Plan France médecine génomique 2025 : discours d'Édouard Philippe

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 17/07/2017

Discours de M. Edouard Philippe, Premier ministre
Plan France Médecine Génomique 2025
Hôtel de Matignon
Lundi 17 juillet 2017
Seul le prononcé fait foi
Mesdames les ministres,
Monsieur le président directeur-général,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les Professeurs,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames, messieurs,
Il y a plus de 150 ans, l’un de nos grands inventeurs interpellait la communauté scientifique de son époque en ces termes :
« La découverte théorique n’a pour elle que le mérite de l’existence. Mais laissez-la cultiver, laissez-la grandir, et vous verrez ce qu’elle deviendra !

Savez-vous par exemple comment fut inventé le télégraphe électrique ?

C’était dans cette mémorable année 1822 : Œrsted, physicien suédois, tenait en mains un fil de cuivre, réuni par ses extrémités aux deux pôles d’une pile de Volta. Sur sa table se trouvait une aiguille aimantée placée sur son pivot, et il vit tout à coup l’aiguille se mouvoir et prendre une position très différente de celle que lui assigne le magnétisme terrestre. Un fil traversé par un courant électrique fait dévier de sa position une aiguille aimantée : voilà la naissance du télégraphe. »
Ainsi s’exprimait, en 1854, notre cher Louis Pasteur, dont les travaux incarnent par excellence le lien fécond qui unit la recherche fondamentale aux applications qui en sont issues, parfois bien des années plus tard.
Pasteur a toujours soutenu l’aiguillon de la puissance publique dans l’organisation et la promotion de la recherche scientifique, et nul doute qu’il aurait participé avec enthousiasme au plan France médecine génomique 2025 , qu’a conçu et porte aujourd’hui l’Alliance AVIESAN, présidée par le Professeur Yves Lévy .
Nous sommes réunis ici pour une première étape majeure dans la concrétisation de ce plan, avec la proclamation officielle des deux consortiums à qui seront confiées les premières plateformes de séquençage à très haut débit. J’y reviendrai bien évidemment.
L’originalité de ce plan, fidèle à l’esprit de Pasteur, est précisément d’adjoindre à un volet de recherche classique un volet clinique pour l’heure inédit dans le monde.
Nous allons développer le séquençage à grande échelle de génomes, mais nous allons également permettre à tous les patients de bénéficier au plus tôt de l’apport de la génomique dans le diagnostic et la thérapeutique.
Ce plan s’inscrit ainsi à la fois dans une tendance internationale de fond en matière de médecine génomique, puisqu’il succède à des programmes similaires déjà lancés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Chine, et dans une démarche d’avant-garde, puisqu’il est le premier à viser d’emblée l’introduction de la médecine de précision dans le parcours de soins, au sein d’une filière industrielle et médicale nationale.
Fruit des constats et diagnostics partagés du monde de la recherche, des acteurs industriels et, bien entendu, du monde de la santé, le plan France médecine génomique 2025 vise à transformer à grande échelle la manière dont on prévient, diagnostique, soigne et pronostique l’évolution d’une maladie en France.
I/ La nécessité du développement de la médecine génomique répond à 4 défis majeurs.
C’est d’abord un défi sanitaire
La médecine génomique révolutionne le parcours de soin, et donc l’organisation de la santé publique, puisque le séquençage en routine du génome des patients va permettre une prise en charge diagnostique et thérapeutique plus personnalisée.
Cela concernera dans un premier temps les patients affectés par des maladies rares ou des cancers, puis à terme, les patients atteints de maladies communes.
Le deuxième enjeu est d’ordre scientifique et clinique.
Il s’agira de rendre fluide et cohérente la chaîne allant de l’exploration des pathologies jusqu’au bénéfice pour le patient, en passant par la constitution et la mise en relation de bases de données par nature hétérogènes et multiples.
Nous avons déjà des premiers résultats probants en la matière.
Ainsi, l’étude clinique MOSCATO (Molecular Screening for Cancer Treatment Optimization), menée par l’Institut Gustave Roussy, a récemment démontré que l’établissement de la carte génétique des tumeurs peut être utilisé comme outil de décision thérapeutique, et améliorer la prise en charge du patient.
Ces progrès cliniques ne seront possibles qu’à la condition de relever un autre défi, technologique celui-là, consistant à rapprocher les sciences de la vie et de la santé d’un côté, et les sciences de l’information et de la communication de l’autre, afin de constituer une véritable filière d’excellence en sciences du calcul et en biologie médicale.
Notre capacité à acquérir, stocker, distribuer, apparier et interpréter ces données massives et complexes sera décisive pour être en mesure de relever le défi de la médecine génomique.
Allant de pair avec ce développement technologique, c’est toute une filière industrielle qui est appelée à se structurer autour de ces nouveaux parcours de soins. C’est le dernier défi : le défi économique.
Du séquençage au stockage de données numériques, jusqu’à leur analyse et leur communication sécurisée vers le médecin et les malades, les grands acteurs industriels du diagnostic et du digital ont bien perçu le fort potentiel de développement de ces nouveaux métiers et investissent ce secteur-clé pour l’avenir de l’industrie en France.
***
Afin de répondre à l’ensemble de ces défis sanitaires, scientifiques, technologiques et économiques, et faire de la France un pays en pointe pour l’accès de tous à la médecine prédictive, le Plan France Médecine Génomique 2025 propose donc d’imbriquer le soin, la recherche, la formation et l’innovation au service de la santé et de la qualité de vie.


II/ Une dimension éthique à prendre en compte.
Avant d’en venir au déploiement du plan proprement dit, je voudrais ajouter que ces défis majeurs ne doivent pas oblitérer une autre composante, tout aussi incontournable, de notre sujet d’aujourd’hui. Je veux parler de la dimension éthique.
Sans elle, sans la garantie absolue apportée à chaque patient du respect de l’usage et de l’intégrité des données tirées de l’étude de son génome, un tel plan serait voué à l’échec. Nous en sommes tous bien conscients.
Les interrogations des citoyens et des associations sont nombreuses et légitimes, qu’il s’agisse par exemple :
  • du respect du consentement individuel dans l’utilisation des données de santé générées,
  • de la gestion des découvertes secondaires ou incidentes non désirées à l’occasion de l’exploration du génome,
  • ou encore du risque d’exclusion du patient que son génome rendrait trop complexe à traiter dans le cadre de notre système de santé.
Ces questionnements sont lourds, et c’est pourquoi la rigueur éthique la plus absolue est indispensable à notre réussite collective. Il en va du pacte de confiance des Français à l’égard de leurs institutions scientifiques.
Je sais combien le Plan et ses acteurs ont à l’esprit cette gravité dans la conduite de leurs travaux, et qu’ils n’ont pas manqué de s’appuyer sur l’expertise incontournable du Comité Consultatif National d’Ethique en la matière. L’une des 14 mesures qui constituent le plan est d’ailleurs entièrement consacrée à cette question éthique.
III/ Le plan France Médecine Génomique 2025
Mais justement, venons-en au plan lui -même. Concrètement, en quoi consiste ce plan, et comment va-t-il prendre forme ?
Vous me permettrez de me placer une fois encore sous le patronage de Pasteur, dont vous connaissez tous l’exhortation célèbre : « Souvenez-vous, disait-il, que dans les champs de l'observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés ! »
C’est précisément de cela dont il s’agit avec ce plan : vous préparer au mieux, et recueillir les justes fruits de vos efforts, dont je sais qu’ils ont été particulièrement intenses ces deux dernières années pour lancer le projet sur les bons rails.
  1. Le Plan France Médecine Génomique 2025 repose sur un trépied.
  • Premièrement le déploiement d’un réseau de plateformes de séquençage à très haut débit ;
  • Deuxièmement, la mise en place d’un centre national d’Analyse de Données, qui collectera l’ensemble des analyses réalisées sur les plateformes ;
  • Troisièmement, la création d’un Centre d’expertise et de veille technologique, qui permettra d’harmoniser le fonctionnement du système et son évolution.
L’enjeu sera de maintenir un fonctionnement intégré, permettant l’équité d’accès au diagnostic génomique sur l’ensemble du territoire.
Le plan prévoit également le lancement, dès 2018, de plusieurs projets pilotes, pour permettre l’accès au diagnostic génomique pour 3 types de patients spécifiques :
  • les patients ayant des cancers graves dans le cadre de l’essai MULTIPLI qui permettra, grâce à un partenariat industriel, d’offrir des traitements ciblés en fonction des analyses génétiques à ces malades. Près de 3000 patients seront concernés ;
  • les patients ayant une maladie rare ou une déficience intellectuelle ;
  • les patients ayant un diabète atypique, ce qui, s’agissant d’un problème majeur de santé publique, montre l’ambition du plan d’offrir ces avancées également aux maladies les plus fréquentes.
L’interprétation de ces analyses génétiques nécessite également de connaitre la diversité génétique de la population. C’est pour cela que cette analyse sera réalisée sur une cohorte de l’INSERM de personnes volontaires sélectionnées sur tout le territoire.
Afin de soutenir cette ambition, l’Etat soutiendra avec des moyens très significatifs l’ensemble des mesures du plan pendant les cinq prochaines années, avec pas moins de 400 millions d’euros investis.
2. Concernant le premier dispositif autour du réseau de plateforme de séquençage, un appel à projets pour équiper la France de ses deux premières plateformes a donc été lancé en décembre dernier.
Il a suscité à travers le pays pas moins de 10 candidatures, toutes d’excellente facture, démontrant s’il était besoin combien le progrès et l’excellence sont des valeurs fondatrices et mobilisatrices en France.
Malgré la très grande qualité scientifique de l’ensemble des projets, que je tiens à saluer, deux projets seulement étaient à retenir pour cette première phase.
Suivant la délibération du jury international spécialement composé pour l’occasion, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’ont été retenus :
  • le projet SEQOiA, porté par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, l’Institut Curie, l’Institut Gustave Roussy, et l’Institut IMAGINE ;
  • ainsi que le projet AURAGEN, porté par les Hospices Civils de Lyon, le CHU de Grenoble, le CHU de Saint-Etienne, le CHU de Clermont-Ferrand, le Centre Léon Bérard, le Centre Jean Perrin et l’Institut de cancérologie de la Loire.
Chaque plateforme devra mettre en place une organisation lisible, efficace, efficiente et scientifiquement robuste pour répondre au cahier des charges et être opérationnelle dès 2018.
A partir des protocoles définis par le Centre de référence national, elles devront notamment être en mesure d’effectuer les examens de séquençage de génomes entiers à partir de prélèvements sanguins et de tissus en provenance du pays tout entier.
Des équipements sont prévus pour que chaque plateforme puisse séquencer et interpréter l’équivalent de 18 000 génomes par an. Le défi est considérable.
Il en va de la réduction de l’errance diagnostique et de l’accès de tous les Français à la médecine génomique.
Concernant la protection des données génétiques qui seront recueillies, chaque patient doit avoir la garantie absolue que ses informations personnelles seront bien réservées aux fins médicales pour lesquelles il a donné son consentement.
Les plateformes retenues se sont engagées à mettre en place des solutions techniques et juridiques offrant toutes les garanties à cet égard.
Sur l’ensemble de ces missions, et dès les premiers temps de leur fonctionnement, ces deux premières plateformes feront l’objet d’une évaluation approfondie. Et comme toujours en sciences, ce sont les enseignements de l’expérimentation qui nous guideront pour la suite.
3. Un défi humain et collectif
Mesdames et messieurs,
Je vous le disais en introduction, le plan France Médecine génomique vise à répondre à 4 défis : sanitaires, scientifiques, technologiques et économiques. A compter d’aujourd’hui, nous avons surtout un défi humain et collectif à relever. Nous entrons dans une phase d’innovation radicale, et vous mesurez avec moi combien est grande la responsabilité des deux équipes scientifiques retenues pour mener cette première étape.
Premier succès, les uns et les autres ont réussi à dépasser leurs différences pour unir l’ensemble des universités et des établissements de santé de leurs régions respectives.
En Île-de-France, pas moins de 7 universités et 3 établissements de santé majeurs se sont rassemblés dans le cadre du projet SEQOiA. En Auvergne Rhône-Alpes, le projet AURAGEN est porté par pas moins de 4 CHU et 3 établissements spécialisés en cancérologie.
Dans un monde de la recherche souvent morcelé, se mettre en marche ensemble vers un même objectif est, je ne peux que le souligner, de bon augure !
Vous savez que vous pouvez également compter sur le plein soutien du gouvernement. Après cette première étape décisive, le comité de pilotage interministériel pour la conduite du plan, placé sous ma présidence, poursuivra ses travaux avec pour opérateur AVIESAN, l’Inserm et ses partenaires, l’Inria, le CEA , le CNRS, et les universités.
Il s’agit d’avancer sur la mise en place opérationnelle des autres mesures du plan, en s’appuyant sur les directions d’administrations centrales des ministères impliqués, au premier rang desquels le ministère des Solidarités et de la Santé, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, ainsi que le Commissariat général à l'investissement.
Mesdames et messieurs,
Grâce à vous et à vos équipes, grâce à la formidable capacité d’innovation et de rassemblement dont vous avez déjà su faire preuve, grâce à l’ensemble des acteurs médicaux, scientifiques et industriels qui se sont mobilisés, l’avènement d’une médecine génomique française est en train de se matérialiser.
La médecine génomique est porteuse de grands espoirs. Elle va changer la manière dont nous définissons la maladie et dont nous accompagnons les malades. Avec le plan France Médecine Génomique 2025 , la France se donne les moyens de réussir cette révolution.
Je ne doute pas que vous saurez relever ce défi avec responsabilité et humanité, dans la tradition d’excellence qui est la vôtre, au service des patients et de la société dans son ensemble.
[1] Molecular Screening for Cancer Treatment Optimization

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