Déclaration du Premier ministre au Palais présidentiel à Dakar

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 18/11/2019

Monsieur le Président de la République,
Je vous remercie de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé pour mon premier déplacement à Dakar. Ma visite, dans la continuité de celle effectuée par le Président de la République Emmanuel MACRON en février 2018, témoigne une fois de plus de l'intensité des relations que nos deux pays entretiennent de longue date.
Nous sommes liés par l’Histoire. Et ce lien prend un accent particulier aujourd’hui avec la décision qui a été prise par la France d’engager la procédure de restitution du sabre de El Hadj Oumar TALL, dont nos ministres viennent de signer à l’instant l’accord qui marque la première étape de ce processus.
Je souhaite m’attarder un instant sur ce sabre et sur le pan d’histoire qu’il représente.
Il se trouve que j’ai un lien particulier avec les sabres. J’en possède un qui me suit partout, dans mes différents bureaux, y compris sur celui de Matignon. Je veux bien-sûr parler d’un sabre que je conserve depuis mon service militaire.
Ce sabre est une arme qui signifie beaucoup pour moi et pas seulement parce qu’il me rappelle mes jeunes années. C’est l’arme noble par excellence. Celle du commandement et donc de la responsabilité. Celle de la charge ou de l’abordage : tout dépend de l’endroit où on se trouve. Mais quel que soit l’endroit, avec un sabre, on est toujours en première ligne.
Le sabre qui nous réunit ici est évidemment beaucoup plus prestigieux que celui que je possède. C’est celui d’un grand conquérant, d’un guide spirituel, que l’histoire connaît sous le nom d’El Hadj Oumar TALL. Je tiens à saluer ses descendants qui sont parmi nous aujourd’hui. C’est le sabre d’un fondateur d’empire – l’empire « Toucouleur » qui comprenait la Guinée, le Mali et le Sénégal actuels. Le sabre d’un érudit, qui a beaucoup voyagé pour approfondir ses connaissances, en particulier en théologie.
Depuis plus d’un an, le public peut l’admirer au Musée des civilisations noires de Dakar. Et, monsieur le président de la République, c’est un amateur de sabre qui vous le dit : sa place est bel et bien ici, au coeur de l’ancien empire « Toucouleur », près des peuples qui le composaient.
Ce sabre symbolise un épisode important de l’histoire du Sénégal et de ses pays voisins. Il symbolise aussi – y compris dans son caractère guerrier – l’amitié, le respect, l’admiration réciproque qui unissent aujourd’hui nos peuples. Et ce, de plusieurs manières :
  • D’abord, parce que ce sabre porte la mention de la « Manufacture de Klingenthal » dont le nom signifie « la vallée des lames » et qui se trouve dans le Bas-Rhin. Un village dans lequel le roi Louis XV a installé une manufacture d’armes blanches. Or, le Musée des civilisations noires rappelle avec justesse que la métallurgie du fer est née en 2500 avant Jésus-Christ en Afrique. D’une certaine façon, son métal est l’alliage de nos savoir-faire.
  • Ensuite parce que le petit-fils d’El Hadj Oumar TALL a été le premier officier de Saint-Cyr d’origine africaine. J’ajoute qu’on doit la traduction en français de l’épopée d’El Hadj Oumar TALL à un autre saint-Cyrien : je veux parler d’Henri GADEN qui après sa carrière militaire, s’est consacré, ici même au Sénégal, à l’étude de la langue et de la culture Peules dont il a été le premier spécialiste étranger mondialement reconnu.
  • Comment ne pas voir également dans ce sabre, le sang que les Tirailleurs sénégalais ont versé aux côtés des soldats français pour défendre notre pays, notre culture, nos valeurs lors des deux guerres mondiales ?
  • Ce sabre symbolise enfin la force des liens culturels qui nous unissent. Je ne parle pas uniquement de la francophonie, mais de l’apport de l’Afrique à la culture universelle.
Au-delà de ce sabre, vous le savez : le Président de la République Emmanuel MACRON a plusieurs fois marqué sa volonté de valoriser le patrimoine africain en Afrique. Le musée des civilisations noires y contribuera, ici-même, avec l’aide des musées français, comme le prévoit l’accord qui vient d’être signé par nos ministres.
« Mon frère élu, dis-moi ton nom / Il doit sonner le sarong, rutiler comme le sabre au soleil ». Vous aurez sans doute reconnu ces quelques vers qu’Edgar FAURE emprunte à Léopold Sédar SENGHOR dans le discours de réception de ce-dernier à l’Académie française. Le sabre que nous vous remettons aujourd’hui rutile au soleil : ce soleil c’est celui de la connaissance, de l’amitié chaleureuse entre nos peuples et de la fraternité.
Permettez-moi de revenir plus largement sur le cadre de ma visite et sur l’entretien que nous avons eu avec le président de la République Macky SALL.
En premier lieu, nous avons évoqué la situation sécuritaire régionale et renouvelé notre engagement conjoint pour oeuvrer en faveur de la paix et de la sécurité dans la région en particulier pour lutter contre la menace terroriste au Sahel :
  • J’aurai l’honneur d’intervenir demain pour l’ouverture du Forum de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique. C’est un cadre d’échanges essentiel qui concourt à la mobilisation de tous. Les terribles événements intervenus au Mali au début du mois de novembre montrent que les groupes qui se revendiquent de l’Etat islamique résistent encore. Nous ne devons pas baisser la garde.
  • La France est présente auprès de ses partenaires et son action est plus que jamais déterminée : nous sommes convaincus de la nécessité d’un partenariat plus large pour la sécurité et la stabilité au Sahel, en complément des efforts déployés par le G5 Sahel, et le Sénégal est un acteur important à cet égard.
Nous avons également choisi de renforcer les échanges humains entre la France et le Sénégal, en particulier en nous appuyant davantage sur les diasporas et en finançant des projets entrepreneuriaux en Afrique :
  • C’est l’objet du programme Meet Africa qui sera lancé cet après-midi. Dans le même esprit, nous souhaitons favoriser la mobilité entre la France et le Sénégal, que ce soit avec les passeports talents, pour des salariés qualifiés ou des chercheurs, ou les visas de circulation longue durée, en particulier pour les étudiants.
  • En parallèle, nous menons une action résolue avec le gouvernement sénégalais pour lutter contre les migrations irrégulières. La coopération entre la France et le Sénégal est bonne. Elle peut encore s’améliorer dans la logique d’engagements réciproques que j’ai eue l’occasion de présenter en France pour une politique stable et efficace.
Mon déplacement porte évidemment sur notre partenariat économique :
  • Nous partageons la vision que vous portez, M. le Président, d’un Sénégal émergent en 2035. Nous partageons cette ambition et nous y contribuons. La France est d’ores et déjà le premier bailleur bilatéral du Sénégal via l’Agence Française de Développement.
  • S’agissant des grands projets structurants, la France souhaite rester un acteur majeur du développement urbain durable de Dakar, qui contribuera aussi à l’attractivité économique du Sénégal.
Enfin, j’ai souhaité que ma visite soit plus spécifiquement tournée vers la jeunesse et la formation qui doivent être au coeur de notre coopération :
  • J’ai dans ma délégation les porteurs du projet de Campus franco-sénégalais, qui vient de faire sa rentrée avec une quinzaine de formations dans des secteurs très porteurs, comme l’agronomie et le numérique.
  • Nous devons travailler sur les opportunités d’emploi et de formation qu’offrent les entreprises françaises au Sénégal. Je rencontrerai demain des jeunes en cours de recrutement par l’opérateur du TER de Dakar. Ce sont près de 800 emplois qui devront être pourvus sur les prochains mois. C’est la traduction très concrète de notre partenariat économique.
  • Dans le domaine du sport, à l’approche des Jeux olympiques de la jeunesse de Dakar, en 2022, le partenariat olympique entre Dakar 2022 et Paris 2024 permettra de soutenir la rénovation de plusieurs infrastructures sportives et la préparation des athlètes.
Nous avons beaucoup de travail et nous savons qu’ensemble nous pouvons réussir.
Je vous remercie.

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