Portrait de Thomas Landreau

« Cette médaille n'est pas qu'à moi, elle appartient à une équipe, mes entraîneurs »

Thomas Landreau a remporté en août 2015 la médaille d’or dans la catégorie carrelage, aux dernières Olympiades des métiers à São Paulo. Les « WorldSkills », véritables vitrines des métiers techniques, permettent de promouvoir la formation professionnelle dans le monde. En France, les régions qui gèrent les lycées et l’apprentissage financent une large part des représentants français à cette compétition internationale. Thomas Landreau s'y est illustré. C'est notre Histoires de France, chapitre 7.

 

Thomas Landreau, ce surdoué du carrelage serait-il tombé dans la marmite étant petit ? Eh bien non ! Thomas se destinait à la maçonnerie. Une certitude en revanche, « après la troisième, je voulais m’orienter vers l’apprentissage ». Le Brevet des collèges en poche, Thomas Landreau entre donc de plain-pied dans la formation professionnelle. Il apprend la maçonnerie dans un Centre de formation des apprentis (CFA). Puis, il enchaîne  sur une nouvelle formation diplômante de carreleur avec à la clé un Certificat d’aptitude professionnelle puis un Brevet professionnel. Un nouveau parcours dont il n’imagine pas, alors, l’aboutissement quelques années plus tard.
 

DU CFA aux olympiades

Rapidement, au sein du CFA, sa motivation, sa soif d’apprendre et d’aller de l’avant interpellent ses formateurs. Thierry Roubaud, notamment, qui le prend sous son aile en le confrontant à des tâches de plus en plus complexes. Un challenge que Thomas Landreau relève parfaitement, dévoilant son esprit de compétition. Avec Thierry Roubaud, Thomas vient de croiser un homme qui va donner à sa formation un itinéraire hors du commun.

Son maître d'apprentissage au CFA de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) est carreleur de formation. Véritablement féru de son art, il veut transmettre sa passion et son savoir-faire aux jeunes, d’où le choix de l’enseignement en formation professionnelle. « Thomas, on l’a vu arriver à 15 ans et demi en première année de CAP. On a détecté très vite ses qualités. On a commencé l’entraînement des Olympiades tout de suite », nous confie Thierry Roubaud.
 
Thomas Landreau travaillant un panneauMais avant de rêver de médailles, il faut se préparer et s’entraîner. Pendant cinq longues années, Thomas, avec son formateur, s’entraîne d’arrache-pied pour monter en compétence et viser le niveau international. Mais pour participer aux « WorldSkills », il faut d’abord briller au niveau national. Et pour intégrer l’équipe de France des métiers, il faut franchir une première étape : les Olympiades régionales, qui sélectionnent les meilleurs candidats par métier pour les finales nationales.
 
Les premières régionales de Thomas se déroulent à Angers, en 2010. Il y décroche la troisième place, à seulement 16 ans,  alors que les huit autres concurrents sont tous âgés de vingt ans et plus. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître : « j’ai été plus fort que des jeunes de 20, 22 ans… », se félicite-t­-il. Mais son objectif est désormais ailleurs : gagner les Olympiades régionales pour participer aux compétitions nationales.  
 
Pendant deux années, Thomas, toujours épaulé par son mentor, s’entraîne plusieurs jours par semaine pour remporter les régionales 2012. C’est là que sa route croise celle de Basile Ageneau qui va sortir vainqueur de cette épreuve. Basile est un concurrent redoutable qui va par la suite confirmer sa victoire en remportant l’épreuve nationale, un an plus tard à Clermont-Ferrand. Un marchepied pour la consécration mondiale, puisque qu’il sera médaillé de bronze aux « WorldSkills » 2013, à Leipzig en Allemagne. « Je me suis fait battre par le futur médaillé de bronze international », se console Thomas qui, trop sûr de lui, avoue s’être « pris une claque ». Il gardera dès lors Basile Ageneau en ligne de mire. Une défaite au goût amer dont il parvient cependant à tirer les leçons en décrochant l’or aux régionales de 2013. C’est le début de la consécration, mais le temps presse, car Thomas, qui a 22 ans, n’est plus qu’à un an de l’âge limite de participation aux WorldSkills, la compétition internationale.

L’équipe de France des métiers

Le 31 janvier 2015, Thomas est médaillé d’or aux sélections nationales à Strasbourg. Il intègre enfin l’équipe de France des métiers. L’aventure commence. « Je passais du niveau national au niveau international, et la marche est dix fois plus haute », se souvient-il. « La montée en puissance se faisait de semaine en semaine. Entre les mois de janvier et d’août, j’ai fait environ une semaine et demie par mois d’entraînement », précise-t-il. Sept mois le séparent alors des « WorldSkills » de São Paulo.
 
Thomas Landreau au cours de l'épreuve pendant la compétition à Sao PauloA ce stade, au plan technique, Thomas est encadré par un nouvel entraîneur, Thierry Robin. Mais Thierry Roubaud, le mentor de Thomas, reste à ses côtés pour le conseiller. « Nous étions deux têtes, nous sommes passés à trois », explique Thomas.

Thierry Robin a participé à trois compétitions mondiales et possède une connaissance approfondie du niveau d’exigence de ces dernières, au cours desquelles rien ne doit être laissé au hasard. « Tout change à ce niveau. Ça touche à la précision, à la rigueur. Il faut viser la perfection. Il faut être d’une extrême rigueur », poursuit Thomas. La préparation s'effectue dans un des centres d’excellence « WorldSkills » France qui prépare aux épreuves internationales : le BTP CFA (Aforbat) de la Roche-sur-Yon en Vendée. 
 
Appelé à défendre les couleurs de la France, Thomas bénéficie, à l’instar de tous les membres de l’équipe de France des métiers, des meilleurs encadrements et accompagnements. La préparation est technique, physique et mentale. Les candidats sont entraînés comme des athlètes de haut niveau dans les locaux de l’INSEP et aux CREPS de Bugeat et de Boulour. Les stages de préparation physique et mentale visent à créer un esprit d’équipe et permettre à chacun de gérer la pression de la compétition internationale.

Les olympiades des métiers au Brésil

Août 2015, l’équipe de France des métiers s'envole pour le Brésil, à São Paulo. 24 pays de tous les continents sont représentés. Thomas s’est fixé plusieurs objectifs : battre les Suisses, qui font partie des meilleurs mondiaux, et « faire mieux que la performance de Basile Ageneau » aux mondiaux de Leipzig en 2013. C’est-à-dire l’argent ou l’or. Précisons que Basile Ageneau, après son exploit, est passé de l’autre côté de la barrière et fait partie des « coachs » de Thomas Landreau. Il lui livre les clés techniques mais également psychologiques pour être prêt au moment des épreuves. Un atout primordial quand on sait que la pression psychologique et la fatigue physique sont particulièrement éprouvantes à ce niveau de la compétition.

Thomas Landreau travaillant sur le panneau représentant le Christ de Corcovado au BrésilUne compétition qui se déroule dans un temps imparti de 22 heures, réparties sur quatre jours. Thomas doit réaliser deux poses de carrelage en façade et une au sol. Le niveau de difficultés est élevé, car les épreuves cumulent coupes en arrondi et poses en relief. La première façade intègre d'ailleurs des éléments en trois dimensions. Elle fait référence à l'un des plus fameux reliefs de la ville de Rio de Janeiro, le Corcovado, au sommet duquel s'érige la statue du Christ, les bras en croix.

L'ouvrage en trois panneaux pendant la compétition à Sao PauloLa deuxième façade représente la carte stylisée du Brésil. La principale difficulté de cette façade réside dans les cotes très précises à respecter. C'est à ce moment-là que Thomas se rappelle les conseils de ses mentors : « quand tu poses un carreau et que tu as un doute sur ta coupe, les jurés le verront. Donc, tu le changes. » Thomas ne laisse rien au hasard : « il faut vraiment avoir le nez dessus pour repérer le moindre défaut. J'ai été très rigoureux. Si j'avais un doute, je changeais le carreau. »

Autre difficulté, les matériaux fournis aux épreuves diffèrent quelque peu de ceux que Thomas a utilisés durant ses entraînements. Les carreaux, par exemple, n'ont pas la même taille. Il faut que Thomas s'adapte aux aléas et aux contraintes. C'est là que les différents aspects de la préparation se révèlent primordiaux.

Une première journée décevante

Prêt, techniquement, mentalement et physiquement, Thomas l'est après plusieurs mois d’entraînement intensif. Il se situe, selon lui, dans le top cinq mondial. Pourtant, la première journée ne se déroule pas de manière idéale. « Je n'ai pas réussi à me mettre dans la compétition », diagnostique Thomas, qui avoue avoir mal géré la pression.

Thomas commet plusieurs erreurs, qui lui coûtent beaucoup de temps. Mais son entourage reste confiant, notamment Thierry Roubaud, qui connaît bien son poulain et sait qu'il sera meilleur au fur et à mesure que la compétition va avancer. « Thomas est un diesel, il finit beaucoup plus fort qu'il commence », analyse le professionnel.

Découpe de carreaux pendant la compétition à Sao PauloLes deuxième et troisième jours, Thomas entre résolument dans la compétition. Le débriefing de l'équipe, la veille au soir, a été primordial pour le remotiver et lui redonner confiance. Ces deux journées sont parfaites, sans défaut.

Thomas Landreau travaillant sur le panneau au sol pendant la compétition à Sao PauloTout se joue le quatrième jour, avec la pose au sol. C'est le dernier jour de la compétition, les esprits et les corps sont éprouvés. Or, la pose au sol revêt une difficulté spécifique : il faut faire une chape, un travail précis mais également physiquement éprouvant. D'autant que le ciment fourni au Brésil est plus dense, plus collant que celui habituellement utilisé en France, rendant difficile la constitution d'un sol bien plat. Mais le sol, avec le carrelage en trois dimensions, est un des points forts de Thomas. Pour lui, « la différence s'est faite sur cette partie de l'épreuve » où ce qu'il a réalisé fut parfait. Thomas lui-même, n'en revient pas : « ce dernier jour j'ai sorti quelque chose que je n'avais jamais sorti. Je n'avais jamais fait quelque chose d'aussi nickel. »

En terminant une demi-heure en avance par rapport au temps imparti, Thomas a le temps de tout vérifier avec soin, de tout fignoler. Le nettoyage des façades est effectué avec minutie. C'est le coup de sifflet final. Thomas est satisfait, il a rempli son objectif : « je n'aurais pas pu mieux faire. J'ai même fait mieux qu'à l'entraînement. » Un travail que les jurés internationaux vont apprécier à sa juste mesure. Sa performance lui vaut la médaille d'or, devant le Brésil et la Suisse.

Après son exploit, Thomas Landreau réintègre son entreprise qui l'a soutenu dans son parcours olympique en lui octroyant le temps nécessaire pour sa préparation. Désormais, il veut évoluer dans l'entreprise, dans le secteur des salles de bain haut de gamme où l'on peut faire des fresques, de la mosaïque. Thomas voudrait aussi toucher à la taille de pierre qui permet beaucoup d'expressivité « en dessin et en créativité. » Thierry Roubaud n'est pas loin. Lui aussi a fait de la taille de pierre avant d'être carreleur. Les deux hommes ne se sont jamais perdus de vus depuis leur rencontre en CFA. Transmettre après avoir reçu. C'est aussi le voeu de Thomas qui veut épauler et former un poulain. Thomas, qui a la compétition dans le sang, reste encore en lice, mais cette fois-ci du côté des encadrants.

Le défilé de l'équipe de France des métiers après la fin de la compétition à Sao PauloComposée de 45 jeunes filles et garçons âgés de 18 à 22 ans, l’équipe de France des métiers a remporté 9 médailles (2 d’or, 4 d’argent et 3 de bronze) et 18 médaillons d’excellence. La France améliore son score de 2013 et obtient la neuvième place au classement des nations.