Interview de Olivier CLATZ, directeur du Grand défi « IA en santé"

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 21/02/2020|Modifié 28/03/2020

Avant toute chose, comment votre Grand Défi a-t ’il émergé ? A quel besoin ou constat répond-il ?
Le Grand Défi « Amélioration des diagnostics médicaux par l’intelligence artificielle » est issu du rapport Villani « AI for humanity ». Il a pour objectif d’accélérer l’impact des technologies issues de l’intelligence artificielle sur notre santé. La santé est un domaine qui nous concerne toutes et tous, et pour laquelle de nombreux acteurs sont engagés : patients, professionnels de santé, acteurs de l’innovation et de la recherche, entreprises, établissements de santé et bien entendu l’État. Le défi doit coordonner les actions auprès de tous ces acteurs pour enclencher un cercle vertueux autour de la valorisation des données de santé.
Aujourd’hui où en est votre Grand Défi ?
Les choses avancent bien : j’ai établi et validé ma feuille de route à l’été dernier autour de 3 axes : le développement technologique, le soutien à l’expérimentation et la mise en œuvre d’outils numériques structurants pour les professionnels de santé. J’ai lancé un premier appel à manifestation d’intérêt auprès des professionnels de santé en fin d’année. Avec le Health Data Hub, nous avons lancé un premier appel à projet qui se clôturera fin mars. J’ai programmé un autre appel destiné à soutenir les expérimentations pour fin mars.
Comment l’intelligence artificielle peut-elle très concrètement améliorer les diagnostics médicaux et le suivi des parcours santé de chacun?
L’intelligence artificielle, ce sont des algorithmes qui apprennent un modèle de corrélation entre les données de santé d’un patient et son devenir. Par exemple, à partir de grandes bases de données d’images médicales déjà analysées par des radiologues, elle peut apprendre à reconnaître la signature visuelle d’une pathologie dans une image et ainsi aider le médecin à détecter plus rapidement et efficacement des lésions qu’il aurait pu manquer.
Quels pourront être les impacts concrets de l’IA en santé pour nos concitoyens ? Est-ce que tous les territoires seront concernés ?
Partout où il y a des données de santé, l’IA peut potentiellement aider. Les premiers exemples d’utilisation étaient dans la reconnaissance vocale, pour faciliter la prise de note des compte-rendus médicaux. L’IA s’est aussi rapidement développée dans l’aide à la décision sur les images, les électrocardiogrammes. Les algorithmes permettent également de prédire l’activité aux urgences, ou de facilité le codage de l’information. Demain, ces algorithmes assimileront des données de natures plus diverses, par exemple en associant génétique, biologie, clinique et imagerie et pourront ainsi apporter une aide personnalisée dans le parcours de soin.
Comment le Grand défi « IA en santé » que vous a confié le Conseil de l’innovation, dont est membre le SGPI, s’articule-t-il avec la stratégie française déjà amorcée en matière d’IA (instituts 3IA, AI for humanity…) ?
Le Grand Défi vient en complément de plusieurs autres initiatives : les instituts 3IA, déjà soutenus par le programme d’investissements d’avenir (PIA), renforcent la recherche algorithmique, le Health Data Hub met à disposition une infrastructure permettant de travailler avec les données de santé en toute sécurité, le supercalculateur Jean Zay dote la France des moyens de calcul nécessaires au traitement des données massives, etc... Ce défi intervient aussi en parallèle de la feuille de route « Accélérer le virage du numérique » de la délégation ministérielle du numérique en santé, avec laquelle nous partageons la vision de la construction d'un Etat plateforme[1] organisant le numérique en santé au service des citoyens et des professionnels.
Alors qu’en 2019, selon France Digital et Roland Berger, les start-up françaises de l’intelligence artificielle sont devenues les plus financées en Europe, que manque-t-il selon vous à la France pour devenir le véritable leader de l’IA en santé ?
Nous avons connu une forte accélération du capital risque en France sur les 5 dernières années, notamment grâce à l’action de Bpifrance dont une partie des fonds sont issus du PIA. Nous devons évidemment poursuivre cet effort, pour lequel nous récolterons les fruits dans la décennie à venir. L’IA étant très dépendante de l’organisation des données de santé, il nous faut continuer à travailler sur celle-ci. Cela nécessite de renforcer les infrastructures de l’État comme le Dossier Médical Partagé (DMP) ou l’Espace Numérique de Santé qui verra le jour en 2022. Il nous faut aussi soutenir nos éditeurs de logiciels pour accompagner l’évolution de leur offre vers une plus grande valeur ajoutée pour les professionnels de santé comme pour les patients. Enfin, il faut créer les conditions de développement de nouvelles technologies, en particulier en encourageant l’expérimentation et la validation clinique de ces offres nouvelles qui arrivent sur le marché.

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