
« La société nous met déjà dans des cases, ne nous laissons pas enfermer ! »
Signature bien identifiable de nombreux dessins de presse, le pseudo Louison est avant tout un pied de nez aux stéréotypes. Brouiller les cartes, Louise, de son vrai prénom, le revendique ! Lèvres rouges rubis et chignon haut perché, elle se veut coquette et féminine et bien plus encore. Rencontre avec « la dessinatrice aux petits pois ».
À ses débuts dans le dessin de presse, le choix de son pseudo, Louison, est réfléchi. Masculin ou féminin ? L’ambiguïté sur son identité la protège : Louise, trop marqué année 80, trahit sa jeunesse et lui colle l'étiquette « fille qui dessine ». Après avoir décroché son baccalauréat « ric-rac » avec l’option arts-plastiques en ayant assisté à deux cours, elle veut devenir journaliste mais son aversion pour les études a raison de ce premier choix. Elle se dirige finalement vers une formation artistique. Un choix qui laisse perplexe ses parents sur le bien-fondé d’en faire un métier.
Très jeune, elle développe un « appétit » pour le dessin de presse avec les Unes du Monde, illustrées par Plantu, ou encore au Canard Enchaîné. À l’issue de sa formation, elle se dirige d’abord vers l’illustration, se disant « je suis une fille, il faut que je fasse des dessins pour la jeunesse, les magazines féminins... ». Elle reconnaît avoir réussi à « s'auto-stéréotyper » en voulant à tout prix « dessiner des chatons et des macarons ». « J'adore les macarons mais j'aime pas les chatons. C'était mal barré... ».
Mais n'ayant jamais réussi à « dessiner pour dessiner, sans y mettre un message », elle profite de l'actualité politique pour produire une série de dessins qui se fait remarquer sur son blog. C'est un déclic. Elle fait ses débuts chez Marianne, qu'elle intègre en stage d'observation, et où elle rencontre, à l'occasion d'un pot de départ, Tignous, son futur mentor. Il n’aura de cesse de la soutenir, « telle une pom-pom girl », tous les mercredis soir de bouclage. « En m’engageant dans cette voie, j’avais conscience qu'en étant une femme, jeune de surcroît, j’allais déclencher quelque chose, soulever un peu de curiosité et arriver à attirer l'attention des gens pour leur montrer mes dessins ».
Les efforts payent. Marianne publie un de ses premiers grands dessins. En quelques mois, elle fait sa place et décroche la publication d’un dessin hebdomadaire. Les dessins circulent, le réseau s’étoffe et donne lieu à des rencontres qui marquent. Reconnue, elle s’affranchit définitivement des blogs introspectifs et d’une l’illustration « fifille » qu’elle réduit, un brin provoc, aux « chatons et aux gommettes ». À l’inverse, « le dessinateur de presse n’a de cesse de se mettre dans la position de l’observateur et se doit de lever les yeux de son nombril pour regarder ailleurs, ce qui est nettement plus intéressant », explique-t-elle.
Plus légère, l’aventure people de voici.fr, commencée il y a 4 ans, est sa bulle d’oxygène. « Britney Spears sans culotte en pleine crise de l’euro, c’est ce qui pouvait m’arriver de mieux », explique-t-elle. « Faire rire avec des choses futiles ça fait aussi partie du métier ». Aujourd’hui, elle collabore à divers médias, dont ChEEk Magazine où elle illustre, chaque semaine, les aventures de Romy Idol. Elle publie également des dessins sur les sites de L'Obs ou À Paris.
Sa réussite, elle la doit aussi à un sacré caractère. Elevée dans une fratrie de quatre enfants, elle se rappelle avoir « appris à faire pipi aussi vite que ses frères sur l’autoroute ». De cette éducation, où l’on ne fait pas de différences entre les sexes, elle puise son énergie pour faire face aux attaques du sexisme ordinaire. Cet endurcissement est salvateur pour digérer ce fameux commentaire lâché à l'occasion d'une négociation salariale : « Louison, c'est 50 euros le dessin, 100 euros le bisou ».
Bien qu’elle ne revendique pas un dessin féministe, elle ne considère pas que ce soit un combat d’arrière-garde. Elle reste également vigilante sur ce qu’elle qualifie de « trous d’air de notre société » à l'image des revendications « nauséabondes » de certains mouvements. « Je suis un peu le monsieur Jourdain du féminisme, j’en fais sans le vouloir, sans le savoir, parce que je suis très attachée à l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Découvrez aussi :
- Le portrait d'Aude Baron, rédactrice en chef d'Eurosport.fr
- Le portrait de Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi
- Le portrait de Monique Legrand-Larroche, générale et directrice des opérations de la DGA
- Le portrait de Virginie Basselot, chef à Paris
- Le portrait d'Yseult, chanteuse
- Le portrait de Kee-Yoon Kim, humoriste
- Le portrait de Véronique Séhier, co-président du Planning familial