
Le droit des étrangers et la réforme de l'asile
Deux projets de loi de réforme relatifs l'un au droit des étrangers, l'autre à l'asile, ont été présentés en Conseil des ministres le 23 juillet 2014. Ils visent à simplifier le droit au séjour des étrangers en France et à réformer en profondeur le droit de l’asile notamment en réduisant les délais. Le projet de loi relatif au droit des étrangers a été adopté en première lecture le 23 juillet. La loi relative à la réforme de l'asile, promulguée le 29 juillet 2015, est entrée en vigueur le 2 novembre 2015.
La loi relative à la réforme de l'asile
La loi relative au droit d'asile a été promulguée le 29 juillet 2015. Elle a été publiée au Journal officiel du 30 juillet 2015 et est entrée en vigueur le lundi 02 novembre 2015. Elle transpose des directives européennes adoptées en juin 2013 (« paquet asile ») et réforme en profondeur le droit de l’asile en France. La réforme de l'asile permettra à tous ceux qui relèvent du droit d’asile d’être dignement accueillis en France.Voir le dossier législatif
« Notre époque n’ignore pas, hélas, l’oppression ni les persécutions de masse. La guerre civile en Syrie et en Irak, les massacres perpétrés par Daesh, les exactions dont sont victimes les chrétiens d’Orient, nous le rappellent chaque jour », indiquait Bernard Cazeneuve devant l'Assemblée à l'occasion de la présentation du projet de loi le 9 décembre 2014. « Aujourd’hui, l’exercice du droit d’asile est concrètement menacé en France. Trop souvent, nous n’accueillons plus les demandeurs d’asile comme nous le devrions », avait-il ajouté.
Les dysfonctionnements du système d'asile le mettent en danger : c'était déjà la conclusion du rapport remis au ministre de l’Intérieur le 28 novembre 2013 par la sénatrice Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine. Il était, de plus, nécessaire de transposer de nouvelles directives européennes adoptées en juin 2013, pour réformer en profondeur le droit de l’asile en renforçant les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale, et en statuant plus rapidement sur les demandes d’asile.
Ce que dit la loi
La réduction des délais d'instruction est une priorité. La loi fixe l'objectif de parvenir à un examen des demandes d’asile dans un délai moyen de 9 mois. Les garanties des demandeurs d’asile sont renforcées à tous les stades de la procédure :
- enregistrement plus rapide de leur demande ;
- présence d’un conseil au moment de l’entretien avec un officier de protection ;
- meilleure prise en compte des vulnérabilités.
La loi institue ensuite de nouvelles procédures d’examen rapide des demandes :
- Une nouvelle procédure accélérée, qui remplace l’actuelle procédure prioritaire, sera mise en oeuvre par ou sous le contrôle de l’Ofpra. Les moyens de ce dernier seront accrus, afin qu'il soit en mesure d’assurer un traitement plus rapide des demandes d’asile.
- Les procédures contentieuses sont également revues, notamment par la création d’une procédure de recours suspensif, procédure accélérée devant un juge unique de la CNDA en cinq semaines. Le délai de jugement en procédure normale imparti à la CNDA, qui voit réaffirmé son rôle de juge de l’asile, est fixé à cinq mois.
La loi prévoit également de rendre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile plus justes et plus équitables, mais aussi plus directives, avec un dispositif d’hébergement contraignant permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente. En cas de refus de l’hébergement proposé, le demandeur perdra son droit aux allocations.
Un demandeur pourra en effet se voir affecter un hébergement dans une autre région que celle dans laquelle il a déposé sa demande. Ce principe permettra de répartir les demandeurs sur le territoire afin d'éviter les concentrations, qui représentent une vulnérabilité face aux filières d'immigration irrégulière.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement organise la montée en charge progressive de places d’hébergement en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). 18 500 places seront ainsi créées d'ici 2017. Chaque demandeur d’asile qui le souhaite doit pouvoir trouver un hébergement et un suivi social de qualité.
Le nombre de demandeurs d'asile a presque doublé depuis 7 ans. En 2014, la France a enregistré 65 000 demandes d'asile et devrait en enregistrer environ 20 % de plus cette année du fait de la crise migratoire.
Dans le cadre de cette crise, un plan européen de répartition des réfugiés a été adopté. La France s'est ainsi engagée à prendre en charge environ 30 000 réfugiés en deux ans pour soulager les pays de l'Union européenne confrontés à un afflux massif.
Depuis le mois d’avril, la hausse des flux migratoires a entraîné en France un développement très préoccupant de campements illicites, indignes et inacceptables, pour les migrants eux-mêmes, comme pour le reste de la population. Cette situation révèle que les dispositifs d’asile et d’hébergement d’urgence ne parviennent plus à faire face à ce nouvel afflux. Elle rend également indispensable une intensification de nos dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière.
Face à ces enjeux essentiels, Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel ont présenté en Conseil des ministres, le 17 juin 2015, un plan intitulé « Répondre à la crise des migrants : respecter les droits, faire respecter le droit » qui vise à fluidifier les dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile et mieux les mettre à l’abri ; et à mener une lutte déterminée et résolue contre l’immigration irrégulière.
Sur le premier point, le Gouvernement s’engage à :
- créer des capacités supplémentaires d’accueil (4 000 places d’hébergement pour demandeurs d’asile d’ici 2016, qui viendront s’ajouter aux 4 200 prévues d’ici la fin de l’année, ainsi que 5 500 places d’hébergements et de relogement pour les réfugiés politiques) et à recruter pour réduire les délais d’instruction de la demande ;
- assurer la réactivité du système d’hébergement d’urgence par le renforcement des capacités de mise à l’abri à hauteur de 1 500 places ainsi qu’un effort plus systématique d’accompagnement des personnes actuellement hébergées vers les structures adaptées. Des équipes mobiles spécialisées de l’OFII seront créées pour évaluer leur situation et les orienter vers les dispositifs adaptés. La situation en Île-de-France et à Calais fera l’objet d’une attention particulière.
Sur le second point, le Gouvernement s’engage notamment à :
- intensifier les contrôles sur le territoire national et développer des pôles interservices « éloignement » pour améliorer la qualité des procédures ;
- accroître l’effort en matière de démantèlements des filières de l’immigration irrégulière ;
- utiliser pleinement les capacités actuelles de rétention administrative ;
- promouvoir les aides au retour et expérimenter des dispositifs innovants de préparation au retour ;
- développer une coopération active avec les pays d’origine, notamment en vue de la délivrance des laissez-passer consulaires.
Ce plan fera l’objet d’un bilan avant la fin de l’année.
En savoir plus
Le projet de loi relatif au droit des étrangers
Le projet de loi relatif au droit des étrangers s’inscrit dans le respect des trois priorités du Gouvernement en matière d’immigration :
- améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour ;
- renforcer l’attractivité de la France en facilitant la mobilité des talents internationaux ;
- lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière, dans le respect des droits fondamentaux.
« Notre volonté à nous est de faire en sorte que pendant les années qui précèdent l’obtention de la carte de résident, on n’ait pas à faire toutes ces démarches complexes qui sont parfois humiliantes, qui empêchent les étrangers d’avoir accès à l’intégration », a expliqué Bernard Cazeneuve sur France inter le 23 juillet 2014. « Pour cela, le titre pluriannuel de séjour de quatre ans permettra, dans l’attente de l’accès à la carte de résident de dix ans, de ne pas avoir à faire ces démarches nombreuses, complexes et encore une fois obérant l’intégration de ceux qui viennent sur le territoire de notre pays », a-t-il précisé.
Bernard Cazeneuve
Ministre de l'Intérieur, entretien avec le journal Libération, 23 juillet 2014
Afin de renforcer la position de la France dans l’accueil des mobilités internationales de l’excellence, de la création et de la connaissance, le projet de loi prévoit que le « passeport talents », titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, constituera le titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés. Des simplifications importantes pour favoriser l’emploi des étudiants étrangers qualifiés seront également mises en oeuvre.
Le projet de loi prévoit pour la première fois un droit à l’accès des journalistes dans les centres de rétention et les zones d’attente. Il est également plus protecteur pour les étrangers malades, notamment en prenant en compte la capacité du système de soins du pays d’origine à faire bénéficier l’étranger du traitement que sa pathologie requiert. Il dote enfin la France de nouveaux outils en matière de lutte contre l’immigration irrégulière : l’assignation à résidence devient la mesure de droit commun en matière de privation de liberté des étrangers (les pouvoirs des forces de l’ordre dans ce cadre sont précisés) ; le niveau des pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle est accru ; les pouvoirs des préfectures en matière de lutte contre la fraude sont renforcés.
Pourquoi ?
La France devait transposer en 2015 les directives européennes du Paquet asile (les règlements ne nécessitant pas de transposition dans le droit national), dont l'ensemble des textes sont parus au journal officiel de l’Union européenne le 29 juin 2013. Elle a soutenu la mise en place d’un régime d’asile européen commun fondé sur une harmonisation accrue des politiques européennes et un haut niveau de protection, conformément aux engagements internationaux et dans l’intérêt de l’Union européenne et de ses États membres comme des bénéficiaires de la protection internationale. Cette transposition est prévue dans le cadre de la réforme législative en profondeur du système d’asile français.