Portrait de Mohed Altrad
30 juin 2015 - Actualité

Mohed Altrad, entrepreneur mondial de l'année : « C'est la France qui a gagné »

Mohed Altrad est le premier Français à avoir reçu, le 6 juin 2015 à Monaco, le Prix mondial de l'entrepreneur de l'année. 65 entrepreneurs concouraient à ce prix prestigieux, dans 53 pays participants. Une fierté pour cet entrepreneur d'origine syrienne issu d'une famille modeste. Une fierté pour la France.

 
1er !
Mohed Altrad est le 1er Français à remporter le Prix mondial de l'entrepreneur de l'année.
Le 13 octobre dernier, il a également reçu le Prix de l’entrepreneur de l’année 2014 en France.
Il n'est pas évident de joindre Mohed Altrad. Et pour cause, ce Montpelliérain d'origine syrienne reçoit plus de dix demandes d'interview par jour, et du monde entier. Mais « c'est avec plaisir », et en prenant son temps, qu'il a accepté de répondre à nos questions. La raison de cette renommée récente : le Prix mondial de l'entrepreneur de l'année 2014, que le cabinet Ernst & Young lui a décerné dans la nuit du 6 au 7 juin dernier. Une première pour un Français. Et un prix que le PDG du Groupe Altrad considère comme une « fierté nationale ».

« Ce n'est pas Mohed Altrad qui a gagné. C'est la France qui a gagné »,
nous explique d'emblée cet homme d'affaires au parcours atypique. « C'est un prix décerné à la France ». Mohed Altrad se voit comme « le support humain » d'une récompense qui, selon lui, reconnaît, plus que le parcours d'un homme ou d'un groupe industriel, la réussite d'un pays. « C'est une fierté nationale ». Il s'étonne d'ailleurs qu'un « grand pays comme la France » n'ait jamais été récompensé. Mais aussi de la soudaine renommée internationale que lui vaut ce prix.

Du désert syrien aux écrans de Times Square

Depuis une semaine, les demandes d'interview affluent. De médias français, bien sûr, et arabes, qui s'intéressent de près à celui qui, parti de rien, est aujourd'hui à la tête d'un acteur majeur sur le marché mondial du matériel pour le bâtiment. Mais également du Financial Times, du New York Times, ou encore de Forbes. Nous lui parlons aussi de son portrait, affiché en grand sur l'un des écrans de Times Square, à New York.  « Quand j'ai vu cette photo, j'ai cru à un montage ! », admet-il. L'événement le fait sourire, mais il considère, et insiste sur ce point, que c'est bien la France qui rayonne à travers lui.
 
« Je n'avais pas d'autre choix que de réussir. Revenir en arrière était impossible. »
Pourtant, rien ne prédestinait Mohed Altrad, né il y a 48 ou 51 ans - impossible pour lui de le savoir - dans une tribu bédouine de Syrie. « Des conditions très modestes », précise-t-il, s'il le fallait. Sans accès à l'école. Pourtant, repéré par un instituteur, il accède à l'instruction et fait de sa réussite un objectif. Tant et si bien qu'il décroche, à 17 ans, une bourse du gouvernement syrien pour venir étudier en France. Un pays auquel il a, au départ, du mal à s'acclimater. « Mais je n'avais pas d'autre choix que de réussir. Revenir en arrière était impossible », explique-t-il. Quand il arrive en France, il ne parle même pas français. « Je suis donc parti dans cette ascension, cette volonté de tout apprendre, en termes de culture, en termes de langue, d'histoire... C'était un défi difficile », se souvient-il. Il se dit alors que s'il veut rester, « ce n'est pas la France qui va changer pour moi, c'est moi qui dois changer pour la France ». Ce sera donc Montpellier, puis Paris où il obtient un doctorat en informatique.

Il est ensuite ingénieur chez Alcatel puis chez Thomson. Il lance sa première société en 1984 et invente le premier ordinateur portable, qui pèse alors 20 kg ! C'est en 1985, en rachetant un fabricant d’échafaudages en faillite, qu'il entame l'aventure Altrad dans le secteur du BTP. C'est ce « courage », cette « persévérance » et cette « audace au service de la création entrepreneuriale »  qu'EY a voulu récompenser en lui décernant ce prix, comme le souligne dans un communiqué son président en France, Jean-Pierre Letartre.« Je suis la démonstration que c'est possible », reconnaît Mohed Altrad, même s'il considère son cas encore trop unique, dans un pays où « le pessimisme s'installe doucement mais durablement ». « Pour réussir, il faut être optimiste. J'aimerais voir plus d'exemples de réussites en France ».

En mars dernier, le Groupe Altrad a racheté le groupe néerlandais Hertel. Une opération qui va lui permettre de quasiment doubler de taille. Et de voir l'avenir en grand ? « Je n'ai jamais travaillé pour être milliardaire. Je m'inscris dans la durée, c'est ça qui me motive et qui me rend optimiste », explique Mohed Altrad qui préfère penser à l'avenir de son groupe, avant de penser au sien. « Je me projette pour les 30, 40 ans qui viennent. Je ne serai sûrement plus là, mais le groupe, lui, sera toujours là ».

Un homme d'affaires aux multiples facettes

Entrepreneur de talent, Mohed Altrad est également l'auteur de six romans. Dans un premier temps, c'est sur le management qu'il a souhaité écrire, mais désireux de s'éloigner par l'écriture du monde de l'entreprise, c'est vers la fiction qu'il se tourne ensuite. Comment fait-il pour mener de front ses activités de PDG et d'auteur ? Il « prend son temps », tout simplement, en laissant passer quatre années entre son premier et son deuxième roman, six avant le troisième. Des romans inspirés de son histoire, son pays et sa culture d'origine. « Je suis 100% français mais je n'ai pas oublié cette culture orientale qui est la mienne ».

Une culture qu'il associe très bien à la culture française, qu'il a parfaitement adoptée. Il a ainsi sauvé le club de rugby de Montpellier de la faillite, en 2011.
« C'est ma façon à moi de renvoyer l'ascenseur à la société. Le rugby, c'est un lieu de passion, d'émotion. Un lieu culturel également. »