Discours du Premier ministre, Édouard Philippe, lors de la remise du rapport du Grand Plan d'Investissement

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 25/09/2017

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre
suite à la remise du rapport du Grand Plan d'Investissement
Hôtel de Matignon, Lundi 25 septembre 2017
Seul le prononcé fait foi
Mesdames et Messieurs,
Cher Jean PISANI-FERRY.
Monsieur PISANI-FERRY m’a remis ce matin le rapport relatif au Grand Plan d’Investissement 2018-2022 que nous lui avons demandé de concevoir et de préparer, et je viens, avec Monsieur PISANI-FERRY, de réunir les ministres qui ont participé à l’élaboration de ce plan et qui vont pouvoir bénéficier de ces crédits pour mettre en œuvre les politiques de transformation qui leur incombent.
Avant de vous présenter les grandes mesures, les grandes orientations, de ce plan d’investissement, je voudrais redire un mot sur la logique d’ensemble dans laquelle il s’inscrit.
Le Gouvernement a été missionné pour mener à bien un projet de transformation en profondeur de notre pays, pour ce faire nous avons décidé de nous appuyer sur deux leviers, d’abord le choix d’engager des réformes économiques, fiscales et sociales, tout en veillant à la maîtrise de nos finances publiques, ensuite nous voulons amplifier l’effet de ces réformes en les accompagnant par des investissements massifs. C’est tout l’objet de ce Grand Plan d’Investissement qui va nous permettre d’accélérer l’adaptation de la France au XXIe siècle, de soutenir notre transition vers un nouveau modèle de croissance et de préparer l’avenir des générations futures.
Le Plan repose sur quatre principes clés. Le premier c’est l’amplification et la sanctuarisation de l’effort d’investissement public. Au fur et à mesure du temps qui passe, au fur et à mesure des contraintes budgétaires qui s’imposent à notre pays, nous avons pu constater parfois un effet d’éviction des dépenses d’investissement, de plus en plus c’était la dépense de fonctionnement qui prenait le pas sur l’investissement public et ça a évidemment un coût. Ça représente un enjeu, un problème pour notre pays, puisque nous devons toujours faire en sorte que l’argent public prépare autant l’avenir qu’il ne règle les questions du présent.
Dans un contexte où nous devons maîtriser nos finances publiques, je m’y suis personnellement engagé, c’est le sens des engagements du Président de la République, de tout le Gouvernement et de la majorité parlementaire, nous avons tenu à mobiliser et à garantir plus de 50 milliards d’investissement public sur la durée du quinquennat, vous verrez que le Plan mentionne 57 milliards d’investissement public. Là encore il s’agit de donner de la puissance et de la visibilité à nos grandes priorités d’investissement.
Deuxième principe, c’est un principe en matière de gouvernance, c’est la responsabilisation des ministres pour engager ces investissements, pour assurer leur cohérence avec les réformes structurelles que nous mettons en œuvre, réformer et investir, c’est la feuille de route de chacun des ministres, et on voit bien qu’il y a là deux priorités qui se complètent et qui ne prennent d’ailleurs de sens que si elles sont conjuguées, en permanence, ensemble.
Troisième principe, c’est la mise en avant d’actions concrètes avec un impact visible pour nos concitoyens, garantir, sur la durée du quinquennat, 50 à 57 milliards d’euros d’investissement public, c’est très bien, mais je me méfie des grands chiffres qui peuvent parfois donner le sentiment d’être presque magiques ou d’être, à certains égards, incompréhensibles, l’objectif c’est moins le montant des investissements, que la nature des investissements, que ce qu’ils vont permettre, que la transformation qu’ils vont provoquer.
Quatrième et dernier principe, la réorientation durable des dépenses de fonctionnement vers des dépenses d’investissement plus actives, nous devons regarder ce qui marche, nous devons regarder ce qui ne marche pas, nous devons regarder ce qui doit être amplifié ou ce qui doit être redéployé. Pour assurer le maintien de cette ambition, le suivi de la mise en œuvre du plan d'investissement permettra, année après année, de réorienter les crédits et les budgets vers l'endroit où ils nous apparaissent les plus efficaces. Ça exige un pilotage qui sera fait au niveau de Matignon, j'aurai l'occasion d'y revenir.
Quelles sont les grandes priorités d'investissement qui sont couvertes par ce Plan. Nous devons d'abord, favoriser, accélérer, la transition écologique, c'est la continuité du plan climat qui a été présenté par le ministre d'Etat au début du mois de juillet dernier, le Grand Plan d'Investissement va nous permettre d'amplifier le développement des énergies renouvelables, l'émergence d'un modèle de transport durable, qui fait l'objet de discussions dans le cadre des Assises de la Mobilité, et l'effort de rénovation thermique des bâtiments. Un mot sur ce sujet, la France compte plus de 2 millions de ménages modestes en situation de précarité thermique, en raison de la vétusté de leur logement, en raison de la mauvaise isolation de leur logement, le Grand Plan d'Investissement financera la rénovation de plus d'1 million de passoires thermiques dans l'habitat privé, avec notamment le renforcement du programme « Habiter mieux » qui est porté par l'ANAH, l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat. Nous introduirons une nouvelle prime pour les ménages, et une enveloppe de 3 milliards de prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations, pour les organismes de logement social, sera garantie.
Deuxième priorité, nous voulons édifier une société de compétences. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que la plus grande des sécurités, la plus grande des préparations pour faire face au monde qui vient, c'est notre intelligence individuelle et collective, c’est nos compétences, c'est la capacité que nous avons à faire, à penser, et peut-être, au moins autant, c'est la capacité que nous avons à apprendre à faire et à penser.
Cette société de compétences, elle passe, en pratique, par la transformation de l'université afin de faire cesser cette réalité, vécue quotidiennement dans l'université française, qui consiste à sélectionner par l'échec et qui vaut à un très grand nombre d'étudiants d’entrer à l'université et d’en sortir, 4 ans après, sans aucun diplôme, sans aucune formation qualifiante.
Cette société des compétences elle repose notamment sur l'innovation pédagogique au sein de l'Education nationale. Nous voulons faire en sorte que le Plan d'Investissement, c'est une des priorités qui a été évoquée par le ministre de l'Education nationale, que ce Plan d'Investissement serve à innover en matière de pédagogie, de méthode pédagogique, de formation des maîtres, puisque là encore mieux former les maîtres c'est évidemment mettre nos enfants dans une situation de plus grande chance et de meilleure formation pour demain.
Une société de compétences c'est aussi une société qui investit dans la formation, et les personnes, pour favoriser le retour à l'emploi du plus grand nombre d'entre eux. A cet égard nous allons former et accompagner vers l'emploi 1 million de chômeurs faiblement qualifiés, et 1 million de jeunes décrocheurs.
Vous savez que le Gouvernement s'apprête, à partir de la fin du mois de septembre et du début du mois d'octobre, à engager un exercice important de transformation de la formation professionnelle et de l'apprentissage. J’avais indiqué au début du mois de juin que ce serait le deuxième grand temps de réformes sociales, Madame la ministre du Travail, Monsieur le ministre de l'Education nationale, sont évidemment appelés à engager des discussions avec les organisations syndicales et patronales, avec les régions également, puisqu'elles sont compétentes en la matière. Notre objectif c'est que ces transformations qui vont s'ouvrir et sur lesquelles nous allons discuter avec les partenaires, puissent être accompagnées d'investissements qui bénéficieront à ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail et qui sont traditionnellement ceux qui sont le plus éloignés de la formation, voire de l'accès à l'apprentissage.
En 2017 plus d’1 million de plus de 26 ans, sans diplôme, cherchaient un emploi, et 1 million de jeunes de moins de 26 ans n'étaient ni scolarisés, ni en formation, ni en emploi. Pour répondre à cette situation, nous devons concentrer nos efforts sur la formation, nous devons revoir en profondeur notre offre, afin de l'adapter et de la rendre plus efficace, ce n'est pas un gros mot, c'est même une urgence. Et à cet égard j'ai accueilli, avant la réunion de ministres et avant la remise par monsieur Jean PISANI-FERRY de son rapport, un certain nombre d'apprentis, d'étudiants, de jeunes gens, parfois jeunes, parfois moins jeunes, en formation, afin de discuter avec eux des éléments relatifs à ce qui fonctionne bien en matière de formation professionnelle ou d'apprentissage et à ce qui fonctionne moins bien. Ils ont offert des exemples parfaitement éloquents de réussite, y compris de retour vers l'emploi de jeunes qui pouvaient être en situation de décrochage scolaire ou qui étaient a priori très éloignés du marché de l'emploi, ils ont montré les directions, les innovations aussi, qu'il fallait suivre en matière de formation. Ces exemples, et le travail qu'ils ouvrent, nous permettront, là encore, d'envisager une réforme globale ambitieuse.
Troisième priorité, construire un Etat plus agile, un Etat adapté à l'ère du numérique, en soutenant la transition numérique de notre système public, c'est vrai en général et c'est particulièrement vrai en matière de santé, en investissant dans les outils qui doivent nous permettre de baisser nos frais de fonctionnement. Nous allons mettre en place, dans le cadre du Plan d'Investissement, un fonds de transformation de l'action publique doté de 700 millions d'euros pour financer des projets de modernisation et de transformation des services publics, ça peut être la généralisation du paiement électronique, ça peut être toute une série de réformes et de transformations qui doivent permettre deux choses, d’abord, à terme, d'économiser dans le fonctionnement de la machine de l'Etat, qui doivent également permettre de ne laisser personne sur le côté du chemin. A l'évidence la transformation numérique est un enjeu considérable et une opportunité considérable, elle doit nous permettre de fluidifier, d'améliorer, de rendre plus efficaces les relations entre les usagers et l'administration, elle doit nous permettre de rendre un service encore plus efficace à un moindre coût, mais elle ne peut pas avoir pour objet, et elle ne doit pas avoir pour effet, de mettre sur le côté du chemin toute une série de Françaises, de Français, de publics qui n'auraient pas accès à l'instrument numérique, soit par réticence personnelle, soit par incapacité liée à des défauts de couverture ou à une inaccessibilité des mécanismes technologiques qui permettent d'avoir accès au numérique.
Et dans ce fonds, important, c'est la première fois qu'on sanctuarise dans le budget de l'Etat autant d'argent pour permettre l'adaptation au numérique des processus de fonctionnement de l'Etat, il faudra évidemment prendre en compte la situation des plus éloignés, des plus précaires, de ceux qui ont et qui auront durablement besoin d'un contact humain, ou d'une médiation, dans l'approche du numérique, c'est évidemment quelque chose à quoi nous sommes extrêmement sensibles.
Enfin, nous voulons fonder notre potentiel économique général sur l'innovation, c'est la logique du programme des investissements d'avenir pour l'enseignement supérieur, la recherche, l'innovation dans l'industrie, la culture et les services, ces programmes d'investissements d'avenir, ils n'ont pas été initiés par ce Gouvernement, ils ont été initiés bien avant nous, et je voudrais rendre hommage à l'action de ceux qui les ont fait vivre, c'est le cas de Monsieur SCHWEITZER et de ses équipes du Commissariat Général à l'Investissement, c'est aussi le cas de messieurs HUCHON et RAFFARIN qui, après Michel ROCARD et Alain JUPPE, ont accompagné cette démarche.
Parallèlement à ces quatre priorités un rappel pour dire que, conformément aux engagements du Président de la République, les 57 milliards d'euros, qui font l'objet de ce Plan, seront dépensés de telle sorte que 10 milliards seront dirigés et territorialisés vers des collectivités territoriales, et que 1 milliard sera effectivement dépensé dans les Outre-mer, puisque là encore il s'agit de faire en sorte que l'ensemble des territoires bénéficient de ces dépenses d'investissement.
Au total ce sont donc 57 milliards d'euros d'investissement que nous engagerons, grâce à la mobilisation des budgets des ministères qui vont accorder plus de priorités à ces dépenses d'investissement, grâce au financement du troisième programme pour les investissements d'avenir et grâce à la mobilisation exceptionnelle de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la Banque Européenne d'Investissement. Je voudrais dire un mot sur ce sujet, la Caisse des Dépôts et Consignations va mettre son savoir-faire, son expertise et ses fonds propres, au service de cette dynamique d'investissement public, et la Banque Européenne d'Investissement va également être beaucoup plus mobilisée qu'elle ne l'était jusqu'à présent, nous allons amplifier notre partenariat afin de créer un impact économique maximum. Notre objectif c'est, là encore, de mobiliser l'argent public pour qu'il soit dirigé vers les projets d'investissement et vers les projets qui ressortent de la logique prévue par le Grand Plan.
En termes de calendrier, les premières actions seront financées dès le budget 2018, qui sera présenté mercredi, avant de se déployer progressivement au cours de la mandature. La mise en œuvre de ce Plan d'Investissement sera suivie dans la durée, elle sera suivie avec pragmatisme, et j'insiste là-dessus, j’en ai dit un mot tout à l'heure, nous allons veiller à réorienter les dispositifs qui ne marcheraient pas, ou qui ne donneraient pas tous les résultats que nous espérons, afin de les diriger vers les investissements et vers les programmes qui fonctionnent mieux. Cela exige une coordination, un suivi, une évaluation, qui se feront à Matignon, cela exige aussi, et cela suppose, une capacité de la part des services du Premier ministre à réorienter ces crédits, soit à l'intérieur d'un ministère, soit entre ministères.
Ce Grand Plan d'Investissement, Mesdames et Messieurs, il est important, parce que nous devons collectivement investir. Un Etat qui est à la hauteur des enjeux, c'est un Etat qui est attentif au présent et soucieux de l'avenir, l'avenir, il se prépare grâce à l'investissement, pas simplement l'investissement comptable, mais l'investissement, c'est-à-dire la dépense qui permet d'engager, soit des bénéfices futurs, soit des réductions de coûts futurs, mais en tout état de cause, des transformations pour un meilleur service, pour une meilleure préparation de l'avenir.
C'est absolument essentiel, et c'est parce que c'est absolument essentiel que ce Grand Plan d'Investissement était au cœur des engagements du Président de la République, c'est la raison pour laquelle, très rapidement, après la nomination de ce Gouvernement, nous avons engagé la réflexion, nous la mettons en œuvre, elle sera effective dès le budget 2018, c'est-à-dire dès le 1er janvier de l'année prochaine.
Je vous remercie, je vais passer la parole à monsieur PISANI-FERRY, pour compléter mes propos et présenter, s'il le souhaite, un certain nombre d'éléments sur lesquels j'aurais fait l'impasse.

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