Publié 26/02/2024|Modifié 01/02/2024

Edouard Balladur

Édouard Balladur a été nommé Premier ministre en mars 1993 par le président de la République François Mitterrand, à la suite de la victoire massive de l'opposition de droite aux élections législatives. Après les difficultés de la précédente cohabitation, c’est une « cohabitation de velours » qui s’installe. Édouard Balladur a conservé son poste jusqu’en mai 1995.

Portrait d'Édoaurd Balladur
Portrait d'Édoaurd Balladur / Service photographique de Matignon

La façon de gérer la société doit être adaptée au progrès des mentalités… Je ne crois pas davantage qu’on puisse faire le bien des hommes malgré eux. Il faut le faire avec leur consentement, se garder des décisions souveraines imposées d’en haut.

Edouard Balladur

BIOGRAPHIE

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  • Né le 2 mai 1929 à Smyrne, Turquie
  • Profession : conseiller d'Etat honoraire
  • Partis politiques : RPR puis UMP
  • Premier ministre de mars 1993 à mai 1995
Fils d’un des directeurs de la Banque ottomane, dont la famille d’origine arménienne est devenue française à la fin du XVIIIe siècle, Edouard Balladur et sa famille s’installent à Marseille en 1934 – le célèbre architecte Jean Balladur étant son cousin. Partant à Paris faire ses études supérieures, Edouard Balladur est pensionnaire chez les maristes de la rue Vaugirard, comme le fut François Mitterrand.
Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d’une licence en droit, il intègre l’Ecole nationale d’administration (promotion France-Afrique) après avoir servi sous les drapeaux en Algérie. Classé cinquième au concours de sortie, il devient membre du Conseil d'État.
En 1964, il entre au cabinet du Premier ministre Georges Pompidou. Jusqu’en 1968, il y travaille pour, l’essentiel, aux affaires sociales. Il joue un rôle décisif dans la production des ordonnances sur la participation, la sécurité sociale, l’emploi, et l’accord sur le chômage partiel. Conseiller très proche de Georges Pompidou, il est nommé secrétaire général adjoint en 1969, puis secrétaire général de la présidence de la République en 1973.Après le décès du président Pompidou, il rejoint le Conseil d’Etat. Puis, il entame une carrière dans le privé en prenant la présidence de la Générale de service informatique, de la Compagnie européenne d’accumulateurs et de la Société du Mont-Blanc.
En 1983, il théorise la possibilité constitutionnelle de la cohabitation.
Aux élections législatives de mars 1986, il est élu député de Paris sous l'étiquette RPR et participe au premier gouvernement de cohabitation formé par Jacques Chirac, sous la présidence de François Mitterrand. Il occupe les fonctions de ministre d'État, chargé de l'Économie, des Finances et de la Privatisation de mars 1986 à mai 1988.
Aux élections législatives de juin 1988, il est réélu député de Paris (12e circonscription).
En 1992, il est un des premiers hommes politiques de droite à apporter son soutien au traité de Maastricht, considérant que l’opposition au président Mitterrand ne doit pas être mélangée avec la question de l’engagement européen de la France.

ÉDOUARD BALLADUR À L'HÔTEL DE MATIGNON

Au fil de plusieurs articles parus dans la presse, Edouard Balladur est devenu le théoricien de la cohabitation avant que celle-ci ne devienne une réalité. Depuis la cohabitation de 1986-1988, il défend l’idée d’une cohabitation pacifiée, qui respecte la fonction présidentielle. En 1993, la coalition de droite connaît une victoire écrasante, puisqu’elle détient 84 % des sièges à l’Assemblée nationale, en faisant l’Assemblée la plus à droite que la France ait connue au XXe siècle. Le président Mitterrand reçoit les présidents des deux chambres et du Conseil constitutionnel afin de souligner qu'il s’en remet à la majorité parlementaire, devant laquelle il est responsable constitutionnellement, pour choisir son Premier ministre. Le soir même, il innove dans la forme en annonçant le nom du chef de gouvernement lui-même, à la télévision… et sans l’avoir antérieurement signifié à celui-ci. Edouard Balladur a relaté sa visite consécutive à l’Elysée : "Il m’accueillit en me disant : "Bonsoir, monsieur le Premier ministre" ; dans son esprit, je n’avais pas à accepter ou à refuser sa décision, elle était acquise."

Discours de politique générale du 8 avril 1993

Edouard Balladur déclare aux députés, le 8 avril 1993 qu’ils sont "investis d’une très large confiance et d’un très large soutien populaire", et qu’ils sont "en mesure de donner, en étroite association avec le gouvernement, un élan nouveau à notre Nation, d’apporter à notre société les réformes qui lui assureront à la fois le progrès, l’équilibre et la justice". Le Premier ministre définit ensuite les trois principes de l’action de son gouvernement : renouveau, tolérance, et rassemblement. Il a constitué un gouvernement restreint devant redresser les finances de l’Etat.
En effet, sur le plan intérieur, le Premier ministre juge la situation économique et sociale de la France "plus grave qu’aucune de celles qu’elle a connues depuis une quarantaine d’années, lorsqu’elle eut surmonté les conséquences de la guerre". Il insiste sur l’aggravation du chômage et de l’insécurité. Edouard Balladur entend aussi agir sur les déficits publics et la situation financière exacte des régimes sociaux.
Au niveau de la politique étrangère, le Premier ministre constate que les différents conflits (guerre du Golfe et les violences dans l’ancienne Yougoslavie) ont montré que l’Europe de l’Ouest n’avait pas su se mobiliser ni pour contribuer efficacement au développement de l’Europe de l’Est, ni pour assumer ses responsabilités en matière de sécurité du continent. Il s’inquiète d’autant plus de cette situation internationale que la France ne s’est pas organisée pour affronter ce monde nouveau et mieux y assurer sa position, notamment au plan militaire.

Un gouvernement politique

Édouard Balladur forme très rapidement un gouvernement resserré de 29 ministres, tous parlementaires, pour la moitié pour la première fois ministres, composé pour moitié de néo-gaullistes et pour l'autre de libéraux et démocrates-sociaux. Des ministères essentiels reviennent en effet à l’UDF –Simone Veil, ministre des Affaires sociales et de la Ville, Edmond Alphandéry à l’Economie, François Léotard à la Défense, François Bayrou à l’Éducation nationale. Parmi les représentants du RPR, Charles Pasqua est nommé à l’Intérieur, Alain Juppé aux Affaires étrangères et Nicolas Sarkozy au Budget et au Porte-parolat.
Le nouveau cabinet du Premier ministre, présidé par Nicolas Bazire, ancien élève de l’Ecole navale et de l’Ena, est composé presque exclusivement de jeunes technocrates (seize énarques sur vingt-deux membres). Avec Hubert Védrine à l’Elysée, il met en place la cohabitation dans un souci permanent de respect mutuel. Le ministère des Finances est divisé en deux, avec Nicolas Sarkozy, un proche du Premier ministre, au Budget.  

Respecter la Constitution

Dès le premier Conseil des ministres, le 2 avril 1993, le Premier ministre annonce qu’il entend respecter "scrupuleusement" et "à la lettre" la Constitution.
Les relations avec l’Élysée demeurent courtoises tout au long de la cohabitation, les nominations souhaitées par François Mitterrand ne rencontrent guère d’opposition à Matignon et le Premier ministre évite toute vexation, prenant soin de ne jamais réunir son cabinet juste avant ou après le Conseil des ministres. Une "cohabitation de velours" s’installe avec l’Élysée.
Néanmoins, le Premier ministre entre en conflit ouvert avec le Conseil constitutionnel sur la question du droit d’asile.  

Rénover la justice

Le Premier ministre s'accorde avec le président de la République quant à une réforme constitutionnelle que ce dernier souhaitait. Le Congrès réuni à Versailles adopte les deux points qu'elle comporte.
Primo, le Conseil supérieur de la magistrature sera désormais composé d'une manière pluraliste (des magistrats sont élus et d'autres nommés par les présidents de la République et des deux chambres, tandis qu'antérieurement tous étaient nommés par le président de la République).
Secundo, la Haute Cour de Justice avait un monopole juridictionnel quant aux ministres quels que soient les actes poursuivis. Dorénavant, les ministres pourront être poursuivis devant la Cour de Justice de la République pour des actes accomplis en rapport avec leurs fonctions. Pour le reste, ils deviennent des justiciables ordinaires.  

"Le retour à la croissance"

"Le retour à la croissance", est l’objectif martelé par le Premier ministre.
Le grand emprunt d’État lancé en 1993 doit permettre de faire face à la situation budgétaire. La France répond à la crise monétaire en obtenant l’augmentation des marges de fluctuation des monnaies au sein du Système monétaire européen (SME), un choix qui préserve les acquis européens et la perspective de la monnaie unique. Les conclusions positives lors des négociations sur le Gatt permettent notamment le maintien de "l’exception culturelle" de la France.
En juillet 1993, est lancée la privatisation de 21 entreprises et banques (dont Air France, Rhône Poulenc, Renault, Thomson, la BNP et le Crédit Lyonnais). Le gouvernement engage une réforme des retraites.
La réforme des retraites crée le Fonds solidarité vieillesse et allonge le temps de cotisation.  

La question de la jeunesse

C’est sur le terrain de la jeunesse que le gouvernement est confronté à deux difficultés.
La tentative de révision de la loi Falloux (qui doit permettre aux collectivités locales de financer au-delà de 10 % les investissements réalisés par les établissements privés) aboutit à une manifestation très importante des opposants au projet, comme une réponse aux manifestations pour l’école privée de 1984.Deux mois plus tard, le décret instituant le Contrat d’insertion professionnelle (CIP), permettant d’embaucher des jeunes jusqu’à bac + 2 en les rémunérant à 80 % du Smic, suscite de massives protestations. Le projet est retiré. Comme lors du conflit d’Air France à l’automne 1993, le Premier ministre, qui a été un acteur clé des accords de Grenelle, craint que le climat social ne se détériore lourdement.  

L'APRÈS-MATIGNON

Le Premier ministre, qui apparaît fréquemment dans les médias, jouit d’une popularité se maintenant au-dessus de 60 % pendant près d’un an.
Soutenu par un grand nombre de personnalités politiques ou médiatiques, il se porte candidat à la présidence de la République. Il obtient 18,58 % des suffrages au premier tour.Il retrouve son siège de député de Paris (12e circonscription) qu'il conserve jusqu’en 2007.Le 18 juillet 2007, il est nommé à la présidence du Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions par le président Nicolas Sarkozy. En 2008, une loi constitutionnelle consécutive est votée par le Congrès.Par décret du 22 octobre 2008, il est nommé président du Comité pour la réforme des collectivités locales. Son rapport propose entre autres la réduction du nombre de régions métropolitaines et la création d'un "Grand Paris".

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT BALLADUR