Discours du Premier ministre lors de la semaine des Ambassadeurs

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 31/08/2017

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre

Semaine des Ambassadeurs - Station F

Jeudi 31 août 2017
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,
Madame la Ministre de l’Europe,
Mesdames, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames, Messieurs,
« Le monde dont j’avais hérité ressemblait à un homme dans la force de l’âge, robuste encore, bien que montrant déjà aux yeux du médecin, des signes imperceptibles d’usure, mais qui venait de passer par les convulsions d’une maladie grave ».
Ce n’est évidemment pas moi qui ai hérité de ce monde, mais nous tous. Sa « force de l’âge », à quoi la reconnaissons-nous ? À la solidité des institutions internationales ? À la progression de la mondialisation ? À la lente mais réelle diffusion du progrès économique ? Les signes d’usure sont quant à eux peut-être plus explicites : usure de l’Union européenne sous sa forme actuelle, usure des partis traditionnels, usure aussi d’un modèle économique qui menace sa survie en menaçant celle des ressources naturelles. Enfin, « les convulsions d’une maladie grave » sont malheureusement plus nettes : un terrorisme aveugle, une guerre civile qui s’éternise en Syrie, une course aux armements pas totalement dénuée de rationalité mais en vérité suicidaire en Corée du Nord, au Venezuela, un populisme vivace. Ces convulsions prennent aussi la forme d’inégalités insupportables au sein des Etats et entre les Nations.
Alors oui, je crains que le diagnostic du faux Hadrien, j’entends par là l’Hadrien « plus vrai que nature » de Marguerite Yourcenar, soit encore valable Et que son objectif de « Tellus stabilita » reste une quête de la plus grande actualité.
Alors, plutôt que de refaire l’histoire ou de peindre un monde qu’il est difficile de capturer et dont vous êtes les spécialistes, j’ai choisi de vous parler aujourd’hui de ce en quoi je crois vraiment. En trois temps très simples :
  • La transformation que nous sommes en train de vivre;
  • La place que doit y prendre notre diplomatie ;
  • Les objectifs et les moyens qui en découlent.
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I/ Il est en effet des époques que certains appellent des « moments machiavéliens », des périodes d’accélération, de transformation, de basculement de l’histoire et par conséquent de déséquilibres. Quand le pays a élu le plus jeune chef de l’Etat depuis l’avènement de la République, quand je regarde les nouveaux visages de la majorité parlementaire, quand je vois la profondeur des réformes que nous lançons, quand je sens les puissants mouvements de fond sur la scène mondiale avec un risque protectionniste inédit, je me dis que peut-être, oui, nous vivons un de ces moments « machiavéliens ».
Dans ces moments, ce qui est capital, c’est de ne pas confondre la tactique avec la stratégie. Il y a le court terme, les affaires à gérer, les crises à traiter, les contrats à soutenir. Et puis il y a la stratégie. Cette stratégie, le président de la République l’a présentée aux Français durant la campagne. Il l’a ensuite précisée devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet dernier. Je l’ai déclinée le lendemain. Oh, rassurez-vous : j’ai conscience que d’autres avant moi ont vanté, en général avec conviction et sincérité, l’ampleur des réformes qu’ils engageaient. Certaines l’étaient. Je ne le conteste pas. Mais ce que nous voulons mettre en oeuvre est d’une autre nature. Il s’agit d’une transformation. Une transformation des structures économiques et sociales de notre pays qui passe, selon nous, par trois grandes priorités, ce que l’on pourrait appeler le « triangle de la transformation » :
1/ La première arête de ce triangle consiste à restaurer la compétitivité de l’économie française pour renouer avec une croissance forte et durable qui profite à tous. Cela implique de relever très rapidement plusieurs défis :
Il y a le défi de l’adaptation de notre marché du travail aux nouveaux besoins des salariés et des entreprises. Besoin de souplesse, besoin de sécurité, besoin de simplicité, besoin de dialogue aussi. Sur tous ces sujets, lourds, complexes, anciens, nous sommes désormais tout près d’aboutir. La concertation a eu lieu. Elle va d’ailleurs continuer. Elle a permis de clarifier et d’enrichir ce qui devait l’être. Tout à l’heure, nous publierons le contenu des cinq ordonnances que le conseil des ministres adoptera le 22 septembre avant leur ratification par le Parlement.
Mais il y a aussi le défi de l’assainissement de nos finances publiques. Je ne reviens pas sur le rapport de la Cour des Comptes. Il ne s’agit pas, et vous le savez, uniquement d’une question comptable. Mais d’une question de souveraineté, d’efficacité de l’action publique et de crédibilité, en particulier vis-à-vis de nos partenaires européens. Un pays qui ne tient pas ses promesses est un pays que l’on n’écoute plus. Dès 2017, la France doit revenir sous la barre des 3% sinon nous serons le seul grand pays en Europe à ne pas honorer nos engagements. C’est le prix de notre souveraineté. Mais cet objectif est un prélude. Le prélude à une baisse maîtrisée, pilotée, « pensée » durant le quinquennat du poids de la dépense publique de 3 points de PIB et d’une baisse de 5 points de PIB de notre dette.
Il y a le défi, connexe, de la baisse de la pression fiscale, au bénéfice de tous. Nous ne pouvons plus être les champions du monde de la dépense publique et de la fiscalité. Cette baisse de la fiscalité bénéficiera à tous : aux plus modestes, aux actifs – il faut que le travail paie – aux entreprises. Cet automne, je présenterai le projet de budget pour 2018 ainsi que la trajectoire fiscale de notre pays pour les cinq années à venir. L’objectif, c’est de garantir de la visibilité et de la stabilité aux ménages bien sûr, mais aussi aux entreprises, françaises comme étrangères. Mesurez-le bien : ce sera le plus bel argumentaire que vous pourrez présenter aux investisseurs étrangers que vous devez rencontrer. Nous leur avons déjà adressé un signal. Le signal d’une France ouverte, d’une capitale, Paris, d’une région, l’Île-de-France, qui savent mettre leurs atouts en valeur pour attirer les entreprises financières qui voudraient s’y installer à la suite du Brexit. Ce signal a pris la forme de plusieurs mesures, très concrètes et de premières réussites : suppression dès 2018 de la taxe sur les transactions financières intra-journalières, de la quatrième tranche de la taxe sur les salaires, mais aussi ouverture de nouvelles classes bilingues et de sections internationales dans les lycées.
Il y a enfin le défi de l’investissement. Ce n’est pas ici, dans cette Station F, que je vais expliquer que pour croître et se développer, il faut investir. Pas n’importe où, ni n’importe comment et à n’importe quel prix. Mais il faut investir. Le Gouvernement travaille ainsi à l’élaboration d’un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros. Il bénéficiera à tous les secteurs d’avenir, à commencer par le premier d’entre eux, celui de la formation des hommes et des femmes de notre pays.
2/ Car renforcer la compétitivité de notre économie d’aujourd’hui, c’est bien. Mais construire celle de demain c’est mieux. C’est pourquoi, notre deuxième grande priorité, la deuxième arête de notre triangle de la transformation, consiste à réussir deux transitions.
Il nous faut réussir bien-sûr la transition écologique. Pour le pays qui a accueilli sur son sol la négociation finale et la signature de l’accord sur le climat, sa réussite est une nécessité économique mais aussi politique et diplomatique. Mobilité, fiscalité écologique, alimentation, réduction des pesticides, sobriété énergétique, tous les sujets sont sur la table. C’est une course, de vitesse et de fond, dans laquelle la France a su démontrer son agilité.
Mais nous devons aussi, cher Mounir Mahjoubi, cher Xavier Niel, chers chefs d’entreprises et startuppers, investir la transition numérique. Une transition qui porte le développement de nouvelles pépites. Une transition qui soit un levier d’optimisation des politiques publiques en dématérialisant d’ici 2022 la quasi-totalité des démarches administratives. Une transition qui ne laisse personne sur le côté en faisant en sorte que citoyens et entreprises bénéficient partout d’un accès au haut ou au très haut débit d’ici 2020. Une transition qui s’effectue « en toute sécurité » : sécurité nationale bien sûr, sécurité des données privées, sécurité aussi des secteurs économiques qui font face à de nouvelles concurrences pas toujours très loyales.
3/ Quant à la troisième arête de ce « triangle de la transformation », elle vous paraîtra classique. Tant elle fait partie de notre histoire. C’est la priorité de l’intelligence. La France est la patrie des Droits de l’Homme parce qu’elle est la patrie de l’intelligence. Celle des Lumières, de l’école de Jules Ferry, de la recherche de Pasteur à Marie Curie. Je pourrai citer des centaines de noms des sciences, des lettres, dont la mémoire honore notre pays. C’est aussi pour cette intelligence collective et généreuse que des peuples et des pays étrangers nous aiment. Il ne faut pas l’oublier et – surtout – il ne faut pas sous investir dans ces domaines.
J'entends, en premier lieu, l’effort d’investissement dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux. On ne peut plus tolérer que 20% des élèves quittent l’école élémentaire sans savoir lire, écrire et compter. C’est un effroyable gâchis en plus d’être une injustice sociale. A peine élu, le Président de la République a annoncé des mesures fortes, ciblées, effectives dès cette rentrée, comme le dédoublement des classes de CP dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcé (REP+) ou l’encadrement des devoirs au collège.
Mais je pense aussi à l’enjeu de l’excellence. Ce n’est pas un gros mot, l’excellence. Surtout si elle s’offre à tous sans être réservée à quelques-uns. Cette excellence, elle doit pouvoir s’épanouir dans différents lieux, voire à différents moments de la vie : à l’université bien sûr, mais aussi dans le cadre de l’apprentissage que nous allons développer massivement ou de la formation professionnelle des salariés comme des chômeurs à laquelle, je l’ai dit, nous allons consacrer des moyens considérables.
Et je pense, enfin, à l’investissement dans la recherche et l’innovation, auxquels nous dédierons 10 milliards d’euros dans le grand plan d’investissement. Je veux redire ici l’importance pour la France de pouvoir compter sur une recherche fondamentale solide, à la fois puissant moteur de progrès humain et relais de croissance et d’influence.
Cette transformation, nous la ferons. Ces défis, nous les relèverons. Et vous, vous les expliquerez. Vous les expliquerez aux décideurs publics ; vous les expliquerez aux relais d’opinion, investisseurs, écrivains, artistes, journalistes, bloggeurs, startuppers, étudiants.
Ce qui m’amène à mon deuxième point : quelle peut être la place d’un réseau diplomatique dans cette transformation du monde et de la France, à ce moment si particuliers, hic et nunc ?
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II/ Pour cela, je voudrais repartir du lieu où nous nous trouvons, cette Station F, qui incarne beaucoup de choses : les nouvelles technologies bien sûr, la jeunesse, l’innovation, l’audace. Station F, c’est une vitrine de la France à l’étranger. Mais c’est aussi un futur lieu prescripteur du numérique. Si nous sommes là, c’est parce que l’une des fonctions d’un réseau diplomatique, c’est d’investir ces lieux prescripteurs. Ces lieux où se décident les standards de demain, les futures normes, dont on sait que c’est bien plus elles que le niveau des droits de douane qui faciliteront, ou non, les échanges commerciaux. Et ces lieux ce sont de moins en moins seulement les lieux de pouvoir habituels, les halls des grands hôtels ou les antichambres des ministères, et de plus en plus les plateformes où, pour le dire simplement, « les choses se passent » - plateformes physiques comme plateformes numériques.
1/ Peser dans ce monde, c’est être capable d’être un coeur de réseaux. Nos amis étudiants et startuppers me corrigeront si je me trompe, mais dans l'économie actuelle des plateformes, l’enjeu n’est pas tant de tirer une marge importante de la vente de chaque produit, que d’être la plateforme où les échanges s’effectuent.
Dans cette nouvelle organisation économique, la diplomatie a toute sa place car c’est une économie de réseaux. Et, pardonnez-moi, mais cette économie de réseaux est un peu dans vos gènes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’une des plus grandes figures diplomatiques de notre pays : « j’ose dire hardiment que négocier sans cesse, ouvertement ou secrètement, en tous lieux, encore même qu’on n’en reçoive pas un fruit présent et que celui qu’on en peut attendre à l’avenir ne soit pas apparent, est chose tout à fait nécessaire pour le bien des Etats ». Vous aurez reconnu RICHELIEU dans son Testament politique. « En tous lieux », dit-il en 1642. Traduit en 2017, cela veut dire aller à la rencontre des startups, sur les campus des universités, dans les incubateurs, au milieu de la jeunesse. Donc à Station F.
2/ Alors oui, cela implique de nous moderniser car les organisations qui réussiront seront celles qui sauront capter cette information éparse et diffuse, l’exploiter en faisant le pont entre l’hyper macro et l’hyper micro, et innover plus vite que les autres. Et ce, à deux niveaux :
- Au niveau géographique. L’universalité du réseau est un atout. Elle doit être maintenue. Mais l’accélération de la bascule du monde doit être mieux anticipée dans notre politique de redéploiement, par exemple en étant présents sous une forme ou sous une autre dans toutes les mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants des pays émergents. Leurs logiques dépassent désormais souvent celles des Etats. Cela impose de repenser nos points d’ancrage traditionnels. Une inspection conjointe IGAE-IGF fera des propositions sur notre présence en Europe – celle du Quai d’Orsay mais aussi celle des autres administrations – car nous devons avancer d’un même pas. Je tiens à cette cohérence interministérielle : c’est pourquoi je réunirai d’ici la fin de l’année un CORINTE.
- Au niveau politique, l’efficacité commande de parler à tous et de bâtir, pour chaque sujet, des coalitions à géométrie variable pour que la France reste là où elle s’est toujours trouvée, au centre du jeu. Les institutions de Bretton Woods sont contestées par des puissances qui estiment qu’elles ont été bâties en d’autres temps et sans elles. De nouvelles apparaissent, tout aussi puissantes : la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, créée en quelques mois par la Chine à qui on refusait une révision de ses quotes-parts a un capital équivalent – 100 milliards de dollars – à celui de la Banque mondiale… Mais cet impératif de coalition s’exprime tout autant à l’échelle de l’ambassade : chacun de vous doit construire des alliances de projet, avec tous types d’acteurs. Vous devez créer et animer des réseaux, d’anciens élèves, de mécènes, de passionnés ; lancer des programmes d’identification des jeunes pousses ; devenir des têtes de réseau sans verser dans le réseautage. La grande diplomatie se mesurera à cette capacité d’entraînement – et donc, aussi, à votre capacité d’entraînement personnelle.
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III/ Pour maintenir cette agilité, nous devons donc, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, réinterroger sans cesse notre action. J’en viens ainsi à la troisième et dernière étape de mon raisonnement : les objectifs et les moyens de notre diplomatie.
1/ L’absolue priorité, c’est la sécurité nationale. Un réseau d’organisations terroristes a déclaré la guerre au monde et prétend lui imposer un nouvel ordre totalitaire. Ce dont il est question, c’est d’un projet de domination, de destruction des libertés et de la culture, animé par des dirigeants déterminés, organisés, financés, armés. Les victoires de la coalition contre Daech en Irak, en Syrie et en Libye, auxquelles la France s’honore de participer, démontrent que cet ennemi n’est pas invincible. Mais notre réponse de fond, au-delà de la fermeté, doit être plus large. Elle passe par l’extension du domaine de la règle de droit :
  • Pour contrebalancer la réalité brutale des rapports de force et promouvoir une organisation alternative au risque d’unilatéralisme des super-grands comme à la faiblesse des Etats-faillis ;
  • Pour répondre aux risques associés à ce monde d’une grande fluidité, des menaces virales à l’évasion fiscale, du trafic de drogue à la traite des êtres humains.
Face à cette réalité, la France doit être forte militairement : nous consentirons un effort exceptionnel au profit des Armées. La France doit soutenir le renforcement des institutions multilatérales, s’investir au sein du Conseil de sécurité, consolider l’expansion de son réseau de relations stratégiques avec les grands partenaires mondiaux. Qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de la Russie, de la Chine, de l’Inde ou du Japon, de l’Arabie Saoudite et des Etats du Golfe ou de l’Iran, la France doit parler avec tous et entretenir avec chacun un dialogue libre et intense.
2/ Sur le continent, nous voulons une Union européenne qui nous protège et nous renforce. Le président de la République a été élu sur une ambition européenne assumée. Le gouvernement, ses ministres, s’emploient à la déployer sur quatre fronts prioritaires :
  • La révision des règles du travail détaché ;
  • La réforme du droit d’asile avec le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’UE et la coopération en matière migratoire ;
  • La définition d’une politique commerciale et d’instruments de contrôle des investissements stratégiques dans un esprit de réciprocité ;
  • Le développement de l’Europe de la défense qui a ces derniers mois connu des progrès majeurs.
Après les élections allemandes, le Président de la République l’a dit, la France proposera de nouvelles avancées. Une fois encore, cela suppose de bâtir des coalitions, de rester au coeur des réseaux d’alliances, d’être celui qui rédige les premiers « projets », ou « platforms » comme disent les anglo-saxons.
A la base bien entendu, il y a le couple franco-allemand qui se renouvelle sans cesse comme l’a démontré le dernier Conseil des ministres franco-allemands du 13 juillet dernier. Ce noyau n’est pas exclusif. Le Président de la République vient de réunir ses homologues allemand, espagnol et italien pour un sommet en format « Versailles ». Et au-delà bien-sûr, faire avancer l’Europe suppose de réunir des majorités « qualifiées » à la table du Conseil. La France et ses ambassadeurs sont reconnus pour exceller dans cet exercice, en s’appuyant sur la cohérence de nos positions interministérielles. Cette influence se joue aussi au sein de la Commission et au Parlement européen, où nous sommes en revanche insuffisamment présents.
Ce travail global de refondation reposera sur la confiance ; et la confiance sur le débat. Ce débat, nous voulons qu’il fasse appel à tous, et en particulier à la jeunesse d’Europe. Nous lancerons ainsi, le Président l’a annoncé, en France et dans les pays volontaires, des conventions démocratiques, pour placer les citoyens au coeur de la réflexion collective et dégager les priorités d’une Europe des peuples.
3/ Au-delà, promouvoir efficacement nos intérêts économiques nécessitera là-aussi de bien cerner nos objectifs. Sortons de cette vision colbertiste qui veut qu’une exportation soit bonne et une importation mauvaise. En tant qu’ancien maire du premier port de France, je peux vous parler des richesses que les grands flux mondiaux apportent à notre économie ! Les chaînes de valeur du XXIème siècle sont complexes. L’enjeu est donc le positionnement de nos entreprises en leur sein ainsi que la valeur créée sur notre territoire. Davantage de PME doivent exporter – il y a deux fois moins d’entreprises exportatrices en France qu’en Italie ! – mais toutes n’y sont pas prêtes – là aussi sortons de nos schémas simplistes dont certains disent à tort que « l’export, c’est facile ». Mais il est du devoir de la puissance publique, Etat comme régions, de former bien davantage et d’informer encore mieux les PME sur les défis des marchés étrangers.
Or, notre dispositif de soutien à l'export n'a pas encore trouvé son point d'équilibre. Dans combien de vos pays des rivalités inacceptables opposent encore les acteurs, parfois proches de la sphère publique ? En France, la situation n’est pas meilleure. Le schéma général devra donc être repensé pour être opérationnel avant la fin de l’année. C’est la responsabilité de Jean-Yves LE DRIAN avec l’appui de Jean-Baptiste LEMOYNE et de Bruno LE MAIRE.
L’Etat procédera à ses propres ajustements en évitant, en France, les doublons, comme en s’assurant, à l’étranger, de la parfaite coordination des services sous l’autorité de l’ambassadeur dont le rôle économique sera conforté. Je souhaite que nous lancions sans tarder une réflexion sur la simplification et le renforcement de nos financements à l’export. Je souhaite aussi que nous diffusions encore davantage un « réflexe international » dans les administrations, comme je l’ai demandé aux Ministres dans leur feuille de route. Je souhaite qu’enfin nous relancions un mécanisme de suivi des grands contrats civils.
Promouvoir nos intérêts économiques, c’est aussi promouvoir la plus belle destination qui soit : la France. Le 26 juillet, j’ai présidé le premier comité interministériel du tourisme. J’ai fixé des objectifs : accueillir 100 millions de visiteurs en 2020 (contre 83 millions à peu près en 2016) ; faire passer la dépense touristique, c’est-à-dire les retombées, de 40 milliards d’euros aujourd’hui à 50 milliards. J’ai aussi annoncé plusieurs mesures dont certaines nécessiteront un vrai suivi : la délivrance en 48h des visas pour 10 nouveaux pays dont la Russie, la garantie d’un délai d’attente maximal au passage des frontières dans les aéroports de 30 minutes pour les citoyens Schengen et de 45 minutes pour les ressortissants des autres pays. J’ai enfin rappelé la nature interministérielle de la politique du tourisme qui nous concerne tous et à la promotion de laquelle vous devez activement participer dans vos pays de résidence.
Un dernier mot au sujet l’accompagnement des collectivités locales. J’en ai moi-même assez largement et facilement bénéficié pour ma ville du Havre. C’est pourquoi, je souhaiterais que cette dimension devienne plus naturelle d’un côté comme de l’autre ; que des collectivités pensent à vous saisir, à vous demander de l’aide. Et que de votre côté, vous n’hésitiez pas à leur proposer vos services, à vous montrer aussi disponibles que vos collègues avec lesquels j’ai eu la chance de travailler.
4/ Pour relever ces missions, notre diplomatie devra partir d’une vision claire du rôle de l’Etat pour prendre sa part aux efforts budgétaires. Je veux que collectivement, nous cherchions la réponse avec méthode. La modernisation de notre action ne doit pas être subie mais décidée : j’attends de vous tous une participation active à l’exercice « action publique 2022 ». Je veux que ce ministère puisse se renforcer là où c’est nécessaire, en développant notamment ces trésors que sont les réseaux des collèges et lycées français, l’Institut français, les alliances françaises, Expertise France, l’audiovisuel extérieur de la France, Atout France, et en favorisant les synergies entre eux. Nous devons développer nos politiques d’attractivité, d’aide au développement, de stabilisation et de sécurité des communautés françaises.
Mais nous devons réfléchir aux situations dans lesquelles nous pouvons déléguer certaines missions. Cela nécessitera de se poser les bonnes questions. Faut-il être le seul pays européen à délivrer encore les actes notariés dans les consulats ? Le rapport entre le nombre de fonctionnaires titulaires et celui d’attachés de droit local doit-il forcément être deux fois plus important ici qu’au Foreign Office ?
Enfin, quand il faudra s’impliquer financièrement, nous le ferons. Je réitère l’engagement du Président de la République de porter notre aide au développement à 0,55% de notre revenu national en 2022. Je réunirai un Comité interministériel de la coopération et du développement début 2018 pour préciser la nature de ces engagements et veiller à ce que notre aide au développement soit bien au service de nos objectifs.
***
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Chers amis de Station F,
Les paroles ne suffisent pas ou plus assez pour peser. Il faut des actes. Ces actes, ce sont des finances publiques assainies, une dette maîtrisée, un marché du travail plus efficient, un dialogue social mature. Mais, c’est aussi une attitude d’ouverture, - ouverture sur le monde, ouverture au monde-, une attitude de confiance dans nos atouts, dans notre singularité, sans arrogance, mais sans complexe.
C’est ce message que je porterai lors des prochains arbitrages et lors de mes déplacements futurs en Allemagne, au Maroc et en Tunisie durant lesquels j’aurai plaisir à vous revoir.
L’évolution du monde donne toutes ses chances à une diplomatie moderne et française. Parce que ce nouveau monde a besoin de science et de raison, d’ordre et de loi, de technologies et de culture et que la France c’est tout cela à la fois.

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