Discours du Premier ministre - "Egalité, citoyenneté : la République en actes"
Publié le : 06/03/2015Contenu publié sous le Gouvernement Valls II du 26 Août 2014 au 11 Février 2016
Contenu publié sous le Gouvernement Valls II du 26 Août 2014 au 11 Février 2016
Seul le prononcé fait foi
Mesdames, messieurs,
Je viens de réunir l’ensemble du gouvernement autour de deux questions déterminantes pour notre pays : la citoyenneté et l’égalité. Car la France fait face à un profond malaise, social et démocratique. Je dis bien la France dans son ensemble, pas seulement dans les « quartiers en difficultés » comme on les appelle trop rapidement. Ce malaise a été maintes fois noté, commenté, analysé.
Je suis l’élu depuis 1988 de ces quartiers populaires, de ces villes. Je les connais bien. J’ai parlé récemment « d’apartheid ». C’est un mot « choc ». Il a fait couler beaucoup d’encre… et encore ce matin … Ce mot a été, je crois, utile, car il a permis de traduire une réalité : ce sentiment de relégation dont souffre une majorité de nos concitoyens, sur fond de difficultés économiques et de chômage de masse. Pour eux, la République est devenue souvent une illusion.
A ce malaise social, s’ajoute un malaise démocratique, une crise des valeurs :
Il y a ce sentiment terrible, ravageur, du « deux poids, deux mesures » et que les efforts ne paient pas.
Il y a aussi les discriminations qui en fonction du nom, de la couleur de la peau, de l’origine sociale, de l’adresse, vous empêchent d’accéder à un logement, à un emploi, à une formation.
Il y a, enfin, ce principe fondamental de la laïcité qui est de plus en plus questionné, contesté. Et c’est alors, ne nous y trompons pas, tout le modèle républicain qui est menacé.
Face à ce constat, certains avancent leurs solutions dangereuses, car en rupture totale avec nos valeurs, notre modèle social.
Oui, bien sûr, il faut changer, repenser radicalement nos façons d’agir, nos politiques publiques. Repenser aussi l’organisation de l’Etat sur le terrain. Mais la réponse est là, évidente : la République. Une République ferme et bienveillante, forte et généreuse, qui affirme des principes, des règles et qui doit être aussi une somme de réalisations concrètes.
Nous prenons des mesures qui s’appliqueront très rapidement. Mais notre effort doit aussi s’inscrire dans le temps long. Casser les logiques de la ségrégation avec une autre répartition de l’habitat, transformer faire évoluer les mentalités, les comportements, changer les pratiques de nos institutions, c’est nécessairement un travail de longue haleine.
Et donc, il faut surtout de la volonté, de la détermination, de l’opiniâtreté. Et de la modestie : celle de l’artisan face à un chantier qu’il sait être enthousiasmant, mais aussi exigeant.
Tous les acteurs de bon sens nous ont dit : le problème ce n’est pas tant les moyens, ils existent, que le fait que sur le terrain les opérateurs, les acteurs (école, santé, justice, …) ne travaillent pas ensemble. C’est une terrible déperdition d’énergie. C’est la nouveauté de ce Comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté : casser les carcans et les frontières administratives.
Ce comité s’inscrit dans une démarche d’ensemble, cohérente, ambitieuse.
Ce n’est pas un « comité des villes », avant celui des ruralités, la semaine prochaine. Ces deux comités, ce sont un seul et même moment pour la France, pour ces territoires, pour les Français.
Ce dont nous traitons aujourd’hui – l’égalité, la citoyenneté –, ces sujets, concernent l’ensemble du territoire. Mais ne nions pas, pour autant, les questionnements spécifiques aux territoires ruraux, périurbains, aux petites villes qui se sentent trop souvent oubliées, abandonnées, à la marge.
C’est pour cela qu’une nouvelle géographie de la politique de la ville a été mise en place : 1300 quartiers en métropole et 200 en Outre-Mer. Ce sont 700 communes au total qui sont concernées.
Les mesures sur lesquelles le gouvernement a travaillées aujourd’hui sont de trois types :
a) Logement
D’abord, en matière de logement. Depuis 30 ans, toutes nos politiques urbaines ont les mêmes objectifs : améliorer le cadre de vie des habitants et faire plus de mixité sociale. Les résultats sont là, visibles, tangibles : les grands ensembles ont disparu, et grâce à l’ANRU et l’effort financier consentis depuis 10 ans, l’urbanisme et l’architecture ont façonné de nouveaux paysages. L’effort se poursuit. Et 5 milliards d’euros seront affectés à de nouveaux programmes de rénovation que nous allons accélérer, avancer de deux ans, dès 2015-2016, par un préfinancement de l’ordre de 1 milliard d’euros avec l’appui de la Caisse des dépôts.
Mais c’est un fait, dans le même mouvement, beaucoup de ces quartiers ont concentré les difficultés sociales. Il est là l’échec. Et je pense à Claude DILAIN, ancien maire de Clichy-sous- Bois, qui nous a tant de fois alertés.
Nous mettons donc tout en oeuvre pour que les communes respectent scrupuleusement les obligations de construction de logements sociaux prévues par la loi. L’Etat agira avec fermeté et reprendra si nécessaire l’autorité sur les permis de construire et sur les préemptions. Je nommerai un Délégué interministériel, Thierry REPENTIN, pour appuyer les préfets.
Les mécanismes d’attribution des logements ne doivent pas amplifier la ségrégation mais la combattre. Arrêtons de rajouter de la pauvreté à la pauvreté ! Je demande à tous ceux qui attribuent des logements – et notamment aux préfectures qui ont la responsabilité du dispositif DALO – de ne plus reloger dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville les personnes dont les ressources sont en dessous du seuil de pauvreté.
Relogeons ces demandeurs de logements dans les HLM des centres villes ! Dans les villes les plus favorisées ! En adaptant les loyers de ces logements aux capacités de paiement des familles. En encourageant les commissions d’attribution à se tenir au niveau des intercommunalités ! Nous devons être capables de concilier droit au logement et mixité sociale.
b) Education
Deuxième champ d’action : l’école.
La mixité sociale, c’est également faire évoluer, en lien avec les collectivités territoriales, les périmètres de recrutement des lycées et des collèges – ces derniers feront d’ailleurs l’objet d’une réforme profonde présentée dans les prochains jours.
Le métier d’enseignant est un beau métier, un métier difficile, exigeant. Et le choix d’enseigner dans les territoires d’éducation prioritaire doit être valorisé. Ce sera désormais une condition d’accès aux plus hauts échelons.
Tout ceci est fait dans un seul objectif : donner à tous les enfants de la République, sans distinction, les moyens de réussir. Et cela doit aussi passer par la mobilisation de tous, les familles d’abord, que nous devons soutenir. Soutenir et non pas assister. C’est ce qu’elles veulent. Etre soutenues pour ne pas tomber. Cela passe par une présence des services publics, notamment ceux de la santé.
c) Santé
Le Gouvernement a fixé l’objectif de 1000 maisons et centres de santé en 2017 contre 600 aujourd’hui. C’est une réponse particulièrement adaptée aux besoins de prévention. Tous les professionnels – médecins, infirmiers, sages-femmes, psychologues – se coordonnent pour prendre en charge les patients sans que ceux-ci courent d’un endroit à l’autre. C’est aussi ce qui incite les jeunes médecins à s’installer. Les Agences régionales de santé, par le dialogue avec les élus locaux, soutiendront particulièrement la création de ces maisons.
d) Lutte contre les discriminations
Depuis 2012, par la loi, beaucoup a été fait en matière d’égalité femme/homme, pour faire céder les plafonds de verre qui bloquent les femmes dans leur carrière. La place des femmes dans la société, c’est bien sûr, aussi, leur place dans la sphère politique. Et là encore, nous avons agi avec la loi du 4 août 2013 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Lutter contre toutes les discriminations dans le monde du travail, c’est l’objectif de la campagne de « testing » que nous mettrons en place dès cet automne. Elle permettra de mieux identifier, mieux définir les obstacles présents dans le secteur privé. Une action de groupe spécifique sera créée afin de permettre la reconnaissance de discriminations au travail. C’est une vraie avancée dans un domaine où l’action individuelle échoue presque toujours.
De son côté, l’Etat, en tant qu’employeur, doit être exemplaire. Il ne l’est pas. Nous allons diversifier de manière volontariste l’accès à la fonction publique, pour permettre à davantage de candidats de se présenter sans être découragés par la perspective du concours. La ministre de la Fonction publique travaille sur ce sujet et précisera cette mesure d’ici l’été.
Les discriminations, ce sont également les habitants des quartiers en difficulté, en particulier les jeunes, qui accèdent insuffisamment aux dispositifs de la politique de l’emploi. Nous allons donc concentrer plus de moyens dans ces quartiers pour offrir une solution à tous : accès à la formation ; accès à l’apprentissage ; développement du parrainage … Tous les leviers seront mobilisés.
e) Sécurité
Quatrième domaine d’action : la sécurité.
Dans certains quartiers, souvent ceux où se concentrent les difficultés, c’est l’insécurité qui domine. Ces quartiers, nous les connaissons. Ils font l’objet de notre attention. Nous en avons fait des zones de sécurité prioritaires. Nous y avons renforcé les effectifs des forces de l’ordre.
Des méthodes de travail plus globales, plus partenariales y sont renforcées, encouragées pour réprimer, mais aussi prévenir. C’est précisément dans cet objectif que sera généralisé le « pack 2e chance ». Ce dispositif de suivi proposera un accompagnement individuel au profit de jeunes sans emploi, sans formation, qui risquent de basculer dans la délinquance.
*
Après le logement, l’éducation, la lutte contre les discriminations, la santé, la sécurité : tout ce qui fait cette passion française de l’égalité, notre action doit aussi se porter sur ce qui fait le socle de la citoyenneté.
f) La langue
D’abord, la maîtrise de la langue.
Il y a une inégalité majeure entre les élèves qui maîtrisent le français et ceux qui ne le maîtrisent pas. Tous les enfants de la République doivent se sentir pleinement à l’aise avec la langue française. C’est pourquoi, dès la rentrée 2015 pour la maternelle, et dès la rentrée 2016 pour le primaire, de nouveaux programmes seront mis en place.
Cette question de la langue française, de sa maitrise, nous l’avons trop délaissée. Elle est pourtant une part essentielle de notre culture et de notre patrimoine. Nous pouvons en être fiers. Elle permet l’échange et la communication entre tous. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics Elle doit donc être au centre de toutes nos politiques. La maîtrise de la langue doit redevenir une exigence nationale. Ce sera la mission de la nouvelle agence de la Langue française que nous allons créer.
g) La culture, les médias, le sport
Comment réinvestir la citoyenneté sans parler du rôle du sport, de la culture et des médias ?
Du sport, parce que c’est par lui que dès le plus jeune âge, chacun fait l’expérience concrète des valeurs de solidarité, d’entraide et de tolérance mais aussi de l’effort, du dépassement de soi.
Nous allons bâtir, avec nos partenaires, les fédérations sportives, des plans « citoyens du sport ». Nous accompagnerons pour cela la création et la pérennisation d'emplois dans les clubs, au plus près de nos quartiers.
La culture aussi. Parce qu’elle renvoie toujours à des questions essentielles, celles de notre identité, de notre histoire et de notre destin commun. Elle doit être un lieu de partage partout en France avec tous les Français. C’est à la culture d’aller à la rencontre de tous.
La culture, c’est le miroir de notre société, celui dans lequel chacun doit pouvoir se regarder et se reconnaitre. C’est dire la responsabilité de tous les médias et notamment des grands médias publics qui doivent s’interroger sur l’image qu’ils donnent de la société française. C’est pour cela que nous devons soutenir les initiatives des médias de proximité. Ils ont un rôle essentiel dans la construction du débat démocratique. Ils sont un outil puissant de participation à notre vie politique.
h) La laïcité.
Enfin, et surtout, la laïcité. Il faut l’appliquer. Sans relâche. Avec pédagogie et patience. Mais aussi détermination. Ce n’est plus une question de loi – la loi, elle existe, elle a été votée dès 1905 ! C’est une question de mise en oeuvre.
Cela commence par l’école en formant mieux les enseignants.
Cela se poursuit dans le service public. Le statut des fonctionnaires doit réaffirmer clairement que la laïcité, c’est-à-dire l’obligation de neutralité, est un principe essentiel de la fonction publique.
Cela va au-delà également, dans le respect des lois et du droit existants. Dans le monde du travail, dans l’entreprise, des questions se posent. Je souhaite qu’une démarche s’engage, avec les partenaires sociaux, les organisations professionnelles. Des référents, des experts existent ; il faut les mettre en réseau, il faut que chaque chef d’entreprise, président d’une association ou chef de service sache à qui s’adresser lorsque se pose une question très concrète, sur ce que dit le droit sur les préférences alimentaires, la façon de se vêtir, l’obligation de discrétion, le respect des croyances de chacun.
*
Mesdames, messieurs,
Il y a dans les territoires français un mouvement, un dynamisme, une énergie, qui ne demandent qu’à être libérés. Il y a une société civile qui s’investit. Il y a des jeunes qui voudraient s’engager. Il y a des entrepreneurs visionnaires. Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain. Ces énergies-là, je les connais bien. Parce que je suis un élu de ces quartiers populaires. Nous devons leur donner les moyens de s’exprimer, accompagner cet esprit d’innovation et d’initiative. Il contribue aussi à notre dynamisme économique.
Pour cela, il faut changer nos pratiques, rompre avec cette vision paternaliste qui empêche les projets de se construire. Il faut ouvrir ces quartiers ! Créer de nouvelles mobilités ! Provoquer une effervescence entrepreneuriale, économique ! C’est à cela que servira l’Agence de développement économique des territoires. Nous devons rendre notre société plus transverse !
Le numérique est un formidable atout pour cela.
C’est d’abord un domaine créateur d’emplois, où les diplômes sont moins déterminants qu’ailleurs. Pour développer les compétences, nous allons créer une grande école du numérique, un grand réseau de petits acteurs locaux qui proposeront des formations courtes, intensives et innovantes, notamment pour les publics les plus éloignés de l’emploi.
Nous utiliserons aussi le numérique pour que les habitants deviennent encore plus acteurs de la vie de leur quartier. Parce que le numérique est un outil au service de la citoyenneté.
Mais l’engagement, l’entraide, l’innovation, c’est aussi le monde associatif. Il participe du lien social. Je pense à toutes ces associations qui agissent au quotidien.
* *
Je viens de vous présenter les mesures qui vont s’appliquer à court terme.
Mais notre action ne s’arrête pas là. Nous devons toujours envisager des pistes nouvelles, qui répondent aux aspirations de notre époque. Et je pense aux aspirations de notre jeunesse. Elle veut s’engager. Et le Président de la République a demandé à Claude BARTOLONE et Gérard LARCHER d’y réfléchir. Notre jeunesse veut participer pleinement à la vie publique, à la vie politique sous toutes ses formes : nouveaux médias, réseaux sociaux …
Et puis, sur ces enjeux de citoyenneté, d’égalité, il faut se rencontrer. Il faut débattre. Il faut écouter largement. Revenir aux réalités du terrain. C’est cela moderniser nos pratiques. Décloisonner nos pratiques politiques. Et je veux donner un rendez-vous : un grand débat national sera organisé avant l’été.
Avec les ministres, nous sommes mobilisés, avec tous les élus de terrain, oui tous les élus de ces quartiers, de ces villes, qui s’impliquent chaque jour, qui ne renoncent jamais – et que je veux saluer – ce mouvement continue. Pour tous les Français, tous les territoires. Nous faisons vivre cette passion de la citoyenneté et de l’égalité. Nous nous retrouverons sur ces questions le 13 mars prochain, dans l’Aisne.
Je suis maintenant disponible, avec les ministres ici présents, pour répondre à vos questions.
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Mesdames, messieurs,
Je viens de réunir l’ensemble du gouvernement autour de deux questions déterminantes pour notre pays : la citoyenneté et l’égalité. Car la France fait face à un profond malaise, social et démocratique. Je dis bien la France dans son ensemble, pas seulement dans les « quartiers en difficultés » comme on les appelle trop rapidement. Ce malaise a été maintes fois noté, commenté, analysé.
1. Un malaise social et une crise des valeurs
Je suis l’élu depuis 1988 de ces quartiers populaires, de ces villes. Je les connais bien. J’ai parlé récemment « d’apartheid ». C’est un mot « choc ». Il a fait couler beaucoup d’encre… et encore ce matin … Ce mot a été, je crois, utile, car il a permis de traduire une réalité : ce sentiment de relégation dont souffre une majorité de nos concitoyens, sur fond de difficultés économiques et de chômage de masse. Pour eux, la République est devenue souvent une illusion.
A ce malaise social, s’ajoute un malaise démocratique, une crise des valeurs :
- défiance croissante des Français vis-à-vis des institutions, de leurs élus ;
- société qui se divise, avec la perte du sens de la vie en collectivité, de la communauté nationale ;
- défis quotidiens lancés à l’autorité, celle des parents, des enseignants, des forces de l’ordre ;
- violence, celle des actes, bien sûr, et celle des mots – qui ne doit jamais être sous-estimée.
Il y a ce sentiment terrible, ravageur, du « deux poids, deux mesures » et que les efforts ne paient pas.
Il y a aussi les discriminations qui en fonction du nom, de la couleur de la peau, de l’origine sociale, de l’adresse, vous empêchent d’accéder à un logement, à un emploi, à une formation.
Il y a, enfin, ce principe fondamental de la laïcité qui est de plus en plus questionné, contesté. Et c’est alors, ne nous y trompons pas, tout le modèle républicain qui est menacé.
2. La solution : une République ferme et bienveillante
Face à ce constat, certains avancent leurs solutions dangereuses, car en rupture totale avec nos valeurs, notre modèle social.
Oui, bien sûr, il faut changer, repenser radicalement nos façons d’agir, nos politiques publiques. Repenser aussi l’organisation de l’Etat sur le terrain. Mais la réponse est là, évidente : la République. Une République ferme et bienveillante, forte et généreuse, qui affirme des principes, des règles et qui doit être aussi une somme de réalisations concrètes.
Nous prenons des mesures qui s’appliqueront très rapidement. Mais notre effort doit aussi s’inscrire dans le temps long. Casser les logiques de la ségrégation avec une autre répartition de l’habitat, transformer faire évoluer les mentalités, les comportements, changer les pratiques de nos institutions, c’est nécessairement un travail de longue haleine.
Et donc, il faut surtout de la volonté, de la détermination, de l’opiniâtreté. Et de la modestie : celle de l’artisan face à un chantier qu’il sait être enthousiasmant, mais aussi exigeant.
Tous les acteurs de bon sens nous ont dit : le problème ce n’est pas tant les moyens, ils existent, que le fait que sur le terrain les opérateurs, les acteurs (école, santé, justice, …) ne travaillent pas ensemble. C’est une terrible déperdition d’énergie. C’est la nouveauté de ce Comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté : casser les carcans et les frontières administratives.
3. Une République en actes.
Ce comité s’inscrit dans une démarche d’ensemble, cohérente, ambitieuse.
Ce n’est pas un « comité des villes », avant celui des ruralités, la semaine prochaine. Ces deux comités, ce sont un seul et même moment pour la France, pour ces territoires, pour les Français.
Ce dont nous traitons aujourd’hui – l’égalité, la citoyenneté –, ces sujets, concernent l’ensemble du territoire. Mais ne nions pas, pour autant, les questionnements spécifiques aux territoires ruraux, périurbains, aux petites villes qui se sentent trop souvent oubliées, abandonnées, à la marge.
C’est pour cela qu’une nouvelle géographie de la politique de la ville a été mise en place : 1300 quartiers en métropole et 200 en Outre-Mer. Ce sont 700 communes au total qui sont concernées.
Les mesures sur lesquelles le gouvernement a travaillées aujourd’hui sont de trois types :
- Celles déjà annoncées au cours des dernières semaines, notamment par le Président de la République – parcours citoyen à l’école, réserve citoyenne, extension du service civique, actions de groupe, l’agence de développement économique … – qu’il s’agit désormais de mettre en oeuvre ;
- Des mesures complémentaires, des mesures fortes, que nous venons d’arrêter.
- Enfin, ce comité a été l’occasion d’ouvrir des pistes de réflexion qui demandent à être approfondies.
a) Logement
D’abord, en matière de logement. Depuis 30 ans, toutes nos politiques urbaines ont les mêmes objectifs : améliorer le cadre de vie des habitants et faire plus de mixité sociale. Les résultats sont là, visibles, tangibles : les grands ensembles ont disparu, et grâce à l’ANRU et l’effort financier consentis depuis 10 ans, l’urbanisme et l’architecture ont façonné de nouveaux paysages. L’effort se poursuit. Et 5 milliards d’euros seront affectés à de nouveaux programmes de rénovation que nous allons accélérer, avancer de deux ans, dès 2015-2016, par un préfinancement de l’ordre de 1 milliard d’euros avec l’appui de la Caisse des dépôts.
Mais c’est un fait, dans le même mouvement, beaucoup de ces quartiers ont concentré les difficultés sociales. Il est là l’échec. Et je pense à Claude DILAIN, ancien maire de Clichy-sous- Bois, qui nous a tant de fois alertés.
Nous mettons donc tout en oeuvre pour que les communes respectent scrupuleusement les obligations de construction de logements sociaux prévues par la loi. L’Etat agira avec fermeté et reprendra si nécessaire l’autorité sur les permis de construire et sur les préemptions. Je nommerai un Délégué interministériel, Thierry REPENTIN, pour appuyer les préfets.
Les mécanismes d’attribution des logements ne doivent pas amplifier la ségrégation mais la combattre. Arrêtons de rajouter de la pauvreté à la pauvreté ! Je demande à tous ceux qui attribuent des logements – et notamment aux préfectures qui ont la responsabilité du dispositif DALO – de ne plus reloger dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville les personnes dont les ressources sont en dessous du seuil de pauvreté.
Relogeons ces demandeurs de logements dans les HLM des centres villes ! Dans les villes les plus favorisées ! En adaptant les loyers de ces logements aux capacités de paiement des familles. En encourageant les commissions d’attribution à se tenir au niveau des intercommunalités ! Nous devons être capables de concilier droit au logement et mixité sociale.
b) Education
Deuxième champ d’action : l’école.
La mixité sociale, c’est également faire évoluer, en lien avec les collectivités territoriales, les périmètres de recrutement des lycées et des collèges – ces derniers feront d’ailleurs l’objet d’une réforme profonde présentée dans les prochains jours.
Le métier d’enseignant est un beau métier, un métier difficile, exigeant. Et le choix d’enseigner dans les territoires d’éducation prioritaire doit être valorisé. Ce sera désormais une condition d’accès aux plus hauts échelons.
Tout ceci est fait dans un seul objectif : donner à tous les enfants de la République, sans distinction, les moyens de réussir. Et cela doit aussi passer par la mobilisation de tous, les familles d’abord, que nous devons soutenir. Soutenir et non pas assister. C’est ce qu’elles veulent. Etre soutenues pour ne pas tomber. Cela passe par une présence des services publics, notamment ceux de la santé.
c) Santé
Le Gouvernement a fixé l’objectif de 1000 maisons et centres de santé en 2017 contre 600 aujourd’hui. C’est une réponse particulièrement adaptée aux besoins de prévention. Tous les professionnels – médecins, infirmiers, sages-femmes, psychologues – se coordonnent pour prendre en charge les patients sans que ceux-ci courent d’un endroit à l’autre. C’est aussi ce qui incite les jeunes médecins à s’installer. Les Agences régionales de santé, par le dialogue avec les élus locaux, soutiendront particulièrement la création de ces maisons.
d) Lutte contre les discriminations
Depuis 2012, par la loi, beaucoup a été fait en matière d’égalité femme/homme, pour faire céder les plafonds de verre qui bloquent les femmes dans leur carrière. La place des femmes dans la société, c’est bien sûr, aussi, leur place dans la sphère politique. Et là encore, nous avons agi avec la loi du 4 août 2013 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Lutter contre toutes les discriminations dans le monde du travail, c’est l’objectif de la campagne de « testing » que nous mettrons en place dès cet automne. Elle permettra de mieux identifier, mieux définir les obstacles présents dans le secteur privé. Une action de groupe spécifique sera créée afin de permettre la reconnaissance de discriminations au travail. C’est une vraie avancée dans un domaine où l’action individuelle échoue presque toujours.
De son côté, l’Etat, en tant qu’employeur, doit être exemplaire. Il ne l’est pas. Nous allons diversifier de manière volontariste l’accès à la fonction publique, pour permettre à davantage de candidats de se présenter sans être découragés par la perspective du concours. La ministre de la Fonction publique travaille sur ce sujet et précisera cette mesure d’ici l’été.
Les discriminations, ce sont également les habitants des quartiers en difficulté, en particulier les jeunes, qui accèdent insuffisamment aux dispositifs de la politique de l’emploi. Nous allons donc concentrer plus de moyens dans ces quartiers pour offrir une solution à tous : accès à la formation ; accès à l’apprentissage ; développement du parrainage … Tous les leviers seront mobilisés.
e) Sécurité
Quatrième domaine d’action : la sécurité.
Dans certains quartiers, souvent ceux où se concentrent les difficultés, c’est l’insécurité qui domine. Ces quartiers, nous les connaissons. Ils font l’objet de notre attention. Nous en avons fait des zones de sécurité prioritaires. Nous y avons renforcé les effectifs des forces de l’ordre.
Des méthodes de travail plus globales, plus partenariales y sont renforcées, encouragées pour réprimer, mais aussi prévenir. C’est précisément dans cet objectif que sera généralisé le « pack 2e chance ». Ce dispositif de suivi proposera un accompagnement individuel au profit de jeunes sans emploi, sans formation, qui risquent de basculer dans la délinquance.
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Après le logement, l’éducation, la lutte contre les discriminations, la santé, la sécurité : tout ce qui fait cette passion française de l’égalité, notre action doit aussi se porter sur ce qui fait le socle de la citoyenneté.
f) La langue
D’abord, la maîtrise de la langue.
Il y a une inégalité majeure entre les élèves qui maîtrisent le français et ceux qui ne le maîtrisent pas. Tous les enfants de la République doivent se sentir pleinement à l’aise avec la langue française. C’est pourquoi, dès la rentrée 2015 pour la maternelle, et dès la rentrée 2016 pour le primaire, de nouveaux programmes seront mis en place.
Cette question de la langue française, de sa maitrise, nous l’avons trop délaissée. Elle est pourtant une part essentielle de notre culture et de notre patrimoine. Nous pouvons en être fiers. Elle permet l’échange et la communication entre tous. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics Elle doit donc être au centre de toutes nos politiques. La maîtrise de la langue doit redevenir une exigence nationale. Ce sera la mission de la nouvelle agence de la Langue française que nous allons créer.
g) La culture, les médias, le sport
Comment réinvestir la citoyenneté sans parler du rôle du sport, de la culture et des médias ?
Du sport, parce que c’est par lui que dès le plus jeune âge, chacun fait l’expérience concrète des valeurs de solidarité, d’entraide et de tolérance mais aussi de l’effort, du dépassement de soi.
Nous allons bâtir, avec nos partenaires, les fédérations sportives, des plans « citoyens du sport ». Nous accompagnerons pour cela la création et la pérennisation d'emplois dans les clubs, au plus près de nos quartiers.
La culture aussi. Parce qu’elle renvoie toujours à des questions essentielles, celles de notre identité, de notre histoire et de notre destin commun. Elle doit être un lieu de partage partout en France avec tous les Français. C’est à la culture d’aller à la rencontre de tous.
La culture, c’est le miroir de notre société, celui dans lequel chacun doit pouvoir se regarder et se reconnaitre. C’est dire la responsabilité de tous les médias et notamment des grands médias publics qui doivent s’interroger sur l’image qu’ils donnent de la société française. C’est pour cela que nous devons soutenir les initiatives des médias de proximité. Ils ont un rôle essentiel dans la construction du débat démocratique. Ils sont un outil puissant de participation à notre vie politique.
h) La laïcité.
Enfin, et surtout, la laïcité. Il faut l’appliquer. Sans relâche. Avec pédagogie et patience. Mais aussi détermination. Ce n’est plus une question de loi – la loi, elle existe, elle a été votée dès 1905 ! C’est une question de mise en oeuvre.
Cela commence par l’école en formant mieux les enseignants.
Cela se poursuit dans le service public. Le statut des fonctionnaires doit réaffirmer clairement que la laïcité, c’est-à-dire l’obligation de neutralité, est un principe essentiel de la fonction publique.
Cela va au-delà également, dans le respect des lois et du droit existants. Dans le monde du travail, dans l’entreprise, des questions se posent. Je souhaite qu’une démarche s’engage, avec les partenaires sociaux, les organisations professionnelles. Des référents, des experts existent ; il faut les mettre en réseau, il faut que chaque chef d’entreprise, président d’une association ou chef de service sache à qui s’adresser lorsque se pose une question très concrète, sur ce que dit le droit sur les préférences alimentaires, la façon de se vêtir, l’obligation de discrétion, le respect des croyances de chacun.
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Mesdames, messieurs,
Il y a dans les territoires français un mouvement, un dynamisme, une énergie, qui ne demandent qu’à être libérés. Il y a une société civile qui s’investit. Il y a des jeunes qui voudraient s’engager. Il y a des entrepreneurs visionnaires. Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain. Ces énergies-là, je les connais bien. Parce que je suis un élu de ces quartiers populaires. Nous devons leur donner les moyens de s’exprimer, accompagner cet esprit d’innovation et d’initiative. Il contribue aussi à notre dynamisme économique.
Pour cela, il faut changer nos pratiques, rompre avec cette vision paternaliste qui empêche les projets de se construire. Il faut ouvrir ces quartiers ! Créer de nouvelles mobilités ! Provoquer une effervescence entrepreneuriale, économique ! C’est à cela que servira l’Agence de développement économique des territoires. Nous devons rendre notre société plus transverse !
Le numérique est un formidable atout pour cela.
C’est d’abord un domaine créateur d’emplois, où les diplômes sont moins déterminants qu’ailleurs. Pour développer les compétences, nous allons créer une grande école du numérique, un grand réseau de petits acteurs locaux qui proposeront des formations courtes, intensives et innovantes, notamment pour les publics les plus éloignés de l’emploi.
Nous utiliserons aussi le numérique pour que les habitants deviennent encore plus acteurs de la vie de leur quartier. Parce que le numérique est un outil au service de la citoyenneté.
Mais l’engagement, l’entraide, l’innovation, c’est aussi le monde associatif. Il participe du lien social. Je pense à toutes ces associations qui agissent au quotidien.
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Je viens de vous présenter les mesures qui vont s’appliquer à court terme.
Mais notre action ne s’arrête pas là. Nous devons toujours envisager des pistes nouvelles, qui répondent aux aspirations de notre époque. Et je pense aux aspirations de notre jeunesse. Elle veut s’engager. Et le Président de la République a demandé à Claude BARTOLONE et Gérard LARCHER d’y réfléchir. Notre jeunesse veut participer pleinement à la vie publique, à la vie politique sous toutes ses formes : nouveaux médias, réseaux sociaux …
Et puis, sur ces enjeux de citoyenneté, d’égalité, il faut se rencontrer. Il faut débattre. Il faut écouter largement. Revenir aux réalités du terrain. C’est cela moderniser nos pratiques. Décloisonner nos pratiques politiques. Et je veux donner un rendez-vous : un grand débat national sera organisé avant l’été.
Avec les ministres, nous sommes mobilisés, avec tous les élus de terrain, oui tous les élus de ces quartiers, de ces villes, qui s’impliquent chaque jour, qui ne renoncent jamais – et que je veux saluer – ce mouvement continue. Pour tous les Français, tous les territoires. Nous faisons vivre cette passion de la citoyenneté et de l’égalité. Nous nous retrouverons sur ces questions le 13 mars prochain, dans l’Aisne.
Je suis maintenant disponible, avec les ministres ici présents, pour répondre à vos questions.
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Discours du 6 mars 2015 du Premier ministre à l'issue du comité interministériel égalité et citoyenneté.
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