Déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 23/10/2023|Modifié 23/10/2023

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Ce mois d’octobre a été marqué par un nouveau surgissement de la violence au Proche Orient.
Une violence aveugle, d’une brutalité sans précédent.
Face à cette situation, des inquiétudes et des interrogations naissent légitimement dans notre pays.
Dans ce contexte, il me paraissait important, utile et nécessaire de pouvoir tenir ce débat sur la situation au Proche-Orient.
Un débat, dont je sais qu’il était souhaité par la plupart d’entre vous.
Je ne peux pas m’exprimer devant vous sans revenir sur les faits.
Le 7 octobre dernier, une attaque terroriste barbare a été menée par le Hamas et le Djihad islamique contre l’Etat d’Israël.
Des centaines de civils ont été massacrés.
Des crimes abjects ont été commis.
Chaque jour a révélé son lot d’atrocités : le meurtre sauvage de jeunes lors d’un festival dans le désert ; les horreurs perpétrées dans des kibboutz, comme à Beeri, Kfar Aza ou Réïm ; des femmes, des hommes, des personnes âgées, des enfants enlevés ou brutalement assassinés.
Au total, près de 1400 personnes ont été tuées dans les attaques terroristes de ce mois d’octobre. Et même si 2 otages américaines ont été libérés, plus de 200 personnes sont encore retenues. Parmi les victimes, 30 de nos compatriotes ont été tués et 7 sont encore porté disparus.
Cette attaque n’était en rien comparable aux épisodes de violence comme il y a en a malheureusement eu d’autres dans l’histoire de cette région.
Ce déchaînement de barbarie, commandité et mis en œuvre par le Hamas montre un changement de nature et d’échelle.
Il s’agissait d’une action complexe et préméditée, qui visait à atteindre Israël et sa population en son cœur.
Avant de poursuivre mon propos, je tenais à rappeler ce bilan.
Tout comme le Président de la République a déjà eu l’occasion de le faire, et tout comme je l’ai déjà fait devant cette Assemblée, je tenais à dire, une nouvelle fois, ma solidarité envers le peuple Israélien dans cette épreuve.
Je veux avoir une pensée particulière pour nos ressortissants, en particulier pour les victimes françaises et les disparus, pour leurs proches, leurs familles.
Nous sommes à leurs côtés.
Mesdames et Messieurs les députés,
Minimiser, justifier voire absoudre le terrorisme, c’est accepter qu’il frappe à nouveau demain, en Israël, en France ou partout ailleurs.
Nous ne devons faire preuve d’aucune ambiguïté face à de tels crimes.
Le Président de la République l’a affirmé avec force : Israël a le droit à la sécurité.
Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international.
Et ceux qui confondent le droit des Palestiniens à disposer d’un Etat et la justification du terrorisme commettent une faute morale, politique et stratégique.
Ils ne servent en rien la cause palestinienne.
Soyons très clairs : les Palestiniens ne sont pas le Hamas. Le Hamas n’est pas le peuple palestinien.
L’Autorité palestinienne est notre interlocuteur légitime, qui se bat depuis des années pour la paix.
En agissant comme il l’a fait, le Hamas a exposé délibérément, de manière criminelle et cynique, toute la population de Gaza.
Il utilise les populations civiles comme bouclier humain.
En agissant de la sorte, le Hamas met en péril les espoirs de paix dont les Palestiniens ont tant besoin.
Si je souhaite commencer par rappeler le bilan tragique des attaques terroristes de ce mois d’octobre, si je m’apprête à évoquer les milliers de victimes civiles de Gaza et la situation humanitaire épouvantable dans la zone, c’est parce que nous ne devons pas perdre de vue l’ampleur et la gravité de la crise qui se joue.
Il y a des morts. Il y a des familles brisées.
C’est une tragédie. Et les tragédies se prêtent mal aux postures ou aux indignations à géométrie variable.
Il n’y a pas de victimes qu’il conviendrait de pleurer moins que d’autres.
Il n’y a pas de vies qui valent moins que d’autres.
La situation, la tragédie et le nombre catastrophique de victimes font monter dans le monde entier une profonde indignation.
Dans chacune de nos interventions, nous aurons l’occasion de faire entendre nos sensibilités politiques et nos différences.
C’est sain.
C’est souhaitable.
C’est le principe même du débat démocratique.
Mais face à la gravité de la situation, il nous faut agir en responsabilité.
Ces moments nous appellent collectivement à la hauteur et à la mesure.
Ne le perdons pas de vue.
En prononçant ces mots, je voulais affirmer ici mon soutien et celui de mon Gouvernement, à la Présidente de l’Assemblée nationale, après les accusations ignobles, proférées à son encontre.
*
Mesdames et Messieurs les députés,
Depuis le 7 octobre, le Président de la République a été en contact très étroit avec les autorités israéliennes, avec un message clair : Israël a évidemment le droit de se défendre face au terrorisme.
Les civils doivent être épargnés.
La réponse militaire doit se faire dans le respect du droit international, notamment du droit international humanitaire.
Les populations ne doivent pas payer pour les crimes des terroristes.
Notre pays ne connaît que trop bien le lourd tribut des attentats.
Et nous devons l’affirmer avec force : dans la lutte contre le terrorisme, il ne s’agit jamais de se renier.
Si le terrorisme doit être combattu, la réponse des démocraties doit être juste.
Même dans les combats les plus durs, les plus âpres, nous ne devons jamais perdre de vue ce qui fait de nous des démocraties : nos valeurs, le respect de l’Etat de droit, comme le droit international humanitaire.
Notre amitié et notre solidarité avec le peuple israélien nous obligent à formuler cet appel : Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas.
Plusieurs milliers de Palestiniens sont morts à Gaza, dont de nombreux enfants.
Les deux millions d’habitants de Gaza sont dans une situation d’une extrême gravité.
Ces milliers de vies fauchées. Nous ne les oublions pas.
Je ne les oublie pas.
*
Mesdames et Messieurs les députés,
Dans ce contexte, le Gouvernement est mobilisé sur plusieurs fronts et nous avons pris ces derniers jours les mesures urgentes et immédiates qui s’imposaient.
Tout d’abord, nous agissons depuis la première heure pour la sécurité de nos ressortissants.
Une cellule a immédiatement été activée au centre de crise du ministère des Affaires étrangères.
Les services du Quai d’Orsay, notre ambassade et notre consulat général à Tel Aviv, notre consulat général à Jérusalem travaillent jour et nuit pour assurer un soutien aux familles de nos compatriotes portés disparus ou tués dans les attaques.
Nos ambassades dans la région, notamment à Beyrouth, Amman et au Caire sont totalement mobilisées.
Bien sûr, nous accordons une attention particulière aux familles des disparus.
Le Président de la République s’est entretenu vendredi avec elles, comme la ministre des Affaires étrangères Catherine COLONNA, avait eu l’occasion de le faire à Tel Aviv, il y a une semaine.
Nous sommes en lien permanent avec ces familles pour répondre à leurs inquiétudes.
S’agissant des otages, je veux l’affirmer solennellement : nous mettons tout en œuvre pour obtenir leur libération immédiate et sans condition.
Vous comprendrez que je ne puisse pas en dire plus.
Nous sommes par ailleurs en lien avec la communauté française sur place pour lui apporter le soutien nécessaire.
En deux semaines, la France a permis à 3600 de nos compatriotes de rejoindre le territoire national depuis Israël, avec l’affrètement de moyens civils et le soutien de nos Armées.
Je n’oublie pas les dizaines de Français bloqués à Gaza, dans des conditions extrêmement précaires.
La ministre des Affaires étrangères a pu s’entretenir par téléphone avec beaucoup d’entre eux lors de son déplacement dans la région.
Nous poursuivons nos efforts pour qu’ils puissent quitter la zone.
Permettez-moi de rendre une nouvelle fois hommage aux diplomates, aux militaires, aux fonctionnaires français, engagés sans compter dans cette situation éprouvante.
Ensuite, la France est mobilisée pour venir en aide aux populations de Gaza.
A Gaza, nous devons regarder en face l’ampleur de la catastrophe humanitaire en cours.
L’accès aux services essentiels est quasiment interrompu.
L’eau, la nourriture et le fioul manquent.
Je veux être extrêmement claire : personne ne peut rester insensible face à ce drame humanitaire.
Derrière le vertige des bilans macabres, il y a des femmes et des hommes. Il y a des familles.
Il n’y a pas de nationalité, d’origine ou de religion qui vaille pour mesurer la gravité des événements quand des civils meurent.
Chaque vie civile perdue est un échec pour la communauté internationale.
Les populations palestiniennes ne peuvent être abandonnées à leur propre sort.
Notre solidarité avec elles ne saurait être mise en doute.
C’est pourquoi nous demandons une trêve humanitaire qui permette un accès sûr et immédiat pour l’acheminement d’eau, de nourriture, de fioul, et d’aide humanitaire et médicale à Gaza.
Cet accès doit se faire sous l’égide des Nations Unies, et la sécurité des personnels humanitaires être garantie.
Même si deux convois ont pu franchir la porte de Rafah, entre l’Egypte et la bande de Gaza, tout reste à faire pour qu’une aide à la hauteur de la situation puisse être fournie aux populations civiles.
L’ouverture au point de passage de Rafah est encore très limitée.
Nous appelons à ce que la porte de Rafah soit ouverte pour permettre de nouveaux passages.
Comme l’a souligné la ministre Catherine COLONNA au Caire ce week-end, la distribution d’aide exige une trêve humanitaire qui pourra mener à un cessez-le feu.
Nous demandons cette trêve au plus vite.
C’est un point important, et je le répète face aux contrevérités diffusées notamment par la propagande russe : au Conseil de sécurité, la France a soutenu le projet de résolution présenté par le Brésil dans cet objectif.
La ministre des Affaires étrangères part ce soir, à New-York, précisément pour faire avancer les négociations au Conseil de sécurité.
Nous appelons à mettre fin le plus vite possible à cette période de violence.
La France a toujours soutenu les populations civiles palestiniennes. Elle a ainsi fourni près de 100 millions d’euros d’aide pour les Palestiniens en 2022.
Cette aide est concentrée sur des secteurs vitaux : l’eau, la santé, l’éducation, l’agriculture.
Face à la situation actuelle, comme l’a annoncé le Président de la République, nous avons décidé d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros et nous enverrons prochainement un avion de fret humanitaire pour soutenir la population de Gaza.
En outre, l’Union européenne est le premier fournisseur d’aide humanitaire à la Palestine. Et au sein de l’Union, la France en est l’un des premiers contributeurs.
Face à l’urgence, l’Union européenne a répondu présent :
  • - le montant de son aide humanitaire à Gaza a été triplé ;
  • - et deux vols ont permis d’acheminer plus de 50 tonnes d’aide à la frontière.
Le Conseil européen de cette fin de semaine sera l’occasion de revenir sur le sujet et de faire le point sur le soutien que l’Europe peut apporter.
Puisque j’évoque l’aide que nous apportons à la population palestinienne de Gaza, je voulais en profiter pour revenir sur certaines questions soulevées ces derniers jours.
Il est légitime de s’interroger et de veiller à ce que notre aide humanitaire ne puisse pas tomber entre de mauvaises mains.
Pour autant, gardons-nous de jugements hâtifs et définitifs, qui ne se fondent que sur une vision biaisée des faits.
Les procédures mises en place pour éviter tout détournement de notre aide par le Hamas ou le Djihad islamique sont strictes et scrupuleusement respectées.
D’abord, notre aide bilatérale, comme pour tous nos partenaires, est fournie avec l’accord de la communauté internationale, dont Israël, selon des procédures agréées.
Ensuite, notre aide est mise en œuvre par des agences de l’ONU et porte sur des projets concrets, comme je l’ai déjà évoqué.
Enfin, les aides sont contrôlées par l’administration israélienne elle-même. C’est le cas pour nous, comme pour nos partenaires.
Mesdames et Messieurs les députés,
Le troisième pilier de l’action de la France, c’est la mobilisation pour éviter un embrasement régional.
Depuis le 7 octobre, le Président de la République, la ministre des Affaires étrangères et le ministre des Armées ont multiplié les échanges avec leurs homologues. Ces échanges se poursuivent.
La ministre Catherine COLONNA s’est rendue en Israël, à Jérusalem-Est, au Liban, en Égypte. Elle est également retournée au Caire samedi dernier, pour y participer à la Conférence de paix.
Et le Président de la République sera demain dans la région, pour faire valoir nos propositions et éviter l’escalade.
Plus largement, la France se mobilise pour un règlement durable du conflit avec la mise en place d’un processus politique pour une solution à deux États.
Car nous le savons, la lutte contre le terrorisme ne peut remplacer la recherche de la paix.
Il n’y aura pas de paix durable pour Israël et les pays de la région sans une perspective politique pour les Palestiniens.
La solution est claire : des garanties indispensables pour la sécurité d’Israël et un Etat pour les Palestiniens. C’est la ligne que la France défend avec constance et qu’elle continuera à porter.
La sécurité durable de l’Etat d’Israël, la lutte résolue pour l’éradication du terrorisme dans la région et le respect des aspirations légitimes de chacun, forment un ensemble indissociable.
Les Etats de la région ont à ce titre une responsabilité particulière.
La dynamique de normalisation des relations entre Israël et plusieurs Etats de la région est souhaitable.
Elle doit s’accompagner d’un processus politique pour répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens et des Israéliens.
Notre responsabilité est grande et nous l’assumons.
La France est capable de parler à tout le monde.
Elle est l’amie d’Israël, l’amie des Palestiniens et elle est l’amie des pays arabes de la région.
C’est une position indépendante que nous avons toujours assumée.
Une position qui nous donne un rôle pivot pour aider à tracer le chemin de la paix.
Mesdames et Messieurs les députés,
La situation au Proche-Orient est complexe, difficile.
Elle conduit à des drames épouvantables, comme nous avons encore pu le mesurer ces derniers jours.
Elle a des conséquences lourdes sur la sécurité internationale.
Elle trouve un écho particulier dans chaque pays.
Dans ce contexte, la France a une voix singulière.
Une voix issue d’une longue histoire qui nous confère une responsabilité.
Une voix qui ne méconnaît aucune des souffrances et défend toujours l’exigence de justice et le respect du droit humanitaire.
Cette voix, la France continuera inlassablement à la porter.
Nous n’avons pas le droit de renoncer. La seule solution, c’est la paix.
Je vous remercie.

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