
Contre la manipulation de l’information
La loi contre la manipulation de l’information, qui vise à mieux protéger la démocratie contre les diverses formes de diffusion intentionnelle de fausses nouvelles, a été votée en seconde lecture à l’Assemblée nationale le 20 novembre 2018.
Le texte s’attaque à la diffusion massive et extrêmement rapide des fausses nouvelles via les outils numériques, notamment les tuyaux de propagation que sont les réseaux sociaux et les médias sous influence d'un État étranger.
L’attention est particulièrement portée sur les périodes de campagne électorale, juste avant et durant les élections, pour concentrer les outils sur le vrai danger, c’est-à-dire les tentatives d’influencer les résultats d’élections (comme on l’a vu au moment de la dernière élection présidentielle américaine ou la campagne du Brexit). Les mesures suivantes sont prévues pendant ces périodes :
- Obligation de transparence pour les plateformes, qui devront signaler les contenus sponsorisés, en publiant le nom de leur auteur et la somme payée. Celles qui dépassent un certain volume de connexions par jour devront avoir un représentant légal en France et rendre publics leurs algorithmes.
- Création d’une action judiciaire en référé pour pouvoir faire cesser rapidement la circulation de fausses nouvelles. C'est le juge des référés qui qualifiera la « fausse nouvelle », selon la définition de la loi de 1881, avec 3 critères :
- être diffusée massivement et de manière artificielle,
- conduire à troubler la paix publique ou la sincérité d’un scrutin.
En dehors des périodes électorales, le texte crée un devoir de coopération des plateformes, pour les obliger à mettre en place des mesures contre les fausses nouvelles, et à rendre publiques ces mesures. Le contrôle de ce devoir a été confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui pourra aussi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés par un État étranger ou sous l’influence de cet État, et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Le texte vise les tentatives volontaires de manipulation de l’information et n’aura aucun impact sur le travail journalistique qui peut consister à révéler, à tout moment, des informations sur des questions d’intérêt public.
Il crée un cadre juridique plus protecteur qu’une situation non encadrée par la loi, où les plateformes censurent d’elles-mêmes les contenus, sans même être tenues d’expliquer les critères de cette censure.
Déontologie de la presse
À l’heure de l’abondance des contenus, la distinction doit être plus marquée entre l’information professionnelle, obéissant à des standards journalistiques exigeants, et les autres contenus informatifs. La question se pose avec la même acuité pour la presse papier, ses déclinaisons numériques, les médias audiovisuels et les médias exclusivement numériques.
Dans le cadre de l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi, une mission a été confiée à Emmanuel Hoog, ancien président de l’AFP. Cette mission a pour objectif d’aboutir à une proposition opérationnelle sur une instance de déontologie de la presse associant journalistes, éditeurs et société civile – cette proposition pouvant se traduire par un texte législatif ou réglementaire.
Pourquoi ?
Face à la nouvelle menace contre la démocratie que constitue la diffusion de fausses nouvelles, le Parlement britannique a mis en place une commission d’enquête ; le Parlement allemand a légiféré ; les autorités italiennes ont mis en place une plateforme de signalement de fausses nouvelles. La France ne pouvait rester immobile.
20 décembre 2018 : le Conseil constitutionnel valide la loi et en délimite la portée
20 novembre 2018 : adoption définitive de la loi par l'Assemblée nationale
6 novembre 2018 : motion du Sénat tendant à opposer la question préalable
9 octobre 2018 : adoption de la proposition de loi en seconde lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale
26 juillet 2018 : motion du Sénat tendant à opposer la question préalable
3 juillet 2018 : adoption de la proposition de loi en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale
26 mars 2018 : procédure accélérée engagée par le Gouvernement
16 mars 2018 : la proposition de loi est déposée à l'Assemblée nationale