Discours devant le Congrès des Maires de France

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 21/11/2017

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre

Congrès des Maires de France, Porte de Versailles, mardi 21 novembre 2017
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le président, cher François BAROIN,
Monsieur le vice-président, cher André LAIGNEL,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les maires,
Chers élus,
Si j’étais, non pas sur cette estrade, mais, comme l’an passé, assis à votre place, peut-être ferais-je partie de ceux d’entre vous qui sont aujourd’hui inquiets. Parce que je lirais tous les jours des articles de presse ou des commentaires plus alarmants les uns que les autres. Parce que je me dirais qu’il n’y a pas de fumée sans feu et qu’il y a peut-être un loup quelque part. Peut-être même, instruit par l’expérience, aurais-je un a priori de défiance à l’égard d’un Premier ministre qui, c’est fatal, serait frappé d’amnésie dès sa nomination, et oublierait nécessairement d’où il vient, ce à quoi il croit et ce qu’il a vécu lorsqu’il exerçait le plus noble des mandats.
Peut-être.
Mais peut-être aussi, compte tenu de l’importance des enjeux, aurais-je souhaité pouvoir échanger avec lui et entendre, de sa bouche, ce qu’il a à dire, pour autant qu’il le dise clairement.
Ça tombe bien. Je veux vous parler clairement. Directement, et clairement.
Jeudi, le Président de la République vous exposera sa vision de la relation entre l’Etat et les collectivités territoriales, une vision moderne, responsabilisante. Aujourd’hui, je veux évoquer devant vous les sujets qui ont pu s’imposer dans le débat, depuis quelques mois, pour mieux nous tourner, ensemble, vers l’avenir.
Commençons par les sujets financiers, qui ne sont pas toujours les plus simples.
Comme moi, vous vous souvenez certainement de vos premiers jours de maire. Ce sont des jours qu’on n’oublie pas. Vous venez d’être élu, et vous découvrez la situation de votre commune. Vous devez prendre les choses en main, gérer votre budget pour l’année en cours, et préparer l’année qui vient. Eh bien c’est exactement ce qui m’est arrivé au mois de mai dernier. A ceci près que ce n’était pas le budget d’une commune, mais celui de la France toute entière. Je ne vous dirais pas qu’avant d’être nommé, j’étais optimiste sur la situation de nos finances publiques, mais enfin, je ne pensais pas non plus que le mal était si profond.
Imaginez que, dans votre département, parmi les communes comparables, seules deux sur 28 voient leur budget transmis à la chambre régionale des comptes. Qu’une de ces deux communes soit la vôtre. Et en plus, imaginez qu’on vous menace de sanctions. Je suppose que vous essayeriez de redresser la situation, tout en sachant que vous n’allez pas vous faire que des amis. Vous et moi nous savons que notre mission consiste bien plus souvent à dire non qu’à dire oui.
Sous l’autorité du Président de la République, avec l’ensemble du gouvernement, nous avons cherché, je ne dis pas, les meilleures solutions, il n’y en a jamais dans ces cas-là, mais enfin, les moins mauvaises possibles, pour finir l’année. Au même titre que les autres acteurs de la dépense publique, les collectivités locales ont donc été mises à contribution.
A notre arrivée et à très court terme pour 2017, nous avons donc dû prendre des décisions rigoureuses et trouver environ 4 milliards d’euros pour respecter notre objectif de déficit et passer sous la barre des 3%.
Sur ces 4 milliards d’efforts, auxquels tous les Ministères sans exception ont contribué, y compris nos Armées, nous avons dû annuler 300 millions d’euros de crédits pour les collectivités. Il s’agissait de crédits gelés, non encore engagés. Certains de vos projets ont donc pu connaître des retards, et croyez que si j’avais pu l’éviter, je l’aurais fait, car je sais le temps et l’énergie que demande chacun d’entre eux. Mais aucun d’entre eux n’est compromis.
Nous avons eu un peu plus de temps pour bâtir le budget 2018. Dans un contexte très difficile, nous avons pris en ce qui vous concerne des décisions que je crois équilibrées.
Tout d’abord, à la différence de nos prédécesseurs, à la différence de ce qu’annonçaient la plupart des forces politiques pendant la campagne, nous avons pris la décision de ne pas baisser les dotations.
Nous avons maintenu le niveau de la DGF, qui avait connu une baisse constante depuis 2013.
Parallèlement, nous avons choisi de pérenniser les dotations de soutien à l’investissement local qui avaient quasiment triplé sur les deux dernières années de la précédente mandature, pour amortir l’effet de la baisse de la DGF. Vous allez donc conserver cette hausse pour les 5 prochaines années. Au total, ces dotations mobiliseront 1,8 milliards d’euros, c’est-à-dire précisément le même montant qu’en 2016.
Nous avons en effet décidé de maintenir la dotation d’équilibre des territoires ruraux (DETR) au niveau exceptionnel auquel le précédent Gouvernement l’avait portée, c’est-à-dire à 1 milliard d’euros. Comme vous le savez, les catégories d’opérations prioritaires de la DETR sont définies au niveau local par une commission d’élus. Je ne crois donc pas que l’on puisse décemment considérer la DETR comme une arme de recentralisation massive.
Même chose pour la dotation exceptionnelle de soutien à l’investissement local (DSIL), créée en 2016 à hauteur de 800 M€. Elle était vouée à disparaître, mais nous avons choisi de la maintenir en 2018 à hauteur de 665 M€, au point même de l’inscrire dans le Code général des collectivités territoriales.
Parce que le président de la République a été élu sur un mandat clair de transformation, nous avons décidé, avec Gérard COLLOMB, d’orienter cette dotation autour de plusieurs politiques publiques prioritaires pour transformer nos territoires : la rénovation thermique des bâtiments publics, le développement des énergies renouvelables, le dédoublement des classes, le soutien aux projets d’investissement dans les mobilités ou la construction de logements, le développement du numérique et de la téléphonie mobile, les contrats de ruralité. Je crois que nous pourrons être d’accord pour dire que ces priorités ne sont pas uniquement celles du Gouvernement et qu’elles recoupent les vôtres.
Enfin, nous avons dû construire le cadre budgétaire du quinquennat qui s’ouvre.
En matière de gestion de nos finances publiques, je vous le disais à l’instant : nous sommes en passe de devenir les derniers de la classe au niveau européen. Je pense à titre personnel que c’est grave, pour notre influence dans le monde et pour le bien de nos enfants. Je sais – et François BAROIN l’a rappelé à plusieurs reprises – que vous êtes également parfaitement conscients de la situation, et que vous comprenez qu’on ne peut laisser les choses en l’état. Et pour baisser cet endettement, nous pensons qu’il vaut mieux essayer de maîtriser le poids de la dépense publique plutôt que d’augmenter encore et toujours les impôts.
Partant de là, il faut bien voir que l’Etat, les collectivités et la sécurité sociale ne sont pas trois acteurs distincts de la dépense publique, mais bien un seul compte pour l’ensemble « de la Nation France ». Parce que chacun doit assumer sa part de l’effort collectif, le Gouvernement a donc pris deux décisions :
D 'abord, nous avons décidé de fixer un objectif d’économies pour les collectivités territoriales : nous voulons limiter la hausse des dépenses locales. Nous ne demandons pas qu’elles diminuent, contrairement à ce que j’ai entendu ici où là. Nous souhaitons qu’elles augmentent à un rythme soutenable. Les fameux 13 milliards, ce ne sont pas des baisses de dépenses, c’est une moindre augmentation des dépenses de fonctionnement par rapport au tendanciel – c’est-à-dire l’évolution spontanée des dépenses. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Cette hausse sera encadrée par un taux fixé par la loi à +1,2% en moyenne par an sur la mandature. A l’échelle du pays, cela veut dire que les budgets des collectivités vont continuer de progresser de 2 milliards d’euros. C’est un effort très important. Il est inférieur à la part des dépenses des collectivités territoriales dans la dépense publique, précisément parce que nous avons voulu tenir compte des efforts qui ont déjà été faits. Je ne dirai jamais que c’est facile, car rien ne l’est, mais je crois, en conscience, que c’est raisonnable et réaliste. Parce que je sais que beaucoup de collectivités ont déjà fait d’importants efforts. Je l’ai moi-même vécu au Havre.
D’ailleurs, en 2015, si les dépenses de fonctionnement des communes et des intercommunalités ont augmenté d’1,4% en moyenne, en 2016 elles ont légèrement baissé (- 0,2 % soit 300 millions d’euros). C’est la preuve que ce que nous proposons est réaliste. La proposition que vous fait le Gouvernement, c’est donc de discuter d’une hausse maîtrisée. C’est quand même autre chose qu’une baisse nette.
Deuxième décision, ne pas diminuer les dotations. Je vous accorde que ça aurait été plus facile. D’une certaine manière, mes prédécesseurs vous y ont habitués. C’est automatique, c’est brutal et, c’est redoutablement efficace….
Eh bien non. Notre méthode à nous, c’est le contrat. Ce contrat sera conclu avec les plus grandes collectivités qui représentent jusqu’à trois quarts de la dépense locale. Parce que nous voulons faire le pari d’une nouvelle relation entre l’Etat et les collectivités territoriales, une relation fondée sur la confiance, et plus respectueuse de vos choix de gestion locaux.
Alors, une nouvelle méthode suscite forcément des inquiétudes. C’est normal. Mais je vous rassure : nous n’avons pas conçu ce dispositif seuls dans notre coin. Pour nous aider dans cet exercice inédit pour l’Etat, nous avons missionné un groupe présidé par Alain RICHARD, ancien Ministre et sénateur du Val d’Oise et Dominique BUR, ancien préfet de région, auquel trois élus locaux ont participé : Alain LAMBERT, qui était à l’origine même de cette idée des contrats il y a quelques années avec Martin MALVY, Olivier DUSSOPT, député de l’Ardèche, et Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes. Vendredi dernier, la mission m’a remis ses propositions. Elles sont le fruit de nombreuses auditions, et j’en profite pour remercier toutes les associations d’élus de leurs contributions. Nous sommes maintenant dans le temps de la concertation en vue de nourrir les textes législatifs à la mi-décembre, et de disposer dès 2018 d’une base juridique pour ces contrats. Le Sénat a voté l’article qui préfigure cette contractualisation et je le sais si attaché aux libertés locales, que j’en suis rassuré sur le fait que ce que nous proposons va dans le bon sens.
Pour choisir les collectivités concernées par le contrat, nous retiendrons soit un critère démographique, recouvrant environ 320 collectivités, soit, suivant la recommandation de la mission sur les finances locales, un critère budgétaire, pour les collectivités dont les dépenses dépassent 30 millions d’euros, ce qui représente environ 600 collectivités (moins de 400 communes et moins de 200 EPCI).
Cela veut dire qu’en tout état de cause, dans votre immense majorité, vous n’êtes pas concernés par ce mécanisme contractuel. Je voudrais insister sur ce point et lever un malentendu : pour 35 500 communes, leur seule obligation sera de délibérer au moment du débat d’orientation budgétaire sur leurs objectifs en matière de dépense locale, de dépenses de fonctionnement et de réduction du besoin de financement. Parce que nous avons confiance en la capacité des maires des petites villes et des maires ruraux à gérer leur budget et à tenir cet objectif de maîtrise des dépenses.
S’agissant maintenant des 3 ou 400 collectivités concernées par ce contrat, qu’est-il prévu ? Nous réfléchissons à un dispositif où, de la même manière que vous discutez avec le préfet et ses équipes sur les contrats de ville, les contrats de ruralité, les contrats de bassin, etc., vous discuteriez avec lui de votre projet de contrat, sur la base du fameux taux de +1,2% d’augmentation dont je vous parlais, et avec des marges d’adaptation. Des marges qui pourraient par exemple prendre en compte :
La croissance démographique du territoire, avec un mécanisme d’appui aux maires bâtisseurs ;
La composition démographique qui impacte vos charges ;
Les efforts accomplis, ou non, dans le passé ;
Ou encore la situation socioéconomique du territoire, en prenant par exemple en compte l’indice de pauvreté et la proportion d’habitants de la commune en quartier politique de la ville.
Enfin, je voudrais aller au bout, parce que si je n’étais pas parfaitement clair vous pourriez, plus tard, m’en faire le reproche. Que se passera-t-il si ce contrat de modération de la dépense ne fonctionne pas, concrètement si les 1,2 % d’augmentation ne sont pas respectés, si les objectifs d’endettement ne sont pas tenus ? Alors, il faudra que nous en tirions les conséquences, et, sans doute dans le projet de loi de finances pour 2020, le temps de faire en 2019 les comptes de 2018, il faudra envisager de revenir aux « vieilles méthodes ». Proposer au Parlement une nouvelle contribution au redressement des finances publiques, dont seules seraient exonérées les collectivités qui auraient respecté leur contrat. Franchement, je souhaite que nous l’évitions. Je pense que nous pouvons l’éviter. Sinon, je ne serais pas là, devant vous, pour vous proposer ce pacte.
Vous voyez que, contrairement à ce qui a pu être dit ça et là, nous ne sommes en aucun cas dans une logique de recentralisation. Car enfin, depuis quand le contrat est-il acte centralisateur ? Le contrat a été au cœur de la décentralisation depuis ses débuts. Nous n’allons pas demander aux préfets de vous convoquer pour contrôler vos budgets ligne à ligne… Evitons les caricatures. Et parlons-nous.
J’entends dire que cela mettrait en cause l’investissement local. Là encore, soyons clairs. Notre objectif, c’est de vous aider à améliorer votre capacité d’autofinancement, et à maîtriser ainsi votre besoin de financement. Car l’investissement local est indispensable au développement économique dans les territoires. Je sais que beaucoup de collectivités sont déjà globalement bien gérées et peu endettées, mais je vous le dis : notre pays, nos enfants, ont besoin que l’on fasse collectivement encore mieux.
Voilà pour ce qui concerne le pacte financier que nous vous proposons. Je sais que certains d’entre vous nous objectent que vous n’avez pas la main sur tous les paramètres qui conditionnent l’évolution de vos dépenses. C’est une réalité. Parlons-en.
Entre les transferts de compétences, les normes qui vous sont imposées, les décisions sur le point d’indice ou les autres curseurs qui jouent sur les dépenses de personnel, vous me direz que les paramètres qui vous échappent sont nombreux. Je le sais mieux que quiconque, j’ai été à votre place et, encore une fois, je sais que c’est très étonnant, mais figurez-vous qu’être Premier ministre ne rend pas totalement amnésique… Je veux, nous voulons avec le Président, avec le ministre de l’Intérieur, avancer au cours des prochains mois, sur ces sujets avec les associations d’élus et les parlementaires. Nous avons déjà commencé à traiter certaines questions.
Sur les normes, nous avons pris des décisions que le Président de la République vous exposera jeudi.
Sur la question de la maîtrise de la masse salariale, de la même manière, regardons-les faits. Par exemple, nous avons décidé dès notre arrivée le rétablissement du jour de carence qui vous permettra d’obtenir rapidement de meilleurs résultats sur l’absentéisme.
Concernant la hausse de la CSG : nous allons la compenser intégralement à l’échelle de la fonction publique territoriale et hospitalière. [Certains affirment que la compensation n’est pas intégrale au niveau de chaque collectivité. Là encore, revenons-en aux faits. Quels sont-ils ?
Au niveau individuel, l’Etat ne dispose pas d’un système d’information intégré avec la répartition, commune par commune, des effectifs des collectivités. Il se peut donc qu’il y ait des écarts à la marge. Aussi avons-nous demandé aux associations d’élus de nous éclairer à ce sujet. Nous attendons leur retour.
En revanche, ce qui est certain, c’est que de manière consolidée sur la France entière, la compensation du montant de la CSG est bien intégrale grâce à des baisses de cotisations patronales d’un montant total de 530 M€.]
Enfin, je ne serais pas complet si je ne vous disais pas quelques mots de la taxe d’habitation. Le Président de la République vous en parlera plus longuement. Vous savez que nous avons fait le choix d’exonérer progressivement, sur trois ans, 80 % des contribuables assujettis à cet impôt. Cela prendra la forme d’un dégrèvement, qui préservera vos ressources et votre pouvoir de fixation des taux. Mais cela n’épuise évidemment pas le sujet de cet impôt et, plus généralement, de la fiscalité locale dont chacun connaît l’imperfection et même l’obsolescence.
L’horizon de temps qu’ouvre cette réforme doit nous permettre, ensemble, éclairés par les travaux de la mission Richard-Bur et par ceux du comité des finances locales, de réfléchir avec vous à une nouvelle fiscalité locale, juste, équitable, et qui préserve le principe de libre administration des collectivités.
Voici ce que je souhaitais vous dire sur les sujets financiers, le nerf de la guerre. Mais je sais que d’autres décisions de mon Gouvernement méritent quelques précisions.
Je pense notamment aux contrats aidés.
Parlons-nous franchement : à quoi ont-ils servi, depuis qu’ils existent. D’abord à faire baisser les chiffres du chômage, et, comme par hasard, surtout avant les élections. Dire cela, ce n’est pas faire de reproche à tel ou tel d’entre vous : je sais parfaitement que vous avez été encouragés à y recourir ; je sais aussi que ces contrats ont permis d’accompagner, dans vos communes, des personnes éloignées de l’emploi ; et personne ne me fera dire que les tâches qui leur ont été confiées étaient inutiles ou superflues. Mais nous connaissons aussi la réalité. La réalité, c’est que les contrats aidés ne sont pas une solution satisfaisante, ni pour résoudre le problème du chômage de masse, ni pour faire fonctionner les services publics de nos territoires : nous connaissons tous les limites des cautères posées sur des jambes de bois.
Je me souviens d’ailleurs que certains candidats à l’élection présidentielle proposaient leur suppression complète ; je me souviens aussi des très vives critiques émises il y a un an par la commission des finances du Sénat, qui accusait le Gouvernement de l’époque de, je cite, « faire de la cavalerie budgétaire pour tenter de maîtriser les chiffres du chômage ». Alors, est-ce que nous pouvions continuer comme cela, faire comme si de rien n’était ?
Lorsque nous avons pris nos fonctions en mai, avec Muriel Pénicaud, nous avons découvert que le précédent gouvernement avait budgété 280 000 contrats aidés pour l’année 2017, contre 459 000 en 2016, soit une baisse de 40%. Cela faisait un bien beau budget… Le problème, c’est que deux tiers de ces contrats aidés avaient été consommés dès le premier semestre, et qu’on s’acheminait donc, non vers une baisse de 40%, mais vers une hausse de 30%... Pour faire face à l’urgence, nous avons dû remédier à cette situation, en rajoutant des contrats, environ 40 000, pour porter l’effort global à 320 000. Ensuite, nous avons défini des secteurs prioritaires :
L’éducation nationale, en particulier l’accompagnement des élèves en situation de handicap pour lequel 50 000 contrats ont été réservés ;
L’urgence sanitaire et sociale ;
Les territoires ruraux ;
Les quartiers en politique de la ville qui ont toujours bénéficié de 13% des contrats aidés ;
L’outre-mer, avec près de 12 000 contrats au second semestre.
Nous avons également décidé de donner aux préfets la souplesse de gestion nécessaire pour traiter les situations les plus sensibles au moment de la rentrée scolaire. Tout n’a pas été parfait, et j’ai bien conscience que nombre d’entre vous ont eu à gérer des cas difficiles, chacun dans vos communes. Mais nous avons pris nos responsabilités, et dans l’ensemble, nous avons pu, je crois, répondre aux urgences.
Pour l’année prochaine, nous avons prévu, non pas de les supprimer totalement comme je l’ai parfois entendu, mais d’ouvrir 200 000 contrats, destinés aux secteurs prioritaires que je viens d’évoquer.
Pour le reste, les chiffres sont sans appel, et nous devons réformer une politique quand elle ne fonctionne pas : dans l’immense majorité des cas, les contrats aidés ne permettent pas de sortir durablement du chômage les personnes les moins qualifiées. Notre objectif, c’est donc de remplacer ces contrats par nature précaires par une véritable politique de la formation et de l’apprentissage au niveau national. C’est le sens du plan compétences de 15 milliards d’euros que le gouvernement a annoncé en septembre.
Autre sujet sur lequel je voulais revenir avec vous : le logement.
Oui, nous voulons remettre en question une politique à 40 milliards d’euros qui n’a pas résolu le mal-logement. Oui, nous voulons mettre fin à la spirale de hausse des APL et de hausse des loyers, cette situation absurde, où d’un côté, l’Etat soutient financièrement la construction et la réhabilitation des logements sociaux, et de l’autre, verse des APL aux bénéficiaires de ces mêmes logements. Cela entretient un mouvement de hausse des loyers, et cela fait que même réglementés, les loyers du parc social sont souvent trop élevés. Ce que je suis en train de vous dire, le Mouvement HLM l’a lui-même reconnu.
Nous allons donc diminuer les APL dans les logements sociaux, mais cette baisse ne peut être supportée par les locataires, qui sont les plus fragiles d’entre nous. Nous allons donc demander aux bailleurs sociaux de baisser à proportion le montant des loyers. Mais il n’est bien sûr pas question non plus de mettre en difficulté les bailleurs. Toutes les études et analyses montrent que le secteur peut dégager d’importantes économies, et que la majorité des bailleurs sociaux sont dans une situation financière globalement saine, même si des disparités fortes existent, notamment entre les territoires.
Nous allons donc proposer un système de péréquation dynamique entre bailleurs, afin que ceux qui se retrouveraient éventuellement fragilisés puissent bénéficier de la solidarité de l’ensemble du réseau. Je tiens donc à vous rassurer : il n’est pas question de faire jouer les garanties octroyées par les collectivités locales. Il n’y aura pas d’impact pour vous. J’ajoute que ce système de péréquation devra accompagner la recomposition du tissu HLM, en recherchant un bon équilibre entre efficacité et proximité, sans laisser aucun territoire en déshérence. L’ensemble du dispositif sera présenté dans le Projet de Loi Finances en cours de discussion.
Au-delà de la réforme des APL et des loyers, le gouvernement propose aux bailleurs sociaux une réforme structurelle, ainsi qu’un ensemble de mesures qui doivent permettre d’accompagner les évolutions du modèle économique du secteur sur les 3 prochaines années.
J’ai rencontré à plusieurs reprises les représentants des bailleurs sociaux et le dialogue se poursuit. Nous avons d’ores et déjà envisagé 3 pistes d’évolution:
Tout d’abord, comme cela a été voté en première lecture à l’Assemblée, la baisse des APL se fera de façon progressive, étalée sur les 3 prochaines années ; je proposerai au Sénat, conformément à la demande des bailleurs, que cette baisse soit complétée, sur cette période de trois ans, par une hausse de la TVA.
Deuxième piste : le renforcement des instruments financiers pour accompagner les bailleurs dans leur mutation et dans leurs projets d’investissement : la Caisse des dépôts et consignations mettra en place pas moins de 6 milliards d’euros de facilités de paiement dédiés à la construction et à la rénovation. Il s’agit d’un effort totalement inédit.
Troisième piste : faire évoluer le modèle économique des bailleurs sociaux. Il s’agira notamment de favoriser des regroupements, de renforcer la politique de vente au bénéfice de la construction de nouveaux logements, de réformer la politique des loyers, et de faire évoluer un cadre juridique trop souvent mal adapté.
L’Etat mettra en place un vaste plan de soutien financier ; les bailleurs auront les moyens et le temps de générer, sur trois ans, des économies intelligentes ; et les locataires ne seront pas touchés : c’est cela notre réforme !
Je discute de tous ces points avec les bailleurs sociaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 et pour préparer le projet de loi Logement qui sera discuté au parlement au 1er trimestre 2018.
Enfin, nous avons d’ores et déjà prévu d’accélérer la construction de logements abordables grâce à la simplification des normes et des procédures. Les collectivités territoriales, qui ont un rôle majeur dans la construction, se verront ainsi proposer, dans le cadre de partenariats, de nouveaux outils visant à accélérer les grandes opérations d’urbanisme.
Dotations, contrats d’objectifs, contraintes budgétaires, contrats aidés, logement : voilà pour les points qui je crois, méritaient précisions. Je ne sais pas si je vous ai convaincus, mais j’espère avoir au moins rétabli la vérité des faits, afin que notre dialogue puisse se poursuivre sur la base d’informations exactes.
II. Parlons maintenant de ce que nous pouvons faire ensemble.
J’ai évoqué des sujets techniques. C’est important de le faire. Mais derrière ces mesures, il y a quelques convictions.
La première, c’est qu’on n’a jamais regretté de donner de la liberté aux élus.
C’est le sens des décisions que nous avons prises, dès notre arrivée, sur les rythmes scolaires. C’était une souplesse très attendue par beaucoup de maires – la preuve, c’est que 40% d’entre vous s’en sont saisis pour revenir à une semaine de 4 jours à la rentrée scolaire. Et pour ceux qui ont décidé de préserver la semaine avec 5 matinées, nous avons maintenu le fonds de soutien aux communes pour les activités périscolaires. Dit autrement, nous n’avons rien retiré à personne. En revanche, avec Jean-Michel BLANQUER, nous avons redonné de la liberté aux maires qui la demandaient pour gérer le périscolaire.
C’est ce que nous voulons faire aussi avec la loi NOTRe. Entendons-nous bien : beaucoup d’entre vous ont exprimé, après une période de grands mouvements, parfois imposés, sur les périmètres et les compétences, un besoin de stabilité. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas revenir sur les principes de la loi NOTRe.
Mais sur certains points, je perçois bien qu’il faut apporter de la souplesse dans la mise en œuvre. Je pense par exemple au transfert de la compétence « eau et assainissement » aux intercommunalités, obligatoire au 1er janvier 2020.
Le sujet a suscité beaucoup de débats à l’époque ; il en suscite encore. Je n’élude pas le débat. Il pose des questions importantes pour nos concitoyens, notamment sur le prix et la qualité de l’eau.
Pourquoi la loi NOTRe est-elle venue confier cette compétence aux intercommunalités ? Très simplement parce que notre réseau d’adduction d’eau, qui date pour une part non négligeable des années 70, a besoin de sérieux efforts de modernisation et donc d’investissements. Et que cela passe souvent par le partage de la charge de ces investissements.
Pour accompagner ce mouvement de réorganisation et pour relancer les investissements dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, le Gouvernement proposera un plan qui facilite le montage des opérations d’investissements en milieu rural et permettra d’utiliser des offres de financements de la Caisse des Dépôts et des agences de l’eau. Ces investissements sont nécessaires dans un contexte de changement climatique, qui va avoir des conséquences à la fois sur l’alimentation en eau potable (risque de pénurie accrus ) et sur la gestion de l’assainissement (risques liés aux ruissellements). Je souhaite aussi que les agences de l’eau vous accompagnent dans la connaissance des réseaux.
Sur la moitié du territoire français, le transfert à l’intercommunalité a d’ores et déjà été mis en œuvre, sur la base du volontariat, sans attendre l’échéance fixée par la loi. Pour ces intercommunalités, pas de changement. Mais nous avons bien conscience que, dans certaines communes, cela peut faire craindre un renchérissement du coût de l’eau, une gestion moins directe de la ressource, une perte de la connaissance du réseau. Avec Jacqueline GOURAULT, qui a mené un travail de concertation important, nous souhaitons donc faire évoluer la loi. Nous proposons, pour une période transitoire, de donner la même souplesse que celle qui a prévalu pour la mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), en laissant la possibilité de maintenir la compétence au niveau des communes si un certain nombre de maires s’expriment clairement en ce sens.
La seconde conviction que je voudrais partager avec vous, c’est que les solutions qui fonctionnent ne sont pas celles que l’on « plaque » sur les territoires, mais celles que les territoires construisent.
C’est vrai de la réforme de la justice que nous avons engagée avec Nicole BELLOUBET. Nous avons voulu lancer cette réforme, non à Paris, mais à Nantes. C’est une façon de dire : nous partirons du terrain pour remonter les expériences et les propositions ensuite vers les ministères, et non l’inverse. Et nous avons voulu confirmer une chose : nous conserverons le maillage actuel. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudra pas, parfois, s’organiser autrement. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon mènerons une mission de concertation sur ce thème. Ils conduiront cette mission autour de deux principes : le maintien du contentieux du quotidien à proximité des justiciables et la mise en place d’équipes pluridisciplinaires autour des magistrats. Ce que nous voulons faire avec cette réforme, en somme, c’est apporter la preuve que l’on peut moderniser une des plus anciennes institutions de notre pays en partant des territoires, et la réorganiser en profondeur en évitant la brutalité d’une réforme imposée de la carte judiciaire.
Autre illustration : les déserts médicaux. A l’évidence, nous avons là un sujet majeur de cohésion territoriale. C’est vrai dans les territoires ruraux, c’est vrai aussi dans les territoires urbains. Avec Agnès BUZYN, nous nous sommes lancés très tôt dans ce chantier, parce que nous en percevons l’urgence. Aucun d’entre vous ici ne me dirait le contraire.
Le diagnostic n’est pas nouveau, et différentes mesures ont été prises par les gouvernements précédents, mais cela n’a pas suffi à renverser la tendance, ni même à l’enrayer.
Alors qu’allons-nous faire ? Eh bien, comme je l’ai dit à Chalus le 13 octobre, nous allons adopter une méthode simple : amplifier les mesures qui fonctionnent et lever les obstacles qui vous empêchent de mettre en place des solutions adaptées à votre territoire.
Je sais que certains d’entre vous aimeraient m’entendre dire que, puisque c’est l’Etat qui paie la formation des médecins à l’hôpital, il pourrait les forcer à s’installer là où sont les besoins ? Je ne crois pas à ce type de méthode. Elle ne correspond pas à la vision que je porte de notre société et de ses équilibres. Je crois à la liberté.
Je dirais la même chose aux médecins libéraux qu’aux maires : il vaut mieux convaincre que contraindre, il vaut mieux contractualiser que sanctionner.
Autre point d’attention, pour vous comme pour nous : le développement durable.
Pour mettre en marche la transition écologique dans l’ensemble de nos territoires, dans le cadre du « Green New Deal » de Nicolas HULOT, Sébastien LECORNU prépare une nouvelle politique écologique territoriale : les contrats de transition écologique.
Avec ces contrats, l’ambition est d’accompagner les territoires dans tous les aspects de la transition écologique y compris les mutations économiques et sociales. Ils permettront de mobiliser des financements publics et privés, de faire aboutir rapidement les projets, de simplifier les procédures et de mettre en place toute l’ingénierie nécessaire.
Dans un premier temps, une quinzaine de territoires vont être identifiés pour couvrir toutes les situations :
- Des métropoles, des villes moyennes et des communes rurales ;
- Des territoires en difficulté et d’autres en avance ;
- Des thématiques couvrant tout le champ de la transition écologique : la transition énergétique, la mobilité, la biodiversité, la préservation des terres agricoles, la pollution et la vulnérabilité.
La philosophie des contrats sera arrêtée en décembre à l’issue de la prochaine Conférence des territoires. Les négociations avec les territoires sélectionnés commenceront début 2018 pour s’engager dès l’été dans la mise en oeuvre opérationnelle.
Par ailleurs, vous êtes nombreux à être concernés par les fameux « territoires à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) de Mme Royal. Sous le précédent gouvernement, de nombreuses collectivités avaient conclu avec l’Etat une convention en ce sens. Nombre d’entre elles ont exprimé leur inquiétude et demandé la confirmation des financements annoncés, et non budgétés.
Nicolas HULOT et Sébastien LECORNU ont confirmé qu’ils s’engageaient à financer les actions prévues par ces conventions, dès lors qu’elles seraient menées à leur terme dans le respect des délais. A cet effet, 75 M€ de crédits nouveaux seront mobilisés en faveur du budget du ministère de la transition écologique et solidaire. La loi de finances rectificative pour 2017 inclura cet abondement, qui portera à 475 M€ l’enveloppe spéciale de transition énergétique et permettra de continuer à financer en 2018 les actions déjà engagées dans les territoires.
Dernière illustration – il y en aurait d’autres - : la question du numérique.
Un Français sur 5 souffre aujourd’hui de la fracture numérique. C’est un défi qu’il nous faut prendre à bras-le-corps, car cette fracture-là n’est pas moins violente que les autres. C’est le défi de l’accès au très haut débit pour tous, sur lequel nous sommes engagés. Mais c’est aussi un défi pour les services publics, car nous ne pouvons pas dématérialiser les formalités sans tenir compte de ceux qui sont aujourd’hui éloignés du numérique. Avec Mounir MAHJOUBI, nous portons l’ambition de l’inclusion numérique.
Cela veut dire mieux coordonner les acteurs locaux – associations, services décentralisés, collectivités, syndicats professionnels… - qui aident et forment nos concitoyens à l’usage du numérique au quotidien. Cela veut dire pousser plus loin l’action d’entreprises du quotidien comme La Poste qui, chaque jour, est au contact des Français. Cela veut dire les médiateurs du numérique dans nos services publics, par exemple dans les maisons de services au public, dans les CAF ou dans les préfectures et sous-préfectures.
Notre objectif, c’est de ne laisser aucun citoyen au bord du chemin.
Mesdames et messieurs les maires,
Avec la fin du cumul des mandats, nous sommes confrontés à un nouveau défi, à la nécessité d’inventer une « nouvelle grammaire » pour le dialogue entre l’Etat et les collectivités territoriales. Ce dialogue, en réalité, je sais qu’il existe localement. Vous l’avez avec vos préfets, vos sous-préfets. Au niveau national, il y a eu des tentatives : conférence nationale des exécutifs, haut-conseil des territoires, etc. J’en connais l’histoire, ses vicissitudes, ses frustrations. Est-ce que, pour autant, nous aurions dû renoncer ?
Avec le président de la République qui viendra s’exprimer devant vous jeudi, nous voulons inventer cette « nouvelle grammaire ». C’est l’enjeu de la Conférence nationale des territoires. La première réunion s’est tenue au Sénat en juillet ; la seconde se tiendra, je vous l’ai dit, mi-décembre, hors de Paris. Mais bien sûr, notre dialogue ne peut pas se limiter à deux réunions par an. C’est pourquoi je vous ai écrit, déjà, à deux reprises. Et je continuerai à le faire. C’est pourquoi je suis venu m’exprimer devant vous aujourd’hui – et je continuerai à le faire, et j’ai même demandé à chaque ministre de prévoir systématiquement, lors de ses déplacements dans les départements, un échange avec les maires.
Dialoguer, ce n’est pas forcément être d’accord sur tout. Dialoguer, c’est débattre, s’écouter, se respecter. Dialoguer c’est aussi savoir nous retrouver sur l’essentiel. Et l’essentiel, au fond, ce qu’attendent nos concitoyens de nous, quel que soit notre rôle, notre responsabilité, notre place dans l’action publique, c’est qu’ensemble, chacun à notre place mais ensemble, nous réparions le pays, pour que, demain, dans les métropoles, mais aussi dans leurs banlieues, dans les toutes les villes, mais aussi dans chaque bourg, chaque hameau, la résignation et l’angoisse du lendemain cède le pas à l’espérance et à la mobilisation de toutes les énergies.
C’est cela, la transformation que nous voulons réussir. Nous la réussirons parce que chacun des responsables publics, qu’ils soient conseillers municipaux, maires ou Premier ministre– va s’y employer, s’y engager. J’ai trop aimé mes années de maire pour ne pas savoir, profondément, à quel point je peux compter sur votre engagement. Je vous demande de ne pas douter du mien !
Je vous remercie.

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