Discours d'Édouard Philippe lors de la réception offerte en l’honneur de la communauté française au Sénégal

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 18/11/2019

Seul le prononcé fait foi
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur l’ambassadeur,
Mesdames et messieurs les conseillers consulaires,
Mes chers compatriotes,
Chers amis
« Le meilleur des grands-pères est le mien. Dans les champs de mil, mon grand-père ne m’offrait pas de petites fleurs. Il me tendait la houe et me disait de gratter le sol. À force de transpirer, j’ai compris que seule la sueur faisait pousser les plus belles fleurs, celles qui garnissent une vie digne » . Nous avons tous, Mesdames et Messieurs, croisé ce type de personnalités - rudes, mais franches et souvent aimantes - qui ont le chic d'expliquer la vie telle qu'elle est. Ce grand-père, vous l'avez compris, ce n'est pas le mien. Il apparaît sous la plume de l'auteure franco-sénégalaise Fatou DIOME.
Si nous sommes venus ici, avec un certain nombre de membres du Gouvernement, avec un certain nombre de parlementaires, à l'occasion de ce quatrième séminaire intergouvernemental entre la France et le Sénégal, c'est pour partager un peu de cette sueur. Celle de l’effort, du courage, du travail au service de l'avenir. L'avenir du Sénégal, bien-sûr, qui est le seul pays d'Afrique subsaharienne avec lequel nous avons organisé et organisons des séminaires intergouvernementaux, mais l'avenir de la France aussi. Et donc le vôtre, parfois à double titre. Je ne vais pas évoquer ici tous les sujets que nous allons aborder durant ces deux jours. J'en retiendrai trois qui nous concernent plus directement et qui vont nous occuper durant ces prochains mois.
Le premier est évidemment économique. Il concerne les échanges entre nos deux pays, qui sont particulièrement dynamiques. Ce dynamisme, nous le devons en grande partie à vous. Nous le devons aussi aux autorités sénégalaises qui ont fixé un cap clair avec le « Plan Sénégal Emergent ». Grâce à ce cap, nous pouvons concentrer les financements publics français sur des investissements d'avenir.
Je pense en particulier au soutien que nous continuerons d'apporter au projet de train express régional dans sa phase 1, jusqu'à Diamniadio et dans sa phase 2 jusqu'à l'aéroport. Je ne connais pas très bien, Mesdames et Messieurs, les conditions normales de circulation à Dakar. Je sais en revanche, à la fois en tant qu’ancien maire d'une grande ville, et parce que j’observe le monde tel qu'il est, que les projets d'infrastructures de transport en commun, transforment radicalement ou sont susceptibles de transformer radicalement les domaines de l'aménagement urbain et déterminent assez largement les améliorations en matière de qualité de vie.
La France sera aussi présente aux côtés des Sénégalais dans de nombreux autres domaines : l'agroalimentaire, le tourisme, le développement des énergies renouvelables, le numérique, bien-sûr.
Le deuxième volet de cet avenir commun est éducatif, culturel, humain. Je le disais tout à l'heure, la raison du dynamisme dans nos relations, est en grande partie présente devant moi. Le premier gage de cet avenir commun, c'est évidemment vous. Vous tous : Français du Sénégal, Sénégalais de France qui forment une communauté particulièrement dynamique et bien sûr, ceux qui peuvent bénéficier et s'enorgueillir de la double nationalité. Vous constituez la communauté française la plus nombreuse de l'Afrique subsaharienne. L'une des plus anciennes aussi et l'une des plus variées. Vous êtes les visages de notre pays au Sénégal. Vous en partagez les combats, les défis. Permettez-moi de saluer vos conseillers consulaires. Pour eux, l'année 2020 sera une année d'élections au mois de mai. En France, ce sera au mois de mars pour les municipales. Je ne saurais trop vous encourager, Mesdames et Messieurs, à vous inscrire sur les listes électorales pour exercer votre devoir de citoyen. Je ne parle pas des élections municipales, bien-sûr. Si j'insiste, c'est que peu de ressortissants européens ont encore cette possibilité et il me semble important d'en faire vivre le principe.
Cette richesse culturelle et humaine, c'est aussi un réseau d'écoles à programme français. 13 établissements au total, qui scolarisent près de 7 500 élèves français, sénégalais ou d'autres nationalités. Le président de la République s'est engagé à plusieurs reprises : de nouveaux établissements verront le jour pour faire face à la demande, ici, au Sénégal, mais aussi dans d'autres pays. Nous sommes également engagés aux côtés du Gouvernement sénégalais pour offrir aux jeunes des formations leur permettant de construire leur avenir ici. C'est le sens du campus franco-sénégalais, dont le site principal se trouvera à terme lui aussi à Diamniadio. On y dispense depuis cette rentrée une quinzaine de formations. C'est un début : elles seront évidemment plus nombreuses à l'avenir.
« On n'est pas un athlète complet si l'on est en même temps danseur et chanteur c'est-à-dire poète » , disait Léopold Sédar SENGHOR, qui, m’a-t-on raconté, pratiquait dans sa jeunesse la lutte physique puis plus tard, la lutte politique. Peu de gens, Mesdames et Messieurs, se risqueraient à me décrire poète, encore moins danseur et certainement pas chanteur. En revanche, j'aime moi aussi la lutte. La boxe pour être précis et je salue ceux qui aujourd'hui m'accompagnent dans ce déplacement. Demain, nous rencontrerons Souleymane M’BAYE, triple champion du monde de WBA dans la catégorie des poids Welter. Mais ce n'est pas pour vous parler de boxe que j'évoque la nécessité de l'activité physique. C'est pour vous dire que pour la première fois en Afrique, en 2022, seront organisés ici à Dakar, les Jeux Olympiques de la jeunesse. C'est une formidable reconnaissance à laquelle, évidemment, nous apporterons tout notre soutien, en particulier dans la rénovation des infrastructures sportives et dans la préparation des athlètes, et ce, avant de prendre le relais de l'Olympisme en 2024.
Les liens humains qui nous rassemblent sont enfin culturels, historiques, avec ce que cette histoire peut avoir de lumineux et de glorieux, et aussi avec ce qu'elle peut avoir de parts d'ombre. Je le disais, avant d'être Premier ministre, j'ai eu le bonheur d'être le maire du Havre. Et parce que je ne sais que trop bien combien l’essor de cette ville est lié à celui du commerce triangulaire, je ne veux jamais minorer cette part d’ombre. Le devoir de mémoire est évidemment essentiel pour mettre un terme à ce qu’Aimé CÉSAIRE surnommait « les Bouches cousue s », ces mécanismes qui, disait-il, font « fonctionner l'oublioi r ». Il ne s'agit en rien de fixer cette mémoire, mais de la faire connaître, de la faire reconnaître et d'insister aussi sur ce qui nous rassemble.
C’est par exemple, la reconnaissance du courage et du sacrifice des Tirailleurs sénégalais qui se sont battus pour défendre la France, ses concitoyens et ses valeurs.
Ce qui nous rassemble, c'est la signature d'un accord entre nos deux gouvernements pour accentuer la coopération entre nos musées et la circulation des œuvres. C'est le processus que nous venons d'engager de restitution officielle au Sénégal du sabre d'El Hadj Oumar TALL, le fondateur au XIXème siècle de l'empire Toucouleur. Ce n’est en rien un geste anodin, et dont la signification symbolique et, peut-être même au-delà, politique, a parfaitement été perçue par le gouvernement sénégalais, par le président de la République Macky SALL et par tous ceux qui sont attachés à ce que le patrimoine africain puisse être mis en valeur en Afrique.
Ce qui nous rassemble, c'est l'organisation au second semestre 2020 en France de la saison des cultures africaines, « Africa 2020 ».
Un mot encore, puisque je m'exprime depuis cette tribune. Devant cette ambassade. Devant cette baie et devant l’île qui s'y trouve. Il y a 3 jours, à Paris, avec le président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Jean-Marc AYRAULT, nous avons signé une convention qui nous permet d'organiser dans la durée les moyens de faire connaître, de diffuser la connaissance, non pas sur le mode de l'expiation ou de la gêne ni même sur le mode de la fierté, mais sur le mode du savoir qui rassemble et qui permet de regarder l'avenir sereinement. Nous avons signé cette convention pour dire que nous savions et que nous n'oublions pas.
Le dernier volet de cet avenir en commun, c'est la paix et la sécurité pour lesquelles la France et le Sénégal coopèrent de manière très étroite. Je participerai demain à l'ouverture du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Je rendrai également visite aux éléments français présents au Sénégal et qui jouent un rôle clé dans le renforcement des capacités des États de la région à mener la lutte contre la menace terroriste. Je veux redire ici notre détermination totale à combattre avec nos alliés africains le terrorisme islamiste.
Mesdames et Messieurs, « l'enfant du pays a beau vivre ailleurs pendant des années, il pensera toujours à sa terre » dit, je crois, un proverbe sénégalais. Permettez-moi de dire quelques mots de la France où depuis un peu plus de deux ans, nous avons engagé de profondes transformations.
Je voudrais en parler avec quelque chose qui nous rassemble, bien entendu, qui est l'amour de notre pays. Je voudrais également en parler avec humilité et prudence, parce que notre pays, à bien des égards, est formidable, remarquable et surprenant. Il est d'autant plus surprenant dans sa capacité qu'il a parfois à ne pas accepter ou plus exactement à s'interroger sur les bonnes nouvelles.
Nous n'avons en France aucun problème à évoquer les mauvaises nouvelles et c'est très bien. Nous parlons souvent de ce qui ne va pas. Et il faut le faire. Mais tout à cette fascination et à cet enthousiasme pour désigner ce qui ne va pas et ce qui devrait aller mieux, nous sommes parfois, comme empruntés, réticents, hésitant à évoquer les bonnes nouvelles quand il y en a. Il faut alors le faire avec prudence, car évoquer une bonne nouvelle, ça ne veut pas dire que tout va bien. Il faut le faire avec humilité, car évoquer une bonne nouvelle, ça ne veut pas dire qu’elle est là exclusivement à cause de ce qu'aurait fait le Gouvernement ou tel ou tel responsable politique. Donc, prudence et humilité.
Néanmoins, ce que le président de la République nous a chargé de faire, c'est d'essayer de faire en sorte de ne pas se satisfaire de l'état dans lequel nous nous trouvons tous ensemble et où nous avons mis notre pays. Souvent trop inquiets, parfois insusceptibles de garantir les éléments de sa puissance, assignant trop souvent à résidence ceux qui aspirent, dans notre pays, à plus, à mieux, à différemment. Un pays qui dispose d'un potentiel exceptionnel, envié. On ne se rend jamais autant compte du potentiel exceptionnel et envié de notre pays que lorsque l'on est à l'extérieur de ses frontières. Lorsque les responsables politiques, économiques, nos compatriotes ou nos concitoyens nous disent « oui, c'est vrai, tout ne va pas formidablement en France. Mais nom de nom, quel pays ! ».
Au fond, faire en sorte que ce potentiel exceptionnel et envié puisse se réaliser, ce n'est pas un exercice facile. Et là encore, il ne faut pas pécher par absence d'humilité. Mais il faut se dire que transformer notre pays ou en tout cas essayer de le faire en vaut la peine. Libérer ses énergies pour que la croissance soit au rendez-vous, pour que la préparation de l'avenir soit garantie, pour que la préservation des intérêts de la France partout dans le monde soit assurée, pour que nos concitoyens se rendent compte qu'un certain nombre d'éléments qui, pendant fort longtemps, n'ont pas été réglés, commencent à changer. Tout cela en vaut la peine. Et c'est à tout cela que nous nous sommes attaqués.
La France de 2019, c'est une France dans laquelle la croissance n'est pas aussi élevée que celle que nous aimerions. Mais c'est une France dans laquelle la croissance est plus solide que celle d'un très grand nombre de ses voisins européens. Notre pays est confronté aujourd'hui et demain aux crispations dans le commerce mondial, aux guerres commerciales qui se nouent çà et là, « çà et là » étant souvent de l'autre côté de l'Atlantique et du côté de l'Asie.
Cette France de 2019, c'est une France dans laquelle le chômage est encore trop élevé. C'est une caractéristique de notre pays, mais c'est une France dans laquelle le chômage baisse. Son taux était de 10 % à la fin de l'année 2016. Il est de 8,6 % au deuxième trimestre de 2019. Durant la période 2017-2018, notre pays a créé 524 000 emplois, dont 480 000 dans le secteur marchand. Et pour la première fois depuis 17 ans, Mesdames et Messieurs, l'industrie recrée des emplois. On ne va pas commencer à triompher parce que pour la première fois depuis 17 ans, l'industrie commence ou recommence à créer des emplois en net. Mais on ne va pas non plus s'excuser de ce mieux.
On ne va pas non plus dénigrer l'action qui permet de faire en sorte que, pour la première fois, la France intègre le top 5 des pays les plus attractifs du monde aux yeux des investisseurs étrangers. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le classement d'un cabinet qui n'est pas français et dont la bienveillance à l'égard du Gouvernement français est improbable. Nous étions 10èmes en 2014, nous sommes 1er en 2018. J'ajoute que, pour la première fois, le classement d'Ernst & Young nous classe 2ème en Europe, devant l'Allemagne, en termes d'accueil d'investissements étrangers. Ces bons résultats qui sont synonymes d'emplois créés, de perspectives offertes à des territoires, sont encourageants et reflètent de manière imparfaite la réalité que vivent des millions de nos concitoyens dans nos territoires. C'est la raison pour laquelle je disais que l'on devait être prudent et humble.
Je ne veux pas revenir sur la colère qui s'est exprimée dans notre pays il y a un an et qui a donné lieu à des débordements hier dont chacun a pu voir les images sur les postes de télévision et auquel je suis certain, vous êtes tous attentifs. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire. Cette colère est l'expression française d'une réalité qui n'est pas spécifiquement française. La baisse du pouvoir d'achat des classes moyennes, l'éloignement et parfois le sentiment de relégation par rapport au lieu où se prennent les décisions, le sentiment que ses enfants vivront moins bien que soi-même et l'absence de perspectives qui va avec. Ces trois causes ne sont pas propres à la France. On les a vues partout en Europe occidentale et même aux États-Unis. En France, la forme que ce sous-jacent a exprimé, a été celle des gilets jaunes. Mais dans d'autres pays, la forme a pu être électorale, référendaire comme de l'autre côté de la Manche par exemple. Elle n'en a pas été toujours moins violente non plus.
A cette colère et à cette angoisse qui s'est exprimée, nous avons apporté trois types de réponses. D'abord une réponse citoyenne avec l'organisation d'un Grand débat national dont tout le monde a reconnu le caractère inédit et la portée qu'il pouvait avoir.
La deuxième réponse a été économique et sociale avec l'adoption d'une batterie de mesures au fond centrées sur l'idée qu'il fallait faire en sorte que le travail paye plus dans notre pays. Que tous ceux qui ont une activité ou retournent vers l'activité puissent avoir un niveau de vie supérieur, accru. Et c'est d'ailleurs le cas. Je le dis là encore avec prudence et humilité, mais le pouvoir d'achat par habitant dans notre pays progressera de l'ordre de 2 % en 2019. C'est la plus forte progression depuis 12 ans.
La troisième réponse a été politique et parlementaire. Au mois de juin, à la demande du président de la République, j'ai présenté au Parlement l'acte II du quinquennat. Un acte II qui marque un tournant dans la méthode que nous employons — plus horizontale, plus partagée — sans rien enlever à notre volonté de transformer le pays. Car là encore, je le dis, c'est bien la transformation du pays qui nous intéresse. Non pas pour le plaisir de transformer mais parce que si l'on ne transforme pas notre pays il est immobile et dans une situation dangereuse. Cette volonté de transformer est évidemment intacte. Depuis cet été, nous déclinons mois après mois les priorités de cet acte II.
C'est la mise en œuvre de la réforme de l'assurance chômage, dont plusieurs mesures sont entrées en vigueur au tout début du mois de novembre. Et là encore, je rappelle le but : faire en sorte que le travail paye plus que le chômage, réduire les recours abusifs aux contrats courts sans toucher bien-sûr aux principes et à la qualité de cette protection. La durée maximale d'indemnisation qui est de 24 mois demeurera la même. La France gardera un des régimes les plus favorables de l'OCDE mais fera en sorte que ce régime ne soit pas exagérément plus favorable que celui des pays de l'OCDE.
J'ai présenté également les grandes lignes de la réforme des retraites dont le but est de bâtir pour l'avenir un système universel qui se substituera aux 42 régimes de retraite qui existent jusqu'à présent. Il s’agira d’un système universel qui fonctionnera par répartition, c'est-à-dire que ce sont les actifs d'aujourd'hui qui payent les pensions des retraités d'aujourd'hui. Il fonctionnera par points ce qui permettra que chaque heure travaillée ouvre un nombre de points et donc un nombre de droits suffisants pour acquérir ensuite au moment de sa retraite une pension bien méritée. Je sais que lorsque l'on évoque dans notre pays le sujet des retraites il peut arriver qu'on se heurte à une forme de scepticisme et même à certains égards de résistance. Je la prends au sérieux et je la respecte car le système de retraites est la plus belle incarnation qu'on puisse imaginer du contrat social. C'est-à-dire de ce lien particulier qui fait que nous sommes tous unis et que notre situation individuelle dépend à bien des égards du bon vouloir des autres et réciproquement. Ce contrat social, ce pacte républicain, en d'autres termes, est très parfaitement incarné par l'idée qu'après avoir travaillé toute sa vie en contribuant aux retraites des pensionnés on peut, une fois arrivé à la retraite, continuer à avoir un niveau de vie qui est assuré par ceux qui sont actifs. Solidarité intergénérationnelle. Notre conviction c'est qu'il faut garantir la solidité de cet instrument des retraites. Faire en sorte que par son universalité même, il soit la protection de tous par tous. Que par sa simplicité, il permette à chacun de changer de métier, d'interrompre sa vie professionnelle, de partir le cas échéant à l'étranger sans perdre de droits puisque, par nature, le système reste unique et donc universel. Il nous permet de mieux prendre en compte des situations qui, en 1945, n'avaient pas à être prises en compte parce qu'on n'imaginait pas qu'elles soient possibles. Et chacun voit bien que dans le monde qui évolue, nous sommes face à une évolution de la notion de salariat. Le travail se transforme. Des catégories professionnelles qui sont incroyablement représentées aujourd'hui peuvent, au fur et à mesure de révolutions technologiques, disparaître ou en tout cas se réduire. En 1945, les agriculteurs français ont choisi de ne pas rentrer dans le régime général parce qu'ils étaient très nombreux et qu'ils pensaient qu'ils le resteraient. Ils étaient 30 % de la population active en 1945. Ils sont 3 % aujourd'hui. 80% des pensions qui sont versées aux agriculteurs ne sont pas payées par les agriculteurs actifs mais bien par la solidarité nationale parce que ce système ne peut plus fonctionner tel qu'il est et chacun peut le comprendre.
C'est pour cela que si nous voulons préparer quelque chose de solide pour les 70 ou 100 années qui viennent, il nous faut construire un système universel par répartition et par points. En expliquant aux Français le fonctionnement de ce système. En ne les prenant pas par surprise, en accompagnant cette transition. En ne disant pas qu'il faut le faire parce qu'il y aurait urgence. En expliquant que nous le faisons parce qu'il n’y a pas urgence. Mais parce que s'il est bien un mal ou un défaut de notre pays, c'est d'attendre qu'il y ait urgence pour commencer à bouger. C'est humain. Je n'exclus pas que chacun dans notre vie ça nous arrive. Mais en tant que Nation bien souvent nous avons été frappés par cette facilité d'attendre que le problème devienne urgent pour essayer de le régler. Ce que je propose, Mesdames et Messieurs, c'est que nous n'attendions pas qu'il devienne véritablement urgent et que nous essayons de le régler dans le temps. Solidement pour que nos enfants, nos petits-enfants soient à la fois rassurés par le système et qu'ils puissent contribuer à nos pensions sans être spoliés ou sans s'interroger sur la véritable solidarité qui nous lierait tous.
Enfin la semaine dernière, j'ai détaillé dans un autre ordre d'idées des mesures destinées à reprendre le contrôle sur notre politique migratoire. Le sujet est sensible, il l'est en France, il l’est ici également. Je voudrais en dire quelques mots parce que nous avons essayé d'apporter une réponse claire et équilibrée.
Reprendre le contrôle cela veut dire que la délivrance des titres de séjour doit répondre à des principes clairs et ne pas être le fruit d'une forme de passivité. Au fond, il s'agit de faire en sorte que lorsque l'on dit « oui » on accueille correctement les personnes à qui on a dit « oui » et que lorsque l'on dit « non » on raccompagne ces personnes dans leur pays quand elles n'ont pas vocation à rester dans notre pays. C'est d'une grande simplicité à énoncer mais depuis bien longtemps nous n'arrivons pas à le faire. Et ce n'est pas propre aux deux dernières années. C'est une difficulté traditionnelle, ancienne, connue mais dont nous ne pouvons pas nous satisfaire. Il faut donc changer les choses et reprendre le contrôle.
Reprendre le contrôle cela veut dire regarder le monde tel qu'il est avec ses déséquilibres et en tirer les conséquences. C'est la raison pour laquelle nous défendrons partout la paix, la sécurité et la stabilité. C'est aussi la raison pour laquelle le président de la République s'est engagé à augmenter l'aide publique au développement dans des pays partenaires. Il s'agit, grâce à une loi de programmation qui sera présentée par le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères dans le courant de l'année 2020, comme nous nous sommes engagés, d’une programmation accrue des fonds destinés à l'aide publique au développement.
Reprendre le contrôle c'est aussi refondre totalement le système de Schengen avec nos partenaires et nos amis européens. C’est faire de l'immigration et de son contrôle l'une des grandes priorités du mandat de la nouvelle Commission. Mais c'est aussi dire qu'une politique migratoire, ce n'est pas simplement une addition de contraintes. C'est aussi l'expression de choix assumés car gouverner c'est choisir, fixer des objectifs, par exemple dans le domaine de l'immigration professionnelle. Nous avons indiqué que nous souhaitions transformer l'immigration professionnelle légale de façon à en adapter les caractéristiques de formation aux besoins réels de l'économie de notre pays.
C'est mettre, sur notre territoire national, le maximum sur l'intégration par le travail. C'est réduire les irritants qui empêchent les parcours d'intégration, c'est réaffirmer les exigences que nous posons pour accéder à la nationalité et notamment la maîtrise du français. C'est nous donner les moyens financiers, juridiques, humains de mettre en œuvre ces mesures.
Ces sujets nous les évoquons bien entendu avec les autorités du Sénégal, avec tous les partenaires et tous les amis de l'Afrique subsaharienne mais pas seulement. Ces sujets, comme les autres, doivent être regardés en face et traités sérieusement, conformément à nos valeurs, sans avoir peur de ce qu'ils peuvent parfois déclencher comme réactions mais bien dans le souci de servir les intérêts de notre pays.
Mesdames et Messieurs, « quand on a les dents longues, il faut avoir les gencives solides » . Ce n'est pas mon dentiste qui le dit, mais toujours Fatou DIOME dans un autre de ces ouvrages qui s'appelle "Le ventre de l'Atlantique".
Là encore, disons-le, n'ayons pas de problème avec l'ambition nationale. N'ayons pas de problème avec l'ambition individuelle, celle qui consiste à vouloir construire sa vie, à exploiter ses talents, à servir son pays, à en découvrir d'autres, à aller au bout de l'aventure que parfois, on sent au fond de soi-même. Pour une raison simple, Mesdames et Messieurs, que ce sont ces ambitions individuelles qui nourrissent une ambition collective et qui contribuent à l'avenir d'une Nation. Nous devons donc les encourager ici, au Sénégal et chez nous, en France.
Je voudrais vous remercier très sincèrement de votre présence ce soir et de votre accueil. La République compte sur vous, sur ce que vous faites ici, sur qui vous êtes.
Je vous remercie
Vive la République et vive la France !

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