Convention managériale de l'État : discours de Jean Castex

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié 08/07/2021

Madame la ministre,
Mesdames et Messieurs,
Je vous salue à toutes et à tous, même si je sais que l'essentiel d'entre vous est en visio, preuve que les temps de crise sanitaire ne sont pas tout à fait terminés.
Il y a 3 mois, vous le savez, le Président de la République a exposé des principes directeurs de la réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat.
Cette réforme intervient à un moment très particulier de l'histoire de notre pays. Notre pays qui est confronté, vous le savez bien, vous le vivez, à une crise d'une ampleur inégalée depuis des décennies. Cette crise, c'est en tout cas mon mon analyse profonde, a mis en évidence à la fois le profond besoin d'État, le profond besoin d'Etat, dont je doute du reste qu’il n’ait jamais depuis Louis XI [phon.] vraiment disparu, et le formidable engagement de ses serviteurs, tous grades confondus, l'ensemble ayant permis de protéger à la fois la santé de nos concitoyens et les fondamentaux de notre économie.
Mais cette crise, c'est d'ailleurs le propre des crises, ou plutôt sa gestion, dont nous étions collectivement chargés, a également révélé des faiblesses, des dysfonctionnements, des difficultés qui ne sont pas celles ou ceux des personnes. Il peut certes toujours y en avoir, mais bien ceux d'une organisation, de procédures, d'outils de gestion.
De tout cela, de tout cela, nous devons, et évidemment au premier rang le Gouvernement de la République, tirer les enseignements, tant en termes de reconnaissance, au-delà des remerciements chaleureux que je souhaite vous adresser, que d'enseignement pour améliorer le fonctionnement de notre État.
La réforme de la haute fonction publique que nous engageons participe de ce mouvement d'ensemble. Je voudrais d'emblée vous redire toute la gratitude qui est la mienne en ma qualité de chef du Gouvernement et donc de l'administration à l'endroit, évidemment je l'ai dit, de l'ensemble des fonctionnaires et services de l'Etat.
Si vous me le permettez, j'y ajouterais ceux de la Territoriale et de l'Hospitalière et de l'ensemble des organismes dits de protection sociale. Et en particulier, de ceux dont c'est la mission de les encadrer et de les diriger.
Oui, nous avons, vous avez été collectivement au rendez-vous au prix souvent d'une forme d'épuisement. Vous avez jeté toutes vos forces dans la bataille et je le dis à la fois de façon non pas admirative, parce que pour vous dire la vérité, vous connaissant depuis longtemps, je n'en ai point été surpris, mais en vous le disant aussi de manière intéressée, car je crains que tout ceci ne soit pas complètement fini.
Tout ceci explique que cette réforme est et doit être une réforme ambitieuse autant que nécessaire. Ambitieuse parce qu'à partir d'un acquis historique fort et je commence par ça. On ne démolit pas. Nous construisons une étape nouvelle. Elle vise à améliorer votre cadre d'intervention dans la durée, à mieux répondre à vos aspirations professionnelles et à renforcer notre capacité collective à mener les politiques publiques pour, in fine, mieux servir encore nos concitoyens. Je vous le dis parce que je le pense profondément, notre pays s'est construit à partir d'un État fort, d'une fonction publique de grande qualité. Je suis peut-être un peu juge et partie, ayant moi-même fait ce choix il y a près de 35 ans, c’est-à-dire celui, comme vous tous et vous toutes, de servir notre pays. Et je manquerai, en tout cas, je le vis comme ça, à mes devoirs si, ayant l'honneur, le grand honneur d'exercer la fonction qui est la mienne aujourd'hui, après avoir visité notre bel État à tous ses étages, il faut que j'apporte ma pierre à l'édifice pour améliorer la situation et en particulier moderniser la gestion de nos ressources humaines.
En effet, cette réforme est nécessaire en ce qu'elle vise à franchir, c'est vraiment son objectif premier, le cap… alors, je ne sais pas dire… je ne vais pas dire, d'une vraie réforme de la gestion des ressources humaines. Dieu merci, il y en a une, il y en a une, mais en tout cas, c'est ma vision de chef du Gouvernement autant que l'expérience de quelqu'un qui a de nombreuses heures de vol dans ce bel État, une gestion des ressources humaines qui soit adaptée aux exigences de notre époque.
Et comme toujours, pour aller de l'avant, il nous faut finalement revenir à un certain nombre de fondamentaux, façon de respecter Mesdames et Messieurs nos grands anciens. Ces fondamentaux, on les connaît : promouvoir des parcours professionnels construits notamment sur des expériences opérationnelles et de terrain.
J'insisterai beaucoup devant vous sur la valorisation des expériences professionnelles et de terrain. Ouvrir des perspectives de carrière qui soient liées aux mérites et aux talents. Elles le sont déjà, mais j'allais dire surtout aux mérites et aux talents davantage peut-être qu'au poids d'un rang de classement ou de l'appartenance à un corps déterminé. Maintenir des logiques de filières et d'expertise professionnelle, mais qui, pour autant, ne cloisonnent pas et permettent l'interministérialité voulue par le général DE GAULLE et Michel DEBRÉ dans la célèbre ordonnance de 1945. Préserver bien sûr - qui pourrait en douter ? Je lis des choses parfois, c'est normal. Préserver par-dessus tout l'attractivité de la haute fonction publique en sachant attirer tous les profils qui représentent tous les visages de la France. Tous les visages de la France ! Ça a toujours été ça, la fonction publique et la haute fonction publique depuis, en tout cas la Troisième République.
Cette réforme, j’en ai présentée les principales dispositions dans un courrier que j'ai souhaité adresser à l’ensemble des cadres de l'État le 15 mai dernier. Une première brique, importante, vous le savez, a été posée le 2 juin, madame la ministre, avec l'adoption de l'ordonnance portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique d'État réformant l'ordonnance de 1945. Mais il s'agit là d'un cadre général qu’il nous appartient dorénavant de décliner.
Aujourd'hui, étape supplémentaire, je viens vous dire où nous en sommes. Préciser quand et comment cette réforme va prendre effet et vous permettre d'appréhender les conséquences qu'elle aura finalement sur le fonctionnement de l'État, mais aussi sur votre situation personnelle et celle des cadres placés sous votre autorité. Donc, tout n'est pas fini. C'est un chantier d'ampleur. Il y en a qui devront s’affiner, être précisés au cours des semaines et des mois à venir.
Avant de vous réunir, j'ai souhaité, sur proposition de la ministre, que nous prenions le temps d'engager le dialogue et si possible, comme vous le disiez Monsieur, de le poursuivre un peu après mon intervention.
D'où cette grande consultation pour interroger tous les cadres supérieurs de l'État sur leur perception de notre modèle de haute fonction publique, sur leurs aspirations collectives ou individuelles, et évidemment, sur leurs préconisations. Je crois pouvoir dire qu'une consultation d'une telle ampleur est un exercice assez inédit.
En tout cas, ça a marché puisque nous avons reçu 7 300 réponses. Un peu plus. C'est considérable et c'est très important parce que les changements substantiels, croyez bien que j'en ai parfaitement conscience, ne peuvent pas se faire sans vous.
Et donc, je vous remercie déjà de toutes ces contributions. J'ai moi-même conduit à mon niveau, au cours des 3 derniers mois, de nombreuses consultations.
Autant en tout cas que mon emploi du temps l'a permis au niveau national, bien sûr, et j'essaye de systématiser quand je vais dans les territoires, dans les départements, des rencontres avec les préfets, les sous-préfets, les chefs de services déconcentrés.
Je vous avoue que quand on a été soi-même chef de services déconcentrés et secrétaire général de préfecture, c'était il y a longtemps, je vous le concède, mais c'est toujours utile. Qu'est-ce qu'on retire, qu'est-ce que je retire comme enseignement de ces phases de consultation et de concertation ?
Le premier… bon, je le rappelle, il faut commencer par ça, évidemment, c'est le profond attachement des cadres de l'État. Alors, on ne peut pas dire à leur employeur. C'est là que c'est beaucoup plus substantiel. À l'État, à l'Etat, à l'intérêt général. Et je sais d'ailleurs que cet attachement est partagé bien au-delà de la haute fonction publique. Je disais à l'intérêt général, j'allais dire aux valeurs du service public. J'ai mesuré aussi l'appétence, une forme d'appétence en lisant tout cela aux missions et aux responsabilités qu'ils occupent au sein de l'État. Rien de tout cela ne m'a surpris.
Deuxième enseignement tout aussi intéressant, qui confirme les échanges que j'ai pu conduire moi-même depuis 3 mois et si vous le permettez, l'expérience que j'ai pu accumuler au service de l'État depuis tant d'années, c'est que finalement, le statu quo n'était plus permis. Il l’a toujours, mais plus souhaitable, et qu’il y a une forme de prise de conscience largement partagée. Notre modèle, je l'ai dit, présente des atouts indéniables. On n’est pas là pour détruire. On est là pour améliorer. Mais il se heurte aussi aujourd'hui à des faiblesses qui font l'objet d'une reconnaissance partagée. [inaudible] d'ailleurs, pour beaucoup connue de longue date qui semble s'être accentuée et qui rend d'autant plus nécessaire la volonté d'agir.
Alors, c'est quoi ces faiblesses ? On a fait un petit pointage, une démocratisation inaboutie se traduisant par un manque de diversité de notre haute fonction publique.
Une valorisation insuffisante des fonctions opérationnelles et au plus près du terrain, dans la gestion des carrières, un cloisonnement et des différences de moins en moins comprises dans les perspectives de ces carrières en fonction de l'appartenance à tel ou tel corps.
L'absence d'un véritable suivi individuel des parcours prenant appui sur les leviers qu'on enseigne par ailleurs, qu'on préconise pour les autres et que sont l'évaluation, la formation, l'accompagnement. Je le disais, ces constats ne sont pas nouveaux. Relisez le rapport Bloc l'ainée de 1969, c'est très étonnant. Il faut toujours. Relisez comme je l'ai fait. L'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945 sur l'inter-ministérialité. Je vous le dis au passage, il devrait aujourd'hui dire : ah, je vais faire encore administrateur généraux de l'État. Mais dans l'ordonnance, l'alpha et l'oméga, ça devait être les administrateurs civils déjà, 1945. Je pourrais passer par la commission d'Yves THIBAULT de Silguy en 2003, le rapport Thiriet en 2020. Il y a des constats qui sont un peu permanents. Et je voudrais, ce n’est d’ailleurs pas tellement étonnant compte tenu de la taille de notre organisation commune. Ce n’est pas les hommes et les femmes qui sont en cause. C'est finalement, même si cette appréciation résumée est excessive, comme l'avait dit le général de Gaulle parlant des institutions de la Quatrième République, c’est un système tel que la qualité s'y consume dans l'impuissance.
Eh bien, la réforme que nous conduisons vise à apporter tout simplement, si j'ose dire, des réponses à ces blocages.
On trouve dans cette consultation un troisième enseignement qui est bien connu dans notre pays. Elle suscite évidemment des interrogations, des réserves, peut-être des résistances, des oppositions. Et chacun, ma foi, a bien le droit d'avoir une opinion ou même une opinion négative. C'est sans doute le lot de toute réforme et c’est bien normal.
Et vous savez, vous qui êtes en situation d'autorité et de responsabilité, combien les résistances au changement peuvent être source de créativité. Mais combien aussi il faut peut-être savoir s'appliquer à soi-même ce que l'on recommande aux autres. Combien, dans ma vie, ai-je lu de rapports d'inspection ou de juridiction demandant les suppressions de corps ou la réduction. Mais pas quand ça nous concerne. Étonnant.
Et nous avons un impératif de résultat. Nous avons un impératif de résultat parce que l'État, plus que jamais, doit être présent. Mais nous devons le renouveler, le transformer, le faire évoluer. Vous observerez, car les mots ont un sens que je n'ai pas dit : « Le révolutionnée ». C'est un changement profond, sociologique, auquel nous appelons. Ce n'est pas une rupture.
Le socle, les valeurs fondamentales restent non seulement bonnes, éternelles ai-je envie de vous dire.
L'un des premiers chantiers que nous ouvrons est celui, vous le savez, de la formation des cadres dirigeants d'État. Il est symbolisé par la création, dès le 1er janvier prochain, de l'Institut national du service public chargé de rénover, de renforcer.
Moi non plus, je n'ai pas dit de casser la formation initiale et j'insiste et surtout continue, continue des cadres supérieurs de l'État. D'accroître la culture commune des hauts fonctionnaires, d'assurer un lien plus étroit entre le monde académique et la production des politiques publiques, mais aussi de favoriser le rayonnement du modèle français en Europe et à l'international qui existe déjà bien entendu.
Avec la création de cette [inaudible], je voudrais vous dire, vous convaincre, vous rappeler que nous poursuivons quatre, quatre objectifs.
Le premier objectif, c'est de renforcer, j'y reviens, la diversité des recrutements, la diversité des recrutements. Une haute fonction. Il y a des gens très célèbres qui ont écrit des choses sur ce sujet sans que je vous fasse l'insulte de vous les rappeler. Ils m’ont souvent énervé. Mais peut-être n'étaient-ils pas complètement infondés. Et encore, peut-être, si je lis les statistiques, plus aujourd'hui qu'hier, au moment où ils ont été formulés. Les dispositifs de promotion interne, je le dis ici, seront non seulement préservés. J'ai lu quelques réactions, mais telle est bien l'instruction que nous avons donnée, renforcée.
Dès cette année, c’est une évolution qui a été très difficile parce qu'il y a des débats de principe derrière tout ça que je ne néglige pas. 15 % de postes en plus au concours interne de 5 écoles de service public seront réservés aux classes préparatoires.
Fameuses classes préparatoires talents, recrutés sur critères sociaux. Nous allons aussi revoir les épreuves de sélection afin de réduire la part des matières dites les plus discriminantes tout en répondant au mieux aux besoins des administrations.
Donc, il y a un premier impératif de diversité. Pas la diversité, par la diversité, mais parce que l'Etat, c'est la nation. Il faut donc que ces cadres… Les militaires font beaucoup mieux que les civils, reflètent davantage la nation française.
Le deuxième objectif, c'est d'élargir le contenu de la formation initiale. Dans le prolongement de ce qu'a initié le directeur de l'ENA, Patrick GÉRARD, auquel je veux rendre ici hommage. Mais je vous le dis avec l'expérience qui est la mienne, l'État a besoin de compétences nouvelles. Et là encore, dans cette crise, pour ceux qui n'en auraient pas suffisamment pris conscience, la preuve en a été faite.
Oui, les sciences humaines, la psychologie, la sociologie, les sciences comportementales doivent trouver leur juste place dans la formation des cadres dirigeants de l'État. Nous sommes tous des adorateurs de l'économie et du droit de la norme. Nous en produisons même des kilos. Vous conviendrez avec moi que ça ne saurait être le seul régulateur des sociétés modernes. Et notre dispositif de formation doit intégrer, doit refléter ces évolutions et cet impératif.
Et de ce fait, je souhaite aussi, je l'assume, que les liens avec le monde académique et la recherche soient renforcés. C'est le deuxième objectif que nous poursuivons.
Le troisième, c'est de revoir, je l'assume encore, les modalités d'affectation à la sortie de l'Institut. Ainsi, à compter de 2023, tous les élèves qui sortiront de l’INSP seront affectés. Enfin, à partir de la promotion, en même temps, à leur sortie d'école sur des postes opérationnels, dont une partie conséquente à hauteur d'un tiers dans les services déconcentrés de l'Etat ou de ces opérateurs. Il n'y aura plus aucune sortie directe dans les corps de contrôle, d'inspection ou de jugement.
Mesdames et Messieurs les hauts fonctionnaires, j'ai fait le calcul. Vous prenez une promotion de l'actuel ENA, 80-90 élèves, j’ai calculé 37 vont dans des fonctions d'inspection, de contrôle et de jugement. Je serais le plus mal placé pour critiquer la nécessité de ces fonctions. Elles sont une nécessité dans l'Etat. Mais voyez-vous, mais voyez-vous, l'État au service de nos concitoyens, c'est d'abord l'Etat qui agit, c'est l'administration dite active. Non que l'autre soit inactive, mais les contrôleurs, les commentateurs, les observateurs me paraissent être dans d'autres pays une variété suffisamment pourvue. Nous avons besoin de gens et de favoriser les gens qui s'engagent et qui sont au front. C'est là que sont les besoins de l'Etat, parce que c'est là que se situent les besoins de la société.
Le quatrième objectif, il est tout aussi important, je ne vais pas les hiérarchiser, c'est d'avoir beaucoup plus d'ambition en termes de formation continue. Je l'ai déjà dit que nous n'en avons eu jusqu'alors et là, vous conviendrez avec moi que l'objectif est tout à fait à portée. Bon, je n'oserais vous dire ici les heures de formation continue dont j'ai bénéficié ou que j'ai subi au cours de ma carrière professionnelle. Mais je serais sans doute un très mauvais exemple.
Chaque cadre, comme on le voit partout dans tout groupe humain, devra passer parce que les choses évoluent vite, deviennent de plus en plus complexes, beaucoup plus de temps à se former tout au long de sa carrière. Et ces instants doivent, devront être pris en compte dans la promotion interne dans le déroulé de ces mêmes carrières. Quelqu'un qui nous observerait de loin ou d'ailleurs pourrait s'étonner. Entendre le premier ministre d'une grande puissance comme la France tenir ses propos d'évidence.
L’INSP aura un rôle majeur, un rôle d'impulsion et de coordination, tout en s'appuyant sur les organismes que les ministères ont mis en place. Je ne suis pas en train de vous dire que beaucoup d'entre vous n'ont pas fait de la formation continue. Dieu merci. Mais... Et nous le verrons sur d'autres registres, tout cela repose sur des initiatives individuelles, bienvenues. Non, là, il faut que ça soit organisé, prévu, systématisé par l'employeur, par l'État employeur. Pourquoi ? Parce que c'est une façon incontestable et bien connue d'améliorer notre performance collective : la formation.
L'autre grand chantier, c'est justement celui du déroulement des carrières.
Notre objectif ici il est clair, je vous l’ai écrit, c'est de favoriser l'ouverture, la mobilité et la transparence. Il s'agit avant tout… je n’ai pas dit de mettre fin, parce que le mot serait présomptueux, en tout cas, de limiter davantage encore qu'aujourd'hui, autant que faire se peut, les cloisonnements au sein de l'encadrement supérieur de l'Etat qui, jusqu'ici, a pu conduire à faire primer des logiques de corps sur logiques de compétences et de parcours.
Qui parmi vous, dans vos carrières, n'a jamais renoncé à une candidature à telle fonction par croyance que celle-ci était réservée à tel ou tel corps ? Qui ? Qui parmi vous, n'a jamais regretté qu'un choix audacieux de changer de ministère ou d'exercer des fonctions, par exemple à l'étranger ou un service déconcentré ne fasse l'objet d'aucune valorisation, voire pire, fasse apparaître des obstacles de telle nature ? Qu'il vous fasse in fine relancer à ce problème.
Dès 2022, tous les emplois d'encadrement supérieur seront largement ouverts et accessibles. À l'image de ce que nous avons déjà fait pour les emplois de directeur en administration centrale, comme en service déconcentré, tous les emplois supérieurs des services de l'Etat dans les territoires et à l’étranger, qu'ils soient au sein des préfectures, des services déconcentrés et finances publiques ou encore au sein des services de l'Etat à l'étranger seront totalement ouverts et non plus aujourd'hui réservés à un seul corps.
Pour autant, je réponds à des interrogations tout à fait légitimes. Elles le sont toutes, qui se sont exprimées. Bien entendu, bien entendu, cette ouverture, ce décloisonnement, cette interministérialité ne signifie pas que tous les postes ou tous les hauts fonctionnaires sont interchangeables.
Mais précisément, les compétences devront plus que jamais être le premier critère de l'accès à un emploi. Il s'agit de remplacer, j'insiste, une logique de statut par une logique de métier. Je vous redis, en vous renvoyant à des lectures célèbres, que ce principe n'est en rien une nouveauté, bien au contraire.
C'était l'ambition originelle de Michel DEBRÉ à la Libération. Donner un plein sens à l’interministérialité, épine dorsale de l'ordonnance du 9 octobre 1945. Seulement la réalité est loin d'être à la hauteur des objectifs.
Et c'est pour renouer cette ambition que nous créons au premier janvier prochain le nouveau corps des administrateurs de l'Etat. Il a vocation à être le plus large possible. Il sera donc attractif, tant sur le déroulé des carrières que sur le plan des rémunérations.
Je le dis, il ne faut pas qu'il y ait de perdants. Non, ça ne marchera pas, c'est bien connu. Il regroupera tous les corps dits A+, à l'exception de ceux de sont exclus par nature, cour juridictionnelle, par exigence constitutionnelle ou à raison de spécificités très fortes liées au caractère fortement spécialisé ou technique des corps concernés.
Le 1er janvier prochain, tous les administrateurs civils intégreront le corps des administrateurs de l’État et les autres qui ont vocation à le rejoindre, on va procéder par étapes, en 22 et 23 pour les nouveaux entrants, de sorte que l’extinction des corps actuels sera progressive.
Je vous confirme que les membres actuels de ces corps bénéficieront de la clause dite du grand-père, ils pourront conserver un statut.
L’objectif encore une fois c’est de changer le système, pas de pénaliser les personnes. Un droit d'option leur sera néanmoins ouvert s'ils souhaitent d'emblée intégrer le corps des administrateurs de l'État.
Pour concilier l'interministérialité, le décloisonnement et la préservation des compétences, la création de ce grand corps des administrateurs de l'État s'accompagnera de la constitution de filières ou de parcours métiers.
Pour ceux qui avaient travaillé aux textes de la fonction publique territoriale pour éviter de tomber dans les corps, ils avaient inventé, certains s'en souviennent peut-être, la notion de cadre d'emploi. Il ne s'agit évidemment pas de reconstituer des parcours fermés au sein d'un même univers ministériel, mais de reconnaître, reconnaître la pluralité des expériences, des compétences, du parangonnage que l'on a acquis au cours de sa vie professionnelle.
Il y aura donc des statuts d'emploi, notamment pour la filière préfectorale, pour la filière diplomatique ou encore les inspections générales. Je souhaite d'ailleurs que l'écriture de ces statuts d'emploi, je l'ai dit aux secrétaires généraux, à madame la secrétaire générale du Gouvernement, soit précédée d'une large consultation des professionnels concernés.
Quant aux corps techniques eux-mêmes que j'évoquais plus haut, je vais lancer dans les prochains jours une mission de réflexion sur les recrutements, la formation et d'éventuelles évolutions au plan statutaire.
J'ai bien conscience, Mesdames et Messieurs, que pour vraiment ouvrir les carrières à une véritable interministérialité, l'évolution des règles statutaires ne suffira pas et qu'il nous faudra créer les conditions concrètes d'un décloisonnement effectif de l'encadrement supérieur de l'État, ce qui suppose d'ouvrir le chantier de la convergence indemnitaire du corps des administrateurs de l'État.
J'ai indiqué à la ministre de la Fonction publique, au ministre des Comptes publics que dès l'année prochaine, les administrateurs de l'État recevront une rémunération indemnitaire alignée sur la fourchette haute des administrateurs civils. Les membres des corps qui, ultérieurement et dans les conditions que je vous ai exposées tout à l'heure, rejoindront celui des administrateurs de l'État, ne pourront pas y perdre par rapport à leur régime actuel. C'est le principe dit du sac à dos.
Ce chantier doit aussi permettre, je le dis parce que je l'ai lu dans des retours, que celles et ceux d'entre vous qui ont occupé d'importantes responsabilités sur des emplois fonctionnels et qui les perdent, ça arrive, il n’y a rien d'infamant à cela, ne subissent pas de pertes injustifiées de rémunération lorsqu'ils sont amenés à occuper d'autres fonctions.
Nous devons en effet encourager, c'est aussi l'un des objectifs assumés de cette réforme la prise de risque de nos cadres supérieurs et les accompagner après l'exercice des fonctions les plus exigeantes ou les plus exposées.
Mobilité fonctionnelle, je l'ai dit mobilité interministérielle, mobilité géographique. Mobilité géographique. Tout ça, c'est quoi ? Allouer au mieux nos ressources humaines. Tout le monde, Dieu merci, n'est pas fait pour faire la même chose, mais collectivement, nous devons être affectés là où sont les besoins et l'État d'aujourd'hui comme l'État de demain, ce sera un État territorial et déconcentré, même si ou surtout si le pouvoir politique décidait de renforcer la décentralisation, la France, vous le savez bien, n'étant pas le pays d'Europe, où est le plus marqué, cela signifiera cela s'accompagnera nécessairement par une déconcentration des responsabilités.
Et je suis toujours sidéré par ce chiffre que je répète à l'envie 88 % de tous nos fonctionnaires sont dans les territoires. Seuls 8 % des cadres supérieurs des A+ s'y trouvent. Vous ne trouverez aucune entreprise au sens générique du terme où il y a une telle dissociation. Il nous faut donc, comme pour conforter cet État territorial et développer le nombre de hauts fonctionnaires dans les territoires.
Et je le dis là aussi en lien avec la crise, car avec les missions prioritaires, ou quel que soit le nom, on en a envoyé de plus en plus. Je vous rassure, ils ne sont pas morts.
D'ailleurs dès la sortie de l'ENA, j'ai décidé que le nombre de postes proposés dans les services déconcentrés, dans les territoires, il n'y a pas que la préfectorale, sera accrue.
Cette ambition, Mesdames et Messieurs, sera inscrite dans la durée afin que l'État, à tous les niveaux des responsabilités, soit au rendez-vous des attentes de nos concitoyens. Mais nous ne pouvons pas réarmer nos territoires en comptant sur notre seule bonne volonté. Pour cela, l'employeur doit aussi rendre plus attractive les fonctions dans nos territoires, à la fois en termes financiers et d'accompagnement individuel.
Il convient, je le dis aussi au passage, de beaucoup mieux organiser les mobilités entre les cadres supérieurs des trois fonctions publiques. Je l'évoque à ce stade de mon propos, puisqu'en territorial, je pourrais vous citer des exemples à l'infini. Il y a des cadres de la fonction publique territoriale qui viennent dans l'État, c'est très bien, ça rajoute des démarches individuelles, c'est parfait, ça n'est pas organisé par l'employeur, c'est-à-dire comme répondant à une nécessité de l'État moderne. Alors ceux qui s'y aventurent quand il s'agit de revenir dans un sens ou dans l'autre, c’est toujours la galère. Ça n'est pas normal. Nous pouvons changer cela. Nous pouvons améliorer cela. Ce sont des sujets concrets.
Ça fait partie des chantiers, Madame la ministre, sur lesquels nous devons encore progresser par rapport à ce que nous avons jusqu'à ce jour décidé. Enfin, l'évaluation des hauts fonctionnaires sera améliorée. Toujours pour vous aider dans vos parcours et mieux objectiver vos mérites et vos talents, et donc pour l'employeur, mieux réaliser les affectations. Vous pourrez ainsi réaliser, on ne part pas de rien, des bilans de compétences réguliers, des rendez-vous de carrière permettant de faire le point sur vos expériences et vos aspirations, il faut que cela soit généralisé et il nous faut beaucoup progresser et rapidement s'il vous plaît, Madame la ministre, sur les deuxièmes parties de carrière.
Là aussi, je pourrais personnellement multiplier les exemples de ce que j'ai vu et parfois de gâchis. Je le dis la mort dans l'âme. Sujet qui illustre sans doute les marges de progrès les plus saillantes de notre gestion de ressources humaines. Cette question, vous le savez, touche aussi bien celle des débouchés, du suivi individualisé et personnalisé, des mouvements aussi, sujet que je n'ai pas évoqué. J'ai parlé de la territoriale, de l'hospitalière.
Je parle maintenant du monde de l'entreprise privée et donc de la question des règles déontologiques. Tout cela doit être examiné. Je souhaite, Madame la ministre, sur votre proposition que nous prenions à bras-le-corps la question de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, qui touche plus particulièrement les femmes dont il nous faut renforcer la place aux plus hautes fonctions de l'État. Là aussi, je le dis, nous avons progressé, mais nous sommes depuis quelques années sur un palier.
Nous sommes depuis quelques années sur un palier. Pour donner corps à toutes ces ambitions, Mesdames et messieurs, il faut que nous nous dotions de moyens nouveaux, car, vous l'avez compris, au-delà des textes, c'est un défi managérial et culturel qui est devant nous.
C'est pourquoi nous avons souhaité créer une délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État qui me sera directement rattaché, ainsi qu'à la ministre en charge de la Fonction publique. L'objectif est très clair, là encore, avoir une véritable stratégie de gestion commune de l'encadrement supérieur qui est aujourd'hui trop souvent lacunaire.
Et voilà encore un point que la consultation en ligne identifie de façon massive. Cette Dièse sera dotée, dès le PLF 2022, des emplois et moyens nécessaires au lancement de ces travaux et ses missions devront s'articuler avec celles des DRH ministériels. Car je vous le dis là aussi, il n'est en aucun cas prévu que la Dièse se substitue à celle-ci. Je ne vais pas créer un Big Brother de la GRH interministérielle. Ça, je sais que ça ne marchera pas. Contrairement à ce qu'on pense dans toutes les restructurations que l'on fait, plus c'est gros moins ça marche. Les DRH ministérielles, justement, ont elles aussi devant tel un grand chantier de modernisation, elles doivent évoluer pour mettre en œuvre dans leur champ ministériel les principes de la réforme.
Nous avons missionné Jean BASSÈRES. Il est par là ? Ah bah oui, avec le masque, je ne le voyais pas. On a pris M. BASSÈRES. Je ne suis pas sûr que je le présente, M. BASSÈRES, à tout le monde.
Et bien sûr, il va s'appuyer sur une équipe pluridisciplinaire, paritaire pour préfigurer l’INSP et la Dièse. C'est un choix, je le dis, évidemment volontaire d'un haut fonctionnaire qui a beaucoup bougé lui-même, exemplaire, qui a le service public chevillé au corps. Alors pas le corps... C'est un peu symbolique. On aurait pu faire appel à François BLOCH LAINE, mais il est mort.
Cher Jean, des propositions sont attendues à l'automne, et très attendues. Plus nous avancerons, plus nous devrons entrer dans l'atmosphère.
Vous devez, Mesdames et Messieurs, y entrer en confiance. Toute réforme perturbe, toute réforme interroge. Je le comprends parfaitement. Mais, moi, j'ai confiance, confiance en vous, bien sûr, confiance en cette réforme, sinon je ne l'aurais pas, à la demande du Président de la République, engagée, car je sais que ce qui nous réunit à toutes et à tous, c'est notre volonté commune que notre État marche bien, marche mieux au service de nos concitoyens.
C'est un autre constat partagé que finalement tout ce que j'ai dit devant vous cet après-midi, en réalité précisé, vous savez que c'est animé de bonnes intentions, frappé au coin du bon sens et représentatif des réalités que vous avez vécues toutes et tous. Je ne veux pas terminer par là, ça ne se fait pas, Je dis ça à M. LAMBERT, qui est un vieux de la vieille comme moi, mais enfin quand je veux sortir de la Cour des comptes pour faire ma mobilité comme directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, ça n'existe plus, on m’a dit « Ce type est fou. On m'a bloqué ». Ce n'est pas digne. Ce n'est pas digne. Les quatre ans statutaires sont devenus cinq ans et demi, parce que je suis têtu. J’ai survécu. Et quand j'arrive là-bas, ce n’est pas formidable, c'est le Syndicat des directeurs des affaires sanitaires et sociales qui fait un recours contre ma nomination parce que je ne répondais pas en ma qualité de conseiller référendaire à la Cour des comptes aux règles pour occuper cette fonction.
Dieu merci, ce syndicat, je ne l’en remercierai jamais assez, a eu l'heure de retirer son recours. Je prolonge comme secrétaire général de préfecture où je m'éclate. Et là, un préfet dit « Vous n'avez qu'à venir comme SGAR. Je ne vais pas vous dire ce que c'est qu'un SGAR ». Alors là, le ministère me dit « Mais non, on ne passe pas de la catégorie je ne sais pas combien à la catégorie suivante, Monsieur, ce n’est pas possible. Vous avez parfaitement réussi. Vous avez été un excellent secrétaire général, mais non ce n'est pas possible ». Et alors de surcroît, de surcroît, deuxième lame de rasoir, on me dit « Ah mais non dans les SGAR, il y a les postes interministériels et puis il y a les postes ministère de l'Intérieur. Justement, celui que vous demandez ne correspond pas. Allez-vous rhabiller ! », ce que j'ai fait.
Bon, pardonnez-moi d'avoir parlé de moi à ce stade de mon propos, mais tout ça, ça s'est amélioré depuis, mais pas assez, pas assez. Et le bon système, voyez-vous, c'est celui où coïncide l'intérêt des actrices et des acteurs et celui du système. C'est tout l'objectif de la présente réforme.
Je vous remercie.

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