"Poursuivre nos réformes économiques pour affirmer nos valeurs"

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Manuel Valls.

Publié 25/08/2015

Tribune de Manuel Valls, Premier ministre, publiée dans Les Echos, le 25 août 2015

"En France, la croissance repart (elle a augmenté de 0,7 % au premier semestre). Les entreprises créent à nouveau des emplois (27.000 sur la même période). C’est encourageant, mais c’est encore trop faible. En outre, les soubresauts financiers de ces derniers jours nous rappellent les aléas liés à la croissance mondiale. Nous devons donc poursuivre nos réformes. Persévérer, c’est l’assurance de réussir. Changer de ligne de conduite, c’est la certitude de tout perdre.
Mais, une politique économique, c’est bien plus que des indicateurs. C’est avant tout un outil au service d’une vision de la société, de valeurs. J’en vois quatre, qui guident notre action.
D’abord, le travail, qui permet à chacun de trouver sa place. Promouvoir le travail, c’est encourager l’effort, l’initiative, la prise de risques. C’est reconnaître et respecter les indépendants, les salariés, les ouvriers, les techniciens, les fonctionnaires, mais aussi les jeunes et les chômeurs, qui ne demandent qu’à travailler.
Deuxième valeur : l’émancipation des individus. Chacun doit pouvoir saisir les opportunités qui s’offrent, avancer dans la vie, se relever parfois, ne pas rester enfermé dans sa condition sociale et les préjugés. La société française, plus que d’autres, son école, son marché du travail, souffrent de ce déterminisme social qui brise tant d’espoirs. Peu importent les origines, le sexe ou encore le quartier, le village où l’on vit : chacun doit pouvoir réussir.
C’est pourquoi, la troisième valeur, c’est nécessairement l’égalité. L’égalité, ce n’est pas l’égalitarisme, le nivellement par le bas, comme le voudraient les caricatures véhiculées par certains ! L’égalité, c’est permettre à chacun d’avoir les mêmes chances. Nous devons agir davantage en amont des inégalités, c’est-à-dire investir dans l’éducation, la formation, tout ce qui permettra à chacun d’avoir toutes les cartes en main. Il faut lutter aussi contre l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine.
Enfin, quatrième valeur : la protection. Nous refusons de laisser les salariés seuls, livrés à eux-mêmes face à la loi du marché. On peut au demeurant protéger sans décourager l’effort, ni nuire à la compétitivité.
Ces valeurs –travail, émancipation, égalité, protection –, nous les traduisons en objectifs de politique économique.
Premier objectif : le retour de la croissance. Une société sans croissance est une société qui se fige. Car, sans croissance, pas d’embauches, ni de fruits supplémentaires à distribuer. Mais la croissance que nous voulons n’est pas celle d’hier. La croissance du XXIe siècle doit être respectueuse des personnes et de l’environnement.
Deuxième objectif de notre politique économique : tout faire pour l’emploi, pour ceux qui cherchent leur premier poste, qui ont perdu leur emploi ou enchaînent les postes précaires. Il y a de nouvelles réponses à inventer. La révolution numérique, qui bouleverse le fonctionnement de nombreux secteurs – hôtels, transports –, illustre bien ce besoin de nous adapter, de nous demander quel cadre juridique et quels droits nous pourrons garantir alors que le salariat reculera devant des formes nouvelles d’activité – voire de multi-activité.
Enfin, troisième objectif : baisser la fiscalité. Notre pays a atteint des records dans ce domaine. Ce n’est pas sain. Les impôts sont trop souvent perçus comme une ponction injustifiée et non comme la nécessaire contribution aux charges communes. Une fiscalité et un coût du travail élevés, ce sont aussi des entreprises moins compétitives dans une économie mondialisée. Nous devons aujourd’hui inciter les talents à s’exprimer pleinement sur notre territoire.
Pour atteindre ces trois objectifs, il faut réformer, anticiper les changements en profondeur qui attendent notre pays. Le président de la République et mon gouvernement s’y emploient sans relâche. On a trop dit que la France était incapable de seréformer. Nous faisons la preuve du contraire.
Pour baisser la pression fiscale, il nous fallait maîtriser la dépense publique. C’est une question – disons-le pour ceux qui prétendraient le contraire – d’indépendance, donc de souveraineté. C’est un gage de sérieux, mais aussi de patriotisme. Nous avons donc, méthodiquement, réduit le déficit de 5,1 % du PIB en 2011 à 4 % en 2014. Les 50 milliards d’économies programmées de 2015 à 2017 – un objectif sans précédent – vont permettre de poursuivre la réduction des déficits sans renoncer à nos priorités : éducation, sécurité, emploi, culture. Pour cela, nous rationalisons l’action publique, par exemple en réformant notre organisation territoriale. Nous prenons aussi les mesures de justice qui s’imposent, en luttant notamment avec détermination contre la fraude fiscale.
Nous avons mis à profit cette maîtrise de la dépense publique pour faire baisser le coût du travail : 40 milliards d’euros, grâce au Cice et au pacte de responsabilité et de solidarité, ont été engagés pour soutenir la compétitivité de nos entreprises. Elles affichent déjà un rebond de leurs marges de près de deux points. C’est considérable. Et c’est bon pour l’emploi ! Pour autant, les clichés ont la vie dure : qui sait aujourd’hui que le coût du travail dans l’industrie est désormais moins élevé en France qu’en Allemagne ?
Dès que la dépense publique a été maîtrisée, nous avons également pu baisser l’impôt sur le revenu des Français, en septembre 2014 puis à nouveau cette année. Plus de 9 millions de foyers le constatent.
Notre économie est enfin entravée par des réglementations excessives ou trop complexes. Il faut simplifier, lever les blocages et libérer les potentiels de développement économique partout où c’est possible, permettre aux Français d’avancer, leur faire confiance. C’est le sens de la loi croissance, qui vient d’être promulguée : ouverture des commerces le dimanche, ouverture des lignes d’autocar, ouverture de l’accès aux professions de notaire, d’huissier…
Débloquer la croissance, c’est également miser sur l’innovation, sur la recherche, pour que l’industrie française ait toujours un temps d’avance. C’est l’objectif de la Banque publique d’investissement, qui apporte à nos entreprises les financements nécessaires. C’est aussi l’objectif du programme d’investissements d’avenir, qui finance des projets innovants sur tout le territoire, et du crédit d’impôt recherche, l’un des dispositifs fiscaux les plus avantageux au monde pour la R&D. Nous avons une expertise partout reconnue dans les domaines de l’agroalimentaire, du luxe ou encore de l’aéronautique – le succès de nos Airbus et Rafale le montre. Les exportations françaises ont augmenté de plus de 3 % au premier semestre. Face à la concurrence internationale, nous affirmons notre avantage.
Enfin, dans un pays qui connaît un chômage de masse depuis plus de trente ans, agir pour l’emploi, c’est se poser la question de la réforme du marché du travail. Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, dans leur ouvrage "Le Travail et la Loi", ouvrent un débat à mes yeux essentiel : nous devons repenser la façon d’élaborer une réglementation du travail devenue trop complexe. D’ores et déjà, nous avons permis aux entreprises d’ajuster, par accord collectif, salaires et temps de travail quand elles traversent une période de difficultés, accéléré les décisions des prud’hommes, réformé les procédures de licenciement collectif – elles sont aujourd’hui trois fois moins contestées qu’en 2013. Nous avons conforté les droits des salariés : je pense notamment à la réforme de la formation professionnelle ou à la mutuelle que toutes les entreprises devront fournir à leurs employés d’ici à 2016.
Ces mesures permettent de renforcer notre attractivité, pour que les entreprises étrangères investissent en France et créent des emplois. Notre pays bénéficie déjà d’une main-d’œuvre de qualité, d’infrastructures solides, d’une qualité de vie incontestable. A nous de montrer que le mouvement de réformes ne faiblit pas. C’est dans cet état d’esprit que le gouvernement aborde cette rentrée. Elle sera marquée par de grands chantiers de réformes, avec toujours ces objectifs : croissance, emploi, baisse de la fiscalité. J’en donnerai trois exemples.
D’abord, le projet de loi de finances pour 2016. A travers le pacte de responsabilité et de solidarité, l’ampleur du soutien aux entreprises ne sera pas remise en cause. Les entreprises ont besoin de cette visibilité pour investir et embaucher en confiance. Mais je l’ai dit au patronat : chacun doit tenir ses engagements. Nous tenons les nôtres. Aux entreprises de tenir les leurs. Les ménages bénéficieront quant à eux d’une nouvelle mesure de baisse d’impôts l’année prochaine, comme l’a annoncé le président de la République. Ces trois années de baisse consécutives allègent l’impôt des classes moyennes et populaires. L’impôt sur le revenu sera aussi modernisé grâce à la mise en œuvre du prélèvement à la source, qui entrera en vigueur en 2018.
La rentrée sera également marquée par un projet de loi sur le numérique qui soutiendra les nouvelles formes de l’innovation, leurs nouveaux acteurs, leurs nouveaux usages, tout en protégeant les consommateurs. Amplifier l’activité économique, créer des opportunités, ce sera également l’objectif d’une seconde loi croissance prévue en 2016.
Troisième grand chantier : continuer de bâtir notre modèle de « flexisécurité » à la française. Pour cela, il faut faire confiance au dialogue social à tous les niveaux, et notamment dans l’entreprise. J’attends ainsi beaucoup des propositions audacieuses que me remettra Jean-Denis Combrexelle. L’objectif, c’est de laisser plus de liberté aux entreprises et aux salariés pour prendre les décisions les mieux adaptées pour eux.
Poursuivre les réformes, c’est aussi agir à l’échelle de ce grand espace économique de plus de 500 millions d’habitants qu’est l’Union européenne. C’est notre espace économique naturel. Il faut qu’il aille vers plus de croissance, plus d’emplois. C’est pour cela qu’avec d’autres, la France a plaidé pour un soutien massif à l’investissement. Nous avons été entendus avec l’adoption, en juin dernier, du plan Juncker, qui apportera 315milliards d’euros pour des projets dans les secteurs de la transition énergétique, du numérique ou encore pour soutenir les PME.
Agir à l’échelle européenne, ce sera évidemment – la crise grecque l’a souligné avec force – se doter d’institutions plus légitimes, d’instruments de pilotage plus efficaces, et instaurer une convergence réelle aux plans financier, fiscal et social. La France, par la voix du président de la République, est à l’initiative et fera dans les prochaines semaines de nouvelles propositions dans ce sens.
Des valeurs – travail, émancipation, égalité, protection –, des objectifs – croissance, emploi, baisse de la fiscalité – et le devoir de réformer : telle est notre politique économique. Une politique qui rompt avec les facilités du passé – pression fiscale et dépenses publiques accrues – et réinvente ses outils. Une trajectoire économique assainie, avec une dépense publique moins lourde et une baisse de la fiscalité, c’est ce qui redonne davantage de marges de manœuvre, et apporte un nouveau souffle à la croissance. Un nouveau souffle qui permet des recettes fiscales supplémentaires, c’est-à-dire une trajectoire économique assainie et donc une économie française plus forte au service de tous les Français.
Notre politique économique est volontariste : il faut l’être pour façonner notre destin collectif, pour affronter la mondialisation. La France a besoin de cette force d’entraînement. Et à ceux qui voudraient se barricader, nous affirmons avec force que la France a les moyens de ses grandes ambitions."
Tribune de Manuel Valls, Les Echos, 25 août 2015

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