaille pas uniquement pour le rendement financier mais aussi sur la dimension « sociétale » de l’innovation. Notre démarche est de se demander en permanence si une innovation va un jour permettre un « mieux produire » pour nos entreprises et un « mieux vivre » pour nos concitoyens. Ensuite seulement de mesurer la valeur, pour quantifier ce « mieux ».
Ce qui est passionnant dans les projets d’innovation que nous analysons, c’est que les impacts sont parfois assez éloignés de ce que nous imaginions au départ. Prenons l’exemple du spatial dans France 2030 : certes réussir à produire un mini lanceur réutilisable grâce à des start-ups crée des emplois et c’est en soi un impact intéressant ; mais mettre en orbite grâce à ce lanceur une constellation de petits satellite pour générer des données spatiales va en retour améliorer les prévisions météorologiques, et permettre d’aider des millions d’agriculteurs à mieux gérer leur récolte ou des industriels d’économiser de l’énergie. D’un point de vue socio-économique cela génère des impacts considérables ! En face de ces bénéfices il faut bien sûr tenir compte aussi des possibles coûts, visibles ou cachés : ces satellites sont-ils recyclables ? Que va-t-il advenir des débris spatiaux etc. ? Notre rôle est aussi d’être responsable et de tenir compte de toutes les externalités, qu’elles soient positives mais aussi potentiellement négatives.
Au total, les domaines d’impacts que nous regardons sont très variés, et vont du développement économique et social, à l’excellence et le rayonnement scientifique, sans oublier le capital humain et la santé, et bien sûr le capital naturel c’est-à-dire notre environnement, sans oublier les aspects d’inclusion ou de mixité.
J’ajoute que pour bien appréhender ces impacts, il est indispensable d’aller sur le terrain : nous nous sommes fixés comme règle de rencontrer nos porteurs de projet au moins une fois par mois pour bien comprendre ce qu’ils entreprennent.

3/ Comment mesurez-vous ces impacts ? Quelle est votre méthodologie ?

La méthode dépend beaucoup des types de projet d’innovation concerné. Lorsque l’innovation vise une innovation de rupture, où il y a par définition peu de données observables, des méthodes basées sur des comparaisons de type benchmark ou des retours d’expérience sont particulièrement adaptées. Pour une innovation plus incrémentale, lorsque la population de données observable est suffisamment nombreuse, la méthode peut mobiliser plus d’économétrique, l’idéal étant même de pouvoir pratiquer des expérimentations aléatoires contrôlées, comme dans les essais cliniques, avec un groupe traité et un groupe de contrôle.
La méthode dépend également du moment où intervient l’évaluation. Lors du lancement des projets par exemple, l’évaluation repose sur les déclarations des porteurs de projets.
En phase de réalisation des projets, la boite à outils s’oriente davantage vers des enquêtes auprès des porteurs de projets. Une fois les projets terminés, l’évaluation peut croiser les données à l’aide de base de données statistiques pour déployer des méthodes plus économétriques et ainsi mesurer les impacts ex post. C’est par exemple ce que nous avons fait avec les concours d’innovation de l’Etat ou bien les centres d’excellence universitaires, en analysant l’impact de ces dispositifs sur une période de 10 ans.
Dans tous les cas, la confrontation de nos méthodes sous le regard d’experts constitue un élément clé de la qualité des évaluations : c’est tout le rôle du comité des économistes qui, placé auprès du comité de surveillance, veille tout particulièrement à la qualité de ces méthodes et les résultats de nos évaluations sont toujours rendues publiques.

4/ France 2030 est lancé depuis maintenant 2 ans. Quels sont les impacts principaux à retenir à ce jour ?

Nous sommes très heureux d’avoir pu contribuer au premier rapport d’évaluation in itinere que le Comité de surveillance des investissements d’avenir a remis le 30 juin 2023 à la Première ministre.
Concrètement, j’en retiens deux messages importants. D’abord que les effets macroéconomiques générés par France 2030 sont prometteurs, avec un surcroît du produit intérieur brut qui pourrait atteindre jusqu’à 80 Mds€ en 2030 et des créations d’emplois estimées à plus de 600 000 à cet horizon.
La particularité de ce travail est d’avoir utilisé un modèle à croissance endogène qui permet de mieux prendre en compte les mécanismes à l’œuvre d’un programme d’innovation comme France 2030, qui soutient toutes les étapes allant de la recherche fondamentale jusqu’à l’industrialisation. C’est d’ailleurs le même modèle qu’utilise la Commission européenne pour évaluer le programme Horizon 2030. Les premières estimations d’impacts tirées des déclarations par les porteurs de projets confirment d’ailleurs ce dynamisme avec, pour environ 1 900 lauréats déjà soutenus, plus de 2 000 dépôts de brevets envisagés, plus de40 000 emplois créés ou maintenus, et jusqu’à 4 millions de tonnes de CO2 économisées par an d’ici 2030. Le deuxième message du rapport du CSIA, c’est l’importance de bien préparer les transformations avec le renforcement du capital humain et de la formation. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre ce sujet au cœur de nos prochains travaux d’évaluation.
En savoir plus sur l’évaluation des financements publics : /evaluer-les-investissements-publics

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