Discours d'Édouard Philippe au « World Government Summit », à Dubaï

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 12/02/2018

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre au « World Government Summit » , Dubaï

le 11 février 2018
"His highness Cheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyane, President of the United Arab Emirates,

His highness Cheikh Mohammed Bin Rachid Al Maktoum, Vice- President, Prime minister and Emir of Dubai,

His highness Cheikh Mohammed Bin Zayed Al Nahyane, Crown Prince of Abou Dabi, Vice supreme commander of the armed forces,

Ministers,

Excellences,

I begin with a few words in English to express what a great privilege it is to participate in the opening of this new edition of the World Government Summit. WGS has now become an important international meeting and I thank his highness Cheikh Mohamed Bin Rachid Al Maktoum for his invitation. Here, today and for the next two days, we will discuss what governments can do for their citizens. The question has been on my mind for some time, and since I was appointed Prime minister of France 8 months ago, it has become my daily priority to find the best answers for the people of France. As Prime minister, I focus all my energy, passion and political will toward the pursuit of these answers. This is my my long-term goal. My short-term goal is to end any suffering my English has caused by now switching to French."
« Comment bien servir l’Etat ? » « Comment, avec cet Etat, bien servir son pays ? » Ces questions sont vastes, elles s’expriment simplement, elles sont presque sèches dans leur formulation. Et elles sont aussi théoriques, et comme je sais ce que peut susciter un Français dans une réunion internationale lorsqu’il commence à s’exprimer de façon théorique, je ne m’y risquerai pas. Ces questions sont théoriques et ce sont de bonnes questions. Et je ne suis pas sûr de pouvoir y rapporter une réponse définitive.
Je voudrais commencer à y réfléchir en partant de là où nous sommes, Dubaï et en revenant à l’essence de ce qu’est cette terre, un port et en prenant deux exemples, un dans l’histoire ancienne et un dans l’histoire la plus récente de ce que peut être une transformation profonde et bénéfique.
Il se trouve qu’avant d’être nommé par le Président de la République Premier ministre, j’ai eu l’honneur d’être maire d’une grande ville française qui est évidemment à mes yeux la plus belle et qui se trouve être un port. Ce port a été créé en 1517 il y a 501 ans par un roi, le roi François Ier que les Français aiment profondément qui vivait à l’époque d’Henri VIII en Angleterre, de Charles Quint en Espagne, de Soliman le Magnifique dans l’Empire ottoman. Il est célèbre dans le monde, François Ier, parce que c’est lui qui a fait venir Léonard de VINCI en France et c’est la raison pour laquelle il y a en France plus de tableaux de Léonard de VINCI que partout dans le monde. Et je sais aussi, Mesdames et Messieurs, que depuis que le Louvre Abu-Dhabi existe et depuis que le Louvre de Paris lui a prêté ce tableau exceptionnel qui s’appelle « La Belle Ferronnière », depuis que les Emirats arabes unis ont fait l’acquisition d’un magnifique tableau de Léonard de VINCI « Salvator Mundi », il y a plus de tableaux de Léonard de VINCI que dans tous les autres pays du monde, France exceptée.
En 1517, le roi François Ier voit le monde se transformer, voit le Nouveau Monde, l’Amérique, l’Atlantique constituer un basculement des équilibres qui prévalaient jusqu’à présent et pour tenir compte de ce Nouveau Monde, il crée un grand port, Le Havre, à l’embouchure de la Seine pour participer à cette aventure et pour transformer ce pays en l’amenant au niveau de modernité qui était indispensable.
L’histoire de François Ier est une histoire qui se reproduit souvent dans le temps. Au début des années 1970, Son Altesse, le Cheikh RASHID a décidé de construire un nouveau port, au milieu du désert, le port de Jebel Ali. Cette décision à l’époque a suscité l’étonnement et pourtant aujourd’hui c’est un des plus grands ports du monde grâce à la vision d’un homme, grâce à sa volonté de transformer une situation. Et c’est cette volonté de transformer dont je voudrais vous parler aujourd’hui car les grands gouvernants, ceux qui restent dans la mémoire des hommes, sont ceux qui transforment. Alors bien sûr, reste aussi parfois dans la mémoire des hommes ceux qui conquièrent. Mais reconnaissez avec moi qu’en la matière, ceux qui conquièrent en transformant restent toujours plus haut dans la mémoire.
Et nous avons un exemple en France que j’aime à citer, celui de Napoléon. Pourquoi Napoléon a-t-il fasciné son époque et pourquoi fascine-t-il encore ? Est-ce que c’est simplement parce qu’il a conquis l’Europe ? Je ne le crois pas !
Ce qui a frappé, ce qui frappe encore chez Napoléon, même deux siècles après, c’est sa capacité à construire et à transformer. Le Code civil, les institutions, Napoléon a posé en France des « masses de granit » sur lesquelles il était possible de construire. Et les grands gouvernants, les bons gouvernements sont ceux qui posent des « masses de granit », qui permettent de construire durablement.
Alors, tout le monde n’est pas un grand transformateur. Tout le monde n’est pas un grand constructeur. L’histoire retient beaucoup plus Auguste que Vespasien ou Hadrien. Mais comment transformer ? Et qu’est-ce ça veut dire « transformer » ?
La transformation, ce n’est pas la révolution et les Français peuvent en parler car en deux siècles, ils ont connu à peu près toutes les formes de régime et subi toutes les formes de révolution. La transformation, c’est un processus continu, progressif, assumé, accepté. Et pour pouvoir transformer, il faut à la fois une vision, une méthode, et une incarnation.
Une vision parce qu’il faut savoir où l’on veut aller.
Une méthode parce qu’il faut savoir comment y aller.
Et une incarnation parce que tout mondialisé qu’il soit, tout marqué par la transformation numérique qu’il soit, notre monde, nos sociétés, nos pays ont besoin de leaders.
J’ose volontiers revenir, Mesdames et Messieurs, sur la métaphore maritime du début de mon propos. Les Romains avaient une expression sur ce qu’était le fait de diriger et le lien qu’il pouvait y avoir entre la direction que l’on voulait prendre et les circonstances. Pour les Romains, il n’y a jamais de vent favorable pour celui qui ne sait où il veut aller.
Une vision ; une méthode ; un leader. La métaphore maritime, celle du bateau, qui peut braver la tempête, ou bénéficier de vents favorables, dit les choses clairement.
Alors, qu’en est-il de la France ? Eh bien, la France, Mesdames et Messieurs, vit une grande transformation. En 2017, l’année dernière, à l’occasion des élections présidentielles, elle a fait un choix, le choix d’écarter une génération, une génération respectable qui avait fait du mieux qu’elle pouvait, une génération dans laquelle j’ai des amis mais une génération dont les Français ont dit qu’il convenait de passer à la suivante. La France avait le choix entre la fermeture, une certaine forme d’angoisse face aux transformations du monde et à ce que cela pouvait remettre en cause sur son identité et une ouverture. Et elle a fait le choix du plus jeune Président de la République qu’elle n’ait jamais élu, le choix d’un Président de la République, Emmanuel MACRON, qui a assumé pendant toute sa campagne un discours, une méthode, et une vision de la transformation de notre pays. Nous sommes engagés dans une très grande transformation et l’objet de cette transformation, il est à la fois de réparer notre pays et de préparer l’avenir.
Préparer l’avenir en faisant le pari, Mesdames et Messieurs, que l’essentiel est là, que l’essentiel, c’est l’intelligence et que si l’on veut faire de grandes choses si l’on veut aborder les yeux dans les yeux, face à face tous les grands défis du monde, alors, il faut faire le pari de l’intelligence, de la formation, de la compétence en développant l’éducation dès le plus jeune âge, en réformant notre système de formation secondaire, en transformant notre système universitaire, en faisant en sorte que tout au long de la vie, bien après sa formation initiale, tous les Français puissent apprendre, apprendre à apprendre, être mobiles, être confiants, grâce à l’intelligence, grâce à la formation.
Préparer l’avenir, c’est aussi faire en sorte d’avoir une croissance forte, et donc de donner un environnement favorable à l’investissement et aux entreprises. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans une diminution cohérente, progressive et inéluctable, irréversible de la fiscalité qui pèse sur les entreprises en garantissant une stabilité, une visibilité à cette baisse des prélèvements obligatoires ; en modifiant notre droit du travail pour faire en sorte que toutes les initiatives puissent être prises ; en développant l’attractivité de notre pays, pour que les investisseurs étrangers sachent que l’on peut bien produire en France et beaucoup produire en France.
Préparer l’avenir, c’est aussi faire attention à ses finances publiques et de ce point de vue, la France avait des efforts à faire. Ça veut dire baisser la dépense publique et baisser la dette, c’est ce que nous ferons au cours des cinq années qui viennent en baissant de trois points de PIB notre dépense publique et en réduisant notre dette de cinq points de PIB pendant la même période.
Enfin, préparer l’avenir, c’est être en mesure d’affronter un monde qui est dangereux, nous le savons tous. C’est donc consentir des efforts importants là où les Gouvernements ont une responsabilité exclusive : la justice, la sécurité, la défense. L’effort de défense consenti par la France dans les cinq années à venir sera supérieur à ce qui a pu être consenti dans le passé ; ce sera un effort inégalé pour notre pays car nous savons que le monde est dangereux, nous savons que pour l’affronter sereinement, il faut être prêt.
Bien servir son pays, bien transformer, c’est aussi placer son pays dans un environnement régional et dans un environnement mondial. L’Union européenne se transforme, à cause du Brexit, à cause des tentations d’un certain nombre de pays, des hésitations. Faut-il aller plus loin ? Faut-il aller plus vite ? Faut-il au contraire conserver des spécificités irréductibles aux autres pays européens ? Tout le monde sait que l’Union européenne est un marché, un grand marché, un beau marché. Mais être un marché n’est pas une fin en soi. Etre un ensemble cohérent, ça n’est pas simplement être un marché, c’est pouvoir trouver dans les institutions et dans les mécanismes divers des protections contre la menace terroriste, contre les conséquences négatives de la mondialisation, contre le dumping social et économique, contre la fraude et l’évasion fiscale, contre les trafics.
Le Président de la République a insisté et continuera d’insister sur cette nécessaire ambition de faire en sorte que l’Union européenne ne soit pas simplement un grand marché, mais qu’elle soit un pôle de stabilité et un pôle d’influence qui permette aux valeurs que nous partageons, de trouver un havre, un port, pour pouvoir à la fois échanger et se renforcer.
Transformer l’Europe bien entendu ; transformer le monde enfin car il est de notre responsabilité de transformer le monde. Evidemment, ça peut sembler un peu vaniteux de dire comme ça surtout quand c’est un Français qui le dit mais soyons clairs : nous ne pouvons pas nous satisfaire de la façon dont le monde va, donc il faut le changer. Il faut faire en sorte qu’il aille mieux. Et sur cette question, je voudrais dire que nous abordons cette idée avec deux éléments simples, deux idées claires.
D’abord, on ne transforme pas le monde contre son gré. À chaque fois qu’on a voulu imposer aux peuples une vérité de l’extérieur, la greffe n’a pas pris, ou pire, cela s’est traduit par des désastres. Je ne sais pas si la démocratie s’importe, s’exporte ou si elle se décrète. Je pense qu’elle se partage, je pense qu’elle se soutient ; je pense qu’elle s’apprend. Et si je retiens une chose de l’histoire française, c’est qu’elle met du temps à s’apprendre.
Je voudrais dire que le soutien que nous apportons à la Tunisie qui réussit son pari de s’accrocher aux valeurs démocratiques dans un contexte régional difficile et qui est évidemment un exemple à encourager.
Et puis, il faut avoir le courage d’apprendre de nos erreurs. Les interventions militaires n’ont de sens que si elles s’appuient sur des initiatives politiques coordonnées. Quand je vois les interventions militaires en Irak, en Afghanistan, ou encore en Libye, je constate que le concert des nations a trop souvent cru qu’il pouvait imposer la démocratie, simplement en emportant l’épreuve du feu. Nous devons donc apprendre mais nous ne devons pas renoncer.
Dernière idée et deuxième idée : on ne peut transformer le monde qu’avec le monde. Et je voudrais insister sur la nécessité d’avoir systématiquement recours au multilatéralisme, au jeu collectif. C’est la seule réponse efficace et réaliste pour affronter le monde qui vient. L’épreuve de force n’est jamais absente des relations internationales mais aucune solution durable ne sera trouvée si nous renonçons à cet effort collectif de recourir au multilatéralisme.
Alors, notre planète va se transformer, nous avons un rôle à y jouer, nous devons relever la transition climatique. Je crois, Mesdames et Messieurs, que les planètes s’alignent en la matière, ce qui tombe bien car nous n’en avons qu’une seule. Disons-le clairement : la décision du président américain de se retirer de l’accord de Paris a été une mauvaise nouvelle, mais si on y regarde de plus près, dans nos sociétés civiles, y compris dans la société américaine, une très forte mobilisation se fait jour pour essayer de trouver des solutions à cette transformation climatique.
Le One Planet Summit , organisé à Paris le 12 décembre dernier par le président de la République pour les deux ans de l’accord de Paris l’a confirmé. La mobilisation des « fonds souverains », notamment ceux des Emirats, est pleine et entière. Nous voyons progressivement l’échiquier évoluer, c’était difficile il y a deux ans mais tout est en train de se mettre en place.
Mesdames et Messieurs, j’ai été très long, mais comme je suis Français et que je suis optimiste, je conclurai par une seule phrase qui me laisse songeur et à laquelle nous devons tous, me semble-t-il, méditer. Elle se trouve dans un très beau livre qui s’appelle les Mémoires d’Hadrien. Hadrien est un empereur romain, il est à la fin de sa vie, il regarde son parcours et il écrit : « Notre époque, dont je connaissais mieux que personne les insuffisances et les tares, sera peut-être un jour considérée, par contraste, comme un des âges d’or de l’humanité ».
C’est l’avenir qui décidera de ce que nous faisons aujourd’hui et du regard qu’il porte sur ce que les Gouvernants en ont fait. Aidons le, cet avenir, à bien décider et à faire en sorte que nous vivions dans les années qui viennent notre âge d’or.
Je vous remercie.

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