Discours de Jean Castex : conférence de presse sur les mesures contre la Covid-19

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié 04/03/2021

Mes chers concitoyens, mesdames et messieurs,
Comme chaque semaine, nous nous retrouvons pour faire ensemble un point sur l’évolution de l’épidémie de la Covid et des moyens que nous nous donnons pour y faire face.
Je vous l’ai dit jeudi dernier, la circulation du virus s’est accélérée depuis une quinzaine de jours. Cette évolution est clairement liée à la progression du variant anglais qui représente maintenant plus de 60 % des contaminations dans notre pays. Cette souche est plus contagieuse et donc susceptible d’entrainer une forte accélération des contaminations et donc des hospitalisations si nous ne faisons rien pour enrayer sa dynamique.
Comment la situation nationale a-t-elle évolué depuis une semaine ?
Premier constat, la circulation du virus a continué de progresser, mais, il faut le souligner, à une vitesse moindre que ce que nous pouvions craindre. Sur les 7 derniers jours, le nombre de contaminations quotidiennes a augmenté de 1,4 % alors que ce même chiffre était de + 14 % au cours de la semaine précédente. Je ne m’en satisfais évidemment pas car il s’agit toujours d’une hausse mais il est clair que nous ne sommes pas confrontés, en tous cas pas à ce stade, à une hausse exponentielle de l’épidémie, comme certains modèles le prévoyaient et comme nous l’avions connu lors des deux premières vagues.
Deuxième constat, la contamination chez les personnes les plus âgées continue de se réduire. La baisse observée chez les plus de 80 ans atteint 17,5 % sur les deux dernières semaines. J’y vois la confirmation des premiers effets de la vaccination qui s’adresse précisément en priorité à ces publics particulièrement vulnérables, et c’est évidemment une très bonne nouvelle.
Ces deux premiers constats ne doivent cependant pas masquer deux autres éléments beaucoup plus préoccupants :
Le premier est que nos établissements de santé restent toujours soumis à une forte pression : nous comptions hier 25 156 malades hospitalisés pour cause de Covid ; certes, c’est 500 de moins qu’il y a une semaine, mais cela reste un niveau très élevé. Surtout, parmi ces malades, 3647 étaient hospitalisés en réanimation ; soit 200 de plus qu’il y a une semaine. Cette augmentation n’est pas massive mais elle démontre bien que la pression ne se relâche pas et qu’elle pèse énormément sur nos soignants, ce d’autant plus que cela dure depuis des semaines voire des mois.
Le deuxième élément préoccupant tient au fait que ces chiffres nationaux dissimulent en réalité des situations territoriales beaucoup plus contrastées. Dans certaines régions, le virus circule moins, voire ralentit ; alors que dans d’autres, nous constatons des progressions rapides et des incidences élevées, nettement supérieures à la moyenne nationale.
C’est pour cela qu’au-delà des règles déjà applicables sur l’ensemble du territoire national, notamment le couvre-feu à 18h, nous avons décidé la semaine dernière de prendre des mesures spécifiques dans deux territoires – les agglomérations de Nice et de Dunkerque – qui se sont trouvés rapidement confrontés à une véritable flambée épidémique. Et je veux saluer le sens des responsabilités de la population et des élus de ces territoires.
L’évolution préoccupante de 20 départements nous a par ailleurs conduit à les placer sous surveillance renforcée et – vous vous en souvenez – à engager une concertation entre les préfets et les élus pour déterminer les réponses les plus appropriées.
Qu’en est-il à ce jour ?
Dans ces 20 départements, le virus a continué de progresser, à l’exception toutefois des Bouches-du-Rhône et de la Moselle où l’on note un reflux dont il faudra vérifier s’il est durable. Dans ces 20 départements, les progressions enregistrées conduisent à ce que les niveaux d’incidence dépassent pour la plupart d’entre eux le seuil des 250 pour 100 000 habitants, et pour deux départements le seuil des 400 : il s’agit des Alpes-Maritimes et du Pas-de-Calais. Les taux d’incidence s’échelonnent entre 217 pour la Meurthe-et-Moselle et 342 pour Paris et les départements de la petite couronne.
Trois autres départements (les Hautes-Alpes, l’Aisne et l’Aube) ont connu une progression telle depuis une semaine qu’ils ont franchi le seuil de 250 pour 100 000 et s’ajoutent donc à la liste des 20 départements placés sous surveillance renforcée.
L’analyse des derniers chiffres et les retours des échanges avec les élus de ces territoires me conduisent à arrêter quatre séries de mesures :
La première est d’étendre le dispositif de confinement le week-end que nous avons mis en place à Nice et à Dunkerque à l’ensemble du département du Pas-de-Calais. L’incidence y est en effet en progression très rapide (23 % au cours des 7 derniers jours) et dépasse dorénavant le seuil des 400 pour 100 000 habitants, soit presque deux fois la moyenne nationale. Le niveau de saturation des services de réanimation se situe au plus haut de tous les départements français. Les règles du confinement s’y appliqueront dès ce week-end, du samedi 6 heures au dimanche 18 heures.
Deuxième mesure : les grandes surfaces commerciales non alimentaires de plus de 5000 m2 seront fermées dans le Pas-de-Calais.
Dans les autres départements à risque, les évolutions observées ne justifient pas de prendre à ce stade une mesure équivalente ; elles appellent cependant des dispositions supplémentaires pour limiter les risques de regroupements et de brassage dans l’espace public ou dans les grands magasins :
  • Les grands centres commerciaux ou grands surfaces commerciales, de plus de 10 000 m2, et non seulement 20 000 m2 comme jusqu’à présent, seront fermés ;
  • L’obligation du port du masque sera étendue à toutes les zones urbaines de ces départements où elle ne s’applique pas encore.
  • Les préfets seront également invités, en concertation bien sûr avec les maires concernés, à interdire ou à réglementer l’accès de certains sites très fréquentés pendant les week-end, où l’on observe des regroupements de masse, trop souvent sans masque ni distanciation. Je comprends évidemment le besoin de sortir et de se retrouver, notamment avec le retour des beaux jours, mais les images que nous avons vues encore le week-end dernier dans certaines grandes villes, y compris à Paris, ne sont tout simplement pas raisonnables ;
  • Par cohérence, les préfets pourront être amenés à interdire les manifestations organisées dans l’espace public, notamment pendant les week-end, lorsqu’elles présenteront un risque sanitaire avéré au regard de leurs conditions d’organisation.
Ces dispositions entreront en vigueur ce vendredi soir à minuit. Nous allons par ailleurs accélérer significativement et dès ce week-end la vaccination dans ces 23 départements, dans des conditions que nous allons vous préciser dans un instant avec Olivier Véran.
J’ajoute enfin deux recommandations.
La première est que nous fassions collectivement l’effort de réduire nos contacts sociaux et familiaux. Nous avions posé ce type de recommandations pour les fêtes de fin d’année, et cela avait eu un vrai impact. Pas plus de 6 personnes à l’occasion des moments conviviaux ou familiaux. On sait que c’est souvent là que les transmissions s’opèrent. Je vous demande – vraiment – d’observer cette règle de prudence au cours des prochaines semaines.
Deuxième recommandation, j’invite les habitants des 23 départements concernés à ne pas sortir, autant que possible, de leur département ou de leur région s’agissant des départements franciliens. C’est une demande de simple bon sens : le virus frappe de manière encore inégale les différentes parties de notre territoire, évitons de le diffuser là où il demeure encore de moindre intensité.
Ces situations locales plus favorables sont en effet encore très fragiles et rendent impossible à ce stade d’envisager des mesures d’assouplissement territorialisées, ce d’autant que des augmentations fortes et soudaines peuvent s’observer dans des départements jusqu’alors plutôt préservés.
En sens inverse, certains s’interrogeront peut-être sur les raisons qui conduisent le Gouvernement à ne pas aller plus loin en procédant immédiatement à un confinement pur et simple de ces 23 départements.
Je vous le disais la semaine dernière. Un confinement, même limité au week-end, est une mesure lourde, d’autant plus lourde que nous en avons déjà connu deux et que nous supportons encore les effets d’un couvre-feu à 18 heures qui dure depuis maintenant deux mois. Il ne peut donc s’agir d’une mesure prise dans le doute, de manière préventive ou par anticipation.
Je ne dis pas, je n’ai jamais cessé de vous dire, que l’évolution des prochains jours et des prochaines semaines ne nous y contraindra pas, voire pourrait nous conduire à envisager des mesures plus dures encore. On voit bien que dans certains départements où l’épidémie s’est envolée, nous n’avons pas eu d’autre choix.
Mais, je vous le répète à nouveau, nous devons tout faire pour l’éviter et réserver cette option ultime aux situations les plus dégradées et après avoir tout essayé.
L’objectif collectif, c’est de tenir ensemble, par la mise en oeuvre de mesures utiles, nécessaires, mais proportionnées, par la mobilisation de tous, le temps que les conditions météorologiques deviennent moins favorables à la circulation du virus, et le temps surtout que la vaccination produise ses effets. Car c’est bien d’abord et avant tout le déploiement le plus rapide et le plus ciblé possible de la campagne vaccinale qui nous permettra de sortir de ce tunnel.
Précisément, où en sommes-nous aujourd’hui du déploiement de cette stratégie que je vous ai présentée, ainsi qu’au Parlement, en décembre dernier ?
3,2 millions de personnes sont aujourd’hui vaccinées, dont 1,8 million ont déjà reçu leurs deux doses.
Point très important, il s’agit de personnes très exposées, c’est-à-dire pouvant développer des formes graves du virus et qui sont, vous le savez, des personnes généralement âgées ou présentant des pathologies, appelées comorbidités, qui les rendent particulièrement vulnérables.
J’insiste auprès de vous sur le fait que la France est en tête en Europe pour la vaccination de ces personnes les plus vulnérables au virus, c’est-à-dire celles qui ont le plus de probabilités d’être hospitalisées, d’être admises en réanimation, et parfois de mourir. Nous avons déjà franchi avec succès une étape difficile mais majeure avec la vaccination de la population sans doute la plus à risque, celle des EHPAD et des unités de soins de longue durée. Plus de 80 % des résidents des EHPAD ont reçu une 1ère injection et 60% ont reçu leurs deux doses et sont maintenant protégés. Nous avons donc franchi une première étape cruciale dans la lutte contre l’épidémie, car comme vous le savez, les résidents d’EHPAD ont été cruellement touchés par la première et la deuxième vague, et représentent un tiers des morts de la Covid en France.
C’est une incontestable réussite que d’avoir réussi cette vaccination. La voie est désormais ouverte à une adaptation des règles qui régissent la vie sociale des résidents et notamment l’exercice du droit de visite pour les familles. Je suis très sensibilisé par ce sujet et par les témoignages parfois très poignants que je reçois. Nous avions anticipé ce sujet humainement majeur, que je suis de très près avec Olivier Véran et Brigitte Bourguignon, en saisissant le Haut Conseil de santé publique qui vient de nous rendre ses préconisations que nous allons mettre en oeuvre très rapidement après concertation. Pour que cette vie sociale apaisée de nos aînés résidant dans les EHPAD et les unités de soins de longue durée puisse retrouver sa pleine dimension, il faudra aussi que les personnels de ces établissements se fassent vacciner. Trop d’entre eux ne l’ont pas encore fait et je les invite solennellement à le faire très rapidement.
De manière plus générale, deux éléments vont nous permettre d’accélérer très fortement la vaccination.
Premier élément, les livraisons de doses à la France vont s’accroître dans les semaines à venir. En janvier et février, nous avons reçu environ 7 millions de doses ; en mars et en avril, nous devrions en recevoir 22 millions, c’est-à-dire 3 fois plus.
Deuxième élément, nous pourrons recourir plus largement au vaccin Astra Zeneca. Nous avons eu en effet confirmation de l’excellente nouvelle que nous annonçait le Professeur Fisher jeudi dernier ici même. La Haute autorité de santé a en effet indiqué lundi, sur la base d’études scientifiques internationales, que sont désormais éligibles à ce vaccin, non seulement les personnes de 50 à 64 ans, c’était déjà le cas, mais encore les personnes de plus de 65 ans, ainsi que les personnes atteintes de pathologie à très haut risque de forme grave.
Je vous le dis là encore donc de la façon la plus claire : ce vaccin est un vaccin très efficace et les réserves qu’il a pu susciter au départ n’ont plus lieu d’être. Nous avons maintenant le retour d’expérience de la Grande-Bretagne où le vaccin Astra Zeneca a été utilisé sur des millions de personnes, et ce retour établit clairement que ce vaccin est aussi performant que le Pfizer ou le Moderna. C’est un élément nouveau et il est très important. Il faut donc utiliser ce vaccin à plein.
Ainsi, d’ici la mi-avril, et sous réserve que les laboratoires nous livrent selon le calendrier prévu, nous devrions avoir vacciné en 1ère injection au moins 10 millions de personnes, soit la totalité des personnes vulnérables volontaires aujourd’hui éligibles à la vaccination.
D’ici mi-mai, nous devrions avoir vacciné au moins 20 millions de personnes, soit la totalité de la population volontaire de +50 ans.
D’ici l’été, nous aurons reçu suffisamment de doses pour avoir proposé la vaccination à 30 millions de personnes, soit les 2/3 de la population de plus de 18 ans.
Je veux vous rappeler qui peut se faire vacciner aujourd’hui, où et comment.
Pour les personnes de plus de 75 ans, la vaccination est ouverte depuis le 18 janvier dans les centres de vaccination, en réservant sur internet sur le site Sante.fr ou en appelant le centre le plus près de chez vous.
28 % des personnes de plus de 75 ans a d’ores et déjà reçu une première dose. Je sais que beaucoup d’entre vous n’arrive pas à obtenir un rendez-vous. Je sais votre impatience, celle de vos proches, de vos enfants, et je la comprends parfaitement. Les doses arrivent progressivement et il en résulte que nous ne pouvons pas vacciner tout le monde tout de suite. Comme vous le savez l’industrie mondiale de production de vaccins est en surchauffe. Il faudra encore faire preuve de patience mais n’en doutez pas, vous serez vaccinés, ce d’autant que le rythme va s’accélérer : chaque semaine, les centres ouvrent en moyenne 320 000 nouveaux rendez-vous chaque semaine ; il leur reste à en ouvrir encore 850 000 d’ici la fin de ce mois.
Pour les personnes de plus 50 ans, la vaccination vous est également ouverte si vous avez ce qu’on appelle une comorbidité, c’est-à-dire un problème de santé vous rendant plus fragile face au virus. Je pense notamment à l’obésité, au diabète, à l’hypertension artérielle, à l’insuffisance respiratoire et aux pathologies cardiaques, ou si vous avez eu un cancer depuis moins de 3 ans.
Pour vous faire vacciner, vous devez contacter votre médecin. De plus en plus de médecins de ville proposent aujourd’hui la vaccination. Se faire vacciner par son médecin traitant reste le canal privilégié lorsque vous avez l’une de ces comorbidités, car il est celui qui connaît le mieux vos facteurs de risque. Le docteur Marie-Laure ALBY, médecin généraliste, a accepté de vous faire part de son témoignage de terrain. Je lui donnerai la parole dans quelques instants.
Toujours pour les personnes ayant plus de 50 ans et présentant une comorbidité, il vous sera également possible de vous faire vacciner chez votre pharmacien à compter de la semaine du 15 mars, une fois que nous aurons reçu la prochaine livraison de vaccins Astra Zeneca. La Haute Autorité de santé a donné son approbation, et le décret autorisant cette nouvelle étape majeure dans notre stratégie de vaccination sortira demain. La vaccination se passera comme pour la grippe : vous n’aurez pas besoin d’une prescription médicale et vous pourrez vous rendre directement en officine. Les modalités concrètes, concertées par le ministère de la Santé avec la profession, vous seront précisées la semaine prochaine.
Si vous avez entre 50 et 74 ans, mais que vous n’avez pas de pathologie particulière, vous pourrez vous faire vacciner à compter de mi-avril.
Si vous avez moins de 50 ans, vous pouvez vous faire vacciner uniquement si vous avez une pathologie à très haut risque de forme grave de la COVID, et ce depuis le 18 janvier : si vous avez un cancer, une maladie rénale chronique sévère, si vous êtes transplanté, si vous êtes atteint de poly-pathologies chroniques ou de trisomie 21. Vous êtes alors prioritaire dans les centres de vaccination et vous pouvez aussi vous faire vacciner chez votre médecin traitant.
Je rappelle enfin que les soignants – médecins, infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, aides à domicile – sont éligibles à la vaccination depuis début janvier. Or seul un soignant sur trois est aujourd’hui vacciné. Ce n’est pas normal, et cela compromet notre capacité à lutter effectivement et efficacement contre le virus, alors même que nous connaissons une reprise épidémique inquiétante. Le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran y reviendra dans un instant.
Comme je vous l’ai indiqué, la progression des livraisons va nous permettre de faire monter fortement en puissance la vaccination. L’enjeu est maintenant que toute la chaine suive pour que ces doses soient utilisées le plus rapidement possible. Cela doit être le cas partout, et plus encore dans les territoires les plus durement touchés par l’épidémie.
Aussi, ce sont 135 000 nouvelles doses qui seront allouées d’ici ce soir dans les départements prioritaires placés sous surveillance renforcée. Sur ce total, 10 000 doses seront en particulier envoyées dans le Pas-de-Calais.
Nous en appelons à la mobilisation générale : maires, soignants, hôpitaux – tout le monde doit être sur le pont, y compris le week-end, pour vacciner aussi vite que possible. Nous sommes entrés dans une course contre la montre contre l’épidémie, et nous avons besoin de la contribution de tous les acteurs que je sais parfaitement mobilisés.

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