Discours de M. Edouard PHILIPPE, à la 22ème édition du World Electronic Forum à Angers, vendredi 27 octobre 2017

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 27/10/2017

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le ministre,
Monsieur le maire, cher Christophe Béchu,
Mesdames et messieurs les élus régionaux et départementaux,
Monsieur le président, cher Gary Shapiro,
Mesdames et messieurs les membres organisateurs,
Mesdames et messieurs les représentants des délégations professionnelles,
Etats-Unis, Niger, Royaume-Uni, Vietnam, Chine, Taïwan, Australie, Singapour, Israël et maintenant la France, Angers, le Maine-et-Loire. Je voudrais qu’on s’arrête deux minutes pour prendre conscience du chemin parcouru.
Pas uniquement par les membres du forum et par les délégations qui ont fait le tour du monde pour nous faire l’amitié d’être présents aujourd’hui. Je songe au chemin parcouru par Angers, par le cluster ligérien We Network etpar la fédération française des industries électroniques pour offrir à la France, pour la première fois de son histoire, et à l’Europe pour la deuxième fois, l’organisation de cet évènement.
Mes premiers mots seront donc pour te féliciter, cher Christophe, féliciter tes équipes, les entreprises partenaires qui, je le sais, ont consenti des efforts considérables pour mériter l’attention du World Electronic Forum. On ne pouvait, je crois, rêver plus belle reconnaissance et plus bel encouragement. Je peux vous assurer que lorsqu’on est le chef du Gouvernement et qu’on vous annonce la tenue d’un tel évènement dans une grande ville de France, on en éprouve une immense fierté.
Mes premiers mots seront aussi pour remercier les membres organisateurs du World Electronic Forum, son président, Gary Shapiro, d’avoir choisi l’Anjou pour organiser ce « Davos de l’électronique ».
Je voudrais leur dire qu’ils ont fait le bon choix. Qu’ils ont eu le nez creux. Normal me direz-vous, c’est leur métier d’investir dans l’avenir.
D’abord parce qu’Angers a un maire imaginatif, énergique et talentueux, qui est aussi un compagnon de route et un ami cher. On ne pouvait trouver meilleur interlocuteur pour faire de cette semaine, un succès à la mesure de l’évènement.
Ensuite parce qu’à Angers, les objets intelligents, « customisés », peut-être pas connectés mais « interactifs » à leur façon, on connaît depuis longtemps. Depuis le 14è siècle pour être précis, depuis le jour où le duc Louis Ier d’Anjou a commandé au marchand Nicolas Bataille, la plus incroyable tenture jamais réalisée, inspirée de l’apocalypse de Saint-Jean et que l’on peut admirer au château d’Angers.
Enfin parce qu’Angers a su créer un écosystème unique au monde dans le domaine de l’électronique.
Un écosystème qui réunit le meilleur de la French Tech et de la French Fab, qui se fonde à la fois :
Sur un tissu industriel qui est né au début des années soixante et qui, avec des entreprises comme Bull, Thomson, Packard Bell, Thalès, a participé à la première révolution de l’électronique.
Sur la structuration d’une filière, autour de champions mondiaux de l’Electronic Manufacturing Services (E.M.S) dont deux, Eolane et Lacroix Electronic, sont implantés dans les Pays-de-la-Loire, autour d’une myriade d’entreprises innovantes, de grands établissements d’enseignement supérieur et technique. Je pense par exemple à l’Ecole supérieure d’électronique de l’Ouest qui se trouve ici même à Angers et qui a formé Michel Hugon, père de la carte à puce avec processeur et Jean-Pascal Tricoire, l’actuel PDG de Schneider Electric.
Un écosystème qui se fonde aussi sur une logique de « co-financement » privé_public. La cité de l’objet connecté a bénéficié de financements de l’Etat, de la Région Pays-de-la-Loire, de l’agglomération d’Angers et d’entreprises locales aux côtés des 18 investisseurs privés. De même que l’Etat soutient financièrement le programme Cap’Tronic qui aide les PME à intégrer des solutions électroniques dans leurs produits.
Un écosystème qui se fonde enfin sur une fertilisation croisée avec d’autres secteurs d’excellence de la région, l’agriculture, l’énergie, la mobilité, mais aussi l’habillement.
Oui, chers amis organisateurs, vous avez eu le nez creux. Mais attention, il y a un piège. Depuis le poète du 16è siècle Joachim du Bellay, qui est né non loin d’ici, à Liré, près d’Ancenis, sur les bords de la Loire, nous, Français, nous savons qu’il est très difficile de s’arracher à la « douceur angevine ».
Par conséquent, je crains que vous n’ayez désormais qu’une seule envie, celle de rester.
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Eh bien, vous auriez une fois de plus raison ! Parce que si Angers illustre une chose, c’est la volonté de la France de devenir une nation qui valorise l’agilité, l’innovation, l’audace. Pour y parvenir, cela implique une chose de la part des pouvoirs publics : se glisser dans la peau d’un investisseur ou d’un porteur de projet qui se demande où investir, où développer l’idée qui lui tient à cœur. Et être capable de lui donner de vraies raisons de le faire chez nous et non ailleurs.
Il y a encore un an, je me serais contenté d’invoquer des arguments que vous connaissez : la taille du marché français, notre situation géographique au carrefour de l’Europe, l’incroyable rayonnement de notre culture –
vous en avez eu, je crois, un très bel exemple avec l’abbaye de Fontevraud- et de notre recherche publique.
Il y a encore un an, j’aurais cité la qualité de nos ingénieurs, si grande que le monde entier les recrute. Pourtant, nos ingénieurs sont attachés à leur pays. Ils aimeraient trouver des financements, faire grandir et grossir leur entreprise ici. J’y reviendrai
Il y a encore un an, j’aurais également cité ces fleurons industriels dont la France dispose dans tous les secteurs stratégiques : l’aéronautique, l’énergie, l’automobile, l’environnement, la mobilité. Et quelques réussites exceptionnelles : je pense à Blablacar, à Criteo, à OVH, à Trainline, et à tant d’autres
Ces atouts, ces réussites, sont réels. Nous devons tous en être fiers. Je le suis. Mais reconnaissons qu’ils sont soit des atouts anciens, soit d’heureuses exceptions. Et il y a un an, si nous avions eu cette discussion, je vous aurais dit qu’il manquait à la France deux choses essentielles pour que ces atouts s’expriment pleinement : une stratégie économique cohérente et un écosystème favorable à l’innovation.
La stratégie, c’est celle que le président de la République a présentée aux Français durant la campagne présidentielle. Une stratégie qui vise à récompenser le travail, à stimuler l’investissement, à investir massivement dans les compétences, à faire de la France un pays ouvert sur l’Europe et sur le monde. Et cette stratégie conquérante, faite de profondes transformations, a obtenu le soutien de millions d’électeurs français.
L’écosystème, nous sommes en train de construire de manière cohérente et méthodique avec Mounir Mahjoubi – qui avant d’être ministre a été start-upper ce qui aide quand on pilote le numérique – Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux, lequel était avec vous hier. Si bien qu’aujourd’hui, je suis beaucoup plus à l’aise qu’il y a un an pour expliquer à un investisseur pourquoi c’est ici, à Angers, mais aussi à Bordeaux, à Toulouse, à Paris ou à Lyon, bref, en France, que ça va se passer.
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Cette stratégie, cet écosystème, en quoi consistent-ils ?
Ils visent d’abord :
À structurer et à donner de la visibilité aux acteurs et aux savoir-faire français :
Tout le monde ici, connaît la French Tech et son petit coq rouge en origami ? Le fait que tout le monde connaisse est déjà, en soi, une victoire. Vous allez désormais être de plus en nombreux à connaître son petit frère ou son cousin, la French Fab que nous avons lancée officiellement le 2 octobre et qui s’incarne cette fois dans un coq bleu. L’objectif est le même : structurer des filières industrielles, créer des synergies entre des petites entreprises très innovantes et des grands groupes, entre des technologies de pointe et des métiers traditionnels, associer les partenaires publics, labelliser, parler d’une seule voix à l’extérieur de nos frontières.
Mais donner de la visibilité, c’est aussi rappeler que la France dispose désormais avec la Station F du plus grand incubateur au monde. C’est rappeler qu’il existe un nouvel outil, le French Tech visa, qui permet aux entrepreneurs étrangers de s’installer très facilement et très rapidement en France pour développer leur projet.
Donner de la visibilité, c’est enfin bâtir des stratégies cohérentes autour de quelques priorités industrielles. Celles dans lesquelles la France bénéficie d’avantages compétitifs. Je pense aux objets connectés, au Big Data, à l’intelligence artificielle (le Gouvernement a d’ailleurs chargé le 8 septembre dernier le député et mathématicien Cédric Villani de conduire une mission de réflexion à ce sujet). Je pense aussi aux nanotechnologies et à la nanoélectronique qui sont dans tous nos smartphones, aux supercalculateurs qui nous permettent d’anticiper l’avenir, aux câbles sous-marins que nous utilisons en permanence pour communiquer. Bref, à tout ce support physique essentiel à la révolution numérique. La France est en pointe sur ces technologies et souhaite le rester, en structurant ces filières.
Cet écosystème vise aussi à encourager l’investissement :
L’investissement public d’abord. Dans les prochains mois, nous allons constituer un fonds doté de 10 milliards d’euros, grâce à une gestion dynamique des participations de l’Etat. Les revenus de ce fonds financeront l’innovation. Le 25 septembre dernier, j’ai présenté les orientations du grand plan d’investissement qui mobilisera près de 57 milliards d’euros, dont 13 milliards seront directement consacrés à la compétitivité et à l’innovation.
À côté de cela, nous prenons les mesures qui s’imposent pour relancer l’investissement privé : suppression de l’ISF, baisse progressive de l’impôt sur les sociétés pour atteindre 25% d’ici la fin du quinquennat, soit le taux moyen constaté en Europe, création d’une « flat tax » sur les revenus de l’épargne financière. Je ne suis pas contre l’impôt, bien au contraire. Je suis contre l’impôt qui détruit des emplois, qui décourage, qui freine l’investissement, donc l’activité.
Durant longtemps, en France, nous avons été les champions de la hausse d’impôts, mais aussi les champions de l’instabilité fiscale. Désormais, c’est fini. On baisse la pression fiscale dès 2018. Puis, on ne touche plus rien pour permettre aux entreprises de programmer leurs investissements en toute sécurité.
D’autres mesures favorisant la croissance des entreprises viendront dès le début de l’année prochaine renforcer ce dispositif, tout en en garantissant la stabilité. Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux ont lancé ce chantier lundi dernier. Parce que le défi numéro un, c’est désormais de faire grandir nos entreprises, de les accompagner jusqu’à leur maturité.
C’est aussi le sens de la revue sectorielle des start-ups que j’ai demandé au Secrétaire d’Etat au Numérique de conduire.
Quel est son but ? Conduire, pour la première fois en France, une démarche systématique, secteur par secteur, pour permettre à toutes les start-ups qui le souhaitent de souligner les irritants qu’elles perçoivent encore dans leurs activités.
Le Secrétaire d’Etat au Numérique (présent dans la salle) lance ce vendredi, ici même à Angers, un start-up tour, c’est-à-dire un tour de France des start-ups qui le conduira, chaque semaine d’ici au mois de février 2018, à la rencontre de jeunes pousses de notre territoire, pour percevoir directement les demandes des entrepreneurs.
Troisième volet : la modernisation du marché du travail.
On assouplit la réglementation, on développe le dialogue social, en particulier dans les petites entreprises, on simplifie, on clarifie.
Dans le même temps, on crée de nouvelles sécurités, en investissant dans ce qui est aujourd’hui, le principal bouclier contre le chômage : les compétences. Dans le cadre du grand plan d’investissement, nous consacrerons 15 milliards d’euros à la formation professionnelle, en particulier des actifs les plus fragiles. Le président de la République a d’ailleurs fixé un objectif clair : former un million de demandeurs d’emplois d’ici la fin du quinquennat. Nous allons aussi, et je sais que le secteur électronique connaît bien le sujet, développer massivement l’apprentissage qui est la voie privilégiée d’insertion dans l’emploi, en particulier pour les jeunes.
Moderniser le marché du travail, cela implique de baisser le coût du travail, en particulier au niveau du salaire minimum là où ce que les économistes appellent « l’élasticité-prix » est la plus forte. C’est ce que nous allons faire avec la transformation du Crédit d’impôt compétitivité Emploi en allègements de charge.
Enfin, le dernier volet, qui est un peu la conséquence de ce que je viens d’exposer, vise à réussir les deux grandes transitions du 21è siècle.
La transition numérique d’abord. Je ne vais pas peindre un tableau que vous connaissez mieux que moi. Je veux seulement insister sur la volonté de ce Gouvernement de faire « basculer » ou « pivoter » l’ensemble de la société française, grâce notamment à quelques objectifs simples :
Donner accès à toute la population au haut-débit dès 2020 et au très haut débit dès 2022.
Dématérialiser 100% des démarches administratives d’ici la fin du quinquennat.
Aider 100 % des entreprises du territoire à faire leur « mue » numérique : c’est le sens de la mission qui a été confiée à Philippe Arraou pour organiser les acteurs de l’accompagnement.
L’autre grande transition, c’est la transition écologique. Vous connaissez le rôle leader que joue la France dans ce domaine. Le président de la République en a fait l’un des axes majeurs de sa diplomatie. La France s’est fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en particulier grâce à la Tech. Sa chance historique est de disposer à la fois d’une industrie électronique de pointe et de filières d’excellence dans tous les domaines du développement durable : l’agriculture, la mobilité, l’énergie, la mer, qui utiliseront à plein régime les innovations technologiques disponibles pour relever le défi de cette transition.
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Mesdames et messieurs, l’Europe a perdu des batailles importantes depuis la naissance des NTIC. Ces batailles perdues, elle les a payées très cher dans le domaine de l’emploi. Mais nous avons appris de nos erreurs.
Avec patience, avec détermination, nous avons remonté la pente et maintenant nous sommes prêts à mener les prochaines.
Les objets connectés sont une occasion unique pour nous, Européens, de relocaliser, comme ici à Angers, une partie de notre capacité industrielle. Parce que la compétition ne se jouera plus uniquement sur les coûts, mais sur l’agilité des filières, sur la rapidité d’intégration de l’électronique de pointe dans des biens et des services du quotidien, sur notre capacité, aussi, à encourager la création de géants européens.
Et comme je suis optimiste, je suis convaincu qu’il n’est plus très loin le jour où, quand on évoquera la « Côte Ouest », on sera obligé de préciser de quel continent on parle.
Etats-Unis, Niger, Royaume-Uni, Vietnam, Chine, Taïwan, Australie, Singapour, Israël, et maintenant Angers, disais-je. Je suis heureux de voir qu’après avoir beaucoup voyagé, vous êtes, enfin, arrivés à destination.
Je vous remercie.

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