Portrait de Monique Legrand-Larroche à son bureau

« On peut réussir dans ces métiers en étant une femme et une maman »

La récente vente à l’Égypte de 24 Rafale et de la frégate Fremm est un sujet de fierté pour Monique Legrand-Larroche. Le 1er juillet 2014, cet officier de 53 ans est devenue la première femme générale 4 étoiles de l’armée française et dirige depuis les opérations d’armement à la DGA (Direction générale de l’armement). Son rôle : ni plus ni moins que gérer l’acquisition et le développement industriel de toutes les armes pour nos forces.

 

L’uniforme floqué des 4 étoiles reste le plus souvent au vestiaire.  Au quotidien, l’ingénieure générale de l’armement Monique Legrand-Larroche opte plutôt pour le tailleur pantalon. Classique, bien sûr. Et moins impressionnant. « Le regard des autres a changé depuis ma nomination », confie-t-elle modestement. Dans son bureau, des photos et des maquettes en pagaille de Rafale, de missiles et d’hélicoptères - sa passion de toujours. Ses quatre fils aussi. Et cette affichette : « comment appelle-t-on un salarié qui gagne 27% de moins ? une salariéE ». « Cela fait un peu râler mes collègues », sourit-elle.

La directrice des opérations de la Direction générale de l'armement (DGA) est avant tout une scientifique, « amusée » par les maths depuis son plus jeune âge, diplômée de Polytechnique en 1982. « Dans ma promo, il n’y avait que 10% de filles, cela ne faisait que 10 ans que Polytechnique était ouverte aux femmes. Mais en fait je n’y prêtais pas attention. Nous avions tous les mêmes compétences, nous faisions les mêmes choses. » Quand ses fils ont intégré des classes préparatoires scientifiques, elle a en revanche été stupéfaite de constater que, 30 ans après, le pourcentage n’avait pas bougé, ou à peine. « J’ai du mal à comprendre. Il n’y aucune raison qu’il y ait aussi peu de filles dans les écoles d’ingénieurs, surtout qu’elles réussissent très bien en série Scientifique au lycée ».

« Il n’y aucune raison qu’il y ait aussi peu de filles dans les écoles d’ingénieur ».


Une grande fierté, c’est ce qu’elle a ressenti à l’annonce de sa nomination en Conseil des ministres. « Je n’ai jamais eu de plan de carrière, j’ai toujours choisi un poste parce qu’il m’intéressait et que je pensais pouvoir apporter quelque chose. Etre au service de l’État j’y ai pensé assez jeune », ajoute-t-elle. Le rôle de Monique Legrand-Larroche à la DGA : « travailler en liaison avec les armées pour comprendre et anticiper leurs besoins et préparer avec les industriels les armements du futur ». Une des missions de la DGA c’est aussi le soutien à l’exportation « car une bonne industrie de défense doit vendre à l’étranger pour préserver les emplois et la compétitivité des entreprises ». Elle dirige ainsi une équipe de 2000 ingénieurs, civils et militaires, de très haut niveau, essentiellement des hommes, avant tout par le dialogue et l'écoute. « Je me réjouis quand un de mes ingénieurs me dit qu’il doit partir plus tôt pour aller chercher son petit à la crèche, c’est bien qu’il le fasse mais aussi qu’il ose le dire ! » Articuler sa carrière et sa vie familiale, « on y arrive d’autant mieux qu’on est secondé par son conjoint. Avec mon mari on a toujours été dans l’aide et le partage des tâches, on a réussi à trouver un équilibre qui ne mette en péril ni nos carrières respectives ni nos enfants ». De ce point de vue-là, Monique Legrand-Larroche s’estime chanceuse et ajoute : « les femmes actives sont bien plus organisées, en fait elles n’ont pas le choix. Pour articuler 2 ou 3 vies dans une même journée, on a cette nécessité d’efficacité et d’organisation qui au final devient un atout sur le plan professionnel. Une femme au travail ne peut pas se permettre de perdre du temps en réunions ».

« Il faudrait que les jeunes filles arrêtent de s’auto-censurer et se dirigent vers les métiers scientifiques ».

L’égalité femmes-hommes en France ? « Peut mieux faire ! », répond-elle sans hésiter. « Et puis il est sans arrêt demandé aux femmes de prouver qu’elles sont légitimes d’être là, dans tous les milieux ». Les choses évoluent mais trop lentement. « C’est regrettable de devoir en passer par des quotas pour faire progresser la parité en politique, mais aussi dans les conseils d’administrations des grandes entreprises. Pour ce qui est de la DGA il y aujourd’hui  25%  de femmes et 3 femmes au Comex sur un effectif de 10, une belle progression ».

Ce qu’elle aimerait, c’est que les jeunes filles arrêtent de s’auto-censurer et se dirigent vers les métiers scientifiques. Pour qu’un phénomène d’identification se produise, il faut selon elle mettre en avant dans les médias, « et pas seulement le 8 mars », des modèles de réussites féminines dans l’ingénierie, la recherche... Et quand on lui fait observer, qu’en 2015, elle est devenue un de ces modèles, elle rougit un peu. « Si des jeunes peuvent réaliser que ce sont des métiers passionnants, épanouissants, dans lesquels on peut très bien réussir en étant une femme et une maman, alors je serais ravie ! »

Photo portrait de Monique Legrand-Larroche à côté de la maquette dans un sous-marin nucléaire.


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