
L'action contre la fraude et l’évasion fiscales
En 2015, l'action contre la fraude a permis de recouvrer plus de 12 milliards d'euros contre 10,4 milliards d'euros en 2014. 44 894 demandes de régularisation fiscale ont été enregistrées à ce jour par le service de traitement des déclarations rectificatives, depuis sa création en juin 2013. En 2015, cela a permis de récolter 2,65 milliards d'euros de recettes fiscales, dont 900 millions d'euros d'amendes et de pénalités. Pour l'année 2016, un objectif de rendement de 2,4 milliards d'euros est envisagé.
- une finalité dissuasive avec un renforcement des obligations déclaratives nécessaires au contrôle fiscal : renforcement des sanctions pour défaut de déclaration auprès du fichier des comptes bancaires, extension des obligations déclaratives des administrateurs des trusts, etc. ;
- une finalité répressive, qui sanctionne les comportements les plus frauduleux, sur le plan fiscal voire pénal : allongement de trois à six ans du délai de prescription des infractions pénales en matière fiscale, relèvement de 10 à 40% de la majoration applicable au défaut de production de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune lorsque des actifs ont été dissimulés à l'étranger et que leur déclaration conduit à rendre le contribuable redevable de l'ISF, etc. ;
- une finalité budgétaire, qui vise à recouvrer avec rapidité et efficacité l'impôt éludé : possibilité pour l’administration fiscale de réaliser des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie.
- Le délai de prescription pour les infractions pénales en matière fiscale va passer de trois à six ans.
- Les peines sont portées jusqu'à sept ans de prison notamment et deux millions d'euros d'amende, contre cinq ans et 750 000 euros actuellement, lorsque les faits ont été commis en bande organisée.
- Le champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale est étendu au blanchiment de fraude fiscale. Cette « police fiscale » agira au sein du futur Office central contre la corruption et la fraude fiscale.
- Une meilleure articulation entre le ministère des Finances et des Comptes publics et le ministère de la Justice pour le déclenchement des poursuites judiciaires. L'administration des finances devra ainsi informer le juge d'instruction ou le procureur de la République, dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, de l'état d'avancement des recherches de nature fiscale effectuées à la suite des indications transmises.
- L'autorisation pour les enquêteurs de recourir à des techniques dites « spéciales » d'enquête (surveillance, infiltration, garde à vue de 4 jours, etc.).
- Les lanceurs d'alerte contre la fraude fiscale seront protégés de toute sanction, licenciement ou discrimination dans leur emploi, avec une inversion de la charge de la preuve en leur faveur.
- Création d'un système de « repentis » prévoyant une exemption ou une réduction de peine pour les personnes coopérant avec la justice.
- Les associations agréées contre la corruption pourront se constituer parties civiles.
Le CNLF adopte chaque année le plan national contre la fraude, qui définit les priorités du Gouvernement en la matière.
2015 : année record pour le contrôle fiscal
L’action résolue du Gouvernement et de l’administration contre la fraude fiscale porte pleinement ses fruits : pour la première fois, les redressements dépassent la barre des 20 milliards d’euros. Dans le même temps, le nombre de contrôles fiscaux a diminué, passant de 51 740 opérations à 50 168. Cela signifie qu'ils sont mieux ciblés, orientés vers les manquements les plus importants.La stratégie contre la fraude fiscale privilégie quatre piliers :
- l'amélioration des outils du contrôle fiscal ;
- le renforcement de l'action contre la fraude à la TVA ;
- le renforcement de l'action pénale ;
- une meilleure connaissance des flux financiers internationaux entre les entreprises liées. L’enjeu est de contrôler par exemple les prix de transfert, c’est-à-dire les flux financiers internationaux correspondant à des services ou des ventes entre entreprises de mêmes groupes avec des dispositifs comme l'envoi d'informations pays par pays et les échanges d’information avec les partenaires.
L'action contre l'évasion fiscale des particuliers
Créé en juin 2013, le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) est un dispositif de droit commun qui permet aux contribuables ayant dissimulé à l’administration fiscale un compte à l’étranger de régulariser leur situation. Il bénéficie, depuis le 1er juin 2015, de 7 pôles interrégionaux (3 localisés en Ile-de-France - Paris, Saint Germain-en-Laye et Vanves - et 4 en province : Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg). Les effectifs alloués au STDR ont été considérablement augmentés pour atteindre 159 agents.8 900 nouveaux contribuables ont déposé un dossier de mise en conformité en 2015, portant à 44 894 le nombre de contribuables qui se sont présentés au STDR depuis sa création. 91% des avoirs déclarés étaient domiciliés en Suisse. 26,7 milliards d’euros d’avoirs sont ainsi sortis de l’ombre au 31 décembre 2015. 7 800 dossiers complets ont été traités au cours de l’année.
L’objectif de recettes a été atteint avec 2,65 milliards d’euros encaissés. Sur cette somme, les pénalités et amendes représentent 900 millions d’euros. Le total des sommes encaissées depuis la création du STDR est de 4,55 milliards d’euros. L’objectif du PLF pour 2016 est de 2,4 milliards d’euros.
L'action contre les pratiques fiscales abusives des grandes entreprises
La France est en pointe aux niveaux international et européen contre les pratiques fiscales abusives. L’adoption du projet BEPS de l’OCDE à Antalya en novembre 2015, que la France avait activement soutenu depuis le sommet de Los Cabos en 2012, marque une étape décisive dans la coopération internationale contre les pratiques des multinationales visant à éviter l’impôt. En Europe, Michel Sapin, avec ses homologues allemand et italien, avait demandé le 28 novembre 2014 au commissaire européen, Pierre Moscovici, une directive visant à doter l’Europe des mesures contre l’optimisation prévues par l’OCDE. Ce projet de directive a été présenté par la Commission le 28 janvier dernier et la France souhaite son adoption rapide en 2016.
La fusion abusive et le régime de groupe

L’intégration fiscale est un régime de groupe créé en 1988 pour encourager aux regroupements de sociétés au sein de groupes puissants et solides. Le régime d’intégration fiscale, réservé aux sociétés détenues à au moins 95 % établies en France, permet de faire comme si nous étions en présence d’une personne fiscale unique. Le principal intérêt est de pouvoir imputer les déficits d’une filiale sur les bénéfices d’une autre (et donc de réduire l’imposition d’autant). Ce mécanisme ne fonctionne qu’entre sociétés membres du groupe toute l’année. Si la société bénéficiaire (dont on voudrait réduire les impôts en imputant dessus des déficits) est en dehors du groupe, ce régime d’intégration fiscale ne fonctionne pas.
Ainsi, si une société très bénéficiaire fusionne en plusieurs étapes avec une coquille vide potentiellement prévue pour cela dans le groupe, l’administration fiscale va refuser le résultat : en effet, cette utilisation d’un montage sans aucune rationalité économique est un abus de droit défini à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. L’administration fiscale administre alors des pénalités de 80 %.
Le « double sandwich irlandais » ou établissement stable

Une société située en France exerce en apparence une simple activité de démarchage de clients pour laquelle elle reçoit une rémunération très faible qui correspond généralement à moins de 5 % du chiffre d'affaires réalisé par le groupe en France. C’est une société située dans un État A qui conclut les contrats de vente avec les clients démarchés en France. La société située dans l’État A reverse une part de ses profits à une autre entité située dans le même pays.
La seconde société située dans l’État A n'est pas considérée du point de vue fiscal comme un contribuable dans cet État, mais comme un contribuable dans une autre juridiction où il n'existe pas d'impôt sur les bénéfices. In fine, 75 % des profits sont localisés dans la juridiction où n'existe pas d'impôt sur les bénéfices et seulement 25 % sont reversés à la société mère du groupe située dans un État B.
Derrière ces apparences, la réalité est tout autre : la société établie dans l’État A exerce directement en France son activité de vente par l'intermédiaire des salariés de la société établie en France. Elle dispose de ce qui s'appelle un « établissement stable », qui va donc être caractérisé, pour être imposé comme il se doit en France.
Le redressement de prix de transfert

Ce montage consiste à accroître la part de chiffre d’affaires que l’on fait échapper à la fiscalité française. Au départ, 10% du chiffre d’affaires est envoyé vers la maison mère aux États-Unis sous forme de redevance, par exemple parce cette dernière détient des droits de propriété intellectuelle. On passe ensuite à 20%. Avec une triple structure intermédiaire dans trois pays, les 10% supplémentaires échappent non seulement à l’imposition française mais à toute imposition.
Un redressement doit être opéré car cette majoration de la redevance n'est pas fondée sur des services supplémentaires qui seraient rendus à la société française. Cette charge supplémentaire indue s'inscrivant par ailleurs dans un montage artificiel (contrats, circuits financiers empruntant des pays hors Union européenne) dont le but est exclusivement fiscal, la remise en cause de la redevance est effectuée dans le cadre de l'article 64 (abus de droit). Pour sanctionner ce montage artificiel abusif, les pénalités s’élèvent à 80%.
Une coopération à l’échelle internationale
En mars 2010, la loi américaine Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca) est adoptée. L’enjeu est de développer un échange automatique d’informations comme nouvelle norme mondiale contre la fraude fiscale internationale. En novembre 2013, le ministre de l’Economie et des Finances signe un accord bilatéral franco-américain visant à améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale.Une Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, élaborée par l'OCDE, sur la base d’un mandat du G20, a été adoptée par les ministres des Finances des pays du G20 en février 2014, et approuvée par le Conseil de l’OCDE. Le 21 juillet 2014, l’OCDE a publié la version complète de cette nouvelle norme. La norme prévoit l’échange automatique annuel entre États de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. Plus de 65 pays et territoires se sont déjà publiquement engagés à la mettre en œuvre et une quarantaine d’entre eux ont pris l’engagement de le faire dans un délai précis et ambitieux selon lequel les premiers échanges automatiques de renseignements sont prévus en 2017.
Au niveau européen, le Conseil européen du 20 mars 2014 a accueilli avec satisfaction l’état d’avancement des négociations entre les États membres de l'UE et les pays tiers européens, frontaliers en particulier (Suisse, Monaco, Andorre, Liechtenstein et Saint-Marin), et a demandé à ces pays de s’engager pleinement à mettre en œuvre la nouvelle norme mondiale. Après l'adoption le 24 mars 2014 d'une directive modifiée en matière de fiscalité des revenus de l’épargne, qui doit permettre aux Etats membres de mieux réprimer la fraude et l’évasion fiscales, une directive relative à la coopération administrative, qui vient renforcer les règles de l’UE concernant l’échange d’informations, doit être adoptée d'ici à la fin de l'année. Elle permettra à l'Union européenne d'être pleinement en conformité avec la nouvelle norme mondiale.
La Commission européenne avait présenté en décembre 2012 un plan d'action pour renforcer les moyens de l'Union européenne contre la fraude et l'évasion fiscales. Il comprend une trentaine d'actions à court et moyen termes. En avril 2013, elle a créé une plateforme pour la bonne gouvernance fiscale qui assure le suivi des progrès accomplis par les États membres pour enrayer la planification fiscale agressive et les paradis fiscaux.
Pourquoi ?
Fort de ce constat, le Gouvernement a, dès 2012, décidé d'agir efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales avec, entre autres, deux lois de finances rectificatives annonçant le début des réformes fiscales. Le 24 avril 2013, le Gouvernement présentait en Conseil des ministres un projet de loi. Le 5 novembre suivant, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (voté par 358 voix contre 198) ainsi que le projet de loi organique créant un procureur financier à compétence nationale. La loi crée également un procureur de la République financier à compétence nationale. Celui-ci dispose de moyens propres entièrement dédiés à l'action contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et les atteintes à la probité, notamment la corruption. Ses moyens sont également renforcés avec la création, à terme, d'une cinquantaine de postes de magistrats et d'assistants spécialisés.