Une femme, dont on voit seulement le buste, est assise sur un canapé. Ses mains posées sur son torse indiquent une gêne thoracique et abdominale.

Comment repérer un infarctus chez une femme ?

Publié 11/04/2024|Modifié 11/04/2024 Toutes et tous égaux

Les maladies cardio-vasculaires tuent chaque jour 200 femmes en France. Mieux connaître ces maladies permet de s'en protéger. Qu'est-ce qu'un infarctus ? Quels sont ses symptômes ? Quelles sont ses spécificités chez les femmes ? Quels sont les facteurs de risque ? Claire Mounier-Véhier, praticien hospitalier cardiologue et cofondatrice du Fonds de dotation Agir pour le cœur des femmes, nous donne les clés pour agir.

La peur n’empêche pas le danger. Connaître les symptômes et ses facteurs de risque permet d’agir au bon moment.

Claire Mounier-Véhier

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CE QU'IL FAUT RETENIR :

  • En cas de doute, appelez le 15. Chaque seconde compte.
  • Les symptômes peuvent être atypiques. N'hésitez pas à en parler avec votre médecin.
  • En agissant sur vos facteurs de risque, vous pouvez réduire le risque d’accident.

Infarctus, crise cardiaque, arrêt cardiaque… De quoi parle-t-on précisément ?

« Crise cardiaque », c’est le terme générique un peu daté
Ce dont on parle en réalité, c’est de l’infarctus du myocarde, du nom du muscle cardiaque. On l’appelle aussi syndrome coronarien aigu, les coronaires étant les grosses artères qui irriguent le cœur. 

De façon très simplifiée, une artère coronaire se bouche, le muscle cardiaque ne reçoit plus d’oxygène et peut se nécroser.

Il y a plusieurs types d'accidents cardiaques : 

Si l’artère coronaire est complétement obstruée, on parle d’infarctus avec sus-décalage du segmentST. C’est le plus « classique », caractérisé par la fameuse douleur à la poitrine en étau, irradiant dans le bras et la mâchoire

On le repère à l’électrocardiogramme, l’examen qui étudie l’activité électrique du cœur, à l’échographie cardiaque et par dosage de la troponine ultra-sensible, une petite protéine qui est relâchée très tôt par les cellules myocardiques (c’est-à-dire les cellules du muscle cardiaque) quand elles sont mal ou plus irriguées.

Quand l’artère se bouche partiellement, on parle d’infarctus sans sus-décalage du segment ST. 

Il ne se repère pas aisément à l’électrocardiogramme ni à l’échographie du cœur. C’est le dosage biologique répété de la troponine ultrasensible qui signera le diagnostic

Il est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, en raison principalement des plaques de cholestérol molles dont nous parlerons plus loin.

Le « faux infarctus » du myocarde touche environ huit femmes pour deux hommes. Statistiquement plutôt des femmes ménopausées, stressées… On l’appelle aussi « syndrome du cœur brisé » ou « du cœur joyeux », ou encore le syndrome de Takostubo (du nom japonais du piège à poulpe). 
Un choc émotionnel, comme une rupture ou une demande en mariage, ou encore un choc physique (stress opératoire, accident de la route…) entraîne la libération d’hormones de stress, les catécholamines, qui paralysent le cœur

C’est une vraie urgence cardiaque, avec des conséquences graves en phase aigüe. Mais la bonne nouvelle, c’est que c’est une forme réversible et curable d’insuffisance cardiaque.

Dans le cas de l’angor, dit aussi angine de poitrine, le cœur souffre par intermittence car il n’est pas bien irrigué par ses artères malades. Il survient surtout à l’effort, mais parfois au repos. 
Ces crises de douleurs, qui se répètent dans le temps de façon de plus en plus prolongée et intense, peuvent aboutir à l’infarctus si rien n’est fait.
On parle d’arrêt cardiaque quand le cœur s’arrête. L’infarctus du myocarde reste la première cause d’arrêt cardiaque, mais il y a d’autres causes possibles à l’arrêt du cœur, comme une rupture d’anévrisme, une embolie pulmonaire massive, une dissection aortique, un AVC

Femmes et hommes font-ils les mêmes infarctus ?

  • En grossissant, les plaques de cholestérol contribuent à obstruer progressivement l’artère.

  • Quand les plaques sont un peu calcifiées, c’est-à-dire enrichies en calcium avec le vieillissement physiologique de la plaque, elles sont en théorie plus stables. Elles peuvent néanmoins se rompre.
  • Cela conduit à l’activation de la coagulation du sang et à la formation d’un caillot rouge fibrino-cruorique qui va boucher complètement l’artère.
  • C’est l’infarctus classique, qui représente la moitié des syndromes coronariens aigus chez les femmes.

  • Chez les femmes, avant la ménopause, se sont surtout des plaques de cholestérol plus jeunes, sans calcium, molleset très fragiles qui se développent dans l’artère.
  • Quand ces plaques s’ulcèrent ou s’érodent, cela active la formation de petits caillots blancs de plaquettes qui vont boucher partiellement l’artère et peuvent se dissoudre plus spontanément. L’artère est alors reperméabilisée, laissant le sang circuler à nouveau.
  • Ceci explique que les symptômes puissent apparaitre et disparaitre spontanément jusqu’à l’accident fatal, ce qu’on observe fréquemment chez les femmes.

  • On l’appelle aussi l'infarctus illégitime de la femme, ou infarctus de la femme jeune, car il intervient le plus souvent sans facteur de risque, hormis certainement la charge mentale, le stress...
  • L’artère joue les poupées russes : un trou se forme dans sa paroi, et l’artère se dédouble.
  • Il touche huit femmes pour deux hommes. Ce sont généralement des femmes longilignes, migraineuses, stressées…
  • On l’observe aussi en post-partum, parce que le cœur et les vaisseaux ont été fortement sollicités pendant la grossesse et l’accouchement.

  • Les artères étant très riches en nerfs, un spasme artériel prolongé réduit transitoirement la taille des artères et perturbe l’irrigation du myocarde.
  • Le profil type est une femme nerveuse, fumeuse, migraineuse, avec parfois une contraception avec œstrogène.
  • Là aussi, comme le spasme va et vient, les symptômes sont intermittents.

  • La femme ménopausée, diabétique, hypertendue, en surpoids ou obèse aura plus fréquemment que les hommes une atteinte de la microcirculation et des artérioles distales, les petites ramifications, comme les branches d’un arbre, qui irriguent le cœur.
  • Ce sont des femmes qui vont être très bruyantes à l’effort, ressentir une oppression thoracique à l’effort, être essoufflées et fatiguées à l’effort.
  • Non traitée, cette atteinte peut entraîner un infarctus par une occlusion des artérioles distales.
Comme vous le voyez, il n’y a pas une maladie coronaire, mais des syndromes coronaires différents, qui se traduisent par des symptômes différents. Et cette diversité explique pourquoi il y a parfois une errance médicale devant des symptômes atypiques.
Moi je considère en consultation qu’unefemme qui a des symptômes est cardiaque jusqu’à preuve du contraire si elle a des facteurs de risque. Il faut ensuite être systématique dans son approche et poser un diagnostic par élimination.

Quels sont les facteurs de risque auxquels sont plus spécifiquement exposées les femmes ?

Il y a plusieurs types de facteurs de risque cardio-vasculaire.

Les plus connus, dits facteurs de risque traditionnels modifiables, sont communs aux femmes et aux hommes : tabac, cholestérol… La sédentarité aussi, qui concerne une femme sur deux, et le stress psycho-social, très présent chez les femmes. 

Et, malheureusement, les violences faites aux femmes jouent également un rôle non négligeable.
Il faut également intégrer l’hérédité familiale et l’âge, des facteurs de risque traditionnels dits non modifiables. Et tenir compte des facteurs de risque gynéco-obstétricaux émergeants, spécifiques aux femmes

Par exemple, les femmes qui ont subi une radiothérapie thoracique et/ou une chimiothérapie sont plus à risque que les autres de faire un infarctus du myocarde. Le syndrome des ovaires polykystiques et l’endométriose sont aussi associés au sur-risque métabolique.
On sait aussi depuis peu de temps que les calcifications des artères mammaires sont des marqueurs de risque cardiovasculaires et corrélées aux calcifications des artères coronaires. Repérer les premières à l'occasion d’une mammographie doit inciter à envoyer les femmes chez un cardiologue pour un bilan dédié afin de dépister les secondes.
Les femmes ont aussi plus fréquemment que les hommes des maladies auto-immunes et inflammatoires, qui accélèrent le vieillissement des artères et influencent la formation de caillots sanguins.  

Les facteurs évoluent en fonction de l’âge et de la vie hormonale.

Chez la femme de moins de 50 ans, l’infarctus est principalement lié au tabac, au stress, à la contraception avec œstrogène, à la sédentarité, surtout s’il y a une hypercholéstéromie familiale.
Après 55 ans, à la ménopause, s’ajoutent l’hypertension artérielle, l’obésité abdominale, le diabète. On constate aussi que les femmes après la ménopause ont tendance à avoir des taux de cholestérols, de triglycérides et de glycémie plus élevés que les hommes.
Un bon réflexe à avoir est de faire un bilan clinique et biologique lorsqu’on entre dans une zone d’âge à risque ou dans une période de changements hormonaux.
J’en profite pour signaler un examen dont j’observe l’utilité croissante dans ma pratique professionnelle : c’est le coroscanner, un scanner des artères du cœur. 

Il sauve des vies car il permet d’agir préventivement en repérant les jeunes plaques molles des artères coronaires, alors qu’elles ne se repéreront pas sur un test d’effort.

Comment repérer un infarctus du myocarde chez les femmes ?

Dans un cas sur deux, c’est la douleur typique à la poitrine en étau, irradiant dans le bras gauche et la mâchoire, qui traduit l’obstruction brutale aigüe de l’artère du cœur.

C’est la manifestation clinique la plus connue et la plus fréquente. Mais chez les femmes, plus souvent que chez les hommes, la douleur est plus frustre ou atypique. Elle est aussi accompagnée d’un cortèges d’autres symptômes plus ou moins gênants qu’il faut penser à relier à la maladie des coronaires ! Ce n’est pas simple si on n’est pas systématique.
La douleur peut se traduire par une simple oppression, comme si on avait du mal à remplir complètement son thorax d’air. Ou se situer au niveau du creux de l’estomac. Ou être complétement inexistante !
Cela peut être aussi uniquement des irradiations dorsales, entre les côtes, une douleur isolée ou une sensation de brulure dans la mâchoireou dans le bras. La sensation peut aller crescendo dans l’intensité, puis decrescendo (cas typique du spasme des artères). 
Elle peut être remplacée par des sueurs ou des signes digestifs comme des nausées ou vomissements (quand la coronaire droite ou l’artère circonflexe du cœur sont touchées car elles sont proches de l’estomac et de l’œsophage).  

Il existe des symptômes complémentaires auxquels il faut prêter attention, surtout en présence de facteurs de risque. 

Cette douleur dans la poitrine, cette gêne thoracique ou encore ces signes digestifs atypiques sont souvent associés à de l’essoufflement et/ou une fatigabilité. Les femmes décrivent une sensation d’épuisement.
Il y a un autre symptôme qui est très important selon moi : l’angoisse. Mes patientes me disent qu’elles se sentaient anormalement inquiètes juste avant l’accident. Nous connaissons notre corps et pouvons sentir qu’ilse passe quelque chose d’inhabituel si nous prenons le temps d’écouter nos symptômes.
Cette myriade de symptômes possibles peut sembler anxiogène. Mais la peur n’empêche pas le danger. Connaître les symptômes et surtout ses facteurs de risque permet d’agir au bon moment en se faisant dépister régulièrement.

Que faire en cas d’alerte ?

On a deux heures pour déboucher une artère. Donc chaque seconde compte.

On appelle le 15 ou le 112, sans hésiter. Dans le doute, on appelle quand même.

Les urgentistes sont là pour cela ! On décrit ses symptômesetses facteurs de risques : « Je suis très essoufflée, inhabituellement fatiguée et j’ai une douleur dans le bras. Je fume et je prends la pilule. Mon grand-père est décédé d’une crise cardiaque. » 

Lister ces éléments, en donnant les bons mots-clés, est important pour permettre à notre interlocuteur de prendre la pleine mesure de la situation.
Les mentalités changent, mais je constate tout de même dans ma pratique que les femmes sont encore victimes de préjugés. Quand une femme s'effondre dans la rue, on pense d’abord qu’il s’agit d’un malaise vagal, pas d’un problème cardiaque. Cela peut faire perdre de précieuses minutes !
De même, on hésite parfois à effectuer un massage cardiaque chez une femmecar il faut toucher sa poitrine. Ce qui est important, c’est de faire les gestes qui sauvent ! Et j’en profite pour rappeler ici que ce n’est pas grave de masser un cœur qui fonctionne. Ce qui est grave, c’est de ne pas masser. 

En amont de tout accident, qu’est-ce qui devrait inciter à consulter ?

Ce que j’observe, c’est que dans les semaines ou les mois précédant un infarctus, les femmes ont généralement eu des signes avant-coureurs passés inaperçus, car ils sont encore méconnus et peuvent être intermittents (essoufflement, gêne dans la poitrine, fatigabilité à l’effort, palpitation)

Et, il faut le dire, les femmes ont aussi tendance à minimiser leurs douleurs ou à les attribuer à d’autres causes.
Il faut connaitre ses facteurs de risque et prêter attention à ce qui sort de l’ordinaire : un essoufflement à l’effort, une plus grande fatigabilité, des petites oppressions ou points dans la poitrine qui vont et viennent, des gênes dans le bras à l’effort, des brûlures qui remontent dans la gorge… 

Il ne faut pas hésiter à en parler avec son médecin qui pourra prescrire un bilan.
Il faut aussi agir préventivement plutôt que subir, pour vivre longtemps en bonne santé. Prendre soin de soi, revoir son hygiène de vie, prendre ses traitements quand cela est nécessaire : tout cela vaut la peine et peut permettre d’éviter la récidive après un accident. 

Dans 8 cas sur 10, on peut éviter de rentrer dans la maladie !
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EN RÉSUMÉ, POUR RÉDUIRE LA PROBABILITÉ D’UN ACCIDENT GRAVE, IL FAUT :

  • identifier ses facteurs de risque et agir sur ceux qui sont modifiables,
  • se faire dépister en amont, et se soigner si nécessaire,
  • savoir écouter ses symptômes d’alerte,
  • connaître les gestes qui sauvent pour aider les autres.

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