Discours du Premier ministre devant le forum économique franco-marocain

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 16/11/2017

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Chef de gouvernement,
Madame la Présidente de la CGEM,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose, je tiens à remercier les organisateurs du Forum économique Maroc-France, la Confédération Générale des Entreprises du Maroc et le Medef International, ainsi que vous, Monsieur le Chef de gouvernement, pour votre invitation et l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé.
J’ai eu l’occasion de le rappeler hier, à mon arrivée, lors de notre entretien : le lien qui unit la France au Maroc est unique - un partenariat d’exception - et le Président de la République lui-même est personnellement attaché à cette relation. Il en a fait la démonstration en se rendant au Maroc dès le mois de juin après son élection, à l’invitation du Roi Mohammed VI, pour une visite d’amitié et de travail.
Je tiens à mon tour à vous dire à quel point je suis honoré d’intervenir devant vous, mesdames et messieurs, qui êtes les meilleurs ambassadeurs du partenariat d’exception qui unit nos deux pays. Vous le savez, je crois profondément dans le rôle primordial que jouent les entrepreneurs dans le resserrement des liens entre deux nations.
Permettez simplement que je vous livre mes pensées sur l’état de nos relations car je pense, comme ce passionné du Maroc qu’est Le Clézio (Désert), que « c’est seulement ce qu’on veut dire, tout à fait de l’intérieur, comme un secret, comme une prière, c’est seulement cette parole-là qui compte ».
Cette amitié est le fruit d’un destin commun.
L’Histoire nous a donné en partage une langue, une culture et un avenir à bâtir, avec confiance et audace ; ces deux qualités qui sont l’aiguillon « des hommes et des femmes du sable, du vent, de la lumière de la nuit » dans leur marche sous le « vent du désert », dont nous parle Le Clézio dans son grand roman marocain, Désert. Et je ne doute pas, Mesdames et Messieurs, qu’elles parlent également aux entrepreneurs que vous êtes, même si le vent du désert ne parvient pas forcément jusqu’à Rabat où nous sommes aujourd’hui réunis.
Ces hommes et ces femmes sont autant de destins individuels qui relient les deux rives de la Méditerranée. C’est un Normand qui vous parle. Un Normand, parfois ça connaît mal les effets bénéfiques du soleil, en tout cas moins bien que nos amis méditerranéens. Mais un Normand connaît l’appel du large. Et je suis attaché, pas en tant que Premier ministre, mais en tant que personne, à voir la mer comme un pont, pas comme une séparation.
Aujourd’hui, ce sont plus de 2 millions de touristes français qui viennent au Maroc chaque année, 80 000 Français qui résident au Maroc, 30 000 étudiants marocains qui étudient en France, constituant ainsi le premier contingent d’étudiants étranger. Enfin, et le chiffre est éloquent, 1,3 millions de Marocains vivent en France.
Ces hommes et ces femmes sont au coeur de notre relation et concourent à une meilleure compréhension entre nos deux pays, ils imbriquent nos pays. Ils sont également les acteurs du développement des liens économiques entre nous. La France, avec l’aéronautique, avec l’automobile, avec la ligne à grande vitesse également a été, est et veut rester un acteur des grandes filières industrielles au Maroc.
Notre richesse commune, c’est également la langue. Ce n’est pas un hasard si le Président de la République a choisi Leïla SLIMANI, prix Goncourt 2016 pour son deuxième roman « Chanson douce » comme représentante spéciale pour la francophonie. Quel symbole ! Quelle reconnaissance et surtout quel beau visage pour la Francophonie. Le visage d’une femme, marocaine, jeune maman, qui a conquis la critique française et le grand public et à laquelle nous confions l’avenir de la langue française dans le monde.
Mais, Mesdames et Messieurs, si le passé nous unit, le présent et l’avenir nous incitent à nous mobiliser toujours davantage.
Je me rends aujourd’hui dans un Maroc résolument moderne et tourné vers l’avenir.
Le Maroc a pleinement trouvé sa place dans l’économie mondialisée et s’affirme aujourd’hui comme un pays de stabilité et de sérénité. Je voudrais rendre hommage à la volonté réformatrice du Roi Mohammed VI, dont l’action est guidée par une indiscutable ambition de répondre aux enjeux du développement humain. Je ne doute pas que cette volonté trouvera à se déployer pleinement dans le processus de régionalisation avancée, qui doit permettre au Maroc d’apporter une réponse puissante et moderne aux défis auxquels il est confronté.
Le choix du Maroc d’accueillir la COP 22, mais aussi les priorités économiques et sociales, réaffirmées dans le Discours du Trône, sont autant de jalons décisifs dans la construction d’une prospérité, d’une croissance responsables et modernes, et en même temps respectueuse des longues traditions du Maroc.
Je veux redire ici le souhait du Président de la République et de mon gouvernement d’amplifier nos relations, en particulier dans le domaine économique, à travers une ambition renouvelée.
Votre présence en nombre aujourd’hui est, me semble-t-il, un excellent indicateur de l’excellence de notre relation économique. La bonne santé de cette relation ne doit toutefois pas masquer d’autres indicateurs qui dessinent un tableau un peu plus nuancé de nos échanges dans ce domaine :
La France reste le premier partenaire économique du Maroc. Nos entreprises, elles me l’ont confirmé ce matin, sont heureuses d’investir au Maroc. Ce sont près de 900 entreprises françaises qui sont implantées dans le Royaume. Elles contribuent à employer près de 100 000 personnes.
Mais les parts de marché françaises s’érodent. Nous devons nous poser les bonnes questions pour remédier à cela. Vous les entrepreneurs qui faites vivre au quotidien ces échanges, vous êtes les experts du domaine. C’est pourquoi je me tourne vers vous pour que nous remédiions à cette situation :
1/ En ouvrant la porte aux PME et aux ETI qui peuvent mailler le territoire.
La relation entre la France et le Maroc dans le domaine économique est une relation mature, de long terme, entre deux partenaires qui se complètent, à l’exemple de Renault, Safran, PSA, qui ont porté l’émergence des nouveaux métiers du Maroc. La France a été aux côtés du Maroc dans de grandes réalisations d’infrastructures : port de Tanger Med, tramway de Casablanca, Ligne à Grande Vitesse : première LGV sur le continent africain dont nous pouvons tous être fiers et je salue le Président de l’ONCF et celui de la SNCF, Guillaume PEPY, qui m’accompagne.
Que ce soit en France ou au Maroc, la logique économique et industrielle doit nous pousser à essaimer partout dans nos pays. La relation économique franco-marocaine a très longtemps été incarnée par nos grands groupes et nous pouvons en être fiers. Une nouvelle étape doit désormais s’engager. Cette relation doit s’ouvrir à de nouveaux acteurs, à la mesure de la diversité et densité de nos échanges. Je pense aux PME, aux ETI, encore trop insuffisamment présentes à l’export, et en particulier sur le marché marocain. J’appelle les grands groupes à faire venir dans leur sillage leurs sous-traitants français pour qu’ils se développent également à l’international et profitent de leur élan.
2/ En étant imaginatif et ambitieux dans les secteurs que nous investissons.
Cela passe par un espace accru pour les jeunes start-upers, le numérique, la recherche, l’innovation, l’agro-industrie, le numérique. Cet espace accru, nous devons le soutenir par des moyens, notamment financiers.
Nous le faisons en finançant de l’assistance technique au profit des start-ups, géré par votre Caisse centrale de Garantie. Nous signerons aujourd’hui une déclaration d’intention visant à mettre en place une coopération dans le domaine du numérique, afin d’accompagner la mise en place de l’Agence du Développement du Digital.
3/ Notre ambition est grande au Maroc parce que notre responsabilité collective est grande.
L’Afrique est une terre d’opportunités. C’est une terre d’avenir qui est soumis à une croissance démographique forte. On sait que ce défi est source de tensions, migratoires, sécuritaires. C’est notre responsabilité d’y veiller. Le Maroc partage ces préoccupations. Le Maroc est une terre d’accueil, une terre qui subit aussi les difficultés liées aux migrations économiques.
L’Europe ne peut pas tourner le dos à ces questions. C’est le sens du plan d’ensemble que le Président de la République a mis en place. Un plan qui doit passer par le retour à la stabilité en Libye, et je parle ici dans le palais des congrès de Skhirat, où ont été signés les accords du même nom avec l’ensemble des parties libyennes.
Nos amis du Maghreb y ont un rôle très spécifique à jouer. Etre situé au Nord de l’Afrique, c’est être africain mais déjà un peu européen. Certains voudraient parfois l’oublier, ou voir les choses comme ça les arrange. Mais la responsabilité d’un Premier ministre, c’est de voir les choses telles qu’elles sont. C’est pourquoi nous voulons être un partenaire de confiance et qui prend ses responsabilités à son tour.
Nous allons ainsi doubler le montant annuel des prêts de l’agence française de développement, qui vont atteindre 400 M€ par an. Nous conforterons ainsi la place de premier bailleur de l’AFD au Maroc.
Et quand je parle de responsabilité, je veux être clair. C’est notre intérêt collectif. Si l’économie marocaine va bien, ce n’est pas seulement un gage de prospérité et de sécurité pour le Maroc. C’est également la possibilité pour les entreprises marocaines de se projeter. Certaines investissent d’ailleurs en France. Et j’encourage les investisseurs marocains à choisir la France pour développer leurs projets en Europe. Je me réjouis qu’en 2016, six projets marocains aient permis de créer 220 emplois en France. C’est un début.
Je voudrais terminer mon propos en vous parlant d’Afrique.
Plus précisément, de la place du Maroc en Afrique, et de l’importance du continent dans la relation franco-marocaine. Car vous le savez, le siècle qui s’ouvre nous invite à nous départir d’une vision parcellaire du continent africain. Il nous faut adopter une vision d’ensemble de l’Afrique.
La France et le Maroc ont une responsabilité partagée en Afrique. La France est un pays méditerranéen qui a des relations historiques avec l’Afrique.
Le Maroc est un pays arabe, africain, musulman ouvert sur l’Afrique et la Méditerranée. Cette année a marqué un tournant avec la réintégration de l’Union Africaine ainsi que la perspective de l’adhésion pleine et entière du Royaume à la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Nous avons donc des atouts et des forces qui sont convergents et qui peuvent être un tremplin.
***
Mesdames et Messieurs, j’avais commencé mon propos en vous parlant du vent du désert ; celui-là même qui met à l’épreuve la détermination des marcheurs. Et de fait, nous avons de formidables défis à relever – et le plus important est assurément de garantir à notre jeunesse cette croissance inclusive, créatrice d’emplois, à même de résorber les inégalités, qui concernent nos deux pays.
Mais comme celui qui, vivant au désert, « apprend à supporter la brûlure du soleil, à supporter sa soif tout un jour, à vaincre sa peur, sa douleur, son égoïsme » (Le Clézio, Gens des nuages), aucun obstacle, aucune difficulté ne nous arrête.
Par conséquent, je ne doute pas qu’ensemble, et grâce à vous, Mesdames et Messieurs, nos pays qui marchent déjà main dans la main, poursuivront avec succès la très longue marche qui est la leur ; fiers du chemin accompli depuis tant d’années et confiants dans notre capacité à bâtir ensemble un avenir où traditions, modernité, et responsabilité ne trouveront qu’à s’enrichir mutuellement.

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