Discours du Premier ministre Jean Castex sur le porte-avions Charles-de-Gaulle

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié 05/06/2021

Madame la ministre des armées,
Madame la présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale,
Monsieur le président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat,
Monsieur le directeur de cabinet de la ministre des armées,
Amiral,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs les officiers, et officiers mariniers,
Quartiers-maitres et matelots,
J’éprouve un très grand plaisir à m'adresser à vous ce matin. Mais au-delà de ce plaisir qui prolonge celui que j'ai pris à échanger avec vous et à visiter le porte-avions, je veux dire avec beaucoup de gravité que c'est un honneur de me retrouver ici, dans les entrailles de ce bâtiment exceptionnel, alors qu'il rentre de mission. Ce moment fait partie de ceux, très particuliers, où l'on mesure ce que cela signifie d'être Premier ministre d'un pays comme la France, d'être Premier ministre d'un pays qui assume ses responsabilités, qui croit en ses valeurs, et qui se rassemble pour en porter témoignage. Votre bâtiment et les avions qu'il embarque en sont un symbole très fort.
Lorsque, comme vous venez de le faire, vous hissez, sous les ordres du Président de la République, nos trois couleurs au loin en mer Méditerranée, dans l'océan Indien, lorsque vous opérez dans le Pacifique, vous portez un message. Ce message est important. Ce message est clair, et vous l’exprimez avec force. Il dit : La France est là. Elle est fière de son histoire et de ce qu'elle porte. Elle a confiance dans son avenir. Elle est solidaire de ses partenaires et de ses alliés. Elle protège les siens. Elle s'engage pour la paix. Nul ne pourra la faire taire. Et si quelque puissance égarée était tentée de s'en prendre à ses intérêts vitaux, qu'elle sache qu'elle devra en payer le prix.
Si vous pouvez faire porter ce message, c'est en raison de la nature très singulière du Charles de Gaulle, ce bâtiment qui me remplit de fierté comme il remplit de fierté tous les Français, est à lui seul un témoignage. C'est d'abord le témoignage de l'effort que, année après année depuis de nombreuses décennies, la France a consenti pour sa défense. Le Charles a dignement pris la suite de nos premiers porte-avions de l’Arromanches après la guerre, du Lafayette et du Bois-Belleau dans les années 50, du Foch et du Clemenceau plus récemment pour affirmer comme capital-ship de notre marine notre présence sur les mers du globe.
Cet effort, poursuivi sans relâche par vos anciens comme par le pays tout entier, projette aujourd'hui le message de notre détermination militaire. Mais il projette aussi un autre message, celui de l'excellence de notre industrie. Dans les flancs du bateau, il y a, je l'ai vu ce matin, la pensée de nos scientifiques, les centaines de milliers d'heures de travail de nos bureaux d'études, le génie de nos ingénieurs et le savoir-faire de nos ouvriers. Ce bateau qui est tout à la fois un navire, une centrale nucléaire, un aéroport, une ville et une installation militaire, représente, aux yeux de tous, le savoir-faire français.
Mais ce message, ces messages seraient inaudibles s'ils n'étaient incarnés, et c'est vous, son équipage, qui l’incarnez. J'ai été depuis hier soir très frappé par la force de la communauté humaine que vous représentez. J'ai pu mesurer à quel point chacun ici, sous les ordres du capitaine de vaisseau Guillaume PINGET, accomplit sa tâche avec rigueur et avec passion. Chacun du plus jeune, des matelots au plus chevronnés des officiers ou des officiers mariniers, sait que son rôle est essentiel à la bonne marche du bâtiment. Et cela se sent, cela s'observe. Cela se voit. Il faut vivre ici avec vous et pendant quelques heures pour comprendre très vite qu'un tel bâtiment ne peut être servi que par des gestes précis, une technique sûre, une maîtrise parfaite et cette conscience aiguë de faire partie d'un tout.
Oui, ici, chacun est à son poste, car il sait que là où il est le moindre de ses gestes, le moindre de ses gestes engage la réussite de la manœuvre qui s'exécute et donc la vie de tous. C'est cette cohésion de tous les instants que vous incarnez, inséparable de l'esprit d'équipage, qui est la valeur cardinale de la vie du marin. Dans cette société si particulière que vous représentez, chacun est reconnu et j'ai pu lire dans les yeux de tous ceux que j'ai croisés la fierté qui est le signe des grands destins.
Cette fierté est légitime et les Français le savent presque instinctivement. Ils savent ce qu'elle peut coûter de disponibilité pour vous, de sacrifice pour vos familles, de courage lorsque la menace apparaît au-delà de l'horizon ou que les avions décollent pour survoler des zones hostiles. Ils sentent ce qu'il y a de grandeur dans votre mission au service de la France.
Permettez-moi en cet instant de rendre hommage au maître principal Éric GÉNESTINE qui avait fait partie de votre équipage et qui est mort en service le 25 février dernier à bord de la frégate Chevalier Paul, qui accompagnait le porte-avions. Ses 35 ans de service dans la marine sont un modèle d'engagement au service de notre pays. Il avait, comme tous ceux qui l'ont précédés, comme ceux qui servent aujourd'hui et ceux qui serviront demain, contribué à la grandeur de notre marine.
La France porte une ambition maritime et les Français presque naturellement, depuis, leurs 18 000 km de littoral, regardent vers les horizons lointains. La France n'a jamais oublié qu'elle est tout à la fois un Finisterre et un archipel présent sur trois mers et quatre des cinq océans qui baignent notre planète. Elle a toujours eu à cœur de renforcer son rang de deuxième puissance océanique mondiale.
Elle devra le faire encore plus demain. La reconquête de notre indépendance économique et de notre compétitivité qui est au cœur de notre projet politique commence sur les mers et sur les océans. Je l'ai affirmé en plusieurs occasions, notamment au Havre, le 22 janvier dernier, lors du Comité interministériel de la mer, où j'annonçais que plus de 2 milliards d'euros de budget de l'État seront consacrés à la mer avec l'engagement de 13 ministères. Mais c’est aussi à Brest, le 6 février, lors de l'inauguration du nouveau siège de l'Ifremer, que j'affirmais notre grande ambition, celle que la France occupe la première place dans le Grand siècle maritime qui s'ouvre devant nous.
Cette grandeur, nous la devons bien sûr aux scientifiques, aux pêcheurs, aux marchands et à tous les acteurs de la mer. Mais c'est grâce à vous que chacun de ces métiers peut s'exercer dans la paix et la sécurité. Notre marine n'est pas l'instrument d'une politique de puissance, mais une garantie de la paix.
C'est pourquoi ici, sur ce porte-avions, en présence de la ministre des Armées, je voudrais, au nom du Gouvernement, assurer de ma confiance l'amiral VANDIER, votre chef d'État-major et la Marine nationale dans son ensemble. Vous venez de lutter contre les résurgences de l'État islamique au Levant et puis vous avez manifesté la présence de la France dans le golfe arabo-persique. Vous avez assuré brillamment le commandement d'une importante force navale franco-américaine, témoignant ainsi de la confiance que vous inspirez. Je sais que demain, vous saurez encore relever les défis qui sont devant vous et qui sont parfaitement rappelés dans le plan stratégique Mercator. Je sais que vous saurez faire face à la montée des menaces qu'elles viennent de la mer ou de la terre. Je sais que vous saurez penser la guerre sur la mer au prisme des nouveaux enjeux, qu'il s'agisse de la territorialisation de la mer, des fonds marins, des performances accrues des armes navales, aériennes ou sous-marines de nos adversaires. Je sais que vous saurez vous adapter à l'hybridité des menaces auxquelles nous devons faire face. Je sais que vous continuerez à attirer les nombreux jeunes Français qui sont votre principale force.
Cette entraide, l'engagement, chère Florence PARLY, nous avons pu le constater à Saint-Maixant, où j'étais avec vous il y a quelques semaines, dans cette école qui a formé depuis sa création plus de 120 000 sous-officiers, dont deux tiers sont issus de milieux modestes. Mais je pourrais tout aussi bien, ce que je me réserve d'ailleurs la possibilité de faire, visiter l'École des mousses parce que c'est un autre exemple de cette capacité d'intégration qui fait la force de nos armées.
Je rapproche cet engouement que vous percevez dans la jeunesse de celui que suscite l'édition 2021 du Service national universel. 25 000 jeunes se sont portés, malgré les circonstances sanitaires présentes, volontaires. Je ne confonds pas cet engagement civil avec celui des armes, mais je veux y voir l'enthousiasme d'une jeunesse qui veut servir plutôt qu'être servie. Notre Marine va aussi pouvoir tirer parti des nouveaux équipements qui vont sortir de nos chantiers navals. Les FREMM et les sous-marins BARRACUDA seront rapidement suivis par les frégates de défense et d'intervention. Les nouveaux bâtiments ravitailleurs de flotte, les différents types de patrouilleurs avant que, à la fin de la prochaine décennie, les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération et le nouveau porte-avions n'entrent en service conformément à la décision prise récemment par le Président de la République. Et quand le jour viendra, où le Charles entrera à quai et cessera de parcourir les océans, vous, l'équipage, son équipage, vous poursuivrez votre mission, vous transmettrez aux nouvelles recrues les savoirs que seule l'expérience permet d'acquérir et vous continuerez à tresser le vieux cordage de la Royale qui a résisté à toutes les tempêtes et à toutes les batailles.
Nous avons une belle et grande marine et je sais que vous en êtes les principaux artisans. Mais elle est aussi l'expression de la volonté du pays qui s'est traduite dans la loi de programmation militaire voulue par le Président de la République Emmanuel MACRON. Cette loi a été préparée par Florence PARLY, qui en assure aujourd'hui la mise en œuvre avec rigueur, intelligence et sens de l'avenir. Elle sait toute la confiance que je lui porte. Cette loi a été votée à l'issue d'un travail important avec le Parlement et je voudrais saluer ici le rôle des commissions qui suivent les questions de défense en rendant hommage à leur Président dont je salue à nouveau la présence parmi nous, Madame Françoise DUMAS et Monsieur Christian CAMBON. Cette présence montre j'en suis sûr à quel point la défense associe étroitement l'armée et la nation.
Cette loi de programmation, vous le savez, est inédite à un triple titre. Son ambition d'abord, qui visait à permettre à la fois la régénération de nos armées et leur modernisation, alors que sur la période 2007-2015, le budget a été de l'ordre de 30 à 32 milliards d'euros. Il se montera désormais par la volonté du Président de la République en moyenne à 40 milliards sur les 5 années qui vont de 2019 à 2023. Cet effort était nécessaire et nous le poursuivrons. C'est une question d'indépendance. C'est une question de place de la France dans le concert des nations, car la deuxième caractéristique de cette loi de programmation militaire, c'est qu'elle est respectée.
Enfin, troisième caractère notable, cette loi associe la constance de l'effort avec l'adaptation à un contexte évolutif qui a vu depuis 5 ans certains États manifester sans retenue leur appétit de puissance, les mouvements terroristes se reconfigurés de nouvelles technologies émergées. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement viendra les 22 et 23 juin prochains présenter au Parlement la façon dont cette loi de programmation militaire est mise en œuvre et continuera de l'être. C'est mon rôle de Premier ministre que d'y veiller. Et lorsque je m'exprimerai à la tribune du Palais Bourbon, puis du Palais du Luxembourg, j'aurai à l'esprit, soyez en certains, les images de ces quelques heures passées à bord du Charles de Gaulle, le souvenir de vos visages déterminés et sereins, l'émotion de ces catapultages et de ces arpentages. J'aurai à l'esprit la devise qui est la vôtre : « Être inerte, c'est être battu », qui pourrait aussi servir de devise à tout dirigeant politique.
Aujourd'hui, vous êtes de retour de mission avec, je le souligne, une organisation remarquable pour faire face à la COVID, alors, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter de belles retrouvailles avec vos familles qui sont la condition même de votre équilibre. Je ne l'oublie pas, elles aussi sont admirables de courage, d'endurance et d'esprit d'abnégation. Vos succès, vos victoires, vos décorations sont aussi les leurs. C'est par elles que je voudrais terminer cet hommage et vous dire, leur dire, au nom du Gouvernement, la reconnaissance de la Nation. Cette Nation qu'ensemble, nous servons, nous aimons et nous chérissons.
Vive la République, vive la France.

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