A l’occasion de la discussion du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation au Sénat, le Premier ministre a prôné l’esprit d’unité nationale face à la menace terroriste.
Adopté en première lecture à plus de 3/5e des voix, par l’Assemblée nationale, le 10 février 2016, le texte est désormais en discussion au Sénat. En préambule des débats, le Premier ministre est venu réaffirmer l’unité de la Nation face à la menace terroriste en France comme à l’étranger.
Une unité exprimée il y a quatre mois, " jour pour jour " à Versailles par le Parlement réuni en Congrès devant le chef de l’État. Une unité qui s'est également exprimée lors de la prorogation de l’état d’urgence les 20 novembre 2015 et 9 février dernier. C’est cette même unité, une " unité sans faille " que le Premier ministre est venu réclamer aux sénateurs.
"C’est en gage de cette unité nationale que le président de la République a proposé la déchéance de nationalité qui était demandée – faut-il le rappeler ? – dans les rangs de l’opposition ", a souligné le Premier ministre.
Donner un fondement solide à l’état d’urgence
Le projet de loi prévoit l’insertion d’un nouvel article concernant l’état d’urgence. Pour le Premier ministre, " l'état d’urgence est le régime de crise le plus fréquemment utilisé sous la Ve République. […] Il serait incohérent de ne pas l’inscrire dans notre loi fondamentale, au même titre que les régimes prévus aux articles 16 et 36 de la Constitution. "
Il convient de donner à ce régime de crise un fondement incontestable en l’inscrivant dans la Constitution. Cette inscription apportera davantage de garanties et les dispositions relatives à l’état d’urgence ne pourront plus être modifiées par la loi ordinaire.
Déchéance de nationalité
" C’est au nom d’une certaine idée de la Nation que le Gouvernement a abouti à la rédaction de l’article 2 ", sur la déchéance de nationalité, a ensuite déclaré le Premier ministre. "Qu’est-ce que pour nous, dans notre héritage, dans notre tradition, une nation? " Ce qui fait la valeur d’une Nation, " c’est une exigence permanente qui vaut pour chacun d’entre nous. Etre français, appartenir à la communauté nationale, ce n’est pas seulement partager une langue, ou un territoire ; c’est avoir une histoire et un destin communs ; c’est partager un même amour de la Patrie ; c’est un serment sans cesse renouvelé au pacte républicain, aux valeurs qui le fondent : liberté, égalité, fraternité."
Cette conception de la Nation doit " s’appliquer de la même manière que l’on soit mono-national ou plurinational, né français ou naturalisé ", a déclaré le Premier ministre. " Le Gouvernement assume, en étant pleinement conscient [du] risque d’apatridie" . Car, " le risque d’apatridie ne peut en aucune manière affranchir de cette sanction ceux qui, avec les armes, ont déchiré notre pacte républicain."
Encadrer la peine d’apatridie
Le Gouvernement a décidé non plus d’exclure, mais de limiter le risque d’apatridie à certains crimes et délits : " ce sont les crimes et délits constitutifs d’actes terroristes ou attentatoires aux intérêts fondamentaux de la Nation, prévus au livre 4 du code pénal. Pour les délits, seuls les plus graves ont été retenus - ceux qui encourent une peine de 10 ans d’emprisonnement ", a précisé le Premier ministre.
Le projet de loi prévoit en outre que la peine sera prononcée par un juge de l’autorité judiciaire (aujourd’hui, cette sanction est prononcée par l’autorité administrative - le ministère de l’Intérieur -, après avis conforme du Conseil d’État). La décision de déchéance sera prononcée dans le même temps que la condamnation pénale, "par des juges spécialisés dans la lutte anti-terroriste et notamment par la cour d’assises spéciale" , a précisé le Premier ministre.
De plus, le juge aura la possibilité, selon l’instruction au cas par cas des dossiers, de proportionner la peine en usant des prérogatives de déchéance des droits attachés à la nationalité (interdiction des droits civiques et civils comme le droit de vote ou l’éligibilité…) dont la déchéance de nationalité fera désormais partie.
La procédure de révision constitutionnelle
Les lois constitutionnelles ne peuvent être adoptées par le Parlement que dans les conditions suivantes : conformément à l'article 42 de la Constitution, le texte examiné en séance publique est, devant la première assemblée saisie, celui présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, le texte transmis par l'autre assemblée. La commission saisie sur le texte devant alors défendre et faire adopter ses amendements une seconde fois en séance publique ; le texte, dont l'initiative revient au président de la République - sur proposition du Premier ministre - ou à des parlementaires, doit être voté en termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale. Le Sénat exerce le même pouvoir d'appréciation que celui de l'Assemblée nationale qui ne peut alors avoir "le dernier mot" ; l'approbation définitive passe - sur décision du président de la République - soit par un référendum, soit par un vote à la majorité des 3/5e du Congrès du Parlement, qui réunit à Versailles députés et sénateurs ; si l'initiative est parlementaire, seule la voie du référendum est utilisable.