Discours au Salon du Bourget

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 23/06/2017

Seul le prononcé fait foi
Mesdames, mesdames les ministres, Monsieur le Préfet, Messieurs les parlementaires, Mesdames et messieurs les élus, Monsieur le président du GIFAS, cher Eric TRAPPIER.
Il y a un peu plus de 100 ans des milliers de visiteurs se pressaient, non pas au Bourget mais au Grand Palais à Paris pour découvrir au milieu d'un salon alors consacré à la mécanique automobile ce qu'on appelait la section réservée aux choses de l'air. A l'époque, ces choses de l'air n’avaient rien d'évident, rien de commun, elles faisaient sans doute un peu peur. Aujourd'hui, elles ne font plus peur, mais il suffit de se promener dans ces allées pour voir qu'elles n'ont toujours rien d'évident.
Il y a une centaine d'années exactement un adolescent de 17 ans, élève à la Villa Saint-Jean de Fribourg, obtenait son bac, de haute lutte d’ailleurs. Qui sait si ce jeune homme, alors inconnu, n'a pas lui aussi parcouru les travées de la section des choses de l'air ? Qui sait si sa passion n’est pas née en lisant les journaux de l'époque ?
Il existe au fond deux façons de découvrir le monde, la littérature et l'expérience. L’envie de voler, je l’ai pour ma part découverte grâce à la littérature, en particulier grâce au jeune bachelier que j'évoquais à l'instant, « vol de nuit et terre des hommes », au moins autant que le grand cirque qui m'ont fait tourner la tête vers le ciel alors que les Normands - dont je suis - regardent plus naturellement vers le large que vers les étoiles.
Cette envie de voler je l’ai à nouveau ressentie tout à l’heure au contact de ces femmes, de ces hommes et de ces machines. Un grand merci cher Eric TRAPPIER de m’en avoir offert le privilège.
Permettez-moi de saluer votre prédécesseur, monsieur Marwan LAHOUD, qui vous a passé le relais juste avant l'ouverture de ce salon. Je veux aussi féliciter les organisateurs qui font de cet événement un événement unique au monde. C'est toujours difficile de déterminer ce qui fait ou ce qui ne fait pas le succès d’une édition : la fréquentation, le nombre de délégations étrangères, les ventes, certains industriels seront heureux de leur chiffre, d'autres des contacts qu'ils ont noués. Quoi qu'il en soit, cette édition est une nouvelle fois un succès par son aura, par son organisation, par son impact.
Le Salon du Bourget est plus qu'un événement commercial, il est une grande fête populaire. Les choses de l'air fascinent encore et parmi les enfants qui accompagnent leurs parents ici figurent à l'évidence les futurs ingénieurs, designers, mécaniciens, pilotes ou start-upeurs qui demain seront au cœur de votre industrie et de vos succès. Des enfants auxquels vos entreprises donneront la chance d'accomplir leur rêve.
Cela dit vous ne faites pas rêver que les enfants, qu’ils soient petits ou grands. Vous faites rêver tous les Français. Depuis plus d'un siècle, le Salon du Bourget – enfin, depuis plus d’un siècle, si l'on remonte à la section réservée aux choses de l'air - mais depuis plus d'un siècle ce Salon est l'expression d’une fierté française.
Fierté d’être l’un des rares pays au monde à disposer sur son territoire d'un tissu aéronautique complet permettant de réaliser un aéronef, fierté d’appartenir au cercle très fermé des grandes nations spatiales capables d'accomplir de bout en bout des missions périlleuses. Des millions de Français ont suivi avec passion les aventures de Thomas PESQUET, j’ai eu le bonheur de le croiser ce matin, chacun aura compris qu'il est Normand et donc conquérant et il se trouve que lui regardait plus volontiers vers les étoiles que vers le large, tant mieux pour la France et tant mieux pour l'espace.
Fierté aussi d'avoir su constituer une filière solide et solidaire, une sorte de pack - comme on dirait à Toulouse - fondée sur le respect et la confiance entre des entreprises de nature différente, de tailles très différentes, de métiers très différents.
Fierté enfin d'apporter une contribution majeure à la richesse nationale. Je ne vais pas m'étendre sur ces chiffres que vous connaissez par cœur, 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 85 % qui proviennent de l'export, 60 000 recrutements en France durant les 5 dernières années. Derrière ces chiffres, dont nous nous réjouissons, il y a des réalités dont nous devons nous réjouir encore plus, des familles, des hommes, des femmes, des enfants, des communes, des régions qui bénéficient de ces retombées et qui contribuent utilement à cette fierté. Et cette fierté avec le temps elle est devenue européenne.
AIRBUS, GALILEO, ARIANE, COPERNICUS sont désormais des noms communs et des noms communs à 580 millions d'Européens. Ils nous rappellent qu’unis les Européens forment un géant industriel et technologique, capable de rivaliser avec les plus grands. Vous permettrez, monsieur le président du GIFAS, de m'approprier un peu de cette fierté non pas à titre personnel - je n’y suis pas pour grand-chose - mais en tant que représentant de l'Etat, un Etat qui fait partie du pack que j'évoquais tout à l'heure, un Etat qui fait mieux que soutenir une filière puisqu'il y investit et massivement par le programme d'investissement d'avenir, par les budgets de la DGAC de la DGA, par les achats qu'il réalise, par le crédit d'impôt Recherche, par les garanties et la couverture des risques de change qu'il apporte, il vous accompagne d'un bout à l'autre du processus depuis 60 ans, avec constance.
Alors cela dit on ne peut pas simplement vivre de ses succès passés. On risquerait alors de se perdre dans une fausse gloire et dans une trompeuse sensation de confort. Votre longévité repose sur votre capacité à anticiper les enjeux de demain et ces enjeux nous les connaissons, les Français aussi.
Un enjeu, des enjeux militaires d'abord. Avions comme hélicoptères surveillent, transportent, combattent hors de nos frontières, en particulier au Sahel et au Levant. Je me suis longuement entretenu tout à l'heure ou plus exactement pas suffisamment longuement sur le site du ministère des Armées avec les femmes et les hommes qui font battre le cœur de ces machines. J'ai voulu les remercier au nom de la France pour leur courage, pour leur engagement et pour tout ce qu'ils font au service de nos valeurs, de nos intérêts de notre pays. J’ai aussi voulu comprendre leurs missions et entendre leurs besoins. Je confirme, à cet égard, que la France augmentera de façon significative son effort en faveur de la défense pour atteindre 2% du PIB à l'horizon 2025, plus que l’horizon, c’est 2025 qu’il faut retenir.
C’est un engagement fort du président de la République et il sera évidemment tenu. Dans un monde aussi instable, dans un monde où s'accumulent les dangers, les Français ne comprendraient pas que nous ne fassions pas cet effort pour leur sécurité.
Les enjeux de demain ils sont aussi climatiques. La course à l'aéronef toujours plus économe, léger et discret ne fait que commencer. D’où la nécessité de réfléchir dès maintenant aux appareils qui décolleront des aéroports à l'horizon 2025.
Une autre bataille se livre dans l'espace, de nouvelles nations - et c'est normal - s'invitent dans les étoiles. Face la concurrence de l'Inde ou de la Chine, nous devons resserrer nos liens avec nos partenaires historiques, européens bien sûr, russes aussi.
De nouveaux besoins et donc de nouveaux marchés apparaissent dans les domaines de la surveillance du climat et de la connexion de la planète. Le président de la République l'a confirmé, le lanceur Ariane 6 sera opérationnel en 2020 et on m'a indiqué qu'il fallait d'ores et déjà que je réserve ma date du 16 juillet 2020. Ce sera fait.
Il nous permettra, ce lanceur, d'affronter les concurrences américaines et asiatiques. L'objectif c'est toujours d'être plus fiable, plus compétitif, à la hauteur des attentes de nos clients, nous continuerons à travailler sans relâche dans ce sens.
Pour relever ces 3 défis, il faut des femmes, des hommes et de la capacité industrielle. Il y a ce que vous pouvez faire vous, répondre à la demande, monter en cadence, intégrer très vite les nouvelles technologies de production, réaliser des gains de productivité, aider les PME et les ETI à atteindre une taille critique. J’ai également constaté ce matin les efforts que vous déployez collectivement pour attirer les meilleurs profils. Cette bataille est absolument capitale.
Il y a aussi ce que nous pouvons faire, nous, pouvoirs publics. Trois choses.
Continuer à soutenir la filière d'abord. Sans attendre le débat budgétaire je peux vous indiquer que 1,9 milliard d'euros du PIA seront versés durant les 5 prochaines années au secteur aéronautique. Au-delà - parce que l'industrie aéronautique est une industrie de long terme, parce que les avions qui voleront en 2050, se dessinent d'aujourd'hui, parce que nos concurrents ne resteront pas immobiles - l'Etat continuera d'investir dans vos projets. Ensemble, nous réfléchirons à la meilleure façon d'adapter ce soutien aux nouvelles formes d'innovation et au besoin de toutes les entreprises de la filière, grands groupes comme PME et ETI, et en confortant le rôle de la DGAC et de la DGA qui ont fait preuve de leur efficacité.
Deuxième façon, prendre des mesures de coordination et d'animation de la filière. D'ici la fin de l'année nous convoquerons nos instances de concertation, le CORAC et le COSPACE. Elles seront l'occasion de définir une stratégie commune, forte, ambitieuse et de souder encore plus l'équipe de France de l'aéronautique et du spatial.
Enfin, prendre des mesures plus générales qui concernent tout le monde mais qui présentent un intérêt stratégique pour vous, des dispositifs fiscaux favorables à l'investissement et à l'innovation, de la stabilité fiscale, de la lisibilité fiscale, de la sécurité juridique, un effort massif en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
J’aurais l'occasion de détailler les projets du gouvernement dans ce domaine à l'occasion du discours de politique générale devant l'Assemblée Nationale le 4 juillet prochain.
Enfin, il y a ce que nous devons faire avec nos partenaires européens. Nous avons un président de la République qui a été élu sur une ligne résolument pro-européenne. Grâce à lui, la France est de retour en Europe. L'Europe elle-même doit être de retour, les sujets de discussion ne manqueront pas dans tous les domaines.
Vous concernant j'en identifie deux, du moins à court terme. Le premier concerne la création d'un « buy european act », notamment pour les lanceurs. Les discussions ont je crois bien avancé. J’ai bon espoir qu’elles débouchent sur un dispositif plus contraignant qu'aujourd'hui pour réorienter vers les entreprises européennes une plus grande part de l'achat public.
Le second concerne les programmes GALILEO et COPERNICUS. Plus de 11 milliards d'euros d'investissement à eux deux ! Les satellites ont été lancés, chacun a salué la prouesse technique. Demeure l’essentiel : développer un marché européen de services qui exploite leurs données.
Je pense en particulier à GALILEO, le GPS européen. Les industriels doivent s'en emparer si on veut lui donner sa pleine dimension stratégique.
Mesdames et messieurs, chers amis, que nous soyons responsables publics, capitaines d'industrie, agents de l'Etat, créateurs de start-up, nous faisons tous face aux mêmes défis, celui de l'adaptation. Vous êtes les représentants d'une industrie de conquête et de reconquête. Une industrie faite de femmes et d'hommes inspirés par ces choses de l'air qu'il y a 100 ans un jeune bachelier découvrait peut-être et qui montre combien l'homme peut s'élever en conjuguant ce que vous maîtrisez : le travail, la science et l'audace.
Je vous remercie.

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