Portrait de Kee-Yoon Kim

« Si être féministe c’est dire qu’on a tous les mêmes droits, évidemment je le suis ! »

Dans une vie antérieure, Kee-Yoon Kim était avocate d’affaires et a même plaidé aux Assises. Aujourd'hui humoriste, elle propose dans un clip-vidéo de « gifler son ex avec une brique ». Une chanson qui mélange univers « kawaï » et paroles franches mais amères. Et qui lui va bien.

 

« Mes parents étaient très déçus d'avoir une fille », nous avoue d'entrée de jeu Kee-Yoon Kim. « Ils ont mis trois jours à me trouver un prénom. Ils étaient persuadés d'avoir un garçon ». Une donnée de départ qui va beaucoup l'influencer pendant son enfance. « Ma mère a toujours beaucoup raconté cette anecdote. Cela n'a jamais empêché mes parents d'être très aimants, mais j'ai très tôt développé le besoin de 'faire tout bien comme les garçons ». Elle est ainsi attirée par les domaines dits « masculins » : elle passe un bac scientifique, se lance dans des études longues et devient avocate. Un milieu, comme celui dans lequel elle évolue aujourd'hui, l'humour, où on lui demande souvent « ça fait quoi d'être une fille ? ». « Honnêtement », nous répond-elle, « je ne me suis jamais posé la question ! »

« L'humour reste un milieu essentiellement masculin ».

Il faut dire que le parcours de Kee-Yoon est exemplaire. Après des études de droit, elle devient avocate d'affaires et intègre le cabinet Bredin Prat. En 2009, elle passe le concours de la Conférence, organisé chaque année par le Barreau de Paris. Un concours d'éloquence qu'elle remporte. Secrétaire de la Conférence en 2010, elle accède pendant un an au pénal, devient commis d'office et plaide aux Assises. Le concours est une révélation : « J'avais préparé des blagues, sans savoir si les gens allaient rire. Et je me suis dit "vas-y, s'ils ne réagissent pas, tu ne te démontes pas, tu continues". Et ça a marché ». Ce qu'elle ressent est alors « génial ». Si elle reprend sa vie d'avocate, l'idée fait son chemin et la réaliser finit par devenir une urgence. « Je me disais que je ferais de la scène "plus tard"... Mais "plus tard" ça ne voulait rien dire. Ça voulait juste dire j'avais peur ». Elle raccroche alors la robe et lâche un « certain confort et la sécurité de l'emploi ». « C'était quand même assez vertigineux ! », avoue-t-elle. Elle prend des cours de comédie, écrit et participe à des scènes ouvertes. En 2012, elle gagne le concours du festival du rire de Montreux et tout s'accélère. Depuis octobre 2013, c'est sur la scène du Théâtre du Gymnase et face à un vrai public qu'elle fait des blagues tous les lundis soirs dans son spectacle, Jaune Bonbon

Portrait de Kee-Yoon KimEt elle n'est pas la seule à remplir les salles : Florence Foresti bien sûr, mais aussi Bérangère Krief, Nora Hamzawi, Claudia Tagbo ... les femmes prendraient-elles le pouvoir dans l’humour ? « Le milieu reste essentiellement masculin », assure Kee-Yoon. « Quand on fait les scènes ouvertes, c’est flagrant : il y a 80% d’hommes ». Cela ne l'empêche pas de suivre sa route. Et de faire ce qu'elle veut : « j’ai tout lâché pour faire ce que j’aime. Surtout ne plus faire ce que veut la société ou ce qui fait plaisir aux gens. Ce n’est pas maintenant que je vais me créer une nouvelle dictature des autres ! ». « J’ai eu la chance d’être entourée de femmes très indépendantes. J’ai été élevé avec les principes d’indépendance, d’égalité républicaine dans l’accès à l’éducation, les études supérieures. Et c’est une force. Tout vient du sentiment de légitimité ».


Quand on lui demande si elle est féministe, Kee-Yoon Kim avoue ne pas bien comprendre la question. « Si être féministe c’est dire qu’on a tous les mêmes droits, évidemment je le suis. Et j’espère bien que tout le monde l’est ! » Elle a récemment fait le buzz avec sa chanson « L'amour avec une brique », qu'elle entonne en fin de spectacle et dans laquelle elle promet à son ex, qui l'a quittée parce qu'elle ne le faisait pas rire, de lui arracher les paupières et de le gifler avec une brique. « Cette chanson, comme le reste de mon spectacle, parle de mon expérience personnelle. Mais c'est vrai que beaucoup de filles se sont reconnues ».

« Être une fille ne m'a jamais posé de problème. Je me sens légitime dans tout ce que je fais. C'est ça ma force ! »

Le clip est, à l'inverse des paroles, très « girly ». A l'image de Kee-Yoon : « j’ai une personnalité un peu cheesy, j’aime bien les petits animaux, les licornes … et en même temps je peux dire des choses très trash ». « Je suis très féminine. Cela ne m'a jamais empêché d'avoir de l'autorité sur mes clients et de me faire respecter. Cela ne m'empêche aujourd'hui aucunement de m'imposer. J'ai conscience que j'ai sûrement beaucoup moins souffert d’inégalités parce que je me suis appuyée sur des socles solides et complétement égalitaires. Mais être une fille ne m'a jamais posé de problème. Je me sens légitime dans tout ce que je fais. C'est ça ma force ! »

 

Kee-Yoon est dans « Jaune Bonbon », les vendredis et samedis au Théâtre du Gymnase
 



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