Facebook Live du 10 avril 2018

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 11/04/2018

Edouard PHILIPPE, Premier ministre
Bonjour à tous ; bienvenue pour cette nouvelle édition de ce « Facebook Live » où pendant une demi-heure, je réponds aux questions que vous me posez, sur ce compte, et où j'essaie d'évoquer l'ensemble des sujets qui vous intéressent.
On organise ce « Facebook » un mardi soir comme d'habitude, dans une semaine qui est marquée par une actualité très... très riche ; c'est souvent le cas, mais c'est particulièrement le cas cette semaine avec, d'abord, les opérations qui sont en cours à Notre-Dame-des-Landes, avec une grève qui se poursuit, la grève dans le monde ferroviaire, qui a un impact considérable sur les usagers, sur les clients de la SNCF. Dans les deux derniers jours de grève, dimanche et lundi, il y a eu, comme dans les précédents, beaucoup de nos concitoyens qui ont été très fortement impactés, très fortement dérangés dans leurs trajets domicile-travail, ou dans leur volonté de revenir de week-end quand ils étaient partis, ou dans leur capacité à se déplacer pour aller voir des proches ou pour partir en vacances quand ils étaient dans la période où on partait en vacances.
Donc c'est une situation dont je mesure parfaitement l'inconvénient qu'elle peut représenter pour les Françaises et les Français, mais qui est liée à une réforme que nous avons engagée que nous avons annoncée, que nous expliquons ; qui est en ce moment même, au moment où je vous parle, débattue à l'Assemblée nationale, avec un débat de fond, car nous avons modifié le texte initial qui avait été envisagé pour passer des ordonnances à des dispositions spécifiques, à des dispositions définitives ; donc au texte de fond. Cela permet aux parlementaires de faire leur travail, de délibérer sur ce projet et c'est très bien ainsi, c'est très légitime et c'est très sain.
Mais évidemment, il y a une forme de tension que je ne méconnais pas du tout, une détermination affichée par un certain nombre d'organisations syndicales, une détermination à la fois tranquille et ferme du gouvernement que je porte, parce que je pense que la réforme que nous envisageons pour la SNCF, que nous proposons, que nous allons mettre en œuvre est une réforme nécessaire, attendue à bien des égards par les Français qui constatent la dégradation de la qualité de service sur les lignes de chemin de fer français ; une réforme qui a pour objet de préparer l'entreprise à l'ouverture à la concurrence.
Cette ouverture à la concurrence, elle aura lieu, elle a d'ailleurs été décidée il y a bien des années, mais il faut l'organiser, il ne faut pas renoncer devant l'obstacle, il faut organiser l'ouverture à la concurrence du secteur, parce que l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, elle s'est traduite, dans le pays dont nous nous inspirons le plus pour imaginer de nouveaux systèmes, c'est-à-dire l'Allemagne, par une offre accrue, par une qualité de service accrue, par une offre ferroviaire et une offre tarifaire plus importantes encore, par des investissements publics d'ailleurs qui ont été préservés, qui se sont même eux aussi accrus. Donc nous considérons que c'est un plus pour l'usager, c'est un plus pour le client, qui exige que l'entreprise se porte bien.
Ça veut dire qu'il faut réorganiser l'entreprise, lui donner une souplesse opérationnelle indispensable, lui permettre de faire face à ses concurrents, ce que je crois parfaitement possible, parce que la SNCF est une belle entreprise, à laquelle les Français sont très attachés, et qu'elle peut parfaitement, sous réserve d'une réorganisation et d’un peu plus de souplesse dans son fonctionnement, être à la hauteur de la concurrence et même être meilleure à bien des égards que ses concurrents.
Donc cette semaine particulière, avec un mouvement dans les universités sur lequel, j'espère, on aura l'occasion de revenir, et puis beaucoup d'actualités, mais veux plus rapidement, je réponds à vos questions.
La première question est posée par François, qui nous dit, c'est une longue question : « Monsieur le Premier Ministre, ne pensez-vous pas que le moment est venu pour l'Etat d'affirmer avec fermeté son autorité alors que des lieux d'enseignement sont occupés et cassés, alors que les territoires sont investis illégalement, alors que l'on pend symboliquement en place publique l'effigie du président de la République, alors que l'on insulte, menace, méprise les forces de l'ordre, alors que des prêcheurs ou des associations distillent un peu partout des idéologies mortifères, alors que des millions de concitoyens sont pris en otage au nom de la défense d'intérêts corporatistes ? Bref, quel message pouvez-vous délivrer, dans un contexte qui a tendance à se dégrader de la sorte ? ».
On n'est pas loin du sujet que j'évoquais en introduction, c'est-à-dire de la nécessité, pour l'Etat, d'être à la fois extrêmement attentif à ce qui se passe dans la société française, aux revendications, à préserver toutes les libertés publiques, dont le droit de grève, dont le droit de manifester, qu'il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause, mais aussi à faire en sorte que l'ensemble des lois et des règlements puissent être appliqués dans des conditions transparentes et dans des conditions effectives qui garantissent les droits de chacun.
C'est vrai s'agissant de Notre-Dame-des-Landes, où nous avons engagé, exactement comme je m'y étais engagé au mois de janvier, des opérations visant à déloger les occupants illégaux des parcelles sur lesquelles devait être construit l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous avons annoncé début janvier, que ce projet ne se ferait pas, nous y avons mis un terme en considérant que l'usage agricole des terrains qui avaient été réservés pour la construction devait être remis en vigueur ; donc ces terrains serviront à des projets agricoles ; ça c'est un engagement ferme de la part de l'Etat ; mais nous avons également dit qu’à la fin de la trêve hivernale, c'est-à-dire au 1er avril, il fallait que les occupants illégaux quittent les lieux pour que l'ensemble de la zone redevienne soumise au droit, ce qui n'était plus le cas depuis de longues années.
Ça a passé depuis lundi matin par une opération conduite par la Gendarmerie, avec un souci d'une action efficace, une très grande préparation pour éviter au maximum les incidents, mais je pense que vous avez vu, tous, les images ; il y a beaucoup de violences, dans cette zone, il y a des gens qui, au fond, on le voit bien, n'étaient pas là pour refuser la construction d'un aéroport, mais étaient là pour refuser, j'allais dire, toutes les règles de la vie en société, ou en tout cas, toutes les règles de la vie en société démocratique et dans un Etat de droit. Nous voulons récupérer les terrains pour que des projets agricoles puissent s’y développer. Nous le faisons avec beaucoup de maîtrise dans l'emploi de la force, mais aussi avec beaucoup de résolution, beaucoup de fermeté, et je pense qu'il est utile, là encore, de tenir l'ensemble des engagements que j'ai pris devant les Français au moins de janvier quand j'ai annoncé cette décision.
C'est un peu la même logique en tout cas qui prévaut dans d'autres situations. Je pense notamment à quelques amphis ou à quelques sites universitaires, on a vu se développer, à côté des inquiétudes qui sont formulées par les étudiants sur le nouveau système qui permet l'accès à l'université, l'accès à l'enseignement supérieur, des revendications très fermement et souvent très violemment exprimées par un tout petit groupe, composé parfois d'étudiants, mais parfois de gens qui ne le sont plus, ou qui ne le sont pas vraiment, très marqués par l'extrême-gauche, qui a d'ailleurs suscité parfois des réactions très marquées par l'extrême-droite et très violentes, elles aussi, que je condamne avec la même fermeté et sans aucune hésitation là non plus. On a vu des comportements de casseur, de provocateur, des amphis tagués, du matériel universitaire abîmé, des portes brisées, des rapports de force, de la violence physique, on a vu à Tolbiac des cocktails Molotov sur le site universitaire, stockés ; et tout indique que s’ils étaient stockés, c'était pour qu'ils puissent être utilisés le moment venu.
Donc on a une situation d'une très grande violence qui ne reflète à mon avis pas du tout la position de l’immense majorité des étudiants ; d'ailleurs, c'est assez frappant parce que quand les étudiants se prononcent, ils sont très majoritairement contre les blocages, on l'a vu à Nancy où un vote électronique a été organisé, qui a donné lieu à un vote très majoritairement contre les blocages ; on l'a vu à Strasbourg ; on le voit dans d'autres universités.
Notre objectif, c'est de faire en sorte que les examens puissent se passer dans les meilleures conditions ; c'est de faire en sorte que les étudiants puissent étudier ; c'est de faire en sorte que la prime ne soit jamais donnée à ceux qui sont violents à ceux qui cassent et à ceux qui, au fond, ne servent pas les intérêts des étudiants.
Quand les présidents d'université nous sollicitent – et nous ne pouvons agir qu'après qu'ils nous ont sollicités – nous procédons aux opérations, y compris avec l'usage de la force pour libérer les sites, pour libérer les amphis qui sont, si le président de l'université le décide. Indûment occupés. Et c'est quelque chose sur laquelle là encore nous, nous voulons faire preuve de beaucoup de fermeté, en même temps de beaucoup de maîtrise, parce que je ne veux pas d'incidents.
Il ne s'agit pas d'avoir recours pour le plaisir à des opérations d'usage de la force publique, mais il faut aussi refuser qu’une toute petite minorité, souvent très violente, bloque, interdise à une très grande majorité, l'exercice de choses qui sont aussi des droits ! Et là-dessus, je veux dire ma fermeté. J'ai été très frappé – j'ai eu l'occasion de le dire publiquement – j'ai été très frappé par des tags qui ont été faits dans un amphi – je crois que c'était à Tolbiac – où on voyait écrit « Un bon flic, c'est un flic mort ».
Je ne veux pas qualifier la bêtise abyssale des types qui ont écrit ce type de slogan, mais je viens de le faire en parlant de « bêtise abyssale » ; je veux juste rappeler qu’on sort d'un moment – et on n'en est pas véritablement sort, je ne suis pas sûr qu'on en sortira avant longtemps – où un officier, de la Gendarmerie en l'occurrence, a donné sa vie pour sauver une Française, pour sauver une de nos concitoyennes. Et quand vous avez rencontré sa famille, quand, comme des millions de Français, vous avez été ému aux larmes et impressionné par le courage de cet officier de Gendarmerie, ce genre d'inscription n’est évidemment pas acceptable. Et donc on veut faire preuve d'une très grande fermeté pour faire en sorte que, si j'ose dire, force reste à la loi.
Et puis je voudrais aussi dire que, pour les étudiants, c'est important que la situation se débloque ! Pourquoi ? Quand je vois des étudiants, ou des gens qui se prétendent étudiants, sans doute sont-ils des étudiants – qui disent : « Eh bien il faut qu'aux examens, tout le monde ait la moyenne, voire même que tout le monde ait 15 sur 20 ». D’ailleurs, on ne se demande pas pourquoi 19, carrément 20 sur 20, c'est-à-dire que tout le monde ait son diplôme.
Je trouve que c'est... c'est une conception terrible de ce que c'est que l'accès à l'enseignement supérieur, de ce que c'est que le travail, l'élévation, l'activité intellectuelle, l'émulation intellectuelle, la découverte, l'apprentissage de connaissances, mais plus que ça, la formation d'une capacité de réflexion et l'acquisition de toute une série de choses qui sont indispensables pour le futur de notre pays. Et je sais que ce type de revendication, elle ne correspond pas à l'esprit ultra majoritaire, ultra dominant des étudiants de ce pays. Et c'est la raison pour laquelle je dis encore que chacun a le droit de s'exprimer, pour autant qu'il respecte la loi, mais que les étudiants qui souhaitent bosser, qui souhaitent passer leurs examens parce qu'ils les ont travaillés, qui veulent les passer dans de bonnes conditions parce qu'ils ont besoin de construire leur avenir, ils ont tout autant le droit, probablement même beaucoup plus à certains égards, de voir leur liberté et leur droit respectés. Voilà.
J'ai beaucoup de questions là-dessus, une question d'Edouard, « avez-vous un mot pour les étudiants ? », je crois avoir répondu. Une question d'Hugo : « La situation dans les universités est grave. Quand l'Etat va-t-il prendre ses responsabilités et soutenir les présidents d'université ? », eh bien je l'ai dit : quand les présidents d'université nous le demandent, nous agissons, avec mesure, en faisant très attention parce que, là encore, je ne veux pas un incident, mais quand les présidents d'université nous le demandent, nous agissons. Et uniquement quand ils nous le demandent. Et je veux insister là-dessus : nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas agir lorsque les présidents d'université ne nous le demandent pas.
Coco... Coco nous invite à changer de sujet pour parler du cas des autistes souvent oublié : « Ma belle-sœur », nous dit Coco, « a dû arrêter son travail pour s'occuper à plein temps de mon petit neveu qui est autiste Asperger, aucune structure ne pouvant le prendre en charge ? Que comptez-vous faire pour accompagner ses parents épuisés, seuls et qui souvent se reprochent la maladie de leur enfant ? ». C’est une question difficile, ou plus exactement, c'est une réalité terrible que décrit Coco dans sa question, mais qui me permet d'expliquer ce que veut faire le gouvernement en la matière.
Nous avons, j'ai moi-même présenté vendredi... oui, c'était vendredi, vendredi dernier, la stratégie nationale du gouvernement pour beaucoup mieux prendre en compte l'ensemble des troubles autistiques dont souffrent un nombre important de nos concitoyens. Cette stratégie, qui succède à plusieurs plans qui avaient été engagés par les gouvernements précédents et qui ont souvent produit des effets, parfois moins que ce qu'on espérait, parfois nettement moins que ce qui était nécessaire, cette stratégie, elle se veut globale et elle se veut ambitieuse.
Pourquoi je dis qu'elle est globale ? Parce qu'elle intervient sur la détection, l'identification, la prise en compte très précoces, notre objectif c'est de prendre en compte le plus tôt possible les premières différences de développement, pour pouvoir apporter des réponses le plus tôt possible, parce qu’on sait, les spécialistes, les scientifiques, les parents aussi, savent que plus tôt on détecte des troubles autistiques, mieux on peut les prendre en compte, et mieux on va pouvoir prendre en compte ces troubles dans la maturité de l'enfant, et ensuite de l’adulte autiste.
On a pris des mesures qui sont des mesures de détection ; on veut suivre beaucoup plus ce que disent les parents, l'intuition des parents qui, bien souvent – et il y a beaucoup de Françaises et de Français qui voient parfaitement de quoi je parle – qui bien souvent ne sont pas suffisamment écoutés. Ça passe par une bien meilleure formation des médecins – moi, je ne suis pas du tout médecin, mais les médecins spécialistes de l'autisme que l'ensemble des médecins en France ont une connaissance trop imprécise ou trop imparfaite peut-être, des symptômes et de la façon dont on peut très rapidement traiter un certain nombre de troubles autistiques.
On va donc mettre l'accent sur la formation initiale, beaucoup plus qu'aujourd'hui, on a changé les carnets de santé, ce qui va permettre, dans le suivi des enfants, avec la visite au 9ème mois et au 24ème mois, de mettre l'accent sur la détection des symptômes, des premiers symptômes dans le développement de l'enfant, qui peuvent donner lieu à une détection et donc à une prise en compte. On va aussi renforcer la formation continue, c'est des éléments qui ont été présentés lors de... vendredi dernier, sur lesquels je ne veux pas revenir dans le détail, mais qui sont très importants. On va aussi mettre – et je crois que là aussi, les familles qui ont été confrontées à ce sujet mesurent parfaitement la transformation – on va aussi mettre en place un forfait qui va permettre, dès que les troubles ont été identifiés, avant même la reconnaissance par le système des MDPH, des troubles autistiques, de prendre en compte le financement de l'ensemble des professionnels qui interviennent dans l'accompagnement immédiat d'un enfant dont les troubles ont été détectés.
C’est financièrement, un engagement fort du gouvernement, de l'Etat, parce que nous sommes convaincus – et c'est un constat et c'est un constat que je déplore, mais il faut regarder la réalité en face – que depuis trop longtemps, on ne fait pas ce qu'il faut pour les personnes autistes. Notre pays est en retard dans le traitement des troubles autistiques, dans l'accompagnement des personnes. L'essentiel des détections de cas est fait entre six et 16 ans, c'est beaucoup trop tard ; il faut « mettre le paquet » sur la détection précoce et sur l'accompagnement le plus tôt possible des enfants qui souffrent de troubles autistiques.
Il faut aussi accompagner les parents, on a prévu un système dans lequel il y aura une maison ou un espace « de répit » par département pour accompagner les parents, pour les aider ; on va développer les dispositifs spécifiques dans les écoles maternelles et dans les écoles, pour garantir l'intégration des enfants qui souffrent d’un trouble autistique, dans une scolarité normale. Cette scolarité normale, elle a toujours été difficile à mettre en œuvre en France.
On doit faire beaucoup mieux qu'aujourd'hui, c'est l'objectif du gouvernement. Ça passe par une action concertée avec le secrétariat d'Etat aux Personnes handicapées et le ministère de l'Education nationale, et c'est un signe : la stratégie pour l'autisme qu'on a pensée dans ce gouvernement, elle a été pensée vraiment avec l'ensemble des membres du gouvernement, pas simplement par un ministre dont ce serait la charge ; avec le ministre de l'Education nationale pour l'accueil dans les structures scolaires, avec la ministre du Travail pour l'intégration dans le monde du travail, on peut faire beaucoup mieux, il y a des exemples qui marchent ! Je cite souvent l'exemple d'ANDROS qui est un exemple très emblématique ; moi j'ai rencontré au Salon de l'autisme, une boîte qui s'appelle AUTICONSULT qui utilise... Qui « utilise », pardon, qui emploie des personnes qui souffrent d'autisme, qui souffrent, qui sont affectées par des troubles de l'autisme, et qui les utilise dans des missions de... de conseil et d’audit. Ça marche, ça fonctionne, donc il faut qu'on change de regard, et il faut qu'on apprenne à travailler, à vivre avec des personnes qui, certes, peuvent être regardées comme différentes, mais qui ont énormément de choses à nous apporter et qui nous imposent à nous de nous adapter. Et c'est très bien ainsi.
Et... alors pardon parce que je le dis peut-être de façon désordonnée, mais je le dis avec beaucoup de... d'engagement, parce que je crois que ce sera l'honneur de notre pays de faire beaucoup mieux que ce qu'il faisait jusqu'à présent.
Cassandre me pose une question justement là-dessus ; elle me dit : « Cinquante pour cent des généralistes et 20 % des pédiatres n'ont pas reçu de formation concernant les troubles du spectre autistique. Comptez-vous mettre en place des formations en la matière ? »... Eh bien oui, Cassandre, absolument ; j'ai parlé des carnets de santé, j'ai parlé des généralistes et des pédiatres qui auront une formation à l'autisme, dans le cadre de leur troisième cycle d'études ; et puis sur la formation continue et sur l'étude pédagogique mises à disposition des médecins, on peut évidemment faire beaucoup mieux.
Camille FRIBOULET, enfin Camille me demande si je dors bien la nuit. « A votre place, je me ferais quelques soucis pour mon petit pays ». Eh bien écoutez Camille, je vous dirais volontiers d'abord que je ne crois pas que mon pays soit petit, il faut penser que la France était un grand et beau pays ; et que par ailleurs, je dors bien, même si je dors peu ; ça, c'est un fait.
Ben je me dis : « Comment pouvez-vous soutenir le projet de loi de programmation pour la Justice tel qu'annoncé, alors que son effet est de déshumaniser la justice ? Ne seriez-vous pas davantage d'accord pour une... pour augmenter », pardon, « les moyens de la justice ? ». Et Brice me pose une question qui rejoint celle de Ben : « Ne pensez-vous pas qu'il est urgent d'augmenter le budget de la Justice, plutôt que de réduire son coût ? ».
Je voudrais d'abord dire à Ben et à Brice que si on parle des moyens de la Justice, il faut avoir les idées très claires : on va faire, dans les cinq années qui viennent, enfin dans les quatre années qui viennent, un effort pour la Justice qui n'a pas d'équivalent. On va recruter 6.500 personnes au ministère de la Justice : magistrats ou personnels pénitentiaires, ce qui, en termes, en valeur absolue, peut sembler peu, mais en valeur relative est considérable parce qu’on part de très loin. On va augmenter le budget du ministère de la Justice sur les cinq ans de près de 25 %. C'est énorme ! C'est énorme, dans un contexte où il n’a échappé à personne qu'on faisait attention à la dépense publique et qu'on essayait de contracter, en tout cas de maintenir les dépenses de l'Etat. On va donner beaucoup plus de moyens à la Justice.
Pourquoi ? Pas parce qu'on a envie de faire plaisir aux avocats, pas parce qu'on a envie de faire plaisir aux magistrats, certainement pas parce qu'on a envie de faire plaisir à qui que ce soit. Parce que c'est nécessaire. Parce que la justice, c’est un élément essentiel de la paix civile, de l'Etat, de droit, de notre capacité à vivre ensemble, parce que nous savons que si quelqu'un ne respecte pas la règle, il peut y avoir une sanction ; eh bien ça, ça exige des dépenses de l'Etat.
Et pendant très longtemps, pour plein de raisons, sur lesquelles ce serait très intéressant de revenir, on a consacré beaucoup trop peu de moyens pour la Justice, beaucoup trop peu de moyens. On veut corriger ça. Ça ne va pas se faire en six mois, c'est d'ailleurs pour ça que dans la loi de programmation des finances publiques qui prévoit l'évolution des dépenses de l'Etat sur les cinq années du quinquennat, on a prévu une augmentation progressive des moyens de la Justice, mais qui sera très nette, qui est déjà très nette dès l'année 2018, dans le budget qu'on a voté à la fin de l'année dernière, et qui va être très nette l'année prochaine ; c'est un besoin, c'est indispensable.
S'agissant de la réforme de la Justice que Ben, oui c'est ça, Ben évoquait, l'objectif ce n'est pas du tout de déshumaniser ! L'objectif, c'est d'essayer de faire en sorte d’organiser la Justice au plus près des justiciables. Ça me permet d'évoquer un sujet qui, souvent – je ne sais pas s'il n’est pas compris, en tout cas, sans doute s'il n’est pas compris, c’est qu’il a été mal expliqué – alors j'en prends ma part mais ça me permet, en vous parlant, de corriger cette mauvaise compréhension, nous avons pris la décision de préserver l'ensemble des lieux de Justice : les cours d'appel bien entendu, là où elles existent, les tribunaux de grande instance, là où il y en a, les tribunaux d'instance, là où il y en a.
Je me permets de faire observer à ceux qui nous regardent et qui sont passionnés par ces questions de justice, que la dernière fois qu'on a réformé la carte judiciaire, on a fermé des tribunaux. On les a fermés souvent brutalement, je ne dis pas que ça n'était pas nécessaire, je ne dis pas que ça n'était pas justifié, je ne commente pas ce qui se fait. Je constate que la règle, c'est que quand, en général, on regarde la carte judiciaire, c'était pour fermer des tribunaux.
Il n'y a rien de cela dans la réforme portée par Nicole BELLOUBET. Rien. Notre objectif, c'est de faire en sorte de permettre de préserver les tribunaux d’instance et d'accorder même dans toute la mesure du possible, une forme de souplesse supplémentaire permettant, le cas échéant, de renvoyer des contentieux devant les tribunaux d'instance. D’ailleurs, il n'est pas impossible, il est même probable, que la mise en œuvre de la réforme que nous envisageons se traduise, dans un grand nombre de tribunaux d'instance, par plus d'affaires jugées.
Mais nous voulons donner une souplesse aux magistrats pour organiser le fonctionnement de la justice, dans le ressort des tribunaux. Et cette démarche, elle a été adoptée après qu’on a beaucoup consulté, dans le cadre de ce que le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a appelé les « chantiers de la Justice », qu’on avait lancés ensemble, et qui ont permis beaucoup, beaucoup de consultations de l’ensemble des professions intéressées par la Justice, les avocats, les magistrats, les forces de l'ordre, ensemble de ceux qui ont leur mot à dire sur le fonctionnement de la Justice, ils sont nombreux et c'est très bien ainsi.
Donc là encore, rapprocher la justice des justiciables en faisant en sorte qu’il puisse y avoir non seulement le contentieux existant dans les tribunaux d'instance, mais le cas échéant, en fonction de l'organisation choisie par les magistrats, plus de contentieux dans les tribunaux d'instance. Ça passe par le rapprochement juridique, pas physique, mais juridique entre les tribunaux d'instance et es tribunaux de grande instance.
Et puis il y a aussi beaucoup d'autres choses dans la réforme de la Justice, on aura l'occasion peut-être d'y revenir. Peut-être que quand le débat commencera à l'Assemblée nationale, on pourra proposer à Nicole BELLOUBET de venir avec moi évoquer un ensemble de sujets liés à cette réforme, parce qu'elle est évidemment importante.
Adèle, « Adèle le politicien », comme il s'appelle – il ou elle, je ne sais pas – nous dit : « A partir de quand la Police de proximité sera-t-elle mise en place ? ». D'abord ce qu'on va mettre en place, ce n'est pas la Police de proximité ; c'est la Police de sécurité du quotidien, peut-être que certains diront « oh là, ça c'est des mots ». Ce n’est pas des mots. C'est une logique très différente. La Police de sécurité du quotidien, ça n'est pas ce que nous avons connu à une époque sous le terme de Police de proximité. C'est une Police qui repose sur des outils qui sont modernisés, parce que la révolution numérique, la révolution des technologies, on doit la prendre en compte dans notre vie quotidienne, dans le fonctionnement de nos vies professionnelles et aussi dans le fonctionnement des forces de l'ordre, et notamment de la Police.
Nous avons, grâce à ces outils technologiques et numériques, accès à beaucoup plus d'informations, et nous sommes en mesure donc d'organiser beaucoup mieux le travail des agents sur le terrain.
Des outils, modernisés des procédures plus simples, on peut faire beaucoup plus simple, en étant évidemment respectueux du droit des personnes, c'est indispensable, du droit de la procédure qui est une protection pour les personnes, mais nous pouvons faire plus simple et donc plus rapide, ce qui permet de libérer des forces de l'ordre qui sont aujourd'hui cantonnées à des fonctions administratives et qui vont pouvoir revenir sur des fonctions opérationnelles, qui sont évidemment essentielles.
Et puis ça passe aussi par des renforts. Nous allons, là encore dans les cinq années qui viennent, mais nous avons commencé, recruter un nombre considérable d'agents publics consacrés aux forces de l'ordre, 10.000 sur le quinquennat, 10.000 en plus de l'existant sur le quinquennat ; un certain nombre d'entre eux, 1.900, près de 2.000, seront affectés à l'ensemble des tâches de Sécurité intérieure, et notamment de Renseignement, de lutte contre le terrorisme ; mais les autres seront affectés aux agents de Police et à la Gendarmerie pour apporter un service plus efficace et une sécurité plus grande à nos concitoyens.
Les renforts prévus dans le cadre de la Police de sécurité du quotidien commenceront à arriver à partir du mois de septembre, secteur par secteur, d'abord 10 à 30 effectifs par secteur, et puis un peu plus dans les quartiers en 2018, en 2019 et en 2020, le temps de déployer le dispositif.
Nathan me demande : « si c'est difficile d’être Premier ministre », la réponse est évidemment oui et... Oui, oui, la réponse est évidemment oui. C'est passionnant aussi... c'est passionnant, c’est difficile de... de tout bien faire, et il y a forcément des moments où on se trompe, il y a forcément des moments où on rate des choses, mais la vie veut ça ! Tous les métiers, c'est comme ça. Simplement, quand on est Premier ministre et qu'on rate quelque chose, ça se voit. Ça se soit beaucoup même, et quand on veut faire avancer le pays, quand on veut le transformer, quand on va essayer de réparer des choses qui fonctionnent pas – et franchement, il y a un paquet de choses qui ne fonctionnent pas dans notre pays – eh bien on se heurte forcément à des gens qui ne sont pas d'accord avec ce qu'on veut faire, qui sont, soit pas du tout d'accord avec le principe, soit d'accord avec le principe mais pas d'accord avec la mesure qu'on imagine pour réparer. Et donc, ça suscite forcément des oppositions qui peuvent être très respectueuses des personnes, qui peuvent être parfois très dures... Bon, voilà. Mais ce n'est pas la seule fonction, le seul mandat, la seule mission difficile. Il y a plein de Français qui font des choses largement aussi difficiles, souvent beaucoup plus difficiles, et avoir la chance de servir son pays à ce poste, c'est suffisamment exceptionnel pour que le premier type qui se plaigne, on lui dise que vraiment, ce n'est pas le lieu, ce n'est pas le moment et qu'il fasse autre chose s’il se plaint. Et donc, donc voilà. J'aime ce que je fais, et j'essaie de le faire bien.
Chantal nous dit : « Ça n'est pas aux Français à payer la dette de la SNCF. L'entreprise doit payer sa dette ». Chantal soulève une question qui est difficile, qui est la question de la dette ferroviaire. Elle est difficile parce que le montant de la dette ferroviaire est considérable ; on parle d’un peu moins de 50 milliards d’euros. C’est beaucoup d'argent.
D'abord la SNCF, c'est une entreprise publique, c'est un établissement public industriel et commercial, c’est même trois établissements publics industriels et commerciaux, mais enfin fondamentalement, c'est une entreprise publique. Elle va le rester. Je préfère le dire clairement, je préfère le dire carrément : l'objectif, c'est de faire en sorte que la SNCF reste une entreprise publique, reste une entreprise à capitaux publics. Il n’y a pas de discussion à avoir là-dessus, c'est un fait, ça n'est pas négociable, je l’ai dit clairement au moment où nous avons engagé la réforme : c'est une entreprise publique, elle le restera.
Comme c'est une entreprise publique, elle appartient à tous les Français. Pas simplement aux cheminots, à tous les Français. La dette de la SNCF est considérable, et surtout elle est très importante par son volume et elle s'accroît tous les ans. Et elle s'accroît tous les ans beaucoup ; on parle de 2,5 milliards à trois milliards de dette chaque année, supplémentaire.
Cette dette, elle n’est pas seulement liée au fonctionnement de l'entreprise. Elle est, pour une bonne partie, le résultat de décisions qui ont été prises par des gouvernements passés, qui imposent des choses, qui imposent des décisions, à la demande générale d'ailleurs, quand on a décidé par exemple d'équiper beaucoup plus que ça n'était le cas, le territoire français de Lignes à Grande Vitesse, on a imposé à la SNCF, par tel ou tel type de montage juridique, mais on a imposé à la SNCF de s'endetter très lourdement pour prendre à sa charge une partie du coût de la construction des Lignes à Grande Vitesse. Pas tout, Il y avait des subventions des collectivités territoriales, donc de l'argent public, mais une partie a été portée par la dette de la SNCF.
Se posera donc la question, un jour, de savoir ce que l'Etat, ce que l'entreprise, ce que les Français font de cette dette. C’est une question qui se posera, je n’en ai jamais caché l'existence, et il est évident qu'un jour cette question se posera.
Moi, mon objectif est simple : je veux qu’on répare la SNCF. Je veux qu'elle soit capable d'évoluer dans le monde de la concurrence en tenant son rang, et en ayant sa place, sans qu'elle soit condamnée par cette mise en concurrence. Ça, ça existe qu’elle se transforme, juridiquement, opérationnellement surtout, pour pouvoir faire face à cette concurrence, et pour pouvoir aborder le monde nouveau ferroviaire qui est devant nous.
Dès lors que j'aurai l'assurance qu'on est engagé dans cette transformation de façon ferme, alors la question de la dette pourra être évoquée. Je l'ai dit, je veux le redire clairement : la question de la dette, elle sera traitée, évoquée, le gouvernement prendra ses responsabilités, j'ai donné un horizon-temps qui nous laisse un peu de perspective, la fin du quinquennat, mais je veux dire clairement que sur ce sujet, comme sur les autres d'ailleurs, le gouvernement ne se défaussera pas de ses responsabilités.
Mais il est clair, pour aller dans le sens de Chantal, que dire « cette dette sera payée par l'ensemble des Français, elle reposera sur l'ensemble des Français », qu’ils prennent le train ou qu’ils ne prennent pas le train, l'ensemble des contribuables français, ça n'est possible que si l'entreprise fait la démonstration qu'elle est, indépendamment de sa dette, à l'équilibre économique, y compris avec des subventions publiques – elle a beaucoup de subventions publiques, elle continuera à en avoir – mais qu'elle est capable d'être agile et opérationnelle dans un monde concurrentiel.
J'ai encore une question, me dit-on... Pierre-Yves me pose une question qui n'est pas très à même, si j'ose dire, sur les syndicats. J’ai l'impression que Pierre-Yves n'aime pas beaucoup les syndicats, qu’il considère qu'ils sont trop puissants. Eh bien moi je voudrais dire à Pierre-Yves que je n'ai jamais et que je n'exprime pas d'avis négatif sur les syndicats. D'abord, la liberté, la liberté syndicale, c'est une liberté publique importante, qui a été acquise dans le passé et j’y suis attaché ; je suis attaché à toutes les libertés, et aussi à la liberté syndicale. Donc elle doit être respectée.
Ensuite, l'expérience montre que dans l'entreprise, et parfois au-delà des postures nationales, que ce soit d'ailleurs les syndicats de salariés ou les syndicats de patrons, dans les entreprises, on a parfois besoin, on a souvent besoin, on a toujours besoin d'organiser le dialogue social. Et que parfois, le dialogue social, il passe par les organisations syndicales ; parfois, dans les toutes petites entreprises, il n’y a pas d'organisations syndicales, il n’y a pas de représentations syndicales, donc on doit organiser le dialogue social autrement, mais qu’on a tout intérêt à avoir des syndicats responsables, qui sont capables d'accompagner, de réfléchir, d'enrichir même d'une certaine façon, la réflexion sur l'organisation de l'entreprise, le fonctionnement de tel ou tel secteur.
Donc moi, je respecte beaucoup les organisations syndicales. Je les vois énormément, parce que quand on est Premier ministre, on les rencontre beaucoup, et je le fais toujours avec beaucoup de respect pour mes interlocuteurs, même s'il m'arrive de ne pas être d'accord, voire pas d'accord du tout, avec eux. Mais ça, je ne vais pas m'excuser de ne pas être d'accord avec les organisations syndicales, et elles n'ont pas à s'excuser de ne pas être d'accord avec moi non plus.
Ce qui est important, c'est de respecter l'ensemble des libertés. La liberté syndicale, c'est sûr ; la liberté de manifester, c'est certain ; la liberté de faire grève, bien entendu. Mais aussi la liberté d'aller et venir, la liberté de travailler, la liberté de produire, la liberté de faire en sorte qu’on puisse continuer à exercer son activité professionnelle, alors même qu'on n'est pas syndiqué, c'est tout aussi respectable ; et la liberté aussi, ou plus exactement la responsabilité du pouvoir politique.
Je voudrais terminer par ça, puisqu’on me pose la question, et puisque Pierre-Yves me pose la question, en ce moment il y a une discussion parlementaire. Les députés, puis ensuite les sénateurs, vont évoquer, discuter délibérer au fond, un sujet de réforme, une proposition de réforme. La loi, c'est l'expression de la volonté générale. Elle est votée par des gens qui ont été élus par le peuple. Une fois qu'elle est votée, une fois qu'elle est promulguée, elle est la loi. Et je suis aussi soucieux du respect de la liberté syndicale que du respect de la loi.
Et une fois que j’ai dit ça, je vous remercie pour votre attention, et je vous dis, je crois, à la semaine prochaine. A bientôt.

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