Noélie : "le tableau est une nouvelle fenêtre"

Le mur est blanc comme une toile vierge. On y suspend un tableau et voilà que se crée une ouverture. "L'œil est happé par une nouvelle perspective. On s'échappe." Comme aime à le rappeler Noélie Raix, "le tableau est une nouvelle fenêtre." Pour elle, cette fenêtre fut ouverte au cours d'un dîner où René Esposito, peintre de la Creuse et ami de ses parents, voit dans ses premiers travaux artistiques des promesses d'avenir. Âgée de 19 ans, celle qui voulait être danseuse classique ose un pas de côté. Ce soir-là, elle peint sa première toile à l'huile et décide de devenir peintre.
Noélie n'en était pas à ses premiers entrechats dans le monde des arts plastiques. Enfant, elle a ouvert son imaginaire par le dessin. "Je ne pouvais pas m'empêcher de dessiner partout où j'étais. C'était viscéral", se souvient-elle. Portée par le dessin, elle se dirige vers des études d'arts appliqués et prend un temps la voie du design de mode. Mais elle réalise progressivement que son moyen d'expression est ailleurs. Noélie Raix ne se savait pas encore artiste.
Née à Paris, elle grandit et fait ses études à Limoges. Elle a 20 ans, quand en 2011, elle monte sa première exposition personnelle dans le limousin. Depuis 2012, elle est primée à plusieurs reprises. Elle est cotée au marché de l'art, en 2016, grâce à deux tableaux mis aux enchères à l'hôtel des ventes de Drouot, plaque tournante du marché de l'art international. Après trois années à Paris, entre 2013 et 2016, elle revient à Limoges pour "se ressourcer, se recentrer sur elle-même", mais aussi pour "se rapprocher de la nature" qui l'apaise et l'inspire. Aujourd'hui, elle peint tous les jours et dispense des cours dans son atelier limougeaud.
Mais la décision de poursuivre son rêve n'est pas une simple formalité. En entrant de plain-pied dans le monde de l'art et de la création, la jeune femme est face à elle-même. "Il faut tout le temps que je sois en phase avec mes émotions pour être en adéquation avec mon travail." Ce qui nécessite "une certaine force de vie", reconnaît-elle. Fougueuse, Noélie Raix est une alliance entre l'eau et le feu. "Je suis quelqu'un d'explosive, mais qui a son petit jardin secret."
Entrer dans son monde c'est plonger dans un univers de couleurs, car pour Noélie," être peintre, c'est avant tout la couleur". La jeune peintre s'inspire notamment du mouvement postimpressionniste Nabi, avec comme figures de proue, Paul Gauguin et Pierre Bonnard dont elle a scruté les toiles des heures et des heures. "Peindre c'est observer les toiles des grands maîtres, mais aussi la nature." C'est dans la nature que la peintre va puiser son inspiration mais aussi approfondir ses recherches sur la couleur. La couleur qu'elle décrit comme "la lumière simple du quotidien qui crée la vibration de la vie dans un tableau."
Faire vivre des scènes figées, c'est le talent de Noélie Raix. En 2017, elle est lauréate du prix Alain Brugnon récompensant un jeune artiste de la Fondation Taylor. Les toiles plébiscitées sont celles de sa série "Portraits de famille" issue de photographies noir et blanc datant du siècle dernier. Des images marquées par la patine du temps et l'empreinte des souvenirs auxquelles Noélie Raix insuffle une nouvelle vie grâce à la peinture à l'huile où "chaque couleur contient en elle-même une profondeur et une richesse". Un médium idéal pour les gens qui, à travers ces "Portraits de famille", lui confient la mission de faire battre "le cœur des souvenirs fanés".
Noélie cherche aussi à faire transparaître dans ses toiles "la tendresse, une des plus belles émotions." Elle nourrit une admiration pour Vermeer de Delft, chez qui "la pudeur splendide" se ressent dans ces scènes où la vie s'exprime dans un silence feutré, des univers clos qui, tout comme les photos noir et blanc de ses "Portraits", sont "la marque d'une époque et de quelque chose d'intemporel", un thème extrêmement cher pour cette "peintre de la pudeur", comme elle aime à se définir. Aujourd'hui, la voie est toute tracée pour Noélie Raix qui assure maintenant : "je sais que je peux le dire : je ne m'arrêterai jamais."
Portrait réalisé par Patrick Do Dinh