Publié 26/02/2024|Modifié 01/02/2024

Jacques Chirac (1974 -1976)

Jacques Chirac a cumulé les plus hautes fonctions au service de l'État français. Il a été nommé deux fois Premier ministre, de mai 1974 à août 1976, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, puis en cohabitation avec le président François Mitterrand de mars 1986 à mai 1988. Il fut également le premier maire de Paris après la réhabilitation de cette fonction et effectua deux mandats de président de la République.

Jacques Chirac à Matignon
Jacques Chirac à Matignon / Service photographique de Matignon

Je crois profondément que le succès est à notre portée. Parce que les changements qu'il implique répondent à la volonté du Président de la République. Parce que le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger est déterminé à les accomplir. Parce que, je n'en doute pas, votre assemblée est disposée à jouer pleinement son rôle pour les rendre possibles. Ce sera ainsi notre oeuvre que d'avoir, dans un moment décisif de notre histoire, réalisé la transformation voulue par notre pays »

Jacques Chirac

  • Discours de politique générale, 5 juin 1974
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BIOGRAPHIE

  • Né le 29 novembre 1932 à Paris, décédé le 26 septembre 2019 à Paris
  • Profession : haut fonctionnaire (Cour des comptes)
  • Partis politiques : UDR - RPR - UMP
  • Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing de mai 1974 à août 1976
  • Maire de Paris de mars 1977 à mai 1995
Né à Paris, Jacques Chirac est le fils d'un administrateur de biens ; sa famille est originaire de Corrèze. Ses deux grands-pères sont instituteurs et radicaux-socialistes. Elève à Louis-le-Grand, il y développe une passion jamais démentie pour les civilisations anciennes et/ou asiatiques. Intégrant l'Institut d'études politiques de Paris, il y fréquente les cercles de gauche, dont son condisciple Michel Rocard. Il s’inscrit ensuite à la Summer School de l'université de Harvard, et entreprend un tour des États-Unis en auto-stop.
N’échouant que de peu à être le major de sa promotion de Sciences-Po, admis à l’Ena, il décide d’accomplir avant ses obligations militaires. Major de sa promotion d’élèves officiers de réserve à l’Ecole de Saumur, il demande à servir en Algérie. Promotion Vauban (1959) de l’Ena, il est nommé auditeur à la Cour des comptes à sa sortie.
En 1962, il rejoint le cabinet de Georges Pompidou, alors Premier ministre. Il est chargé de mission au Secrétariat général du Gouvernement puis chargé de mission au cabinet du Premier ministre Georges Pompidou. Ce dernier apprécie le tempérament énergique de celui qu’il surnomme affectueusement « mon bulldozer ». Jacques Chirac est ensuite conseiller référendaire à la Cour des comptes de mars 1965 à mars 1977. A 35 ans, il est élu député de Corrèze en 1967, mais il ne siégera que deux mois à l'Assemblée nationale, car il commence alors une longue carrière ministérielle.
Après la mort de Georges Pompidou, il pousse Pierre Messmer à être le candidat gaulliste à l’élection présidentielle. Finalement, il choisit Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban-Delmas.

Les postes ministériels

  • 1967-1968 : secrétaire d'État chargé des problèmes de l'emploi (gouvernement de Georges Pompidou), il joue un rôle crucial dans les accords de Grenelle, le 25 mai 1968.
  • 1968-1969 : secrétaire d'État à l'Économie et aux Finances (gouvernement de Maurice Couve de Murville)
  • 1969-1971 : secrétaire d'État chargé de l'Économie et des Finances (gouvernement de Jacques Chaban-Delmas)
  • 1971-1972 : ministre d'État, ministre des Relations avec le Parlement (gouvernement de Jacques Chaban-Delmas)
  • 1972-1973 : ministre de l'Agriculture et du Développement rural (gouvernement de Pierre Messmer)
  • 1974 : ministre de l'Intérieur (gouvernement de Pierre Messmer)  

JACQUES CHIRAC À L'HÔTEL DE MATIGNON

Le nouveau président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, nomme Jacques Chirac Premier ministre en mai 1974.  A 41 ans, le protégé de Georges Pompidou devient le plus jeune Premier ministre du plus jeune président de la Ve République. Issu des Républicains indépendants, groupe minoritaire à droite, le président souhaite ainsi bénéficier du soutien des gaullistes qui lui ont apporté leurs suffrages. Cependant, les giscardiens dominent l’équipe gouvernementale : Michel Poniatowski à l’Intérieur, Jean-Pierre Fourcade à l’Economie et aux Finances, Christian Bonnet à l’Agriculture. Le centriste Jean Lecanuet est nommé à la Justice. Le nouveau président les présente à la télévision le soir même, précisant qu’il « travaillera directement avec les ministres ». Le chef de l’État adresse des instructions écrites aux ministres, sans intermédiaire.

Discours de politique générale, 5 juin 1974

Le Premier ministre commence son discours en rendant hommage au président Pompidou récemment décédé. Il affirme que l’action de son gouvernement visera à rassembler ceux qui choisirent le président Giscard d’Estaing comme ceux qui « avaient accepté les risques du programme commun », avec pour objectif de « faire de la société française un modèle exemplaire de démocratie libérale ».
Fait inhabituel, il investit amplement en ce début de discours le « domaine réservé » (selon l’expression de Chaban-Delmas) : « la politique étrangère de la France ne saurait être seulement réaliste. Elle doit continuer à être fondée sur des principes et sur un idéal. Cet idéal, ces principes sont ceux qui découlent de notre conception même de la démocratie. Ils s'expriment dans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce droit, nous le revendiquons pour nous. C'est pourquoi l'indépendance nationale restera l'objectif intangible de notre politique ».
Cette perspective est intégrée à l’héritage gaulliste en matière de politique internationale. La France est dite devoir être fidèle à ses alliances, mais devant discuter avec l’URSS ; elle doit entreprendre une « coopération active et amicale sur un pied de stricte égalité » tant avec les États-Unis qu’avec les pays d’Europe de l’Est et qu’avec la Chine. Sont assumés les désaccords majeurs avec la Grande-Bretagne sur ce que doit être la Communauté économique européenne.
Cette dernière est présentée comme étant le devoir et le devenir de la nation : « La construction de l'Europe constitue pour la France, comme pour ses partenaires, la condition même d'une prospérité vraie et d'une puissance à la mesure du monde d'aujourd'hui. Elle est l'œuvre que nous devons accomplir. Y renoncer, ce serait renoncer à l'essentiel ».
Le néo-gaullisme qui s’esquisse se retrouve en matière économique et sociale. Il demeure attaché aux moyens structurants de l’action étatique : « la planification, qui doit rester l'outil essentiel de notre développement économique à moyen terme, doit connaître une profonde adaptation dans ses méthodes et ses objectifs… Le Plan devra assurer à la fois la modernisation de notre appareil productif, le développement des équipements collectifs, une meilleure utilisation des ressources publiques et une accentuation de nos efforts en vue d'une meilleure répartition des richesses… La finalité profonde du Plan devra être de rendre les Français plus heureux ».
Coopération et participation demeurent les idées maîtresses du développement de ce bonheur. Le gouvernement doit ainsi assurer une politique volontaire sur la question essentielle des droits effectifs des femmes, quant à l’égalité des chances par l’enseignement, pour la réduction des inégalités sociales par la fiscalité. Il doit « poursuivre hardiment une politique de déconcentration et de décentralisation. Une large autonomie devra être donnée aux collectivités locales ». Il se doit d’entretenir des relations tripartites avec les syndicats et les entreprises.
L’économique et le social sont ainsi des aspects revendiqués d’une politique et d’une vision du monde : « Divisée sur les choix idéologiques, notre société peut et doit trouver son unité dans une approche pragmatique des problèmes concrets. C'est par la pratique systématique de la concertation et par la politique contractuelle qu'elle y parviendra… Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est la capacité de nos sociétés libérales d'introduire la démocratie dans les relations du travail comme elles ont su l'introduire autrefois dans les relations politiques… Ma génération politique, née avec la Ve République, témoin de l'immense effort de redressement national effectué depuis quinze ans, peut entendre et comprendre ce nouvel appel de la nation qui s'amplifie derrière les bruits familiers et épuisants de l'urbanisation et de la croissance ».

Le début de « la crise »

Jacques Chirac doit faire face aux conséquences du choc pétrolier de 1973 qui entraîne d'importantes difficultés économiques en France (inflation, augmentation du chômage). La politique économique est largement pilotée par l’Elysée. Jacques Chirac plaide dès janvier 1975 pour une relance de l’activité, mais se heurte à l’opposition des ministres giscardiens. Le président de la République tranche en sa faveur et présente le 4 septembre suivant un plan de soutien à l’économie, qui permet de faire redémarrer la consommation et la production. Mais l’inflation repart.

Des évolutions majeures pour la société…

La majorité civile est ramenée de 21 à 18 ans, et la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse, défendue par la ministre de la santé Simone Veil, est votée au Parlement. Il faut ajouter l’importante législation sur le divorce. Est aussi adoptée la loi Haby relative à l'éducation qui instaure le collège unique. Jacques Chirac soutient auprès de la majorité conservatrice les grandes réformes sociétales de l’ère Giscard, qui marquent un tournant historique.

… et de nombreuses avancées sociales

L’ancien secrétaire d’État à l’emploi de Georges Pompidou est très actif sur le front social : abaissement de l’âge de la retraite des travailleurs manuels, création de l’autorisation administrative de licenciement, garantie d’un haut niveau d’allocations chômage, élargissement du champ de la Sécurité sociale, loi pour les personnes handicapées, relèvement du minimum vieillesse. Face à la crise qui s’installe, au chômage qui progresse, l’État Providence renforce sa protection.
Le 24 août 1976, en désaccord avec le projet d’élection du Parlement européen, Jacques Chirac démissionne de lui-même. Il est le seul Premier ministre en ce cas de l’histoire de la Ve République.

L'APRÈS-MATIGNON

En décembre 1976, il fonde le Rassemblement Pour la République (RPR) dont il est le président.
Il est élu maire de Paris en 1977, et le demeure jusqu’à son élection à la présidence de la République en 1995.
Dix ans après ce passage à Matignon, il effectue un second mandat de Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand, de 1986 à 1988. 

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT CHIRAC