Déclaration de la Première ministre Élisabeth Borne - Examen de la motion de censure à l'Assemblée nationale

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 11/07/2022

Intervention de Mme Élisabeth BORNE, Première ministre, le lundi 11 juillet à l'Assemblée nationale.

Intervention de Mme Élisabeth BORNE, Première ministre
Assemblée nationale
Lundi 11 juillet 2022
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mercredi dernier, je présentais devant vous une feuille de route et des propositions pour bâtir, ensemble, l’avenir de notre pays.
Moins d’une semaine plus tard, nous nous retrouvons. J’aurais aimé que ce soit pour parler de pouvoir d’achat. L’inflation est forte et nos concitoyens exigent de nous des réponses efficaces et rapides.
J’aurais aimé vous retrouver pour parler de l’urgence climatique. Nous devons agir plus vite, plus fort et dans tous les secteurs.
J’aurais aimé vous retrouver pour parler emploi, éducation, santé. Dit simplement, j’aurais aimé vous parler des sujets qui préoccupent les Français, qui pèsent sur leurs quotidiens et pour lesquels ils nous demandent des réponses.
Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas du quotidien des Français dont nous parlons.
Le travail parlementaire vient à peine de commencer, le nouveau Gouvernement est en place depuis une semaine, et certains veulent déjà le censurer.
La guerre se prolonge en Ukraine. Les perspectives économiques s’assombrissent. La Russie pourrait décider de couper ses exportations de gaz vers l’Europe. Les Français ont besoin d’un Gouvernement qui agisse. Et certains n’ont qu’une obsession, le censurer.
Aujourd’hui, Mesdames et Messieurs les députés, nous pourrions être en train d’agir pour les Français.
Au lieu de cela, nous débattons d’une motion de censure cousue de procès d’intention, qui fait obstacle au travail parlementaire et de ce fait à la volonté des Français.
Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous en étions tous convenus en nous rencontrant : les Français en ont assez des dialogues stériles et de la loi des postures.
En élisant une Assemblée nationale sans majorité absolue, ils nous ont envoyé un message clair. Un message qui peut se résumer en quelques mots : « Parlez-vous. Et ensemble, construisez ».
Avec mon Gouvernement, je tiens ce cap.  Notre main sera toujours tendue aux forces de l’arc républicain. Avec elles, nous voulons bâtir des majorité d’idées et commencer, dès maintenant, avec le pouvoir d’achat.
Cette volonté est intacte de notre côté. Et elle le restera.
Alors aux censeurs du jour, j’ai quelques questions à poser.
La première : que censurez-vous ?
Mercredi dernier, j’ai tracé devant vous les priorités de mon Gouvernement.
Laquelle vous semble inacceptable au point qu’il faille la censurer ?
Est-ce le pouvoir d’achat ? Le plein-emploi ? La transition écologique ? L’égalité des chances ? Ou bien encore la souveraineté ?
La réalité, c’est que si votre motion de censure était adoptée, tous ces objectifs seraient en péril.
Avec votre motion de censure, pas de bouclier tarifaire, et l’explosion des prix de l’énergie pour les Français.
Avec votre motion de censure, pas de remise carburant, et 10 euros de plus pour un plein de 50 litres.
Avec votre motion de censure, pas d’augmentation des pensions, et un pouvoir d’achat amputé pour les retraités.
Voilà ce qui peut arriver quand on fait passer la tactique politique avant l’intérêt des Français.
Vous avez inventé le concept de motion de censure a priori. Il n’est plus question d’un texte ou d’une décision à dénoncer. Juste de censurer pour censurer.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi ne pas plutôt montrer aux Français que nous les avons entendus et bâtir, ensemble, pour le pouvoir d’achat, pour le plein-emploi, pour la transition écologique, pour l’égalité des chances et pour notre souveraineté.
Car, j’ai une deuxième question : que proposez-vous ?
Mercredi dernier, j’ai écouté chacun des orateurs des groupes qui portent cette motion de censure, à la tribune.
J’ai essayé, car c’est mon rôle, car c’est mon état d’esprit, car c’est ce que chacun des présidents de groupe m’avait dit lors de nos rencontres, d’être attentive à vos propositions.
Je pensais qu’en partant des préoccupations que nous avions tous entendues durant les campagnes électorales, nous pourrions sans doute nous retrouver, au moins sur certains sujets.
A ce stade, je dois dire que je vois peu de terrains d’ententes avec les signataires de la motion de censure.
Mais je vous le dis : malgré les invectives et les postures, je ne renoncerai pas à vous écouter et à chercher ce qui pourrait nous rassembler. 
Je reste convaincue que nous pourrons surmonter certains de nos a priori, comme les Français nous l’ont demandé.
Je suis certaine que texte après texte, le compromis pourra permettre l’action
que ce soit en regardant vers la droite ou vers la gauche de cet hémicycle. 
Car, je vous le redis du plus profond de mes convictions, le compromis, ce n’est pas une ambition rabaissée ou une action empêchée. Le compromis c’est une volonté de bâtir, d’avancer.
Alors je chercherai toujours à écouter vos propositions, à les examiner loyalement, à ne jamais les balayer d’un revers de main.
C’est pour cela que j’ai lu attentivement le texte de votre motion de censure.
Mais là encore, aucune proposition !
J’ai écouté, madame la présidente PANOT, votre discours avec la plus grande attention. Et rien. Toujours rien !
L’avenir en commun a été remplacé par l’invective en commun. La motion de posture a remplacé la motion de censure. 
La seule chose que je perçois en vous lisant, en vous écoutant, c’est que vous êtes, pardonnez-moi le mot, fâchés.
En disant fâchés, je ne parle pas simplement de votre ton ou de vos invectives aujourd’hui ou mercredi dernier.
Fâchés, vous l’êtes avec la Constitution, en cherchant à dissimuler votre tentative de blocage sous le nom de motion de défiance.  Assumez donc votre motion de censure.
Fâchés, vous l’êtes avec notre Histoire, en affirmant que je me déroberais à la tradition républicaine. Je ne vous ferai pas l’affront de vous citer la liste de tous les premiers ministres qui ont agi comme moi. Parmi eux, Edith Cresson, cette Première ministre que, désormais, la gauche n’applaudit plus.
Fâchés, vous l’êtes surtout, avec la démocratie et le résultat des urnes. Votre motion de censure parle de légitimité. Je suis bien d’accord. Alors, je vous l’apprends peut-être : vous n’avez pas gagné. Ni la présidentielle. Ni les législatives.
En démocratie ce n’est pas celui qui a moins de voix, celui qui a moins de sièges, qui est légitime à gouverner. En démocratie, on ne compte pas les voix qu’on aurait pu avoir, on compte les voix que l’on a.
Cela m’amène à ma troisième question : quelle majorité auriez-vous pour gouverner ?
Pas celle des urnes, assurément.
Alors, si le Gouvernement était censuré : quelle serait votre majorité alternative ? Avec quel groupe voudriez-vous gouverner ?
Avec la majorité présidentielle ? Visiblement pas. Vous la censurez avant même d’avoir parlé.
Avec la droite républicaine ? Je ne crois pas qu’elle pourra se retrouver dans un projet dicté par La France Insoumise.
Avec l’extrême droite ? Je ne crois pas un instant, que vous partagiez des valeurs communes. Et je sais que, jamais, vous ne pourriez gouverner avec l’extrême droite.
Alors que proposez-vous ? Un accord de Gouvernement ? Non.
Des démarches constructives ? Non. Une discussion franche pour trouver des majorités d’idées ? Non. Toujours, non.
Vous n’avez pas de majorité stable, pas de majorité relative, pas de majorité tout court.
Votre censure, c’est finalement un appel à la dissolution.
Et bien madame la présidente PANOT, contrairement aux signataires de votre motion de censure, nous, nous portons des solutions, pas la dissolution.
Des solutions que nous voulons bâtir avec toutes les forces républicaines, toutes les bonnes volontés.
Le texte de votre motion de censure affirme que le Gouvernement n’aurait pas été suffisamment élargi, changé.
Mais c’est vous qui m’avez indiqué que vous ne souhaitiez ni une coalition, ni un accord de gouvernement. 
Je croyais, car je connais la qualité de nombre de députés sur vos bancs que sans être d’accord sur tout, même en ayant parfois des désaccords profonds,
nous pourrions dialoguer. Mais, par cette motion de censure, c’est une fin de non-recevoir que vous nous opposez.
Mais je vous le redis, je ne me résous pas à cette glaciation. Je crois que l’envie d’avancer pour son pays, supplante toujours l’envie de préparer le « coup d’après ».
Mesdames et Messieurs les députés, motion de posture, disais-je. Mais malgré cela, j’ai confiance.
Je veux voir dans cette motion de censure le dernier soubresaut de la politique du bloc contre bloc. Et je veux le dire aussi pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté : 
-          je ne considère pas, et personne ne pourra considérer, que tous ceux qui aujourd’hui, ne joindraient pas leurs voix à cette motion accorderaient, de fait, une forme de confiance au Gouvernement ;
-        rejeter cette motion de censure, c’est respecter le vote des Français, c’est refuser l’instabilité, c’est accepter de juger le Gouvernement sur les actes et sur les faits.
Les Français nous le demandent. Soyons à la hauteur. Bâtissons des solutions concrètes. Trouvons des accords solides. Passons, ensemble, à la culture du compromis.
C’est elle qui nous permettra de relever les défis qui s’ouvrent. C’est elle qui respectera la volonté des Françaises et des Français.
Je vous remercie.

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