Discours du Premier ministre - XXIIème Assises des petites villes de France

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 20/09/2019

Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre
XXIIème Assises des petites villes de France
Uzès, Gard
19 septembre 2019
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président d’honneur Martin MALVY,
Monsieur le président, cher Christophe BOUILLON,
Monsieur le président délégué, cher Pierre JARLIER,
Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs
Il ne faut jamais contrarier une vocation. C'est en tout cas une des leçons que je tire d'un épisode qui s'est déroulé ici même à Uzès il y a environ 360 ans à l'occasion de la venue d'un jeune Parisien quasi ruiné, qui venait rencontrer son oncle, prêtre, dans l'espoir d'obtenir un bénéfice ecclésiastique. Ce jeune homme parisien ruiné, c’est Racine. Bon, le projet qu'ils avaient formé, l'oncle et le neveu, n'a pas fonctionné. Ce qui est peut-être regrettable pour eux mais parfait pour nous puisque rien ne s'est perdu de ce déplacement. C'est à Uzès que le jeune Racine s'est plongé avec une passion jamais démentie dans l'Odyssée d'Homère qu'il a abondamment commenté à l'occasion de son séjour ici. Si bien que l'on peut dire Mesdames et Messieurs, que sa vocation de poète est véritablement née ici à Uzès, rien que pour cela : loué soit Uzès.
J'ignore où votre vocation de maire a vu le jour, ni comment, ni dans quelles conditions, ni ça vous a frappé très petit ou si c'est venu sur le tard. La seule chose que je sais, s'agissant de cette vocation que j'ai moi-même ressentie et que je ressens encore bien des fois, c'est que c'est une vocation puissante. Cela ne veut pas dire qu'elle soit sans limites. Cela ne veut pas dire qu'elle soit sans difficultés. Et cela ne veut pas dire, nous l'avons vu récemment, que cela soit sans drame. L'été de ce point de vue nous l'a rappelé. Je ne veux pas faire ici le tour complet des difficultés que vous pouvez rencontrer dans l'exercice de cette vocation et je ne crois pas pouvoir y apporter toutes les réponses. Mais je peux affirmer de façon très claire et très directe que la volonté du Gouvernement c'est de tout faire pour faciliter l'exercice de votre mission à tous les niveaux. Je dis bien de votre mission car le président BOUILLON l'a dit fort justement, cela n'est pas un travail. Et au fond, ce n'est pas un statut que vous souhaitez. Il serait forcément imparfait. C'est de pouvoir bénéficier des instruments et des outils qui vous permettent du mieux possible d'exercer ce pour quoi vous vous êtes engagé. Et je reprends en ces termes et l'accent qu'il a placé sur le terme d'engagement et des conditions d'engagement. Je crois que c'est la bonne logique. C'est la logique qui sera à l'œuvre dans la loi que porte Sébastien LECORNU. J'aurai l'occasion d'y revenir. C'est une mission qui n'est pas un travail. C'est une mission qui demande des sacrifices. C'est une mission qui présente des risques, qui avant d'être des risques liés aux drames que nous avons pu constater cet été sont d'abord des risques personnels, professionnels, familiaux. Et vous n'en faites pas état.
Mais nous savons ici que ces risques existent et que ces contraintes existent. Nous le savons tous que nous les avons tous vécus d'une façon ou d'une autre.
Il y a votre vocation de maire. J'y reviendrai.
Il y a la vocation de vos villes. Petites par la taille peut-être mais parfois, nous l'avons vu ici, grandes par l'histoire et par le rayonnement, grandes aussi et peut-être surtout par le point d'ancrage qu'elles représentent pour leur territoire, pour les populations qui y vivent, pour le rôle qu'elle jouent dans notre tissu national en tant que communes d'équilibre. Je l'ai dit lors de ma Déclaration de politique générale et sans songer qu'il me faudrait parler d'acte II là où l'inspiration de Racine est née. L'acte II de ce quinquennat est celui des territoires. De tous les territoires. De toutes les communes. Cela implique de poursuivre le déploiement d'outils que nous avons mis en place et qui je le crois sont de bons outils. Cela implique également d'aborder certains sujets, je pense aux questions institutionnelles ou à celles de la présence de l'Etat dans les territoires, sous des angles qui sont radicalement différents.
Quelques mots d'abord sur les engagements que nous avons pris au début de ce quinquennat et qui ont attrait parfois aux sujets financiers.Faciliter votre mission, c'est d'abord tenir les engagements que nous avons pris et notamment les engagements financiers. Vous l'avez dit, les lois de finances pour les années 2018 et 2019 ont marqué un coup d'arrêt aux baisses unilatérales et massives des dotations qui prévalaient jusqu'à présent et elles ont décidé du maintien au niveau du soutien à l'investissement local. Les subventions à l'investissement local, à travers des instruments qui sont pilotés par la ministre de la Cohésion des territoires et les préfets, sont à un niveau bien supérieur à celui qui a pu exister il y a quelques années.
Le projet de loi de finances qui sera débattu à l'Assemblée nationale puis au Sénat pour l'année 2020, va conforter ces priorités en insistant toujours sur une péréquation en faveur des communes les plus fragiles y compris en Outre-mer. C'est un sujet que j'ai à l'esprit tant il est spécifique et sensible en Outre-mer. En échange, nous avions demandé aux collectivités territoriales dont la part dans la dépense publique locale est la plus significative de s'engager à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. C'était le sens des contrats de Cahors qui ont fait couler beaucoup d'encre. Et qui, allez savoir pourquoi, en font couler beaucoup moins depuis qu'on se rend compte que leur bilan est plutôt positif. Sur les 322 collectivités concernées, c'est-à-dire concernée par le champ du contrat, par la maîtrise de l'évolution des dépenses de fonctionnement, par la maîtrise de la hausse des dépenses de fonctionnement, seules13 sur 322 n'ont pas respecté l'objectif qui leur avait été fixé. Mais il faut le dire. Toutes les autres qui n'étaient pas soumises aux contrats de Cahors ont respecté ce qui n'était pas une contrainte que nous leur imposions mais ce qui était un objectif que nous fixons pour faire en sorte de maîtriser l'évolution de la dépense publique locale. Vous avez de ce point de vue-là - et je n'en suis pas surpris - parfaitement tenu les comptes. Et c'est une bonne nouvelle évidemment pour les finances de chacune de vos communes mais aussi pour le pays tout entier.
Le projet de loi de finances pour 2020 va également porter sur la réforme de la fiscalité locale et en particulier sur la suppression de la taxe d'habitation. C'était, vous le saviez, un engagement fort pris par le président de la République et c'est un engagement qui sera tenu. Pour près de 24.5 millions de foyers français, la suppression complète de la taxe d’habitation représentera un gain moyen de 723 euros. C’est du pouvoir d’achat qui est rendu à nos concitoyens, mais c’est évidemment un enjeu pour les communes qui n’échappe à personne. Nous avons discuté avec vous, avec vos collègues, pour imaginer la refonte de la fiscalité locale découlant de la suppression de la taxe d’habitation, et nous avons voulu l’organiser autour de deux principes, sur lesquels je veux dire quelques mots.
Le premier principe, c’est un principe de simplicité et de confiance, puisqu’avec le transfert de la taxe foncière des départements, désormais, les maires vont avoir un pouvoir de taux et d’assiette sur la quasi-totalité de la taxe foncière, à l’exception de la part qui était déjà perçue par les intercommunalités. Deuxième principe : c’est un principe de juste compensation. Vous le savez, il y a des cas où la taxe foncière qui sera transférée ne correspondra pas au montant global de la taxe d’habitation qui était prélevée. Parfois, ce sera plus, parfois, ce sera moins. Nous avons considéré qu’il convenait de prévoir une compensation grâce à ce que nous appelons dans notre jargon un coefficient correcteur. Cette compensation, pour qu’elle soit vraiment juste, il faudra qu’elle tienne compte des évolutions de l’assiette de l’impôt. Et vous savez que ce n’était pas le cas, dans les dispositifs qui ont été imaginés précédemment de cette nature, je pense notamment au FNGIR, le Fonds national individuel de garantie des ressources, lorsqu’en 2010, la suppression de la taxe professionnelle avait été annoncée, dans les conditions qu’a bien voulu rappeler Christophe BOUILLON. Donc, on aura un mécanisme qui prendra en compte les évolutions de l’assiette, ce qui, s’agissant des communes, je vous le dis, change tout.
Deuxième point, il n’est pas sans intérêt, à mon avis. Dans 7 600 communes, la surcompensation, c’est-à-dire le bénéfice, si j’ose dire, l’excédent lié au transfert de la taxe foncière à la commune est inférieur à 10 000 euros. Dans ces 7 600 communes, nous avons pris la décision de faire en sorte que l’excédent soit conservé par la commune. Là encore, vous savez que ça n’est pas une petite chose, et nous considérons qu’il est juste de pouvoir procéder ainsi.
J’ai entendu les remarques du président BOUILLON, nous disant que pour mettre en œuvre cette réforme, il convenait de pouvoir disposer des simulations les plus précises possibles. J’entends parfaitement ce message, il me semble parfaitement raisonnable et il sera procédé ainsi. J’ai entendu le président BOUILLON dire : ‘’Fixons-nous une clause de revoyure, à 5 ans.’’ C’est la raison pour laquelle nous avons fixé une clause de revoyure à 3 ans. Pourquoi ? Parce qu’il vaut mieux être prudent. Et parce qu’il est très sain, et ça n’est pas une preuve de défiance, soit vis-à-vis du principe de la réforme, soit vis-à-vis de ceux qui la conduisent, mais il est parfaitement sain, 3 ans après, de mesurer l’impact de la réforme, et de vérifier si à tel endroit, il peut être utile de corriger telle disposition. La clause de revoyure est dans le texte, cher président, et elle prévoit un délai de 3 ans.
Dernier mot pour dire, sur l’impact global de la réforme, que pour être exactement dans les clous, l’Etat a pris la décision d’apporter un complément, dans le cadre de l’exécution de la réforme, à hauteur d’environ 1 milliard d’euros, ce qui permet, là encore, de garantir le fait que, pour le bloc communal, il n’y ait aucune espèce de réduction du volume global de recettes, dans le cadre de cette réforme.
Faciliter la mission des maires, ça implique aussi d’adapter nos outils aux spécificités de vos villes, et non l’inverse. J’ai souvent utilisé l’expression ‘’cousu main’’. Je crois beaucoup à ça, pour une raison assez simple : c’est parce que c’est ce dont je voulais bénéficier lorsque j’étais maire du Havre, c’est-à-dire non pas d’une politique qui descende toute armée et toute pensée, mais bien de quelque chose qui s’adapte à la réalité du terrain. Pour développer le cousu main, nous avons eu recours à la contractualisation, avec des contrats qui peuvent être thématiques, ce sont les conventions Action cœur de ville, les conventions Territoires d’industries, les Territoires d’innovation, les contrats de transition écologique.
La semaine dernière, dans la Drôme, avec les acteurs de la Bio Vallée, qui est un des 24 lauréats de l’appel à projets Territoires d’innovation, nous avons vu ce que c’est d’avoir une politique contractuelle, qui permet à l’État de dire : « nous voulons favoriser l’innovation, mais nous n’avons pas à vous dire dans quel domaine, nous n’avons pas à vous dire comment vous organiser. Nous voudrions que vous nous indiquiez comment porter cette action, sur quoi elle repose, comment vous voulez la développer. » Et lorsque nous sommes convaincus, nous aidons par des subventions et par des fonds en capital. Ces 24 territoires, ce sont beaucoup de communes, et c’est, à mon avis, la meilleure façon de faire, de commencer par le bas, par ce qui existe, qui est forcément très divers, pour l’aider à grandir et pour l’aider à pousser plus loin. Ces contrats thématiques sont complétés par des contrats territoriaux. Aujourd’hui, nous en avons conclu 12, qui concernent, là aussi, des territoires très variés : la Creuse, la Nièvre, les Ardennes, l’Amiénois, le Calaisis.
Nous commençons à en dresser le bilan, et ce que nous avons observé, et qui d’ailleurs, ne nous surprend pas, c’est que plus la mobilisation des acteurs locaux a été forte dans la définition des actions sur lesquelles nous voulions contractualiser, plus le contrat est porteur de développement. Je ne vais pas rentrer dans le détail de ce que ces contrats prévoient mais là aussi, je pense qu’être capable de faire du cousu main sur des territoires qui peuvent être à l’échelle départementale, mais qui peuvent être parfois plus petits, et parfois, qui sait, sur deux départements, c’est partir de la réalité et accompagner des projets, plutôt que d’imposer des travaux, des politiques publiques auxquelles il faudrait s’adapter. Et nous l’avons fait dans un domaine qui n’est pas simple, et qui a été jusqu’au dépôt d’une loi, si j’ose dire, spécifique, lorsque nous avons voulu, avec les élus d’Alsace, trouver la solution à des questions qui se posaient depuis la transformation des périmètres des grandes régions. Pour prendre en compte la spécificité de la question alsacienne, nous avons été jusqu’à imaginer une loi, avec les élus locaux, avec les parlementaires, pour prendre en compte la réalité d’un terrain et trouver la bonne solution. C’est du cousu main, et c’est, au fond, la meilleure façon d’avancer intelligemment.
Alors évidemment, quand on fait du cousu main, quand on multiplie ce genre d’opérations, ça prend du temps pour produire des effets. D’abord, parce que les améliorations s’effectuent par touches successives. Quand vous réhabilitez un centre-ville, beaucoup de gens ici l’ont déjà fait, par définition, ça ne se fait pas en un jour. Les effets ne sont pas immédiats, nous le savons parfaitement. Lorsqu’on s’engage dans une transformation urbaine ou dans une transformation de territoire, ça ne fait pas la une du 20h immédiatement et parfois d’ailleurs ça ne fait jamais la une parce que ça se fait lentement et que le lentement il est rarement spectaculaire mais qu’au bout d’une action résolue et dans le temps on voit l’effet. La meilleure illustration c’est le jugement de nos concitoyens quand ils reviennent dans une ville 10 ou 15 ans après l’avoir quittée et qu’ils la connaissaient bien. Donc nous allons agir avec ces instruments par petites touches ce que j’assume parfaitement car étant Normand j’aime l’impressionnisme et que bien souvent avec des petites touches qui parfois semblent à elles seules un peu isolées on comprend en se reculant un peu le sens général de l’action et l’effet qui est produit. C’est dans cet esprit que nous abordons ce deuxième acte toujours avec l’intention d’éviter la multiplication des annonces de grand chambardement institutionnel mais en essayant de trouver les solutions les plus efficaces avec vous, en nous appuyant sur vos contributions et en écoutant vos attentes. C’est le sens du projet de loi Engagement et proximité que Jacqueline GOURAULT et Sébastien LECORNU ont présenté en Conseil des ministres au mois de juillet, qu’ils ont complété et que le Sénat va examiner à partir du mois d’octobre.
Vous avez évoqué, Monsieur le président, la question de la crise des vocations ou du blues des maires et vous avez eu raison de dire que depuis que vous et moi nous avons commencé notre vie politique dans des territoires qui ne sont pas très éloignés nous entendons ce sujet récurrent du “On n’aura pas assez de candidats” donc il faut le prendre avec une certaine forme de recul. Mais il faut le prendre au sérieux parce que les transformations administratives, le développement de l’intercommunalité, les contraintes budgétaires parfois, la violence de la société ont transformé la façon d'être maire et l'ont rendue parfois plus difficile. La France a besoin d'élus locaux, elle a besoin d'élus ayant de l'expérience, elle a besoin aussi d'élus qui se lancent et qui apportent autre chose que de l'expérience. Elle a besoin d'hommes et de femmes. Parmi les maires il y a 16 % seulement de femmes, ce qui veut dire qu’alors même que des dispositions audacieuses et justifiées et légitimes ont été introduites dans le droit électoral, on est, s'agissant des maires, encore un peu loin du compte et que donc nous devons faire des progrès, ou plus exactement nous devons faire en sorte qu'aucune vocation, j'en parlais, ne soit gênée, contrariée, interdite parce ce qu’on serait une femme. Les vocations peuvent concerner tout le monde lorsqu'il s'agit d'être maire et il faut donc faire en sorte de trouver des solutions pour tout le monde pour les encourager. Le projet de loi va donc apporter des réponses qui sont je le crois concrètes sur la formation, sur la prise en charge des frais de garde, sur la relation à l'employeur, sur la protection fonctionnelle et sur la garantie juridique qu'il faut apporter aux maires, qu'ils seront défendus et protégés. Elle apportera aussi des éléments sur la capacité pour les conseils municipaux à fixer le montant des indemnités avec plus de liberté et singulièrement sur les tranches les plus basses des populations. Là encore nous avons discuté avec vous de ces propositions, pour l'essentiel nous avons retenu vos propositions, il faut maintenant qu'elles soient discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Et moi j'ai bon espoir que ce projet de loi nous permette d'aboutir par un vote concordant à l'Assemblée nationale et au Sénat dans des délais brefs de façon à ce que dès l'année prochaine et donc dès le début des mandats prochains ces dispositions puissent s'appliquer pour les Conseils municipaux à venir et les maires qui vous succéderont et qui sont peut-être d'ailleurs déjà présents dans cette salle. Au moins aussi important, ce projet de loi donne aux maires des moyens nouveaux pour leur permettre de faire respecter les décisions qu'ils prennent pour une raison simple c'est que le maire en général est responsable de tout. Il n’y a que les gens qui n’ont jamais été maires qui pensent que le maire peut dire “Ah bah non désolé, ça ce n’est pas moi”, quand il y a un truc qui ne va pas c'est vous, c’est nous et c'est toujours comme ça. Et donc dans les domaines où les maires ont besoin ou sont tenus de prendre des décisions, il faut que nous puissions faire en sorte qu'elles soient suivies d'effet, qu'ils aient les moyens juridiques, que ce soit en matière de police administrative ou en matière d'urbanisme, de mettre en œuvre les décisions qu'ils prennent. Et il y a là des irritants si j'ose direqu'il faut faire sauter. Dans le même esprit, le projet de loi va apporter des assouplissements qui sont, je le sais, attendus en matière d'intercommunalité. En la matière vos contributions ont été prises en compte et vos attentes ont je crois, mais le débat parlementaire le montrera, été entendues.
L'autre chantier institutionnel que j'ai annoncé concerne la clarification de l'exercice des compétences entre l'État et les collectivités locales. Là il s'agit d'essayer de sortir d'une décentralisation uniforme qui a souvent été posée, et certains disent parfois imposée. Je ne reviens pas une seconde sur la légitimité et les bienfaits liés à la décentralisation, j'en suis intimement convaincu. Je dis juste que nous avons tous fait le constat que parfois les solutions avaient été créées pour être partout identiques et que cela n'est pas si opportun. L'idée c'est d'essayer de ne pas laisser aux Français le soin d'avoir à gérer ou à subir la complexité issue de nos choix précédents mais plutôt de faire en sorte que l'État et les élus puissent clarifier et simplifier ce qui doit l'être. Parfois dans les territoires on n'a pas les mêmes besoins et on n'a pas les mêmes envies. Donc dès que nous allons bouger sur la décentralisation nous allons devoir tenir compte de ces deux dimensions de simplicité et de diversité.
C’est pourquoi dans chaque région nous voulons que, avec les préfets et avec les élus bien entendu, on puisse imaginer de nouvelles façons de s'organiser mais en les identifiant territoire par territoire. Nous l'avons fait et nous avons constaté, je regarde Madame la sénatrice, qu’en Bretagne on pouvait s'organiser différemment de la façon dont on souhaitait pouvoir s'organiser dans d'autres régions, en Normandie par exemple. On peut très bien concevoir mesdames et messieurs que l'organisation des choses soit un peu différente dans une grande région comme celle-ci ou comme la Nouvelle-Aquitaine et dans une région qui compte moins de départements comme par exemple la Normandie.
Mais ce n'est pas à moi, ce n'est pas aux ministres et ce n'est peut-être même pas au Parlement d'être les premiers à agir là-dessus. C'est aux élus de nous dire “Nous on pense que compte tenu de notre histoire, compte tenu de notre façon de travailler, compte tenu de nos habitudes on peut faire comme ça.” Et l'expérience montre que si ça part du terrain c'est souvent beaucoup plus adapté que si ça part du sommet. Non pas que le sommet soit incompétent, il ne peut pas savoir quelles sont les habitudes de travail et pardon de le dire mais vous le vivez tous, il y a des intercommunalités qui ont les mêmes règles que d'autres intercommunalités, certaines fonctionnent très bien d'autres fonctionnent très mal. Pourquoi ? Il y a des questions de personnes, ça existe. Il y a des questions politiques, ça existe. Mais il y a aussi des questions d'habitudes de travail presque culturelles si j'ose dire. ça existe donc il faut le prendre en compte et donc il faut essayer de s'adapter à ça pour trouver les meilleures règles. C'est ce que nous voulons faire avec cette consultation qui sera engagée rapidement et qui devrait nous conduire jusqu’au printemps de l'année 2020.
Un petit mot sur l'organisation de l'action publique. Parce que si la révision constitutionnelle prospère et va jusqu'à son terme, nous verrons, nous pourrons nous appuyer sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle relative à la différenciation, c'est-à-dire avoir une base constitutionnelle qui permettra de donner corps à ce que je viens d'évoquer. On peut le faire sans la Constitution mais c'est beaucoup plus difficile, il faut développer les expérimentations, le cadre juridique est plus contraint. Avec la modification constitutionnelle on pourra aller beaucoup plus loin dans cet exercice de différenciation.
A la fin de la fin, mesdames et messieurs, nos concitoyens, je crois, se moquent de la tuyauterie. La tuyauterie c'est plutôt notre problème à nous mais c’est aussi parfois le début de la solution. Donc il faut que nous arrivions à réapprendre à faire simple, ce n’est pas facile, et faire simple ça commence par se rapprocher et par se dire les choses clairement et exactement dans l’esprit qu’a évoqué Christophe BOUILLON et je voudrais lui dire que nous continuerons à avoir des points de désaccord, c’est probable, c’est même sain d’une certaine façon. Mais j’ai vu dans l’année écoulée comme j’avais constaté avec Olivier DUSSOPT la qualité du travail et des messages passés, la qualité des propositions qui sont formulées, l’état d’esprit dans lequel vous travaillez et j’y suis extrêmement sensible et j’ai le plus grand respect pour cet état d’esprit et pour la façon dont il sert d’une certaine façon l’intérêt général et la cause commune. Merci beaucoup.
Un dernier mot peut-être sur ce que nous demandent nos concitoyens qui est souvent vivre et travailler près de l’endroit où ils habitent. C’est assez simple de formuler le défi comme cela, en vérité c’est assez compliqué, tout est dans le “et” et il faut pouvoir réconcilier des logiques profondes qui sont parfois divergentes. Alors j’aurai l’occasion, demain, dans le Nord, d’évoquer devant le Congrès de l’association des maires ruraux de France les mesures que le Gouvernement veut mettre en œuvre pour accompagner le développement des territoires ruraux. Et je le dis devant Pierre JARLIER, qui a beaucoup travaillé dans le cadre de cette mission qui a été confiée par le Gouvernement à une équipe d’élus locaux et de parlementaires. Donc comme je vais le dire je ne vais pas tout dire aujourd’hui mais je voudrais quand même dire que nous serons attentifs sur des sujets comme par exemple le rapprochement entre le travail et le domicile qui peut passer parfois par l’accomplissement des engagements que nous avons pris s’agissant du très haut débit. Un mot pour vous dire sur ce sujet que les chiffres sont bons : chaque jour ouvré il y a 20 nouvelles antennes 4G qui entrent en service en France, chaque jour ouvré.
L’appareil industriel, les mécanismes de financement se sont mis en route. Je peux vous dire mesdames et messieurs que nous allons tenir les engagements qui ont été pris par le Président de la République : le bon débit fin 2020, le très haut débit fin 2022. Nous sommes en mesure d’atteindre les objectifs que nous avons fixés.
Autre rapprochement nécessaire, celui des services essentiels comme la santé. J’ai bien entendu Christophe BOUILLON dire qu'il ne voulait pas soviétiser, et ça ne m'a pas surpris, le dispositif. Je ne crois pas non plus qu'il veuille l’angliciser ou alors j'en serais surpris à bien des égards car dans un système totalement régulé comme le système britannique ne nous trompons pas : les mêmes questions d'accès à la médecine se posent avec les mêmes inégalités redoutables qu'il faut constater entre des territoires urbains et des territoires ruraux ou entre territoires urbains. Nous avons essayé d'apporter des réponses, vous l'avez dit : suppression du numerus clausus, développement des maisons de santé. Ce n'est pas une réponse de l'État c'est une réponse de l'ensemble du dispositif et au premier rang parfois des communes. Le nombre a augmenté de 37 % en deux ans, cela veut dire que nous avons là un instrument, qui a ses limites, mais qui apporte un élément de réponse. Et certaines de ces maisons de santé sont remarquables, absolument exceptionnelles et constituent un changement profond dans la façon à la fois d'exercer la médecine et d'avoir recours et accès aux soins dans nos territoires. Nous avons développé les aides aux médecins qui s'installent dans les zones qui n'en comptent plus assez, nous mettons en place le dispositif du médecin adjoint dans les zones qui manquent de professionnels de santé. Je sais qu'il y a deux territoires qui devraient être bénéficiaires de ce dispositif chez vous, Pont-Saint-Esprit et Saint-Jean du Gard. Mais ne nous racontons pas d'histoires, le chemin vers la disparition de ces déserts médicaux est un long chemin : plus de formation, plus de télémédecine, plus de temps de médecins disponibles et moins de temps administratif pour les professions médicales, plus de répartition vers des non-médecins qui peuvent prendre en charge un certain nombre de tâches médicales. Bref c'est une réorganisation, c'est un redéploiement, c'est une reformation à certains égards de l'ensemble du dispositif sur lequel nous devons travailler.
Rapprocher l'État des usagers sur le territoire ce sont les maisons France Services. Le Président de la République a annoncé la création de ces maisons le 25 avril dernier. Vous connaissez l'enjeu, il s'agit d'offrir à tout citoyen un accueil, une aide à l'accomplissement de démarches en moins de 30 minutes de son domicile. Nous connaissons les maisons d'accès aux services publics ou les maisons de services publics, elles ont des noms un peu différents parfois, notre objectif ce n'est pas de les repeindre en bleu blanc rouge en disant Maison France Services, c’est de profondément transformer l'organisation des services administratifs pour faire en sorte d'apporter quelque chose de radicalement neuf à nos concitoyens qui le veulent, qu'ils l’exigent et qui y ont droit. J'ai également demandé à tous les ministères de me faire rapidement des propositions pour conduire des délocalisations de services centraux.
Cela me permet de dire un mot sur les transferts de fonctionnaires vers le terrain et peut-être aussi un mot pour reprendre les propos de madame la Présidente sur ces fameuses fermetures de trésoreries. Nous sommes en 2019, si je regarde ce qu’il s'est passé dans les 10 dernières années, c'est intéressant ça donne une période qui n'est pas liée à un seul Gouvernement, je constate quand même que de 2010 à 2017 ce sont 1200 perceptions qui ont été fermées. 1200. Autrement dit reconnaissons ensemble que ce phénomène n'est pas exactement nouveau. Et puisque la question est posée reconnaissons aussi qu'en 2019 ce sont entre 80 et 90 fermetures qui ont eu lieu c'est- à-dire un chiffre significatif mais inférieur à la moyenne de ce qui s'est passé dans les 10 dernières années. Et entendons qu'en 2020 parce que nous sommes en train de procéder à des réorganisations il n'y aura aucune fermeture de trésorerie en 2020, sauf accord local exprimé par les maires qui parfois parce que nous réorganisons les choses y verront leur intérêt. Et moi je vous le dis comme je le pense, je fais confiance aux maires pour être capables, comme le font parfois les présidents de conseils départementaux vous l'avez dit Monsieur le président, de faire des transformations qui sont parfois délicates à expliquer mais qui sont justes parce qu'un projet de réorganisation offre des possibilités supérieures à ce qui prévalait auparavant. Si une trésorerie existe encore et qu'elle fonctionne en accès au public deux heures par jour, ça existe vous le savez parfaitement, peut-être est-il possible — je ne dis pas que ça sera systématiquement le cas — mais peut-être est-il possible d'organiser les choses différemment pour apporter un meilleur service. Et ce sera aux maires de nous dire si la proposition les satisfait et de cette façon je crois nous apporterons un élément de réponse et de confiance.
Quant au transfert des fonctionnaires sur le terrain c'est 4 000 fonctionnaires qui, aujourd'hui en poste à Paris, iront travailler dans les territoires. Et il se trouve, je le dis parce que le chiffre est intéressant, que sur ces 4 000 postes qui seront transférés depuis les administrations centrales vers les territoires il y en a 2 800 qui concernent ce que l'on appelle parfois Bercy. Autrement dit Monsieur le président, nous allons faire très exactement ce que le Président de la République vous a dit au moment de la rencontre que vous avez bien voulu mentionner. Je n'oublie pas que vous êtes Mesdames et Messieurs les maires des usagers de l'État, parfois des représentants, parfois des agents mais aussi des usagers de l'État et nous avons besoin de mettre à votre disposition des instruments qui vous permettent de mieux exercer vos missions, mieux monter les projets qui sont les vôtres, c'est l'Agence nationale de cohésion des territoires qui sera opérationnelle le 1er janvier prochain et qui va répondre à un double besoin : besoin de lisibilité parce qu'il est parfois un peu difficile il faut bien reconnaître de se retrouver dans la très grande richesse et la très grande diversité des dispositifs qui existent ; et puis le second besoin c'est un besoin de proximité, le délégué territorial de l'Agence qui sera le préfet de département va monter une interface unique, humaine, personnelle, compétente à destination des collectivités qui veulent monter et conduire des projets pour éviter cette espèce de double peine qui consiste à faire en sorte que quand il y a des appels à projets, quand il y a des dispositifs qui sont mis à disposition c'est toujours ceux qui savent y répondre qui l’obtiennent. En Normandie on a une expression que Christophe BOUILLON connaît bien c'est “au plus fort la pouque”, la pouque c’est le sac, la bourse. Evidemment, ceux qui sont bien organisés, qui ont des services administratifs,passent avant ceux qui n'ont pas de services administratifs parce qu'ils sont dans des communes où ils ne peuvent pas avoir des services administratifs aussi denses, aussi compétents, aussi même entraînés d'une certaine façon à répondre à ce type d’appel. Nous voulons faire en sorte de mettre à disposition de l'ingénierie, ça existe déjà, les départements l'ont souvent fait. Nous voulons aller plus loin et faire en sorte que chaque commune puisse avoir accès à cette intelligence, à cette compétence qu'il convient de mettre à la disposition des élus pour qu’eux puissent développer et pousser leurs projets. Et j'ai demandé à Jacqueline GOURAULT d'élaborer un programme de l’ANCT qui sera spécifiquement consacré aux petites villes qui auront ainsi les éléments de politiques publiques spécifiquement adaptés à ce qu'elles sont. Il faudra donc que ça remonte depuis le terrain et nous travaillerons avec l’APVF et avec l’ANCT sur la meilleure façon de mettre en place ces dispositifs et de reconnaître les projets portés par les petites villes. Je me réjouis que la ministre signe aujourd'hui une lettre d'engagement avec nos partenaires, nos opérateurs, votre association afin d'aboutir à la constitution de ce programme.
Mesdames et Messieurs, simplifier, rapprocher, faire preuve de souplesse, faire preuve de bon sens, s'adapter à la géographie humaine, aider les initiatives qui y voit le jour : c’est l'ambition de cet acte II. Un acte II qui va nous permettre de poser des actes, c'est le cas de le dire, je ne sais pas combien, peut-être 5 comme dans les pièces de Racine. Et pour paraphraser quelques vers de l'acte II de sa Bérénice “pour espérer qu'un heureux hymen joignant nos destinées puisse payer en un jour les vœux de cinq années.”

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