Présentation du Plan d'action contre le terrorisme

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 13/07/2018

Discours d'Édouard Philippe, Premier ministre

Présentation du plan d’action contre le terrorisme

Levallois-Perret, le vendredi 13 juillet 2018
Monsieur le ministre d’État,
Madame la garde des Sceaux,
Madame la ministre des Armées,
Monsieur le procureur de la République,
Mesdames et messieurs,
Aujourd’hui nous adoptons un nouveau plan d’action contre le terrorisme. Un plan qui se situe dans la continuité de ceux adoptés après les attentats de 2015. La continuité de l’État compte en la matière et je veux rendre hommage à ce qui a été fait.
Un plan qui intervient aussi après un an d’action, un an de mobilisation, un an de transformation. Un an de confrontation aussi, car le terrorisme islamiste ne nous a pas épargnés, à Paris, à Marseille, à Trèbes.
C’est de toute cette expérience qu’il faut consolider les acquis, tirer les enseignements, pour donner à notre action contre le terrorisme de nouvelles perspectives.
La menace d’inspiration islamiste demeure particulièrement élevée, vous le savez. L’année 2017 aura été marquée par trois attentats meurtriers et le début de l’année 2018 par deux attaques terroristes. Depuis janvier 2017, 25 attentats ont été déjoués par nos services.
Cette menace a aussi évolué. L’affaiblissement opérationnel de Daech réduit, sans les faire disparaître, les risques d’actions projetées. Mais le défi que représente la menace endogène n’est pas moindre : le caractère meurtrier et en même temps très difficilement prévisible des récents passages à l’acte nous le rappelle. Le terroriste n’est plus téléguidé par des cellules situées en Syrie ; il prend le visage de personnes, parfois de petits délinquants, ou de personnes psychologiquement fragiles, endoctrinées ou auto-radicalisées, qui s’équipent d’un armement sommaire et décident, parfois très rapidement, de passer à l’acte. Ils ne sont pas plus faciles à détecter et nous conduisent à adapter notre dispositif.
Nous devons enfin nous préparer à faire face à un nouveau défi : celui des détenus terroristes et de la radicalisation en milieu carcéral. Au 1er juin 2018, les prisons françaises comptaient 506 individus détenus pour actes de terrorisme et 1 109 prisonniers de droit commun identifiés comme radicalisés. 450 d’entre eux devraient être libérés d’ici fin 2019. Certains représentent encore une menace, même à l’issue de leur incarcération, et doivent évidemment faire l’objet d’un suivi renforcé.
Dès sa prise de fonction, le Président de la République a voulu renforcer notre capacité à faire face à cette menace, en agissant à la fois sur notre organisation, sur nos instruments juridiques, sur nos moyens et sur nos méthodes.
Le 14 juin 2017, deux décrets ont transformé la coordination nationale du renseignement en coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Dans le même temps était décidée la fusion de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) et de l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT).
Le 22 juin 2017, nous avons présenté le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, promulguée le 30 octobre. Cette loi a permis de mettre fin à l’état d’urgence, en inscrivant dans notre droit permanent des outils comme les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte. Ce sont des outils pragmatiques, ciblés sur la prévention d’actes de terrorisme, et encadrés par des garanties spécifiques.
Parallèlement, la publication en août 2017 d’un ensemble de décrets permet la consultation simultanée et automatisée, dans le cadre d’enquêtes de sécurité, de sept fichiers de police ou de gendarmerie.
S’agissant des moyens, le renforcement des services en charge de la lutte anti-terroriste a été confirmé à hauteur de 1900 emplois sur le quinquennat.
Nous nous sommes enfin engagés dans une démarche de renforcement continu de nos méthodes, en particulier s’agissant du suivi des individus radicalisés, c’est-à-dire de la dizaine de milliers de personnes qui, inscrites au FSPRT, font l’objet d’un suivi ponctuel, régulier ou continu. Nous mettons ainsi en œuvre des actions ciblées en matière de lutte contre la détention d’armes à feu, de détection et de suivi des individus présentant une fragilité psychiatrique, de systématisation des mesures d’éloignement.
Dans la lutte contre le terrorisme, il ne peut y avoir qu’une école : celle de la vigilance permanente, celle de la rigueur constante, celle de l’amélioration continue. C’est cette démarche d’amélioration continue que traduit ce nouveau plan.
Parce que la menace est diffuse et mouvante, notre dispositif de détection, d’entrave, de répression et de protection doit s’appuyer sur l’ensemble des services, depuis le sommet de notre appareil de renseignement jusqu’aux policiers et aux gendarmes du quotidien qui se trouvent en première ligne face aux attaques.. Il doit utiliser l’ensemble des outils, les techniques de renseignement les plus modernes, les méthodes de profilage les plus systématiques, mais aussi la vigilance de chacun. Face à la menace terroriste, c’est toute la puissance de l’État qui doit être mobilisée. Rien ne doit être laissé de côté.
Le plan que je vous présente aujourd’hui établit clairement les responsabilités de chaque acteur :
- au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, un rôle de coordination stratégique, de renforcement du partage d’informations, et de développement de la coopération européenne et internationale.
- à la direction générale de la sécurité intérieure, le rôle de chef de file opérationnel de la lutte anti-terroriste sur le territoire national ; et nous sommes en train de renforcer encore, au sein de la DGSI, les structures de veille, d’alerte et de coordination, dans lesquelles sont représentés tous les autres services.
- au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, enfin, la mission de veiller à l’adaptation permanente des postures de protection aux évolutions de la menace : c’est ce que traduisent les nouveaux plans de la « famille PIRATE », depuis le plan PIRANET approuvé en juin 2017 jusqu’au plan PIRATE – mobilités terrestres qui le sera cet été. Le dispositif Sentinelle a également été revu afin de lui donner une plus grande efficacité et une plus grande mobilité.
L’articulation entre la coordination nationale et la chaîne territoriale est également renforcée. Lors de mon déplacement à TOULOUSE au début du mois de juin, j’ai participé à un groupe d’évaluation départemental (GED). Ces groupes, qui existent depuis juillet 2015, réunissent dans chaque département, sous l’autorité du préfet et en présence du procureur de la République, tous les services concernés : renseignement territorial, sécurité intérieure, police judiciaire, gendarmerie nationale, administration pénitentiaire, etc. Ils s’appuient sur un outil commun, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Les GED jouent un rôle central dans notre dispositif. Nous avons donc décidé de renforcer leur pilotage. Les réunions de coordination regroupant l’ensemble des préfets de zone se tiennent désormais tous les quinze jours. Leur objectif est de renforcer l’exhaustivité et la fiabilité des informations contenues par le FSPRT, et d’assurer une mise en œuvre homogène des instructions données par le ministre d’État.
Nous veillerons aussi à associer les maires à ce travail de prévention. Dans le cadre de conventions entre le préfet, le procureur et les maires, des informations à caractère confidentiel peuvent être échangées afin que chacun puisse contribuer à abaisser le niveau de menaces et à améliorer la détection des signaux de terrain.
Pour poursuivre cette dynamique, le plan d’action contre le terrorisme identifie cinq axes prioritaires.
Le premier axe est celui de la connaissance. Nous devons mieux identifier et comprendre la menace terroriste et ses évolutions. C’est d’autant plus nécessaire qu’elle est désormais diffuse et protéiforme. La CNR-LT a été chargée de concevoir et de mettre en œuvre une méthode de retour d’expériences qui porte non plus seulement sur les attentats réussis, mais également sur les actions déjouées ou échouées. Nous avons décidé en outre de créer une cellule de profilage des auteurs d’attaques terroristes et d’identification des facteurs de passage à l’acte.
Le deuxième axe est celui de l’entrave. Nous ne devons négliger aucun moyen d’empêcher les passages à l’acte sur le territoire.
Nous renforçons nos instruments de veille et de suivi sur certaines situations particulièrement sensibles. Ce sera en particulier le cas pour les détenus terroristes ou les détenus de droit commun radicalisés en fin de peine. Une cellule spécifique, placée au sein de l’UCLAT et associant le renseignement pénitentiaire, en assurera le suivi.
Nous allons également renforcer le suivi des personnes placées sous contrôle judiciaire. Le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique mobile sera facilité.
Par ailleurs, le non-respect du contrôle judiciaire par les personnes mises en examen pour faits de terrorisme doit entraîner une réponse judiciaire systématique. D’ici au mois de septembre, une instruction interministérielle sera adressée aux procureurs de la République, aux services pénitentiaires et à l’ensemble des services d’enquêtes et de renseignements afin de sécuriser le partage d’information en cas d’incident dans le respect des mesures de contrôle judiciaire.
Le troisième axe est celui de la protection. L’objectif est d’accroître le niveau de vigilance de l’ensemble des acteurs de la société, qu’ils soient publics ou privés, et de les impliquer davantage, à tous les niveaux et dans tous les secteurs, afin de contribuer directement à la lutte contre le terrorisme et à la résilience de la Nation.
Les enquêtes administratives de sécurité permettent de renforcer la sécurisation de l’accès à des lieux ou des fonctions sensibles. Le service national d’enquêtes administratives et de sécurité (SNEAS) sera en mesure, à l’horizon 2019, d’effectuer chaque année environ 800 000 enquêtes ou « criblages », lors du recrutement dans les professions de souveraineté nationale, des habilitations au secret de la défense nationale, de l’organisation de grands événements et des emplois dans le domaine des transports.
Nous devons aussi saisir les opportunités offertes par les technologies de la sécurité et par l’intelligence artificielle, tout en inscrivant leur développement dans le cadre protecteur des libertés individuelles auquel nous sommes collectivement attachés. J’ai chargé le préfet Renaud VEDEL, actuellement coordonnateur pour l’intelligence artificielle au ministère de l’intérieur, de faire au Gouvernement des propositions d’ici à la fin de l’année 2018.
Le quatrième axe est celui de la répression. Je confirme la création d’un parquet national anti-terroriste qui permettra de renforcer encore l’action publique dans la lutte contre le terrorisme. L’activité anti-terroriste a en effet pris une part prépondérante de l’activité du procureur de Paris. Cette mission nécessite une présence forte et incarnée : elle a aujourd’hui le visage de François MOLINS, que les Français ont appris à connaître dans des circonstances toujours dramatiques et auquel je veux rendre hommage, ainsi qu’à ses équipes. Nous considérons ensemble qu’il est désormais nécessaire de permettre à un procureur de se consacrer à temps plein à la lutte anti-terroriste.
Ce PNAT bénéficiera d’une équipe de magistrats et de fonctionnaires renforcée. Sa création s’accompagnera par ailleurs de la désignation de procureurs délégués anti-terroristes au sein des parquets territoriaux les plus exposés. Ils formeront un vivier de magistrats immédiatement et efficacement mobilisables en cas d’attaques terroristes. C’est donc un véritable maillage territorial anti-terroriste au niveau judiciaire que nous allons créer.
Pour le dernier axe de ce plan, nous avons voulu nous tourner vers l’Europe, vers une Europe qui protège. Au-delà de la création de l’académie européenne du renseignement, annoncée par le Président de la République à la Sorbonne en septembre 2017 et dont la première session se tiendra au premier semestre 2019, je veux mentionner l’action résolue de la France, désormais soutenue par la Commission pour renforcer l’effectivité du retrait rapide des contenus illicites sur Internet.
Enfin, je ne veux pas terminer cette présentation sans parler des victimes du terrorisme. Améliorer la protection des victimes du terrorisme est un élément déterminant de la capacité de résilience de notre société. La solidarité, l'assistance et l'indemnisation des victimes du terrorisme et de leurs familles font partie intégrante de notre réponse au terrorisme.
C’est pourquoi, dans le projet de loi de programmation de la Justice, nous créerons un juge de l’indemnisation dédié aux victimes de terrorisme pour accélérer leur indemnisation et alléger d’autant le travail des juges d’instruction en charge de l’enquête pénale.
Je souhaite saluer le travail fait depuis un an par Elisabeth PELSEZ, déléguée interministérielle à l’aide aux victimes. Elle a su montrer que le rattachement naturel au ministère de la Justice de la mission d’accompagner les victimes n’avait en rien entravé l’engagement de tout le gouvernement au service des victimes.
Demain je serai à Nice, pour me recueillir à la mémoire des 86 victimes décédées dans l’attentat du 14 juillet 2016, et avec l’ensemble des victimes qui trouveront la force de revenir sur ces lieux. A Nice, comme partout où le terrorisme islamiste a frappé, les blessures restent vives, les mémoires douloureuses. A Nice demain, comme chaque jour depuis que j’exerce mes fonctions, deux sentiments m’animeront.
L’humilité d’abord. L’humilité devant la douleur. L’humilité devant le travail accompli par tous ceux qui œuvrent, le plus souvent dans l’ombre, à notre sécurité. Ici, à la DGSI, à la DGSE, dans les services du renseignement territorial, dans l’ensemble des services de renseignement et d’investigation, des fonctionnaires, des militaires des armées et de la gendarmerie, des spécialistes sous contrat, font un travail remarquable, qui exige à la fois une persévérance à toute épreuve et une réactivité de chaque instant. Je veux, en leur rendant hommage, leur adresser le message de l’exigence et de la confiance.
Le deuxième sentiment qui m’anime, c’est la détermination. C’est celle du Président de la République, c’est la mienne, c’est celle de tout le Gouvernement. Nous savons que le risque zéro n’existe pas. Mais nous savons que nous ne devons jamais renoncer, jamais céder au fatalisme. Lutter pied à pied, chaque jour, sans nous caricaturer, sans renoncer à nos valeurs, mais sans complaisance ni concessions. Lutter concrètement, avec des engagements précis, des actions tangibles et mesurables.
Ce sont ces deux convictions que traduit ce plan, en consolidant le chemin accompli, et en nous plaçant, résolument, dans une démarche de progrès continu.

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