Déclaration à l’issue de la réunion multilatérale avec les organisations syndicales et patronales sur les retraites

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 13/02/2020

Seul le prononcé fait foi
Mesdames et Messieurs,
Le 19 décembre, j’avais demandé aux ministres Agnès Buzyn, Muriel Pénicaud, Laurent Pietraszewski et Olivier Dussopt de travailler, avec les partenaires sociaux, sur quatre sujets : la pénibilité, les fins de carrière, les minima sociaux et la gestion des transitions pour les générations concernées par la mise en place du système universel.
La réunion multilatérale qui s’est tenue ce matin a conclu ce cycle de concertations sur un bon bilan, même s’il n’est pas définitif, en actant de nouvelles avancées sociales pour nos concitoyens, et en se laissant du temps pour régler quelques points à ce stade sans accord.
Je remercie les partenaires sociaux qui se sont engagés dans ce travail de façon constructive. Faire dialoguer la démocratie sociale et la démocratie politique est un exercice exigeant.
Un exercice de responsabilité qui expose à la critique ceux qui s’y engagent, mais qui les honore.
Un exercice de responsabilité qui contraste peut-être avec la logique d’obstruction mise en œuvre et assumée par certains.
Que l’on critique le projet du Gouvernement et de la majorité, c’est très sain.
Que l’on s’y oppose dans la rue, c’est légal et c’est même normal.
Mais que l’on prive la représentation nationale d’un débat de fond sur un texte qui engage le pays sur plusieurs dizaines d’années, c’est moins facilement acceptable pour le Gouvernement et les députés de la majorité.
Il est de l’intérêt de notre démocratie que l’Assemblée Nationale puisse être le lieu d’un débat serein, passionné sans doute, mais réel. Un débat compliqué, c’est vrai, technique, c’est vrai, mais qui aboutira, je le dis, sur des avancées sociales exceptionnelles.
Permettez-moi donc de présenter un rapide bilan de notre réunion.
Concernant le sujet des garanties en matière de transition, nous avons décidé d’aller plus loin que le mécanisme de conversion des droits proposé par le rapport de Jean-Paul Delevoye.
Le Haut-Commissaire proposait la conversion en points des droits acquis au 1er janvier 2025. Nous proposons un système plus respectueux de la réalité des carrières de ceux qui entreront dans le système universel.
Dans la fonction publique, les droits acquis jusqu’en 2025 seront intégralement comptabilisés et convertis en points sur la base des six vrais derniers mois de la carrière. De même, dans le secteur privé, la retraite sera calculée par référence aux 25 meilleures années sur l’ensemble de la carrière. Je parle bien de la transition vers le système futur, et pas de ceux qui auront effectué toutes leurs carrières dans le système futur.
Pour les fonctionnaires dont l’âge de départ à la retraite sera reculé du fait de la réforme, nous avons retenu le mécanisme de transition proposé par les organisations syndicales : leurs durées de service seront prises en compte pour éviter un effet de seuil brutal.
Conformément à nos engagements, nous garantissons donc à tous les assurés le maintien des droits qu’ils ont acquis et une transition très progressive.
Deuxième sujet de concertation, l’emploi des seniors. Il serait aussi absurde de se priver de leur expérience, que d’imposer un couperet rigide qui nierait la diversité des situations et la réalité du marché du travail. Une transition douce, à temps partiel ou consacrée à la transmission de leur expérience, peut contribuer au maintien en emploi.
La retraite progressive restera ouverte à 60 ans dans le système universel et elle sera rendue beaucoup plus facile d’accès. Nous étendrons ce dispositif à la fonction publique, au même âge soit 60 ans comme le demandaient les organisations syndicales de la fonction publique, mais avec des paramètres adaptés aux spécificités du secteur.
Par ailleurs, la ministre du travail va initier une réflexion autour d’un compte épargne temps qui suivrait chacun de nos concitoyens « tout au long de sa vie » pour favoriser une gestion de son temps de travail de manière différenciée selon le moment de sa carrière. C’est une belle idée et les missions d’expertise sur le sujet permettront de nourrir une concertation. Sans attendre, nous allons déplafonner, dans la fonction publique, le compte épargne temps pour rendre possibles des mi-temps, en fin de carrière, par exemple à l’hôpital où chacun mesure la dévotion et le dur métier des aides-soignants et des infirmières.
Enfin, je le disais, nous voulons mieux valoriser l’expérience des seniors. Au terme d’une carrière, on a acquis des connaissances et un savoir-faire précieux pour son entreprise, et plus globalement pour tous types de PME, de TPE ou de milieux associatifs. Un large consensus s’est dessiné pour développer le mécénat de compétences, notamment en faveur des associations. Dans le même ordre d’idée, la ministre du travail mobilisera les branches professionnelles pour mieux valoriser les fonctions de tuteurs et de maître d’apprentissage.
S’agissant de la pénibilité, les attentes sont fortes. Actuellement, les règles sont éclatées, inéquitables. Les mêmes gestes, les mêmes risques, la même pénibilité, n’ouvrent pas les mêmes droits dans le privé et dans le public. Le statut de l’entreprise peut entraîner des différences alors que le salarié exerce le même métier.
Nous avons ainsi décidé de tout remettre à plat pour instaurer des règles de pénibilité universelles. Ce qui implique de transformer, comme l’a souhaité le Président de la République, une logique de statut en une prise en compte équitable de la pénibilité.
Les concertations ont mis au jour trois priorités : la prévention, la reconversion et la réparation.
Premièrement, la prévention. Avant de réparer des corps et des existences abîmés, commençons par prévenir.
En restant fidèle à la philosophie qui a présidé la réforme du droit du travail en 2017 et à laquelle plusieurs organisations syndicales sont attachées, le Gouvernement va inviter les branches professionnelles à ouvrir des discussions dans les six mois qui suivront la publication de la loi pour lancer un plan massif de prévention de la pénibilité. Elles devront repérer leurs métiers respectifs exposés aux facteurs de pénibilité, et notamment les trois facteurs ergonomiques : postures, port de charges lourdes, manutention, et proposer ensuite des actions concrètes pour prévenir et réduire la pénibilité dans ces emplois. La branche accident du travail – maladie professionnelle doublera quant à elle son engagement financier en accordant 100M d’euros pour co-financer ces actions auprès des entreprises.
Deuxième priorité : nous allons proposer un amendement au projet de loi, visant à créer un véritable droit à la reconversion pour les populations exposées à toutes formes de pénibilité. Ce droit passera par le compte de prévention de la pénibilité et par la mobilisation des branches. La logique est simple : permettre à un salarié exposé depuis 10-15-20 ans à la pénibilité de financer une formation longue de 6 mois, rémunérée, pour basculer vers un nouveau métier.
Enfin, les concertations ont mis en avant la nécessité de généraliser une visite médicale systématique à 55 ans pour les salariés exposés à des métiers pénibles, afin de repérer ceux qui pourront faire valoir leurs droits en matière de départ anticipé, en raison d’une incapacité permanente.
Voilà les principales avancées que nous avons formalisées ce matin. D’ici demain, le Gouvernement et la majorité les traduiront en amendements au projet de loi.
Pour autant, sur certains sujets, les discussions vont continuer. La question de la réparation de la pénibilité s’agissant des trois critères ergonomiques, par exemple, ne fait pas consensus entre les organisations patronales et syndicales. J’ai bien noté la demande des organisations syndicales d’aller plus loin en matière de départs anticipés mais aussi les craintes exprimées par certains représentants des employeurs face à des évolutions de ce type. Le dialogue doit donc se poursuivre sur ces sujets et les décisions devront être envisagées en cohérence avec les travaux de la conférence sur l’équilibre et le financement de notre système de retraite.
J’ai également confirmé l’engagement du Gouvernement de revaloriser sensiblement le minimum contributif de retraite. Quiconque partira à la retraite à partir de 2022, après avoir travaillé toute sa vie au SMIC, percevra au minimum 1000€ en 2022 et 85% du SMIC, soit environ 1147€, à compter de 2025. Certains partenaires sociaux veulent améliorer ces paramètres ; le Gouvernement est disposé à en discuter dans le cadre de la conférence de financement tout en rappelant qu’il est légitime dans notre société de conserver un écart entre un revenu d’activité et un revenu lié à la retraite.
J’adresserai cet après-midi un courrier aux partenaires sociaux, comme je l’ai fait le 11 janvier, pour leur confirmer ces engagements : ceux qui vont s’appliquer immédiatement, et ceux qui visent à poursuivre le dialogue
Il reste donc du travail.
Certains voudraient que ça aille plus vite, pendant que d’autres essayent de bloquer le travail des parlementaires.
Avec les partenaires sociaux et la majorité, nous entendons garder notre rythme, celui du dialogue social et de la démocratie parlementaire, sans escamoter les difficultés. Mais l’important, c’est d’avancer dans la logique du compromis trouvé le 11 janvier dernier et à laquelle le Gouvernement entend rester fidèle.
Je vous remercie.

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