Publié 26/02/2024|Modifié 01/02/2024

Laurent Fabius

Après des études brillantes, ce haut fonctionnaire s'implante en Seine-Maritime. Devenu très proche collaborateur de François Mitterrand, il est nommé Premier ministre en juillet 1984, dans un contexte politique et économique difficile.

Portrait de Laurent Fabus
Portrait de Laurent Fabus / Source : AFP

Mesdames, messieurs les parlementaires, modernisation ou déclin c'est en ces termes que voici quelques mois je posais devant l'Assemblée nationale le grand choix de notre stratégie. Nous sommes dans une de ces périodes où tout bascule et où tout se transforme - l'économie, la technologie, la culture et les moeurs -, où l'avenir éclate sous les yeux du présent. Je pense à ce texte admirable de l'historien Georges Duby évoquant le temps des cathédrales à la fin d'un siècle reculé, et qui pourrait parfaitement s'appliquer aujourd'hui : « Tourmentés, les hommes de ce temps le furent certainement plus que leurs ancêtres, mais par les tensions et les luttes d'une libération novatrice. Tous ceux d'entre eux capables de réflexion eurent en tout cas le sentiment, et parfois jusqu'au vertige, de la modernité de leur époque. Ils avaient conscience d'ouvrir les voies. Ils se sentaient des hommes nouveaux ».

Laurent Fabius

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BIOGRAPHIE

  • Né le 20 août 1946 à Paris
  • Profession : conseiller d'État (auditeur puis maître des requêtes)
  • Parti politique : Parti socialiste
  • Premier ministre de juillet 1984 à mai 1986
  • Deux fois président de l'Assemblée nationale (1988-1992) (1997-2000)
Fils d’antiquaires, passionné d’art, Laurent Fabius a un double cursus universitaire. Après avoir fait hypokhâgne et khâgne au Lycée Louis-le-Grand, il est reçu à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Il sort major de l’agrégation de lettres modernes et intègre, après l’Institut d’études politiques de Parisl’École nationale d'administration, promotion Rabelais (1973). Il rejoint le Conseil d’État à sa sortie de l’Ena.
Adhérent du Parti socialiste depuis 1974, il dirige le cabinet de François Mitterrand à partir de 1978. Il a lui-même relaté son ascension à ce poste : « Mitterrand m'a dit : " Accepteriez-vous d'être mon directeur de cabinet ? " J'ai répondu oui tout de suite. Et là, il a ajouté : " Au fait, je n'ai pas de cabinet..."» Élu premier adjoint au maire de Grand-Quevilly (Seine-Maritime), il devient député de Seine-Maritime en 1978, réélu depuis huit fois de suite. Il est implanté à Rouen. Il est président de l'agglomération de Rouen puis de la Crea (Communauté d’agglomération Rouen-Elbeuf), qui regroupe 70 communes et un demi-million d’habitants.
Après la victoire de la gauche à l’élection présidentielle de 1981, Laurent Fabius est nommé ministre délégué chargé du Budget (mai 1981-mars 1983) puis ministre de l’Industrie et de la Recherche (mars 1983-juillet 1984) dans les gouvernements de Pierre Mauroy.
Cheville ouvrière de la mise en place d'une politique de volontarisme économique et de relance keynésienne en 1981 et 1982, il évolue en 1983 vers l'idée d'une stabilisation dans le cadre orthodoxe de la Communauté européenne.    

LAURENT FABIUS À L'HÔTEL DE MATIGNON

En juillet 1984, Laurent Fabius est nommé Premier ministre. Il est le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Avec lui, le président de la République entend poursuivre sur la voie du pragmatisme réformiste qui est la marque de l’action gouvernementale depuis le tournant de la rigueur de 1983. Il forme un gouvernement auquel les communistes refusent désormais de participer.
Considéré comme le dauphin du président de la République, Laurent Fabius veut inscrire le socialisme dans la durée et pour cela « moderniser et rassembler », comme il l’affirme dans son discours de politique générale.  

Discours de politique générale du 24 juillet 1984

Lors de son discours devant l’Assemblée nationale le 24 juillet 1984, Laurent Fabius définit les priorités de son nouveau gouvernement : moderniser et rassembler. Il insiste également sur la continuité du travail qu’il entend mener, en rendant hommage à son prédécesseur, Pierre Mauroy. 
Après avoir évoqué l’élection européenne dont le « résultat a été mauvais pour la gauche », le Premier ministre regrette de n’avoir pas pu être « à la tête d’un gouvernement d’union ». Les communistes ont en effet refusé de s’associer à un nouveau gouvernement de rigueur.
Laurent Fabius se donne pour objectif de moderniser le pays afin de combattre le chômage « crève-cœur » et « cancer ». Il détermine les trois piliers qui doivent relancer l’économie : la recherche, l’investissement et la formation de chacun. La conception affirmée s'inscrit dans une double tradition : celle du socialisme dit à la française, et celle du rôle modérateur de l’État :
« La France est, par tradition, on le sait bien, une société mixte où public et privé jouent chacun leur rôle. Mais, faute de règles claires et stables, cette société mixte devient une société confuse. Sachons écouter notre société. Elle nous dit qu'elle ne veut plus d'un État lointain, indifférent, bureaucratique, pas plus qu'elle ne voudrait, comme le proposent certains, d'un État faible, désarmé par rapport aux puissances financières ; l'autorité de l’État, cela a un sens. Elle nous dit que le rôle de l’État est non pas d'imposer ce dont le pays ne veut pas, ni d'empêcher ce à quoi il aspire, mais de rendre possible ce qui est nécessaire. À cet égard, la décision du président de la République de réduire, dès l'an prochain, de 1 % les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire les impôts et les cotisations sociales, constitue une révolution tranquille. L’État a rencontré ses limites. Il ne doit pas les dépasser ».

Savez-vous qui traduit le mieux ma pensée ? Laurent Fabius.

François Mitterrand

L'autorité de Matignon

Bénéficiant d’une communauté de vues et d’esprit très forte avec le chef de l’État, Laurent Fabius dispose d’une autonomie rarissime sous la Ve République. Le président de la République et le Premier ministre refusent que les ministres puissent tenter de faire passer une décision ou un désir d'arbitrage via les conseillers présidentiels : ils doivent s'en remettre à l'Hôtel Matignon. Sur la plupart des questions intérieures, le Premier ministre intervient sans ingérence de la part de l’Élysée. Les plus proches conseillers de François Mitterrand se rendent à Matignon plusieurs fois par semaine. Le lien privilégié avec son directeur de cabinet, Jean-Louis Schweitzer, permet au Premier ministre de déléguer peu, et réunit ministres ou conseillers par petits groupes.

Le problème de l'emploi

Alors que la rigueur avait été présentée comme une « parenthèse », Laurent Fabius assume ouvertement la nécessité de réussir une politique socialiste au sein d'un environnement libéral. Pour combattre le chômage, il invente et met en place les Tuc (Travaux d’utilité collective), qui sont à l’origine des emplois aidés. Le nouveau Premier ministre scelle la réconciliation de la gauche avec les entreprises. En prévoyant une baisse des impôts et des cotisations, il met fin à une augmentation continue depuis 1971. Face aux difficultés économiques, l’État adopte une posture différente et prône une gestion plus pragmatique des entreprises, privées ou publiques, acceptant tacitement les plans de suppression d’emplois dans les branches en crise. Pour dynamiser le marché du travail, des dispositifs sont mis en place afin d'éviter le cumul retraite-emploi, de rendre plus flexible le temps de travail, et de favoriser les congés de reconversion. Un effort particulier concerne l’Éducation nationale, avec la fixation de l'objectif de 80 % d'une classe d'âge bachelière en l'an 2000. La fourniture d'équipements informatiques dans les établissements scolaires fait partie de ce plan de modernisation de la formation dès la jeunesse.

L'APRÈS-MATIGNON

Après la victoire de l'opposition aux élections législatives de 1986, Laurent Fabius démissionne et redevient député des Yvelines (7e circonscription) puis il prépare et accompagne la réélection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1988. Élu président de l'Assemblée nationale, il mène également la liste socialiste aux élections européennes de 1989. Il est député européen jusqu'en 1992.
Il est rappelé au gouvernement comme ministre de l’Économie, des Finances et de l'Industrie dans le gouvernement de Lionel Jospin (mars 2000 à mai 2002).
Au nom d'une conception politique et solidaire de l'Europe, il choisit le « non » au Traité constitutionnel européen à la campagne référendaire de 2005.
Le 16 mai 2012, Laurent Fabius est nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Le 2 avril 2014, il est nommé ministre des Affaires étrangères et du Développement international dans le gouvernement de Manuel Valls.

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT FABIUS

  • 31 juillet 1985 : le gouvernement français autorise la création de chaînes privées de télévision.
  • Loi sur le cumul des mandats des parlementaires (décembre 1985).
  • Loi littoral : loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.