
« Les gamers sont des passionnés qui souhaitent que leur passion soit reconnue par le plus grand nombre »
A 24 ans, Kayane est déjà une « vieille » joueuse professionnelle de jeux vidéo. Celle qui a commencé les tournois à l'âge de 9 ans affiche un palmarès international, dont un Guinness Book Record pour avoir fait 42 podiums, à faire pâlir un sportif de haut niveau . Et une volonté claire : faire découvrir sa passion au plus large public et la faire reconnaître comme un sport à part entière.

Dire d'elle qu'elle fut précoce est un euphémisme. C'est à l'âge de 4 ans que celle qui se fait encore appeler Marie-Laure commence à jouer aux jeux vidéo, des jeux « très fun » au départ, comme Tetris ou Zelda, sur « Game Boy ». Mais, dès 6 ans, elle se tourne vers les jeux de combat, pour pouvoir jouer avec ses grands frères. Agés de 7 et 11 ans de plus qu'elle, ils sont alors tous deux champions, notamment d'Europe, sur Tekken, et lui transmettent leur passion. Passion du jeu, mais aussi de la compétition : « quand ils s'entraînaient à la maison, on sentait une tension, ça m'impressionnait beaucoup de les voir faire ! » Et si elle s'intéresse d'abord aux jeux de combat pour « faire comme eux », ils deviennent très vite sa principale passion.
Avant d'officier sur Street Fighter, son jeu de prédilection, Kayane fait ses armes sur SoulCalibur. « C'est ce jeu de combat qui m'a donné envie de m'intéresser au genre », nous explique-t-elle. C'est d'ailleurs d'une victoire sur ce jeu que la jeune joueuse est le plus fière. « J'avais 12 ans et je jouais contre le champion de SoulCalibur, quasiment invincible. Il était champion de France et vice-champion du monde. On se retrouvait souvent en finale l'un contre l'autre, mais il gagnait toujours ! Ce jour-là nous étions dans une grande salle de cinéma, devant beaucoup de monde. Le prix à remporter était de 1 500 euros, ce qui représentait beaucoup d'argent pour moi à l'époque. Mais ce qui était surtout très important, c'était de le battre, pour une fois ! Le premier qui arrivait à 10 points remportait la partie, il menait 5 à 1 et, je ne sais pas comment, mais je me suis énervée et j'ai remonté le score pour finalement emporter le tournoi 10 à 5. Je ne m'y attendais pas du tout. »
« Je sais que la carrière d'un joueur professionnel est courte, on ne sait jamais de quoi est fait le lendemain. On se retrouve toujours à un moment donné face à des adversaires plus forts. J'ai voulu garder une roue de secours et donc j'ai décidé de continuer mes études. »

Pour autant, Kayane reconnaît que l'intégration des femmes dans le milieu du gaming n'est pas évidente, même s'il n'y a pas de différence physique entre gamers. « Les équipes se constituent très souvent dans le cercle d'amis et ça crée des équipes de filles d'un côté, de garçons de l'autre. C'est très rarement mixte dès le départ. Et il faut avouer que les garçons ne donnent pas leur chance aux filles, c'est très dommage ! Ça crée un cercle vicieux : elles continuent de rester dans leur coin et on continue de les exclure. Lorsqu'on est organisateur de tournois, on essaye de les intégrer mais on le fait assez maladroitement. Pourtant, en continuant à ne participer qu'à des tournois féminins, les filles se limitent. On ne progresse qu'en affrontant un maximum de joueurs et ça passe aussi par jouer contre des hommes. »
Aujourd'hui, à 24 ans, Kayane ne vit pas de son statut de joueuse professionnelle. « C'est très dur en France, surtout dans ma discipline, le jeu de combat. Il n'y a pas beaucoup de cash price, car la discipline vient du Japon où c'est l'honneur avant tout. C'est très mal vu là-bas de vivre du jeu vidéo. » Si elle arrive à s'en sortir, c'est par ses activités parallèles : son contrat de joueuse avec un sponsor, son émission à la télévision, où elle présente avec d'autres joueurs l'actualité du jeu vidéo, mais aussi les événements auxquels elle participe un peu partout en France, où elle affronte le public, et pour lesquels elle est un peu rémunérée.

« Finalement, on progresse dans le e-sport avec les autres, par l'esprit d'équipe : autant de valeurs que l'on retrouve dans le sport de haut niveau », explique Kayane. Pourtant, « il y a beaucoup à faire pour la reconnaissance des joueurs professionnels. Mais Axelle Lemaire a dit qu'elle voulait faire reconnaître davantage l'e-sport et proposer des choses. J'espère vraiment que ça va avancer dans ce sens. » La jeune femme souhaite que les services publics s'intéressent plus à ce domaine, investissent et aident à financer ou à créer des événements. « Nous avons surtout besoin d'une fédération qui réglemente la discipline », reconnaît-elle.
« Les joueurs professionnels sont les stars de la nouvelle génération. »