Discours de la Première ministre Élisabeth Borne - Convention citoyenne sur la fin de vie

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié 09/12/2022

Monsieur le Président, cher Thierry BEAUDET,
Madame et Monsieur les ministres, chère Agnès, cher Olivier,
Madame la Présidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne, chère Claire THOURY,
Mesdames et Messieurs les membres de la convention citoyenne,
Mesdames, Messieurs,
Il y a peu de sujet plus sensible et grave, que celui qui vous a été confié.
Débattre de la fin de vie, c’est parler d’une question tout à la fois humaine, sociétale, médicale, éthique et intime.
C’est une question délicate et personnelle sur laquelle, vous avez toutes et tous, en arrivant dans cette pièce, probablement une intuition, voire un avis ou une conviction.
Chacun d’entre vous connaît les débats autour de ces enjeux.
Ces dernières années, les médias ont relayé certains parcours de fin de vie, certains témoignages.
A quatre reprises depuis 1999, et pour la dernière fois en 2016, le Parlement a débattu de la fin de vie et remis ainsi la question au centre de la vie publique.
Certains peut-être, ont déjà connu autour d’eux des situations qui résonnent au moment d’aborder cette question.
Depuis des années, les mentalités et les attentes de notre société évoluent.
Les exemples étrangers nourrissent notre réflexion. Les conditions de la fin de vie évoluent.
L’allongement de l’espérance de vie, le nombre de malades chroniques, la dépendance et parfois la souffrance soulèvent de nouvelles questions.
Il y a un « long mourir » comme il y a un « mal mourir ».
Il est indispensable d’œuvrer au renforcement de la prise en charge de la souffrance, notamment en soins palliatifs.
Et nous ne pouvons ignorer la détresse de ceux qui demandent une aide active à la fin de vie.
Il est clair, aujourd’hui, que ces enjeux méritent un débat approfondi et apaisé.
C’est pourquoi, plutôt que de clore les réflexions pendant la campagne électorale, le Président de la République, Emmanuel MACRON, s’est engagé à lancer un débat national sur ce sujet.
Un débat national sur les éventuelles évolutions de notre droit, et les conséquences éthiques et sociétales de nos choix.
Un débat qui permettra de trouver un équilibre entre la solidarité et le respect des choix individuels.
Un débat dans lequel la voix d’une Convention citoyenne, chargée de proposer des solutions sera centrale.
Aujourd’hui, cet engagement est tenu. Et aujourd’hui, avec vous, nous lançons la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Mais alors, tout d’abord, pourquoi une Convention citoyenne ?
Si la Convention citoyenne pour le climat a ouvert la voie, Et que la loi confie désormais au CESE, la charge de l’organisation de conventions citoyennes, Elles sont encore une innovation démocratique majeure.
Très peu de pays font un choix similaire.
Rares sont ceux qui confient de telles responsabilités à un groupe de citoyens tirés au sort, et acceptent de s’en remettre à la délibération collective.
Bien sûr, il n’est pas question de se substituer au débat démocratique, ni à la Représentation nationale.
Votre rôle n’est pas de légiférer. C’est de prendre le temps de la réflexion approfondie, d’étudier tous les points de vue, d’explorer les options et de faire des propositions.
Et si vous n’êtes évidemment pas des représentants de la Nation, comme le sont les élus, vous êtes, en revanche, le reflet de notre pays et de notre société.
Votre rôle est de faire entendre vos expériences et vos sensibilités, vos vécus et vos points de vue.
Pendant 4 mois, des constats et des faits seront partagés avec vous.
Vous entendrez un certain nombre de témoignages, rencontrerez des chercheurs, des soignants, des patients, des personnes aux points de vue différents, qui n’abordent pas toujours la question par le même prisme, mais qui vous permettront de débattre de la manière la plus éclairée possible de tous les enjeux éthiques et sociétaux, individuels comme collectifs que pose la question de la fin de vie.
Vos travaux feront l’objet de commentaires plus ou moins bien intentionnés,
plus ou moins désintéressés.
N’en doutez pas, mais n’y prêtez pas la moindre attention.
Cette enceinte est celle du débat respectueux, fondé, contradictoire mais toujours apaisé et transparent.
Respectueux, car tous les membres de cette convention sont à égalité. Il n’y a pas ici de sachant ou de voix plus importante que d’autre.
C’est ensemble, par la confrontation de vos expériences, de vos sensibilités, de vos convictions, que vous cheminerez dans votre réflexion et dans vos préconisations.
Fondé, car il faut se défaire de partis pris et de préjugés.
Vos débats reposeront sur des éléments factuels et vérifiés, nourris par les très nombreuses rencontres et les échanges qui ponctueront vos séances de travail.
Un débat contradictoire, ensuite, car il ne s’agit pas de nier ou d’affadir vos opinions.
Au contraire, c’est parce que les échanges seront sincères et que tous les points de vue pourront s’exprimer, que vos propositions feront échos aux attentes et aux interrogations des Français.
Un débat apaisé également.
L’excès et les bonnes phrases sont souvent considérés comme des forces dans le débat public. Mais ils nourrissent bien souvent les postures, braquent certains et conduisent à des échanges stériles. Vous pourrez avoir des désaccords francs, massifs, mais en aucun cas violents ou blessants. 
Enfin un débat transparent pour que chacun puisse s’en approprier les termes.
Ainsi, les auditions que vous conduirez seront retransmises sur le site du CESE, tandis que les différents matériaux documentaires qui seront mis à votre disposition seront ouverts à nos compatriotes.
Le dialogue et l’échange sont toujours la meilleure option.
A chaque occasion, j’ai constaté que l’intelligence collective primait sur les échappées individuelles, que les solutions les plus pertinentes se construisent à plusieurs, dès lors que chacun avançait dans un esprit de construction et une volonté de résultat.
Cet état d’esprit, je sais que c’est le vôtre. Je sais que vous le conserverez, tout au long des 4 mois de discussion.
Je veux, chacune et chacun, vous remercier d’avoir accepté de participer à ce moment de réflexion collective.
Je sais que pour beaucoup, la participation à cette Convention citoyenne a supposé des arrangements pratiques ou des négociations avec vos employeurs, voire des sacrifices personnels.
Je sais aussi combien ce sujet est difficile – et qu’il convoque une part d’intime.
Mais ce débat vaut la peine d’être mené. Et vos préconisations sont attendues. Alors, à nouveau : merci à vous.
Je tiens à saluer le comité de Gouvernance de cette Convention citoyenne.
Vous incarnez à la fois chacun des aspects du débat sur la fin de vie, plusieurs facettes de la société civile, et vous êtes les garants de la bonne tenue des échanges.
Je veux enfin dire ma reconnaissance au Président du CESE, Thierry BEAUDET, et à toutes ses équipes, pour avoir mobilisé les ressources et les compétences nécessaires à la bonne organisation de cette convention.
Mesdames et Messieurs,
Maintenant que nous nous sommes interrogés sur la raison d’être d’une Convention citoyenne, une nouvelle question survient naturellement : quelle sera la place de cette convention et de ses conclusions dans le débat sur la fin de vie ?
La Convention citoyenne est au cœur de ce débat national.
Les réflexions que vous conduirez et les propositions que vous ferez, constitueront pour mon Gouvernement un éclairage majeur.
J’en prends l’engagement : nous reviendrons devant vous pour vous présenter les suites qui seront données à vos travaux.
Et nous vous éclairerons sur la prise en compte de vos réflexions et de vos recommandations.
Ensuite, à côté de la Convention citoyenne, plusieurs entités participent également à la réflexion sur la fin de vie.
Depuis l’avis du Comité Consultatif National d’Éthique et le lancement d’un débat national par le Président de la République, des échanges sont organisés partout dans les territoires sous l’égide des espaces de réflexion éthiques régionaux.
Par ailleurs, des consultations ont été lancées, dans l’hexagone comme dans les Outre-Mer, pour associer l’ensemble des parties prenantes, notamment les soignants et les patients.
Des groupes de réflexion ont également été lancés, qui associent professionnels de santé et parlementaires.
Ces échanges vont contribuer aux décisions que prendra le Gouvernement sur la nécessité d’envisager ou non des précisions ou des évolutions de notre cadre légal.
Ils contribueront également au débat parlementaire. Car c’est bien la représentation nationale qui tranchera.
J’ai demandé au ministre en charge du Renouveau démocratique, Olivier VÉRAN, et à la ministre en charge de l’Organisation territoriale et des professions de santé, Agnès FIRMIN LE BODO, de coordonner les échanges et le travail sur la fin de vie, et d’en garantir la neutralité.
Ils seront naturellement investis pour la réussite de cette convention.
Mesdames et Messieurs,
J’ai posé avec vous le cadre dans lequel cette Convention citoyenne s’inscrit.
Mais il reste finalement le principal : de quoi, exactement, allez-vous débattre ?
En demandant au Président BEAUDET de constituer cette convention, j’ai souhaité vous poser une question : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »
Répondre à cette interrogation vous conduira à évoquer de nombreux sujets.
Je pense à l’accès aux soins palliatifs à l’hôpital, à domicile ou dans les établissements.
Je pense à l’éventuelle possibilité d’une aide active à mourir et aux exigences éthiques qui s’imposeraient pour la mettre en œuvre et l’encadrer.
Je pense encore à l’équilibre qui doit être constamment cherché entre devoir de solidarité envers les personnes les plus vulnérables et respect des décisions de chacun.
Surtout, chaque question en appellera d’autres.
Évoquer l’accompagnement dans le deuil, par exemple, c’est se soucier des familles, de leur présence auprès de l’être cher et des conditions des rites de la séparation et de l’adieu.
C’est également considérer le rôle des aidants, parfois très jeunes, souvent bénévoles, dans les services de soins palliatifs, et la reconnaissance et le soutien, que nous leur devons.
Vous le saviez, ce n’est pas une mission facile qui vous est confiée.
Ce n’est pas un débat qui admet une bonne et une mauvaise réponse.
C’est au contraire une réflexion en nuance et en responsabilité. Qui nous pousse à interroger, plus largement, notre modèle de société et de solidarité.
Notre rapport à la vie, à la souffrance et à la mort.
Dans tous vos échanges, je vous invite à ne pas vous limiter à la seule approche médicale.
La décision médicale est évidemment centrale, mais elle n’est qu’un aspect du débat.
La fin de vie, c’est aussi un enjeu d’humanité, une exigence d’anticipation, d’accompagnement, une éthique du soin.
Alors, dans vos échanges, tentez d’embrasser sans cesse les questions dans leur globalité et leur singularité, à vous imaginer dans la position de l’autre, à vous demander si vous souhaiteriez que les décisions que vous recommandez puissent s’appliquer à vous et à l’un de vos proches.
C’est à ces conditions que vous ferez, que nous ferons, émerger des solutions équilibrées, et acceptées largement dans notre société, compatibles avec nos valeurs.
Face au travail qui vous attend, je n’aurais qu’une recommandation : soyez libres.
Libres de vous émanciper des idées reçues, de dire vos doutes, vos désaccords, de partager vos expériences, de vous laisser convaincre, et bien sûr, surtout, de défendre vos opinions, vos convictions, dans le souci du bien commun.
Le travail que vous entamez est passionnant.
Vous contribuerez à construire des réponses adaptées, au plus près des attentes des Français.
Merci encore une fois à toutes et à tous.
Je vous souhaite des discussions franches et des débats riches.
Je souhaite un plein succès à cette Convention citoyenne sur la fin de vie !

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