Discours du Premier ministre à l’occasion du Comité interministériel de la mer au Havre

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié 22/01/2021

Bien Monsieur le maire,
Monsieur le Premier ministre, très cher Édouard,
Madame et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le représentant du président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le préfet de Région,
Mesdames et Messieurs, cher Édouard,
Permettez-moi de vous dire d'emblée le plaisir qui est le mien d'être aujourd'hui à vos côtés avec plusieurs membres du Gouvernement, ici dans votre belle ville du Havre. Il y a 6 mois, vous m'avez laissé les clés de l'hôtel Matignon pour reprendre celle de votre mairie et je sais la joie profonde qui était la vôtre de retrouver vos terres normandes, votre ville et vos chers concitoyens qui venaient fort opportunément de vous renouveler massivement leur confiance, peut-être aussi de retrouver l'air marin un peu différent de l'air parisien.
Vous aviez eu avec le courage, le sang-froid et la clairvoyance que chacun vous reconnaît et dont je suis le témoin privilégié pour avoir servi à vos côtés pendant plusieurs semaines à gérer la première vague de cette pandémie inattendue et violente qui secoue le monde depuis maintenant une année car cette crise dure et la France lui paie un lourd tribut, vous le savez avec plus de 70 000 morts. Et aujourd’hui encore, près de 26 000 personnes qui sont hospitalisées à cause de la Covid. La Normandie et le Havre n'échappent évidemment pas à cette réalité. Hier encore, le taux d’incidence, surtout, les Français sont habitués à ce terme désormais, était de 231 dans le département.
Je voudrais saluer la mobilisation de tous les acteurs locaux dans cette lutte contre cette pandémie. Ici même au Havre, vous avez piloté avant Noël une opération de dépistage systématique aux résultats fort instructifs, et les opérations de vaccination ont déjà, dans la région, concernées 57 300 personnes faisant, apporté au nombre d’habitants de la Normandie, la deuxième région la plus vaccinatrice de France. Au plan national, avec désormais un rythme quotidien dépassant largement 100 000 vaccinations, 130 790 hier, nous sommes très largement en état d’atteindre l’objectif de plus de 1 millions de vaccination en janvier que nous nous étions fixés.
Dès la première semaine de février, notre priorité numéro un, je le rappelle, la vaccination des résidents d’EHPAD et d’unité de soins de longue durée qui est aussi cette étape et cette priorité, la plus difficile car vous le savez, le consentement des résidents est délicat à retenir. Cette première étape aura été franchie et j’insiste auprès de vous toutes et de vous toutes et vous tous, il s’agit que de résultats provisoires, avec un taux de vaccination représentant 80 % des résidents qui démontrent que nous avons bien fait de prendre toutes nos précautions et le temps nécessaire pour cela. Quand on fixe une stratégie vaccinale, ce qui compte, c'est qu'un pourcentage suffisant de personnes dans la catégorie concernée soit effectivement vacciné, sinon cela ne sert à rien. Pour les personnes âgées de plus de 75 ans, les vaccinations ont commencé en avance de phase 1 lundi dernier. Tous seront vaccinés, ceux qui le souhaitent, évidemment. Tous seront vaccinés. Mais je le rappelle à mes concitoyens, très clairement, compte tenu à la fois du calendrier d'approvisionnement et de livraison des doses fixés au plan européen et d'autre part, de la nécessité de prévoir une deuxième injection, ces opérations prendront nécessairement plusieurs semaines et il faudra s'armer de patience, mais tout se fera dans le calme et dans la sécurité sanitaire. Et si je suis venu ici auprès de vous, chers amis, c'est aussi pour apporter mon soutien et celui de l'État aux gens de mer qui n'ont pas été épargnés par cette crise sanitaire.
Ma première priorité, la première priorité du Gouvernement, c'est de protéger les Français, de protéger les gens de mer et de leur permettre de sortir de la crise. Je tiens avant tout à saluer la résilience dont ont fait preuve depuis le début de cette crise sanitaire tous les acteurs du transport maritime, du secteur portuaire et de la logistique. Elle a été admirable, d'autant qu'ils ne se sont jamais arrêtés. Le Gouvernement d'Édouard PHILIPPE, puis le mien ont organisé une contre-attaque efficace contre les répercussions économiques et sociales de cette crise sanitaire. Et je veux rendre ici hommage aux décisions économiques et sociales très ambitieuses que vous avez prises, Monsieur le premier ministre, dans l’urgence, au moment de la première vague et du premier confinement. Mesures que nous avons reconduites et amplifiées depuis lors, et notamment avec l’intervention du deuxième confinement. Je ne saurais passer sous silence le fait que pour les gens de mer, précisément, à la violence de la crise sanitaire, est venue s’ajouter la morsure du Brexit. Certes, nous pouvons nous féliciter des résultats de la négociation où la France, vous le savez, par la voix du président de la République, a beaucoup pesé. Nous avons obtenu le principe de continuer à pêcher dans la zone des 6-12 miles, aux larges du Royaume-Uni, notamment aux larges de Jersey et de Guernesey, Madame la ministre. Il faut maintenant que ces résultats se concrétisent. Et vous savez, toute l’attention que j’y porte. La ministre de la Mer se bat chaque jour la reconnaissance des antériorités de nos pêcheurs. Je le dis ici, au Havre, publiquement : nous serons très fermes, notamment vis-à-vis de la Commission européenne pour que l’accord soit respecté. C’est une condition nécessaire pour exercer la réciprocité dans nos eaux territoriales. Et pour les pêcheurs touchés par la baisse des quotas et pour le secteur naval, plus généralement, un plan d’accompagnement que nous avions annoncé est prévu avec des mesures d’aides à la trésorerie qui seront activées dès que les quotas pour 2021 seront connus, nous l’espérons dans les tous prochains jours. Mais là encore, la parole de l’État sera tenue. De même, en lien avec les élus et les parlementaires que je salue, nous avons engagé un travail pour répondre sans délai à l’offensif des ports francs que nos amis britanniques entendent développer à la suite du Brexit. Voilà pour l’actualité.
Mais si je suis ici au Havre, ce matin, c’est aussi évidemment pour parler d'avenir, l'avenir, évidemment, de l'activité portuaire et maritime. Et c'est précisément la raison pour laquelle nous avons choisi Le Havre pour tenir ce matin un Comité interministériel de la mer dont l'une des premières priorités est précisément de renforcer la stratégie portuaire de la France visant à rendre nos ports encore plus attractifs. Le général DE GAULLE ne s'y était pas trompé lorsque, dans cette ville ravagée par la guerre, le 7 octobre 1944, il affirmait aussitôt sa volonté de rétablir le pont. Ce port que COLBERT avait voulu pour doter la France d'un ponton supplémentaire sur une mer qui nous était alors âprement disputée, mais ça n'a pas changé. Ce port qui est aujourd'hui au cœur de la fusion des ports de l'axe Seine. Car aujourd'hui ensemble, nous franchissons une étape nouvelle, majeure, stratégique. Étape, cher Édouard, que vous avez portée et à laquelle je le sais, vous êtes particulièrement attaché, à savoir la fusion des 3 ports du Havre, de Rouen et de Paris pour former le grand port d'Arromanches. Depuis des décennies, on en parlait, nous le faisons. Cette décision, vous le savez, prendra effet le 1er juin de cette année, et dans le Conseil de surveillance vont siéger les trois métropoles du Havre, de Rouen, et de Paris, dont je salue très vivement les représentants et les deux régions concernées. Le siège de l’établissement sera localisé au Havre et je soutiendrai pour la présidence de ce Conseil de surveillance la candidature de Monsieur Daniel HAVIS qui a œuvré avec succès au développement de la MATMUT depuis sa maison mère de roi. Là encore, tout un symbole de cette unité, de ce sens de responsabilité, les élus et les acteurs de terrains que je veux saluer devant vous. Et bien entendu, pour être à la hauteur de ces ambitions, l’État a décidé d’arrêter ce matin un plan d’investissement à hauteur de 1,450 milliard millions d'euros sur la période 2020-2027, qui va correspondre au doublement des investissements dans les 3 implantations, y compris dans la métropole parisienne.
J'ai également demandé aux ministres et acteurs concernés d'ouvrir une réflexion sur les mesures permettant de dynamiser l'attractivité des zones industrialo-portuaires et d'améliorer leur compétitivité. Ces 3 ports du Havre, de Rouen et de Paris vont désormais former un axe reliant la capitale, le fleuve et la mer. Un grand axe fluvial et maritime dont peut-être, qui sait ? Colbert, que je citais tout à l'heure, aurait rêvé. Comme si la perspective du Louvre se poursuivait jusqu'aux Grands quais du Havre. Ainsi, avec le concours des volets portuaire et fluvial du plan de relance, HAROPA est appelé à devenir l'une des principales portes d'entrée maritime de France, avec Marseille et Dunkerque. Aucun pays, aucun pays ne peut avoir d'ambition maritime sans une ambition portuaire. C'est une évidence historique et c'est évidemment tout le sens du projet HAROPA. C'est pourquoi notre ambition collective va encore bien au-delà de cette magnifique ambition que nous consacrons ce matin. La Stratégie nationale portuaire, autre objet de l'ordre du jour de ce 6 mai, consiste en effet à adopter une démarche très offensive, conformément au souhait du président de la République de reconquête des parts de marché sur les ports concurrents étrangers. Nous l'avons illustré encore ce matin avec la visite de ce magnifique bâtiment, et je salue la famille Saadé qui nous a accueilli.
Notre stratégie est fondée sur un développement industriel et logistique durable. Il en va de la survie économique de ce secteur comme il en va de celui de la pêche et du dynamisme de notre politique commerciale. Pour cela, nous allons amplifier une stratégie tournée à la fois vers le renforcement des chaînes logistiques, vers la transition écologique et vers la transition numérique. Il faut le rappeler très fortement à tous nos concitoyens, les ports, la mer, c'est de l'emploi. C'est de l'attractivité de la France, c'est de la relocalisation industrielle, et donc, de l'indépendance. Des sujets qui sont au cœur de notre plan de relance. Je voudrais souligner, comme ici au Havre, autour d'HAROPA, l'esprit de coopération. Beaucoup sont là, qui associent tous les acteurs du secteur maritime, des filières économiques de la mer aux associations et organisations non gouvernementales engagées pour la protection de l'environnement maritime, en passant par, bien sûr, les collectivités territoriales que j'ai déjà citées. Ce n'est qu'à cette condition que nous parviendrons à construire ensemble la politique maritime de la France de demain. Cette politique en pleine crise, et c'est un choix politique particulièrement fort, nous avons décidé de l'accélérer grâce à ce plan de relance en dotant de 650 millions d’euros le volet maritime, portuaire et fluvial de ce plan, Mesdames et Messieurs les ministres. C’est que la France, pays terrien s’il en est, n’a en réalité jamais tourné le dos à la mer et à ses 18 000 km de littoral. Elle n’a jamais oublié qu’elle est un archipel, présent sur 3 mers et 4 des 5 océans qui baignent notre planète. Elle a toujours eu à cœur de renforcer son rang de deuxième puissance océanique mondiale.
Je voudrais à ce titre vous faire partager la fierté qui est la mienne d’avoir - je ne dirais créer puisqu’il y a eu un précédent en 1980 - mais recréer un ministère de la mer, un ministère de la mer de plein exercice pour que cette priorité, Madame la ministre, soit portée, soit incarnée. Et c'est le cas. Pour la France, qui est à la fois un Finistère continental et, je le disais, un archipel par sa diversité territoriale, la mer occupe une place stratégique dans la mesure où elle nous relie au monde entier et dans la mesure où elle constitue une part importante de notre économie. Le président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises, notamment lors de son discours aux Assises de l'économie et de la mer, l'océan est de surcroît un bien commun de l'humanité à préserver. Et là encore, la France doit être à l'avant-garde. Car les perspectives sont multiples : protection du littoral côtier, organisation des voies maritimes, activités sportives et culturelles, activités touristiques, agroéconomie, urbanisme et, enfin, je le disais, l'essentielle question environnementale.
Cette ambition maritime, nous la porterons le plus loin possible, notamment dans l'exploration et l'exploitation des ressources minérales des grands fonds marins, autre décision de ce jour. Cette exploration doit permettre non seulement d'augmenter notre connaissance des écosystèmes naturels et des ressources minérales sous-marines en mobilisant la communauté scientifique nationale et internationale, mais aussi d'amplifier les efforts de protection des fonds marins et de mieux les valoriser. Cette stratégie maritime française, je le répète là-encore, doit être globale et partenariale. Elle doit s'élaborer avec des collectivités d'outre-mer comme avec nos partenaires européens et internationaux. Cependant, face aux enjeux d'aujourd'hui, une stratégie maritime nationale et globale ne peut plus se construire sur la seule exploitation de la mer et de ses fonds. Longtemps considérée comme inépuisable, la mer et les océans montrent, nous le savons bien, des signes d'essoufflement, et vous me permettez à ce propos de saluer la mémoire de Georges PERNOUD qui nous a quittés récemment, lui qui, bien avant la prise de conscience environnementale, alertait le public français et au-delà sur les risques d'une surexploitation de la mer. C'est tout le sens de cette stratégie d'exploration des fonds marins que nous avons adoptée ce matin. Il ne s'agit plus d'exploiter seulement les ressources existantes mais bien de créer de nouvelles ressources, de nouvelles énergies tirées de la mer dans le cadre d'une protection renforcée.
Ce sera le cas avec, et c'est le dernier point que je souhaite évoquer devant vous, le déploiement des énergies marines renouvelables. Ainsi, la toute récente loi d'accélération et de simplification de l'action publique, promulguée le 7 décembre dernier, prévoit plusieurs mesures permettant d'accélérer le développement français de l'éolien en mer. Et donc je suis, comprenez-le, particulièrement fier de vous annoncer ma décision de lancer officiellement le projet de parc éolien au large d'Oléron sur une zone de 300 kilomètres carrés. C’est un projet d'une ampleur considérable. La Commission nationale du débat public en sera saisie sans délai. Non seulement, vous en êtes toutes et tous convaincus, que l'éolien en mer est un facteur important de la diversification de notre mix-énergétique pour baisser ce qui est notre objectif à 50 % la part du nucléaire en 2035, mais c'est aussi un facteur majeur de création d'emplois. Et on est bien placé ici au Havre, pour le savoir, puisqu'une grande usine de pales d'éoliennes, dont Monsieur le maire m'a montré les premières constructions, alimentera les principaux parcs français. Ce ne sont pas moins de 750 nouveaux emplois qui devraient être créés dans l'agglomération. Le déploiement de l'éolien est exemplaire de la dynamique de relance que nous voulons pour la France. La création d'emplois et le développement de nouvelles compétences vont ainsi concourir à la transition écologique et à l'indépendance de notre pays dans des technologies nouvelles.
Une fois encore, nous le voyons, le développement durable concourt efficacement au développement économique des territoires et notamment, je le dis ici au havre, de nos territoires littoraux. Ainsi, Mesdames et Messieurs, cher Édouard, la France cherche par une seule et même politique à concilier aménagement du territoire, relance économique, transition écologique et politique de l'emploi. Les décisions qui ont été prises ce matin doivent permettre de construire l'avenir de la mer, car les Havrais savent plus que d'autres encore qu'au milieu des plus grandes tempêtes, l'essentiel est de fixer un cap et de parvenir à le garder. Cette stratégie est là pour apporter des réponses à l'ensemble des enjeux et pour permettre à la France, comme l'a voulu le président de la République, d'assumer, et je dirais, de porter haut son ambition maritime. Car c'est la France de 2030, Mesdames et Messieurs, qui est bel et bien en train de se dessiner sur le long de nos côtes et en particulier ici, Monsieur le maire, au Havre, je vous remercie.

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