France 2030 aux Rencontres du développement durable 2022 : Interview croisée entre Bruno Bonnell et Thomas Friang

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 12/09/2022|Modifié 14/09/2022

Dans le cadre des Rencontres du Développement Durable 2022, Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, en charge de France 2030, et Thomas Friang, Directeur général de l’Institut Open Diplomacy, échangent sur le partenariat stratégique entre le secrétariat général pour l'investissement et l’édition 2022 des RDD, les enjeux des objectifs de développement durable, et le rôle de France 2030.

Thomas Friang, Directeur général de l’Institut Open Diplomacy : Cela fait trois ans que vous avez fondé les RDD. Pourquoi ? Quelle est la vocation de cet événement ?

L’Institut Open Diplomacy a fondé les Rencontres du Développement Durable en 2020 avec un objectif très simple : offrir au plus grand nombre, chaque année, un débat public de qualité pour réfléchir aux enjeux de la transition.
Nous étions très heureux de voir les 150 citoyens tirés au sort pour la Convention citoyenne pour le climat exprimer leur joie de mieux comprendre ces sujets complexes grâce à des échanges approfondis avec les experts. Nous avons voulu créer un rituel démocratique annuel qui permet au maximum de citoyens de profiter de cette expertise.
Nous avons alors rassemblé plus d’une cinquantaine d’organisations en pointe sur les Objectifs de Développement Durable des Nations unies pour faire dialoguer des entrepreneurs et des chercheurs, des dirigeants publics et des parlementaires, des élus locaux et des dirigeants internationaux, des syndicats et des associations avec les Françaises et les Français qui ont parfaitement compris l’importance de ces défis, ainsi que leur dimension géopolitique.
C’est cette approche très ouverte, et très ancrée dans les territoires grâce à nos grandes écoles co-organisatrices, qui a convaincu le président de la République de nous donner son haut patronage pour lancer les RDD.

Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, en charge de France 2030 : Le SGPI est partenaire stratégique des RDD. Pourquoi avoir pris cet engagement ? En quoi est ce que cela correspond aux fondamentaux de l'action du SGPI ?

Les Rencontres du Développement Durable, qui célèbrent déjà leur troisième anniversaire, sont une occasion unique de braquer les projecteurs sur les enjeux de développement durable grâce notamment à des intervenants de grande qualité et de tous horizons. C’est tout naturellement que le secrétariat général pour l’investissement s’associe et se reconnaît dans la « devise » de cette édition 2022 : « Entreprenons la France de 2030 ! ».
En effet, France 2030, ce plan d’investissement inédit, accompagne les transitions, écologique, agricole ou encore industrielle et se mobilise depuis près d’un an maintenant pour que demain soit plus désirable pour les générations futures.  L’édition 2022 des RDD sillonnera les routes de France permettant ainsi d’ouvrir de précieux débats autour des enjeux de recyclage, de décarbonation de l’industrie, de sobriété ou encore de territoires résilients, et de montrer que de nombreux projets sont déjà à l’œuvre sur dans toute la France. Les ambassadeurs et les lauréats de France 2030 seront présents à chacune des étapes pour échanger avec les élus et experts présents et mettre en lumière des solutions concrètes que France 2030 finance pour rapprocher le futur.

Thomas Friang : Cette troisième édition des RDD est devenue l’anniversaire officiel de l’adoption des Objectifs de Développement durable de l'ONU par la France. Que signifie ce 7e anniversaire de l'"Agenda 2030 des Nations unies" ?

Cette décision prise par Thomas Lesueur, Commissaire général et Délégué interministériel au Développement durable, de choisir les RDD pour célébrer l’adoption des Objectifs de Développement durable des Nations unies par la France nous honore, nous oblige et nous engage.
Quand je dis, c’est nous les Français. Car cela revient à confier le soin, à la société civile, aujourd’hui plus de 70 partenaires rassemblés par l’Institut Open Diplomacy pour les #RDD2022, de faire vivre le débat démocratique.
Or nous savons à quel point cela est crucial pour réussir la transition. On ne peut pas la réaliser sans les citoyens. Vu la difficulté économique et sociale des enjeux et vu la complexité du défi environnemental, surtout dans le contexte international que nous connaissons (guerre en Ukraine, pandémie de COVID), ne pas aller vers les citoyens pour débattre de la transition est encore moins bien perçu : certains nous disent que c’est faire la transition contre les citoyens.
Ce moment anniversaire, qui nous donne à réfléchir aux 17 Objectifs de Développement Durable que la France a adopté aux Nations unies en 2015, est donc l’occasion de mener à bien ce débat avec les Françaises et les Français à travers tout le territoire. Depuis la fondation des RDD, cette initiative est un véritable tour de France et tour d’horizon de la transition.
Je me réjouis que pour l’édition 2022, intitulée « Entreprenons la France de 2030 ! », nous y associons également un nouveau partenaire stratégique, le Secrétariat général pour l’investissement, qui joue un rôle majeur dans le financement de l’innovation pour décarboner l’économie française.

Bruno Bonnell : Parallèlement à l'Agenda 2030 de l'ONU, le SGPI porte pour la France la responsabilité d'investir dans la transformation économique du pays avec un plan à horizon 2030. Pouvez-vous nous rappeler les principaux objectifs de France 2030 qui font rimer innovation économique et transition écologique ?

France 2030, présenté par le Président de la République le 12 octobre dernier, incarne la volonté de l’Etat de permettre à la France de reprendre de l'avance dans une dizaine de secteurs stratégiques (nucléaire, santé du futur, décarbonation de l’industrie, véhicules électriques et hybrides, alimentation et agriculture, technologies numériques, etc.). Ce sont 54 milliards d’euros qui sont mobilisés au service du progrès et de l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens : le mieux vivre ; le mieux produire ; le mieux comprendre.
De la recherche fondamentale, à l’émergence d’une idée jusqu’à la production d’un produit ou service nouveau, France 2030 ambitionne de stimuler le « génie français » partout sur le territoire, dans nos organismes de transfert de technologies, nos entreprises, nos universités ou encore nos organismes de recherche.  Nous voulons aider nos chercheurs et nos industriels à rattraper, voire même à dépasser, la concurrence internationale dans des secteurs clés comme l'hydrogène vert, l'avion bas carbone, les industries culturelles et créatives, les technologies numériques ou encore les batteries électriques.
Ensuite, France 2030 envisage de développer le « capital humain » de notre pays, prérequis nécessaire à la réussite des objectifs fixés par le Président de la République. Pour accompagner le plus grand nombre vers les métiers d’avenir et en tension, France 2030 investira massivement dans la formation.
Grâce notamment au dispositif « Compétences et métiers d’avenir » qui mobilise 2,5 milliards d’euros, France 2030 permettra de former le capital humain indispensable au fonctionnement de nos organisations et au déploiement des innovations développées. Enfin, nous souhaitons renouer avec une véritable tradition d’exploration de « terra incognita » ou de « mare incognita » en investissant dans les domaines de l'espace et des grands fonds marins.

Thomas Friang : Alors que nous marquons le 7e anniversaire des ODD, beaucoup d'indicateurs sont au rouge au plan mondial. La pandémie et la guerre en Ukraine ont provoqué de sérieuses difficultés pour réaliser cette promesse de progrès à horizon 2030. Y a t il une vraie raison de « fêter » cet anniversaire ?

La situation est extrêmement tendue. Les Objectifs, adoptés par l’ensemble des Etats de la planète, sont fixés à horizon 2030. Mais un récent rapport nous indique qu’au rythme de 2019, il faudrait attendre 2073 pour atteindre les ODD. La photo prise en 2019 montre que nous allions dans la bonne direction mais que nous étions - tous - trop lents.
Mais il y a pire. La pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine ont inversé la tendance. Nous régressons désormais, sur de nombreux plans. Cette polycrise, comme je l’appelle, a des conséquences gravissimes alors que la crise climatique s’accélère et emporte avec elle des conséquences importantes sur la biodiversité.
Pour la première fois en une génération, les inégalités de revenus entre pays se sont aggravées. Nous n’avions jamais connu cela depuis une trentaine d'années. La pandémie, qui a tué 15 millions de personnes en 2020 et 2021 et qui continue de courir, a plongé 8 millions de personnes dans la pauvreté. S’ajoute à cette rupture sanitaire mondiale, un conflit militaire majeur qui - à mes yeux - nous a engagé dans un engrenage similaire à celui qui précédait la Première guerre mondiale. Sans jouer les Cassandre, les conséquences sont déjà patentes : l’insécurité alimentaire frappe plus de 43 pays, avec 18 millions de vies qui sont en jeu d’ici la fin de l’année. La crise énergétique qui en découle produit un choc monumental sur l’économie mondiale et affecte le pouvoir d’achat de nombreuses personnes (500 000 à 850 000 individus sont tombés dans l’extrême pauvreté en 2022 de ce fait).
Tous ces chocs rendent en plus difficile la transition écologique. Alors que celle-ci nécessite des investissements massifs, des décisions fortes à prendre et une mobilisation du plus grand nombre pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Dans ce genre de contexte, nous avons besoin d’une boussole. Les ODD en sont une. C’est le sens de cet anniversaire au moment duquel j’appelle de mes vœux à ces ODD soient une base pour préciser les objectifs de la planification écologique. Nous le savons depuis un moment, le besoin d’une transition juste nous rappelle que la planification écologique ne peut pas être tournée uniquement vers la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
En fait, c’est une transformation socio-économique très profonde qui nécessite de mobiliser tous nos outils politiques - de notre politique fiscale à notre politique de recherche et d’innovation -. De ce point de vue, il est réjouissant d’avoir associé le Secrétariat général pour l’investissement aux RDD 2022, car il soutient des chercheurs et des entrepreneurs attachés à résoudre ces défis avec le soutien de « France 2030 », ce plan d’investissement inédit.

Bruno Bonnell : Quel vœu formulez-vous pour que nous puissions pleinement « Entreprendre la France de 2030 ! », qui est le thème de cette troisième édition des RDD ?

Comme l’a très justement rappelé la Première ministre le 29 août à l’occasion de la rencontre des entrepreneurs de France, « L’heure n’est plus à attendre. L’heure n’est plus aux demi-mesures. L’heure n’est plus au chacun pour soi. L’heure est à la responsabilité collective. ».  Pour entreprendre et faire réussir la France 2030 il faut innover et avancer ensemble. Entreprises, laboratoires, universités, collectivités, et Etat, nous devons tous nous mobiliser.
L’intelligence collective, l’addition des énergies et le but commun sont les seuls moyens de réussir. Pour bien vivre demain il faut investir massivement  aujourd’hui et innover au service des générations futures. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de petits changements incrémentaux. Les urgence climatique, alimentaire, énergétique sont là, palpables et menaçantes. Elles doivent nous interpeller et nous conduire à l’action, réfléchie mais résolue. Avec France 2030, l’Etat se donne les moyens de bâtir le monde de demain, décarboné, sobre et solidaire.

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