Portrait de Virginie Basselot

« Dans ma cuisine, je ne fais pas de différence entre les femmes et les hommes »

Rencontrer Virginie Basselot, chef à Paris, fait du bien. Écartant avec élégance tous les stéréotypes dont on voudrait par facilité l’affubler, elle mène une révolution discrète mais efficace dans la gastronomie française.

 

Non elle n’est pas un porte-étendard. Oui elle est dans un « métier d’homme », et alors ? La discrète au fort tempérament a tracé sa route avec brio. Une étoile au guide Michelin et Meilleur ouvrier de France 2015, elle forme avec bienveillance une nouvelle génération de chefs. Adolescente, Virginie avait décrété qu’elle serait pilote de chasse. « Impossible, lui rétorque une enseignante, il n’y a pas de femme  dans ce milieu ! » Elle suit alors les traces de son père et se lance à 15 ans dans l’apprentissage de la cuisine. « J’ai grandi dans cet univers et l’esprit d’équipe en cuisine me séduisait ». A 19 ans, elle monte à Paris pour se confronter aux cuisines des plus grands chefs. Seule femme dans la brigade du Crillon, elle travaille d’arrache-pied pendant 18 mois, donnant tort à tous ceux qui « avaient parié que je ne tiendrai pas plus de 10 de jours », dit-elle en souriant.

Virginie BasselotSon odyssée se poursuit au Grand Véfour, restaurant alors triplement étoilé où Guy Martin officie. Elle y reste trois ans, rejoint ensuite Le Bristol à Paris comme chef de partie garde-manger, sous la houlette d’Éric Fréchon, assisté de Franck Leroy. Les débuts sont difficiles mais par son investissement et son talent, elle gravit les échelons pour devenir, en 2010, l’un des 5 premiers sous-chefs de l’établissement, qui obtient dans la foulée une troisième étoile.

« Dans une cuisine, le travail des femmes est constamment jugé. Ça fait progresser de donner toujours le meilleur de soi-même ».

Aujourd’hui si souriante, elle avoue que cela n’a pas toujours été facile. S’imposer par le travail, a été le fil rouge de toutes ses années d’apprentissage. Elle concède que, dans une cuisine, « le travail des femmes est constamment jugé. Mais ça fait progresser de donner toujours le meilleur de soi-même ». Les éclats de voix ou les tensions internes glissent sur la jeune femme, qui se souvient surtout de l’effet contre-productif sur les équipes. « Je n’ai jamais rien dit,  j’étais dans ma bulle pour donner le maximum à ce métier si exigeant ». Elle se souvient aussi du commentaire d’un commis jaloux de sa réussite : « si une femme peut devenir chef de partie, c’est que cela ne doit pas si être difficile ».

Bienveillante tout en ne dérogeant pas à la règle de l’exigence du métier, elle est choisie, parmi 12 candidats, pour reprendre en main la cuisine et les équipes du Saint James. Elle a un coup de cœur pour « ce château, situé au cœur de la capitale, qui lui rappelle la Normandie de son enfance ». Peu de temps après son arrivée, elle élabore le plat phare de son  menu gastronomique : le cabillaud cuit au beurre citron-mélisse, servi avec des petits légumes de saison sur lit de perles du Japon. Un hommage à sa grand-mère qui mettait du tapioca dans les soupes de son enfance et un clin d’œil au magnifique buisson de mélisse, découvert dans le jardin du palace.  

« J’ai lu dernièrement une phrase qui m’a fait sourire : la femme est un homme comme les autres ».

Après deux ans à la tête d’une brigade de  25 cuisiniers, elle décroche une première étoile. Toujours en quête d’excellence, elle s’inscrit au concours du meilleur ouvrier de France en entraînant dans l’aventure l’ensemble du personnel du palace. Elle ne s’accorde aucun répit. La nuit, la cuisine s’anime, le chef pâtissier lui donne une formation accélérée de 6 mois pour la préparer à l’éventualité du tirage au sort d’un dessert. Esthéticiennes et réceptionnistes jouent le rôle de premier commis pour l’aider à l’épreuve qui consiste à préparer un plat sans connaître celui qui officie à ses côtés. La méthode paye. Elle décroche le titre et devient la deuxième femme depuis la création du titre à arborer le col tricolore, une des distinctions les plus élevées.

Ignorant élégamment tous les lieux communs entre les hommes et les femmes, elle conclut l’entretien avec son regard espiègle. « J’ai lu dernièrement une phrase qui m’a fait sourire : la femme est un homme comme les autres ».


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