La petite histoire de la Constitution du 4 octobre 1958

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 04/10/2023|Modifié 04/10/2023

La Constitution de la Ve République fête ses 65 ans le 4 octobre 2023. Ce texte fondateur de la vie politique française a pourtant été rédigé dans un contexte qui ne présageait pas d’une telle longévité. Didier Maus, ancien professeur de droit constitutionnel, ancien rapporteur général de la Commission des archives constitutionnelles de la Ve République, nous éclaire sur les moments historiques qui ont permis de la consolider.

Bandeau de la petite histoire de la constitution du 4 octobre 1958.

Dans quel contexte la Constitution du 4 octobre 1958 a-t-elle été élaborée ?

Le 13 mai 1958 à Alger, en pleine guerre d’Algérie, des émeutes provoquent une grande crise politique à Paris. La IVe République touche à sa fin.
Quelques jours plus tard, le 1er juin 1958, l’Assemblée nationale investit le général de Gaulle comme Président du conseil de la IVe République. Le général de Gaulle soumet alors un programme pour rétablir la stabilité de l’État, dont l’article 1 prévoit l’élaboration d’une nouvelle constitution.
Contrairement aux Constitutions de 1875 et de 1946, élaborées par une assemblée parlementaire, la Constitution de la Ve République est rédigée par une petite équipe gouvernementale, réunie autour du général de Gaulle et de Michel Debré, alors garde des Sceaux et ministre de la Justice.
Le 4 septembre, date symbolique, le général de Gaulle présente la Constitution au peuple français sur la place de la République à Paris. Le 28 septembre, elle est approuvée par référendum, à une très large majorité (80%). Elle est promulguée le 4 octobre 1958.

Quels étaient les enjeux de la nouvelle Constitution ?

Une Constitution a deux fonctions majeures : clarifier le système de séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et encadrer les relations entre l’État et ses citoyens, c’est-à-dire préciser le cadre dans lequel doivent s’exercer les libertés fondamentales.
Le contexte de la guerre d’Algérie, qui contraint l’État à mener des opérations répressives, a d’abord empêché les libertés individuelles d’être au cœur des travaux de 1958. La préoccupation centrale était alors de savoir comment construire un pouvoir qui puisse gouverner.
La IVe République, en effet, n’assurait aucune stabilité au pouvoir exécutif : en douze ans d’existence, elle a connu vingt-quatre gouvernements ! Cette primauté du pouvoir exécutif devait donc s’inscrire dans l’ADN de la Constitution de 1958.
La Constitution dispose ainsi que le Président de la République aura pour fonction d’assurer la continuité de l’État, l’indépendance nationale, et le respect des traités.
Didier Maus
Didier Maus / Didier Maus - Source : Didier Maus

Comment la fonction présidentielle a-t-elle été légitimée par la Constitution ?

L’aura du Général était immense en 1958. Comment ses successeurs, qui n’avaient pas sa légitimité historique, pouvaient-ils assurer les missions confiées par la Constitution ?
La solution est venue d’une révision de la Constitution, votée par référendum en 1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Avec cette révision, le pouvoir du Président repose moins sur le poids de l’histoire que sur la force de la démocratie.
Aujourd’hui, le Président peut donc toujours dire qu’il a été élu par la volonté de l’ensemble des Français.

Quelle place la Constitution accorde-t-elle aux libertés des citoyens ?

La Constitution du 4 octobre 1958 institue le Conseil Constitutionnel, qui ne contrôle pas seulement la validité des procédures législatives, mais exerce un rôle de garantie juridique des libertés.
Dans le même esprit, laDéclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le préambule de 1946 ont été intégrés à la Constitution. Depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1971, ces textes ont désormais pleine valeur constitutionnelle. De plus la Charte de l’environnement de 2004 a complété cet ensemble.
Depuis 2010, la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) autorise également tout citoyen à s’assurer qu’une loi ou une décision juridique sont conformes au bloc de constitutionnalité. Elle permet donc de réactualiser certaines libertés individuelles ou collectives qui pourraient être tombées dans l’oubli.

La Constitution de 1958 fête aujourd’hui ses 65 ans. Comment expliquez-vous cette longévité ?

À l’époque, on ne lui donnait pas une longue espérance de vie. Mais les Français restent attachés au lien direct avec le pouvoir exécutif qui s’exprime par l’élection présidentielle et par l’usage du référendum.
La Constitution permet à la souveraineté nationale de s’exprimer de manière directe. La longévité de la constitution vient aussi de sa souplesse : elle a connu vingt-quatre révisions ! Elle a su s’adapter à de nombreuses crises politiques, comme les cohabitations, l’absence de majorité, ou l’alternance.
En 1986, après la défaite de la gauche aux législatives, le président Mitterrand a très bien su gérer la cohabitation avec la droite : la vie politique française n’a pas été paralysée. La force d’une constitution, c’est justement de permettre les alternances politiques.

Didier Maus est un ancien Haut fonctionnaire, conseiller d’État et professeur de droit constitutionnel. Il est désormais président de la Société d’histoire de la Vème République.

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