Discours à l'occasion de la visite sur le site de la plateforme de recherche en énergétique MYRTE

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 04/07/2019

Monsieur le ministre d’État,
Monsieur le président du Conseil exécutif de la collectivité de Corse,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
J’ai souhaité, à l’occasion de mon déplacement, aborder un sujet que je sais cher aux yeux des Corses, chers à leurs représentants, et qui m’est cher également, c’est celui de l’énergie. Vous le savez, notre pays, nos territoires, sont engagés dans une transition énergétique sans précédent pour faire face à l’urgence climatique. Inutile je pense d’en rappeler les effets que nous ressentons tous, en particulier ici et parfois très durement.
Sur ce sujet de la transition énergétique, nous partageons un objectif commun et nos intérêts sont alignés pour définir un chemin de transition adapté à la Corse.
Cet objectif commun, la Collectivité de Corse, avec les acteurs locaux et l’Etat, l’a défini très tôt. Le schéma régional climat-air-énergie en 2013, puis le Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse défini en 2014, ont fixé l’objectif de l’autonomie énergétique à l’horizon 2050.
L’Assemblée nationale vient de voter l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat.
Neutralité carbone, autonomie énergétique, nous partageons le même objectif. Un objectif qui nécessite de transformer profondément notre habitat, nos modes de transport, et notre production d’énergie.
Dès lors que nous partageons un même objectif, se pose la question du chemin. Là aussi, je crois que nous pouvons nous rejoindre, autour de deux exigence que je citais tout à l’heure à la Citadelle d’Ajaccio :
  • La première est de vouloir une vraie différentiation, qui s’adapte à chaque territoire en fonction de ses spécificités.
  • La seconde exigence, c’est le concret ! La question n’est pas tant de savoir si  nous atteindrons la neutralité carbone ou l’autonomie énergétique en 2050 ou en 2049. Mais de savoir comment, avec quels moyens, selon quelles modalités nous en prenons concrètement le chemin, aujourd’hui.
Ce chemin vers l’autonomie énergétique suppose d’abord de réduire notre consommation d’énergie. En particulier dans le domaine de l’habitat.
Nous avons lancé début 2019 une prime à la conversion des vieilles chaudières, notamment pour remplacer les chaudières fioul par des pompes à chaleur ou des chaudières bois très performantes. C’est un succès, avec plus de 60 000 ménages concernés à la fin du mois de mai. En Corse, l’action n’a pas vraiment démarré, je souhaite que nous accélérions.
Nous allons engager une profonde réforme des aides à la rénovation énergétique, en transformant le crédit d’impôt de transition énergétique en prime. Dès 2020, les ménages modestes bénéficieront d’une aide unique de l’État qui proviendra de la fusion du CITE et des aides de l’ANAH. La Corse se saisit de ces dispositifs nationaux : le nombre de ménages aidés par l’ANAH a augmenté de 40 % ces deux dernières années.
En Corse, comme dans les autres zones non interconnectées où le coût de production de l’électricité est élevé, nous allons au-delà des mécanismes d’aide nationaux.
Je voudrais saluer à cet égard le travail qui a conduit à définir localement un programme d’opérations de maîtrise de la demande d’électricité sur 5 ans, validé par la CRE début 2019.
Les objectifs de ce programme représentent près de 90 M€ de soutien public sur les 5 prochaines années. Ils devraient permettre d’économiser 6 % de la consommation d’électricité et de réduire de 5 % les émissions de CO2 liées à production électrique en Corse.
Ce programme, ce sont des choses très concrètes : c’est le déploiement d’éclairages à LED chez les professionnels et les collectivités. Ce sont des primes spécifiques pour les chaudières et les pompes à chaleur, pour l’isolation des toitures, qui s’ajouteront aux dispositifs nationaux et qui laisseront un reste à charge très faible pour les ménages corses.
J’ajoute que ces investissements bénéficieront à plus de 50 % aux ménages, et à plus de 20 % aux ménages précaires.
Nous avons entendu le souhait de la Collectivité de Corse de s’investir dans la réalisation de ce programme d’actions. Les collectivités ont en effet un rôle majeur à jouer dans ce domaine. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier le code de l’énergie, dans le cadre du Projet de loi Énergie-Climat, pour permettre à la Collectivité de Corse d’assurer elle-même la maîtrise d’ouvrage de ces actions.
L’autonomie énergétique suppose ensuite, de produire l’énergie de manière renouvelable. La Corse est en avance. En 2017, les énergies renouvelables ont représenté 26 % de l’électricité consommée ; c’est plus qu’à l’échelle nationale (environ 20 %). Mais le chemin vers l’autonomie énergétique est encore long.
Les progrès réalisés ces dernières années sur l’énergie solaire photovoltaïque en font l’un des piliers de notre mix énergétique futur. En particulier ici.
Pour maintenir cette dynamique, nous lançons un nouvel appel d’offres spécifique à la Corse qui porte sur 16 MW de capacités solaires sur deux ans.
C’est la première fois que nous adoptons un tel appel d’offres régional, pour répondre aux objectifs fixés par la PPE de Corse.
Nous en publierons le cahier des charges dans les prochains jours et les candidats remettront leurs offres dans 6 mois.
La deuxième richesse naturelle de la Corse, c’est sa montagne et son hydroélectricité, qui représente 80 % de l’électricité renouvelable en Corse.
Je pense notamment au barrage du Rizzanese, non loin d’ici, mis en service il y a 6 ans. Je pense aussi au projet de station de pompage à Sampolo, qui figure dans la PPE. Je ne choquerai personne si je dis que ce projet n’avance pas. Je souhaite donc qu’EDF nous présente d’ici la fin de l’année ses études, et les soumette à la CRE.
Enfin, pour atteindre 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, le stockage de l’électricité sera essentiel.
Permettez-moi de saluer le caractère particulièrement innovant de la plateforme MYRTE. Elle est le résultat, je crois, d’un important travail en commun entre l’Université de Corse, HELION et le CEA. Elle a également reçu le soutien de la Collectivité territoriale de Corse, de l’Etat et de l’Europe. Bref, c’est un vrai travail d’équipe ! Elle permet surtout d’étudier la question cruciale du stockage dans le cadre du déploiement massif des énergies renouvelables dans les îles. Et son travail a abouti à des solutions innovantes qui se déploient dans des zones qui ne bénéficient pas d’interconnections.
Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des innovations énergétiques qui existent en Corse ! Et certains projets sont en phase de déploiement commercial. La CRE a ainsi approuvé fin 2018 un projet de stockage par batterie de 5 MW, piloté par l’entreprise Corsica Sole.
Je l’ai dit, nous partageons un objectif commun, une Corse sobre en carbone, autonome sur le plan énergétique. Et nous partageons aussi les moyens d’y parvenir : la transition énergétique de la Corse passe par le gaz, une source d’énergie fossile, mais qui offre une transition entre le fioul et les énergies renouvelables.
Je veux tout de suite dissiper d’éventuels malentendus : de la même façon que nous agissons pour arrêter les centrales à charbon sur le continent, le Gouvernement est résolu à arrêter le fonctionnement au fioul des centrales le plus rapidement possible. C’est une question de cohérence avec notre action climatique au niveau national : le gaz permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est aussi un enjeu de qualité de l’air pour les agglomérations de Bastia et d’Ajaccio.
Nous devons faire face à deux défis pour l’arrivée du gaz.
Le premier, c’est la complexité de la solution du gazoduc, imaginée il y a maintenant 20 ans avec le projet Galsi. Les échanges avec les entreprises l’ont montré : le défi du foncier est majeur. Le risque est grand que le projet n’aboutisse pas ou qu’il soit réalisé avec retard par rapport à l’objectif de 2023. Il ne s’agit pas d’enterrer le gazoduc - c’est le cas de le dire –. Le GIRTEC a engagé des expertises. Celles-ci doivent se poursuivre.
Mais d’autres solutions d’approvisionnement en gaz ont vu le jour à l'occasion de la consultation des professionnels, notamment la solution très innovante d’un caisson sous-marin pour stocker le GNL. La volonté du Gouvernement, c’est de pouvoir comparer de manière objective ces solutions, en termes de délais, d’impact environnemental et de coût. Nous conservons les pistes déjà identifiées, nous en ouvrons d’autres, pour avoir le maximum de chances d’être au rendez-vous.
Le deuxième défi, c’est de s’assurer que le gaz joue son rôle d’énergie de transition, et qu’il ne va pas ancrer la Corse dans une dépendance aux énergies fossiles. Et pour cela, nous devons nous assurer que la nouvelle centrale du Ricanto réponde aux besoins électriques des Corses, et pas davantage.
Or, les experts convergent sur ce point : la centrale de 250 MW imaginée par EDF et inscrite dans la PPE de 2015, est surdimensionnée. Une centrale surdimensionnée, c’est un frein à la transition énergétique de la Corse. Mais c’est aussi un projet qui risque de ne pas aboutir à force de contentieux : je remarque que le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable sur l’enquête publique de la centrale, pour cette raison.
Il nous appartient, Etat et Collectivité de Corse, de tirer les conclusions des avis d’experts. Je pense que nous pouvons aboutir rapidement à un redimensionnement du projet du Ricanto. Je tiens à préciser tout de suite deux points. D’abord, cela ne revient pas à réduire l’investissement en Corse. Il s’agit plutôt de l’orienter vers les technologies qui garantiront l’autonomie énergétique et le développement durable de la Corse. Seconde précision : une centrale plus petite, ce n’est pas moins d’emplois, car ce sera une autre technologie que les cycles combinés gaz.
Ouvrir les options d’approvisionnement en gaz, revoir la puissance de la centrale d’Ajaccio, ce sont deux étapes que je crois nécessaires pour atteindre l’objectif d’arrivée du gaz en 2023 car cette date demeure notre objectif.
François de Rugy et Gilles Simeoni vont écrire au Président d’EDF pour demander une actualisation de l’analyse des besoins du système électrique corse, et donc du dimensionnement de la centrale. Les résultats sont attendus dans les prochaines semaines.
À condition que les éléments transmis par EDF soient complets, un nouveau cahier des charges sera transmis en septembre pour sélectionner le futur opérateur de l’infrastructure gazière, avec des options ouvertes. La remise des offres sera visée d’ici le mois de mars 2020.
Dans tous les cas, en cas d’éventuels retards de la nouvelle centrale ou d’aléas sur la centrale actuelle, des solutions existent pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique de la Corse et nous serons prêts. 2005 est dans toutes les mémoires et je ne veux pas que les Corses revivent cette situation.
Ce chemin de transition, je souhaite que nous puissions l’inscrire rapidement dans une programmation pluriannuelle de l’énergie révisée. La révision de la PPE est nécessaire pour poursuivre le développement de l’énergie solaire en Corse. Au-delà des projets que j’ai évoqués aujourd’hui, elle doit également nous conduire à porter une plus grande attention à la mobilité, qui représente plus de la moitié de la consommation d’énergie en Corse. Le développement des véhicules électriques, l’électrification des navires à quai ou les nouvelles formes de mobilité, autant de chantiers passionnants et très concrets que je vous propose d’engager ensemble !

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