Discours aux 2èmes Journées Nationales de France Urbaine

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié 06/04/2018

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président de France Urbaine, cher Jean-Luc,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président de la métropole de Dijon, cher François,
Mesdames et Messieurs les Maires, Présidents de métropoles et d’intercommunalités, Madame la Présidente du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté,
Monsieur le Président du Conseil départemental de Côte-d’Or,
Mesdames et Messieurs.
"Série noire en Bourgogne", c’est le titre assez accrocheur d’un article que le journal le Parisien du 4 avril a consacré au dixième Festival international du film policier de Beaune, ce n’est pas une mention qui fait référence à l’ensemble des fonctions que je viens de citer. Je voudrais m’excuser, Monsieur le Maire, de commencer par parler du Festival international du film policier de Beaune car il arrive que dans les départements français une saine émulation puisse se nouer entre certains villes et il n’est pas totalement impossible qu’entre Dijon et Beaune cette émulation ait pu s’exprimer, s’exprime encore et continue de s’exprimer.
"Série noire en Bourgogne" parce que le dixième Festival international du film policier de Beaune qui a ouvert ses portes hier sous la présidence de Lambert Wilson rend hommage à un réalisateur remarquable qui s’appelle David Cronenberg. Il faut avoir en tête sa filmographie, je voudrais citer un certain nombre de films, c’est le réalisateur de La Mouche, d’un thriller qui s’appelle Faux-semblants, Dead Zone, Crash, Rage. Un esprit mal tourné, c’est-à-dire ni vous ni moi pourrait probablement voir dans le choix de ces titres de films un mauvais présage pour la conclusion de cette journée.
En ce qui me concerne je dois commencer par vous dire à quel point je suis heureux d’être ici à Dijon, de retrouver des visages amis, des visages de collègues avec lesquels j’ai travaillé, j’ai échangé, j’ai discuté, j’ai appris, de retrouver une ville où la première fois que je me suis rendu en ma qualité de Premier ministre j’ai reçu la médaille de la ville et où la deuxième fois j’ai revu avec plaisir le maire de la ville. Merci donc Cher François pour cet accueil chaleureux.
Je suis aussi très heureux au-delà de retrouver ces visages amis de retrouver l’institution France Urbaine parce que la relation de travail, et je crois que Jean-Luc Moudenc l’a dit avec beaucoup de clarté et je l’en remercie, la relation de travail que nous avons engagée, qui ne veut pas dire que nous soyons d’accord sur tout, qui n’exonère pas France Urbaine d’une exigence légitime à l’égard du gouvernement, ni d’ailleurs le gouvernement d’une forme d’exigence réciproque à l’égard de France urbaine, mais cette relation qui s’est nouée est une relation utile, intéressante, confiante je crois et en tout cas à mes yeux précieuse. Elle a l’avantage immense de dépasser les postures et de dépasser les idéologies et par les temps qui courent j’y suis assez sensible.
Je sais qu’avec France Urbaine le Gouvernement sera jugé sur ses actes et, Mesdames et Messieurs, je ne demande pas mieux. Je dirai même que je ne demande que ça, d’être jugé avec l’ensemble du Gouvernement sur nos actes. Vous connaissez la situation de notre pays, il y a beaucoup ici d’élus locaux qui ont exercé des responsabilités nationales, qui savent à la fois le potentiel et les contraintes, les atouts et les difficultés de notre pays et qui peuvent donc porter un regard empreint de lucidité et de responsabilité sur ce que nous faisons, je n’en demande, Mesdames et Messieurs, pas plus.
Ce dialogue entre nous franc, sincère, respectueux, tu l’as dit, Cher Jean-Luc, s’est engagé. Il ne se poursuit peut-être pas quotidiennement mais il se poursuit à intervalles très réguliers à Matignon où nous avons eu l’occasion plusieurs fois de nous rencontrer, avec les ministres aussi qui sont vos interlocuteurs. Je voudrais saluer la présence à mes côtés d’Olivier Dussopt qui fait un travail absolument remarquable pour concevoir, imaginer, inventer les termes de la relation contractuelle que nous appelons de nos vœux. Il se poursuit aussi devant les Assemblées, en particulier au Sénat, et il se poursuit ici ce soir à votre invitation dont je voudrais vous remercier très chaleureusement.
Nous pourrions évoquer bien entendu ce soir un très grand nombre de sujets et tous ces sujets sont passionnants pour un Premier ministre, pour des élus locaux et pour un Premier ministre qui est aussi un élu local. Permettez-moi d’en choisir quelques-uns qui sont très concrets et qui ont été évoqués à la fois par le Président de la métropole de Dijon et le Président de France Urbaine avant moi : la contractualisation et peut-être le volet institutionnel.
La contractualisation d'abord, celle que vous avez appelée de vos vœux avant tout le monde, celle dont nous avons parlé à Cahors à l'occasion d'une Conférence nationale des territoires où nous avons essayé ensemble de définir les termes qui pourraient figurer dans le projet de loi et donc dans la loi de programmation des finances publiques, qui permettraient de définir l'opération de contractualisation que nous envisagions. Celle que le Parlement a finalement inscrite dans cette loi de programmation pour les finances publiques, celle dont le Conseil constitutionnel a reconnu la pleine et entière validité. Je ne reviens pas sur l'objectif, vous l'avez fait, ni sur la logique qui a conduit à sa conception. Je rappelle seulement que cette contractualisation ou plus exactement que le principe de la contractualisation est au fond un principe qui est au fondement de la décentralisation depuis plusieurs décennies maintenant.
Lorsque j’ai évoqué la question de la contractualisation pour maîtriser la dépense publique locale je ne m'attendais pas à un excès d'enthousiasme et je n'ai d'ailleurs de ce point de vue-là pas été déçu. La vérité, et nous le savons tous, et les élus de France Urbaine le savent parfaitement, c‘est que maîtriser la dépense publique dans notre pays est un exercice difficile, un impératif souvent formulé et ça même quand il s'agit non pas de baisser la dépense publique mais de contenir sa progression. Car n'oublions jamais, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, que l'objet de la contractualisation sur laquelle nous nous engageons n'est pas de baisser la dépense publique locale, en aucune façon, mais bien d’encadrer sa progression de façon à ce qu'elle ne dépasse pas un rythme qui finirait par poser un problème. Il s'agit donc de maîtriser l'augmentation de la dépense publique locale. Je ne m'attendais pas à un excès d'enthousiasme, je m'attendais même à quelques critiques.
Certains ont qualifié ces contrats de léonins. Un contrat léonin en droit, si je me souviens bien de mes cours, c'est un contrat qui est très inégal. Chacun est évidemment libre de qualifier ces contrats comme il l'entend. Mais pour moi ce qui est au fond léonin c'est lorsque l'une des parties, l'Etat en l'occurrence, décide de baisser de manière automatique, unilatérale les dotations des autres parties. C'est ce qui est arrivé dans le passé, vous l'avez, Monsieur le Président, dit avec beaucoup d'honnêteté et vous le savez tous, Mesdames et Messieurs, aussi bien que moi, ça n’est pas ce que nous avons fait. Et je dois vous dire que parfois, lorsque j'ai été confronté aux réactions de certains face à ce projet de contractualisation qui avait pour objet de maîtriser l'augmentation de la dépense publique locale là où auparavant on avait baissé les dotations des collectivités territoriales, je me suis dit que nous faisions fausse route, que nous nous étions engagés dans un exercice au fond trop compliqué et qu'il aurait probablement fallu ne pas changer, faire comme avant, baisser les dotations. On nous aurait dit "c'est mal", on aurait répondu « oui mais on fait comme avant ». On aurait convaincu sans aucun problème ceux qui nous regardent de notre volonté de contraindre la dépense publique locale, nos concitoyens sans doute, les autorités communautaires certainement, l'ensemble de ceux qui scrutent l’évolution des comptes publics. Ca n'est pas ce que nous avons fait et je crois que nous avons bien fait collectivement. Ce n’est pas un « nous » gouvernemental que j’exprime, c’est un "nous" collectif, je pense que nous avons bien fait de dire que ces contrats avaient un sens, qu’ils étaient un exercice difficile. Vous avez eu raison tous les deux de le souligner parce que nous inventions d'une certaine façon une forme de grammaire nouvelle qui n'avait rien d'aisé à saisir ou à pratiquer mais que c’était un exercice utile et sain parce qu'il était finalement plus exigeant pour nous-mêmes et qu'il permettrait sans doute d'arriver à de meilleurs résultats.
La DGF 2018 correspond bien, et j'invite chacun à le vérifier et si possible à le reconnaître, à celle de 2017. Les dotations n’ont pas baissé. Nous sommes même allés plus loin en nous engageant à corriger avec Gérald Darmanin et Olivier Dussopt les effets de la loi de finances sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, vous en avez parlé, Monsieur le Président. C'est un engagement que nous avions pris après le vote de cette loi dont nous vous avons indiqué la façon dont il serait tenu pour l'année 2018. Un engagement pris doit être un engagement tenu.
Dans les villes et les intercommunalités un grand nombre d'élus ont, je crois, salué le travail effectué avec Olivier Dussopt et avec Jacqueline Gourault que je veux remercier elle aussi de son très important travail et de la qualité du contact qu'elle a su nouer avec ses interlocuteurs.
Pour autant, je suis évidemment conscient qu'un certain nombre de questions restent en suspens, c'est normal, je l’ai dit : nous inventons une nouvelle grammaire, il faut la peaufiner. J’en prends un exemple, vous l'avez évoqué, Monsieur le Président, sur les dépenses GEMAPI je propose qu'elles soient retraitées et neutralisées dans les contrats au rang des compétences nouvelles et des mesures de périmètres. Parce que par définition cette question arrive après le moment où on a commencé à définir la contractualisation et je pense que c'est la bonne façon de la traiter.
Je voudrais simplement insister sur une chose, avant de chercher des exceptions à la règle que le Parlement vient d'adopter, essayons d'appliquer cette règle pleinement. Essayons de voir ce qu'elle peut apporter dans la relation que vous entretenez dans chacune de vos communes, de vos intercommunalités avec vos concitoyens car l'enjeu n'est pas tellement de commenter une extraction ou une soustraction comptable que de donner du sens à des choix. Pour moi tous les choix budgétaires sont des expressions et des traductions de choix politiques pour nous tous d'ailleurs ici. Ces choix les électeurs locaux, les électeurs nationaux nous demandent de les justifier et ils ont, de ce point de vue, parfaitement raison.
Vous comme moi, nous devons expliquer l'équation financière à laquelle nous faisons face. Les arbitrages que cela demande, les efforts que nous faisons chaque année pour trouver des marges de manœuvre et financer tel ou tel projet sur lequel nous nous sommes engagés et les éléments que nous mettons en œuvre pour ne pas dépasser les niveaux d'endettement, les niveaux de déficits, les niveaux de dettes qui seraient excessifs.
Olivier Dussopt l’a dit déjà, il le dit régulièrement : nous sommes prêts à travailler avec vous pour dégager des marges supplémentaires et vous aider à recouvrer des capacités d'autofinancement. Ces marges existent dans la fonction publique territoriale, dans la mutualisation. J’ai la conviction qu'avec un peu plus de souplesse, un peu plus de coordination peut-être on pourra obtenir des résultats tangibles.
Je signerai donc les premiers contrats dans les prochains jours avec des présidents de départements, de métropoles, avec des maires, peut-être aussi avec des volontaire car figurez-vous qu'il y en a, des présidents d'exécutifs qui n'entrent pas dans le champ d'application de la loi mais qui souhaitent participer très rapidement, dans quelques semaines ou quelques mois à l'exercice de contractualisation parce qu'il leur paraît intelligent et parce qu'il leur paraît s'inscrire dans une logique de moyen terme utile y compris pour eux. Parmi les premiers signataires nous compterons peut-être, je ne veux rien annoncer, mais c’est un « peut-être » qui commence à prendre forme, la métropole de Nice-Côte d'Azur, nous compterons peut-être Bordeaux Métropole pour laquelle chacun comprendra que j'ai une affection particulière et je crois savoir, Cher Jean-Luc, que les discussions avancent et avancent bien avec Toulouse Métropole.
Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, je crois à la décentralisation. Je crois au dialogue. Je crois aux élus. Des élus qui se battent pour obtenir le maximum pour leur territoire mais qui savent aussi que leur territoire s'inscrit dans un cadre plus large qui est celui d'une nation. C'est pourquoi nous avons voulu essayer autre chose qu'une baisse unilatérale des dotations. Nous avons voulu proposer un outil certes un peu directif, c'est vrai, mais respectueux du sens des responsabilités des élus et qui, je le dis, je le redis et je le redirai constamment, ne peut pas avoir pour objet, n'aura pas pour effet d’impliquer un quelconque regard de la part de l'Etat sur l'opportunité de tel ou tel choix, en aucune façon. Ce serait absurde, ce serait un contresens complet avec ce pour quoi nous nous battons tous ensemble depuis très longtemps.
Il ne s’agit pas de dire si telle ou telle décision est opportune, il s'agit juste d'encadrer un rythme de progression de la dépense locale, seulement. L'outil que je propose et que nous avons proposé est un outil dont j'aurais aimé pouvoir disposer dans les années précédentes en tant que maire du Havre ou président de l'agglomération havraise.
Et c'est dans le même esprit que je veux engager la réflexion sur la refonte de notre fiscalité locale. J'ai pris note de vos propositions, vous le savez, différents travaux sont en cours qui vont permettre d'éclairer le débat et les décisions à venir en la matière. Je constate que nous partageons en cette matière le même souci, celui de voir les villes et les agglomérations bénéficier d'un panier fiscal représentatif des politiques menées par les maires et les présidents d’intercommunalités en faveur des entreprises et de l'offre de logements. J'attache plus d'importance au fond à cette notion qu'à la notion d'autonomie fiscale parce que l'enjeu c'est avant tout de donner aux maires et aux présidents d’EPCI les moyens d'agir et de construire en toute autonomie l'offre de services qui convient à leurs concitoyens.
La deuxième illustration tangible de ce dialogue c'est le travail mené en commun sur le volet institutionnel. La Conférence nationale des territoires a proposé un projet de différenciation.
Avec Gérard Collomb, avec Jacqueline Gourault nous partageons la conviction que la France du XXIème siècle doit être gouvernée dans sa diversité et en tenant compte de ses différences. Dans le projet de révision constitutionnelle que j'ai présenté dans ses grandes lignes hier, il y a une proposition de modification de l'article 72 de notre Constitution qui répond parfaitement à cette logique de différenciation. L’idée avec cette réforme est de disposer des outils nécessaires pour faciliter les expérimentations sans obliger tous les territoires à avancer de façon monolithique. Car en politique et en particulier en politique locale, vous le savez, il existe deux facteurs qu'il ne faut jamais négliger, le facteur temps et l'envie réelle de faire.
C’est un peu comme dans une rencontre amoureuse, une réforme ne fonctionne que si elle arrive au bon moment, si elle a eu le temps d’être discutée, débattue, ressentie. On cite toujours le même exemple, celui de la puissante métropole lyonnaise mais reconnaissez que c'est un exemple assez probant. La métropole lyonnaise n'est pas née comme ça du jour au lendemain. Elle est le fruit d'un très important et très long effort de solidarité en faveur des villes, d'un compromis construit patiemment avec le département. Pour que d'autres métropoles d'envergure européenne puissent sur ce chemin continuer à voir le jour en France dans un format qui sera comparable à celui de Lyon, je dis bien comparable, pas nécessairement semblable, il faut travailler en ce sens. Il faut prendre ce temps du dialogue, du compromis et comme le disait un grand poète récemment disparu "L'envie d'avoir envie".
Ensuite, s'agissant du mode de scrutin dans les métropoles comme Jacqueline Gourault l’a dit au Sénat aujourd'hui à l'occasion d'un débat sur une proposition de loi : ce mode de scrutin est l'apanage des communes et des collectivités à statut particulier. Et aujourd'hui les conditions de constitutionnalité pour l'appliquer à des métropoles et à des intercommunalités ne sont pas réunies. Je pense donc qu’il faut aborder le sujet autrement, c'est-à-dire en travaillant, en examinant la possibilité, la nécessité, la volonté de créer des projets de métropoles à statut particulier avant de réfléchir aux conditions d'une élection au suffrage universel direct de leur futur président. Je pense que c’est le sens de l'histoire.
Quelques mots enfin sur le projet de loi ELAN qui a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres. La vérité c'est que ce sujet mériterait à lui seul une intervention tant le projet de loi ELAN est vaste, ambitieux, complexe aussi, et riche.
L’enjeu quel est-il ? Il est de construire davantage de logements en particulier dans les zones tendues et à des prix abordables. Cela implique de réussir à faire quatre choses.
D'abord de libérer du foncier. Le foncier, on le sait, même dans les zones tendues ça n'est pas toujours un bien rare. L'enjeu est de savoir le libérer à un prix raisonnable pour construire des logements eux-mêmes à un prix raisonnable. C’est pourquoi dans le cadre de la loi de finances nous avons revu la fiscalité foncière pour favoriser la construction au détriment de la rétention. Nous avons donc incité les propriétaires à construire plutôt qu'à détenir.
La seconde chose à faire c'est simplifier : simplifier les normes de construction qui se sont accumulées, simplifier les procédures, redonner aussi de la clarté et de la cohérence aux documents d’urbanisme et se faisant passer dans toute la mesure du possible d’une logique de moyen à une logique de résultat. La vérité c'est que ça n'est pas forcément à l'Etat de dire aux professionnels comment ils doivent faire. Son rôle ce serait plutôt, me semble-t-il, de fixer des objectifs et de laisser les professionnels les atteindre grâce à leur capacité d'innovation, à leurs connaissances, à leur inventivité, à leurs compétences.
On pourrait également mettre l'accent, mais je ne rentrerai pas dans le détail, sur les grandes opérations d'urbanisme. Le dispositif relatif aux grandes opérations d'urbanisme qui est prévu par la loi ELAN va là encore, dans le cadre d'une relation de confiance entre l'Etat et les grandes intercommunalités, permettre à ces grandes intercommunalités de poursuivre, de prendre à leur compte ces grandes opérations qui souvent ont été le fait de l'Etat et qui pourront demain être pilotées par les EPCI. Je pense que là aussi il y a une marque de confiance et surtout un souci d'efficacité.
Enfin, nous engageons, c'est vrai, une réforme historique du logement social. Concrètement, elle implique - et là encore je le dis rapidement mais le sujet mériterait d'être développé - que les bailleurs de moins de 15.000 logements se regroupent pour mettre en commun leurs ressources et pour créer une solidarité horizontale qui est indispensable. Qu'en parallèle nous simplifions le cadre juridique pour leur permettre de trouver des ressources supplémentaires en vendant une partie de leurs logements et si possible en vendant par blocs une partie de leurs logements pour éviter l'inconvénient majeur que tous les maires connaissent, d'une multiplication de copropriétés dans du logement social qui n'est pas optimale par rapport aux objectifs que nous nous fixons. En revanche, vendre par blocs, et le cas échéant confier la gestion des blocs cédés à des organismes de logement social qui en assurent l'exploitation, c'est valoriser du capital pour l'organisme qui vend, c'est pour l'occupant, le locataire, au fond une évolution invisible, et c'est permettre ce faisant de libérer des moyens financiers considérables pour assurer la construction, l'investissement et le développement des dits organismes de logement social. Notre visons un objectif de vente d'environ 20.000 logements par an. Enfin, il faut accompagner cette restructuration, c'est le sens de la mobilisation par la Caisse des Depôts de près de 10 milliards d'euros dans ce but.
Ce dialogue sur tous ces sujets je vous propose de le poursuivre pour garantir la cohésion de nos territoires. Je ne vais pas me lancer ici dans la description d'une situation que vous connaissez mieux que quiconque. Je ne vais pas m'étendre sur le rôle crucial des métropoles en ce domaine, sur le rôle qu'elles doivent continuer à jouer parce que ce sont souvent elles, au niveau local, qui disposent d'une réelle capacité d'entraînement dans les domaines très concrets que sont le logement, les transports, la qualité de l’air, la cohésion sociale.
Le Gouvernement veut apporter sa pierre à ce mouvement de métropolisation vertueux avec des financements garantis, une fiscalité modernisée, une simplification des procédures et des normes.
Permettez-moi d'exprimer ici une conviction forte que je formule en termes mesurés comme m’y a d'ailleurs invité le Président Rebsamen : je crois véritablement que l'émergence des métropoles et des intercommunalités est une des grandes réussites françaises de ces dernières années. Je me souviens que lorsque j'étais étudiant on parlait, on continuait à apprendre plus exactement, de "Paris et du désert français" et quelque chose me dit que vous tous ici vous avez entendu soit pendant vos études, soit pendant vos activités professionnelles cette expression qui est déjà ancienne de "Paris et du désert français". Plus personne ne parle pas de "Paris et du désert français". Cette expression, cette description d'une réalité géographique de la France a totalement disparu des esprits parce qu'elle a totalement disparu de la réalité. On parle aujourd'hui de métropolisation des espaces français. Je ne crois pas du tout en l’opposition que je pense mortifère entre les territoires, entre une ruralité qui serait de façon homogène qualifiée et une urbanité qui serait elle aussi parfaitement homogène. Je ne crois pas que ça corresponde à la réalité et surtout je ne crois pas que ça corresponde à l'intérêt bien compris de l'ensemble des territoires et de l'ensemble de leurs habitants.
Vous avez à juste titre, Monsieur le Président de France Urbaine, cher Jean-Luc, indiqué combien dans les agglomérations et dans les métropoles il y avait des liens, une imbrication, avec des territoires qui sont à juste titre regardés comme des territoires ruraux. Il faut le dire, il faut le répéter et une fois qu'on l'a répété il faut recommencer. Parce que cette vérité profonde, utile, importante n'est pas perçue par nos concitoyens et pourtant elle est une réalité. Il ne faut pas la cacher, il faut l'assumer. Je crois que notre intérêt, celui des métropoles, celui des campagnes, celui de la France, est que tout le monde avance de concert et décide dans toute la mesure du possible que les progrès des uns fassent les progrès des autres et que nous avancions ensemble.
L’étude du Commissariat général à l'égalité des territoires qui a été produite au début du mois de janvier confirme une réalité que nous connaissons : toutes les grandes villes n'ont pas les mêmes effets d’entraînement sur les territoires qui les entourent. Ca n’est donc pas le simple fait métropolitain qui permet l'entraînement des territoires ruraux qui entourent le territoire métropolitain, ce sont les politiques que les métropoles mettent en œuvre et c'est une responsabilité collective. C’est une superbe responsabilité qu'il faut assumer. Plus nous l'assumerons, et je vais parfaitement dans le sens de ce qu'a dit Jean-Luc Moudenc, plus les métropoles assumeront cette responsabilité mieux l'ensemble de notre pays, de nos territoires se portera. Cela implique, si on veut essayer d'entrer dans le détail, de faire preuve de méthode et d'aborder cette question à deux niveaux ou à deux échelles.
La première échelle c'est celle des quartiers en politique de la ville. Plus de cinq millions de personnes y vivent, c'est 8 % de la population nationale, ce sont des quartiers dont nous savons qu'ils concentrent des difficultés, des défaillances : 80 % de DALO, 50 % de jeunes au chômage, 428 quartiers sans aucun équipement sportif, des femmes qui parfois n'osent plus sortir de chez elles. La littérature, le débat public, est pleine de la description des coupables et des responsables, je n'entre pas dans ce débat, la question aujourd'hui c'est comment faire mieux.
Le Président de la République, vous le savez, a demandé au gouvernement de préparer un plan de mobilisation en faveur des quartiers. Jean-Louis Borloo a accepté de nous y aider, je l’en remercie, fort de toute la légitimité qui est la sienne sur le sujet et de son expérience. Il nous a fait part de ses premières réflexions, je le verrai à nouveau très prochainement. Par ailleurs, de nombreux acteurs ont fait des propositions sur le terrain et dans le cadre des groupes de travail lancés par Jacques Mézard et Julien Denormandie.
Les métropoles, les agglomérations auront évidemment un rôle crucial à jouer parce que la politique de la ville entre dans leur champ de compétences et parce que ces quartiers font partie intégrante des territoires dont vous avez la responsabilité. Parce que ces quartiers sont des éléments de l’identité de nos villes. J’étais à Mulhouse il y a deux semaines dans le quartier des Coteaux accompagné d'une délégation d'acteurs politiques et associatifs nationaux particulièrement investis sur ces sujets. Nous ne réussirons rien si nous ne réussissons pas cela. En tout cas rien de durable, rien de sérieux, rien d’important.
Et bien sûr vous pourrez compter sur l'état. J'aurai l'occasion de préciser notre stratégie. Retenez qu’elle reposera notamment sur la sanctuarisation durant le quinquennat des moyens que nous dédions à la politique de la ville, sur la volonté de faire revenir dans les quartiers si j'ose dire les grues et les camions, c'est-à-dire de modifier le tissu urbain quand il doit être modifié, en démolissant souvent pour dé-densifier quand c'est nécessaire, en repensant l'urbanisme, en reconstruisant ce qui doit l’être.
Et là encore ne nous couvrons pas la tête de cendres. Beaucoup a été fait et remarquablement fait au cours des 10 ou 15 dernières années. Des quartiers entiers ont été transformés, pas seulement dans la puissante métropole lyonnaise mais partout. Et puis nous appliquerons, je crois que c'est nécessaire, à simplifier les procédures notamment celle de l'ANRU pour que cette agence gagne en agilité, en réactivité, en capacité d'adaptation. Nous déploierons les emplois francs. Les emplois francs c’est au fond la reprise d'une idée intéressante, passionnante qui elle aussi a produit des résultats et parfois des résultats brillants dans certaines villes, celle des zones franches. Mais là où dans les zones franches on traitait les territoires avec les emplois francs on s’occupera des personnes, des individus en faisant en sorte que les individus, les Françaises, les Français, ceux qui vivent dans ces quartiers puissent bénéficier de ces dispositifs afin de pouvoir là encore répondre aux lacunes de notre développement collectif. L'expérimentation de ces emplois francs a commencé le 1er avril dernier. Il est peut-être un peu prématuré d'essayer d'en tirer un bilan. Elle est déployée dans sept territoires prioritaires et je pense que nous avons là un instrument qui nous permettra d'avancer et d'avancer dans la bonne direction.
Mon souhait c'est qu'au-delà des objectifs chiffrés consistant à mobiliser un certain pourcentage de contrats aidés dans les quartiers, nous construisions de véritables parcours d'insertion des jeunes, des parcours qui sont balisés avec des repères qui s'enchaînent de manière cohérente avec l'ensemble des acteurs de la réussite éducative, avec les associations de quartier, avec les missions locales, avec les centres de formation, avec les entreprises, avec tout sauf avec un esprit de système. Car les quartiers de Toulouse ne ressemblent pas aux quartiers de Dijon ou plus exactement les acteurs des quartiers de Toulouse ne ressemblent pas aux acteurs des quartiers de Dijon et ceux qui peuvent faire merveille à Toulouse ne peuvent pas bénéficier d'une institutionnalisation qui ferait que, par nature, à Dijon ils fonctionneraient bien. Il faut donc que nous soyons souples, que nous soyons adaptables et que nous permettions à l'ensemble des bons acteurs au bon endroit d'avoir les bonnes responsabilités.
Nous voulons aussi concentrer les moyens du droit commun sur les quartiers, Jean-Michel Blanquer a commencé à le faire dès le mois de septembre en dédoublant les classes de CP dans les zones REP et REP+. C'est une bonne mesure dont je sais ce qu'elle peut représenter comme effort pour les municipalités bien entendu, mais c’est une bonne mesure. Je le dis, je le pense et je le dirai toujours, cette idée est une bonne idée et elle va produire de bons résultats. Gérard Collomb a poursuivi cette logique en lançant au mois de février la police de sécurité du quotidien, 15 quartiers seront servis dès le mois de septembre, les Beaudottes à Sevran, La Planoise à Besançon, Bordeaux Maritime, les quartiers nord à Marseille, La Meinau et le Neuhof à Strasbourg, Le Mirail à Toulouse pour n’en citer que quelques-uns. D'autres secteurs suivront comme la santé, la culture, le sport, l'aide à la parentalité.
Seconde échelle, celle des villes moyennes, des territoires périurbains et ruraux. C'est l'autre défi auquel sont confrontées les métropoles, c'est celui de l'alliance des territoires, j'en ai dit un mot, cette alliance n’est pas toujours facile, elle n’est pas toujours naturelle mais elle est nécessaire.
Notre souci au niveau de l'Etat est de la faciliter par l'intermédiaire par exemple des dotations locales d'investissement. Elle continuera d'accompagner cette année les projets dits de réciprocité et aussi en garantissant un maillage plus fort des villes moyennes. C’est toute l'ambition du plan « Cœur de ville » que j'avais évoqué à Cahors en décembre dernier et dont Jacques Mézard a détaillé la liste il y a 10 jours. Nous investirons à Troyes, nous investirons à Issoudun, pas là seulement mais là aussi, dans le logement, dans l'aménagement urbain, dans l'ingénierie.
Pourquoi j’ai dit Troyes, Issoudun ? Je ne sais pas. Alors peut-être certains ici pourraient dire pourquoi n'a pas avoir pris en compte dans le plan "Cœur de ville" les villes moyennes relevant des métropoles, c'était une demande parfois formulée. Certaines de ces villes moyennes qui sont dans des aires métropolitaines se sont manifestées auprès de nous. C'était légitime de le faire, mais nous avons considéré que c'était justement le rôle des métropoles, que c’était le sens du discours que défend France Urbaine de faire en sorte que les métropoles qui ont l'étoffe suffisante pour mettre en musique cette solidarité puissent l'organiser. Si le compte n’y est pas on pourra bien sûr en reparler mais je pense qu'il est utile et sain d'abord de parier sur l'alliance des territoires et de jouer sur une forme de subsidiarité.
Pour les territoires en déprise qui ont besoin d'un appui à 360 degrés de l'Etat nous avons conçu un nouvel outil, c'est l'Agence nationale de la cohésion des territoires dont le préfigurateur, Serge Morvan, a été nommé hier en Conseil des ministres et il était bien naturel que je parle en Bourgogne de Serge Morvan. Sans attendre la préfiguration de l'agence, le travail a commencé dans la Creuse où nous avons nommé un directeur de programme qui accompagne les élus locaux dans l'élaboration d'un projet de territoire. Cette approche en mode projet nous souhaitons l'appliquer ailleurs en sortant des canaux habituels.
Enfin, dernière brique, nous avons transmis la semaine dernière à Bruxelles notre contribution sur l'avenir de la politique de cohésion. Une contribution que nous avons axé en grande partie sur les territoires les plus fragiles, les régions ultra périphériques, les quartiers en politique de la ville, les territoires ruraux en déprise parce que c'est aussi cela une Europe qui protège. Et nous devons nous rassembler, Etat et collectivités, pour construire cette Europe qui protège. J'ai proposé de faire de cette question le thème central, il y en aura d'autres, de la prochaine Conférence nationale des territoires.
Mesdames et Messieurs, j’ai été beaucoup trop long, je m’en excuse, mais je pourrais l’être encore plus parce que nous avons beaucoup de choses à nous dire, parce que les réunions de l'instance de suivi auquel participe Olivier Dussopt et je l’en remercie nous permettent d'évoquer dans le détail les sujets mais ne permettent pas toujours de nous retrouver pour nous dire tout ce que nous avons à nous dire. Mais au fond le plus essentiel de ce que j'ai à dire tient dans une phrase simple : gardons cette relation de confiance, gardons cette capacité à dialoguer, à nous dire les choses, à corriger des positions quand il le faut, c'est la sagesse, à s'écouter mutuellement. C'est d'ailleurs l'esprit qui doit prévaloir au sein de la Conférence nationale des territoires, sortir de la confrontation un peu classique et en vérité souvent fausse, en tout cas pas aussi systématique qu’on veut le faire croire entre l'Etat d'un côté et les collectivités de l'autre. C'est le gage d'une décentralisation mature, apaisée et réussie au service des territoires, de leurs habitants et de ceux qui tous les jours ne ménagent ni leur temps ni leur énergie pour leur donner un avenir.
Je voudrais pour conclure vous dire toute l'estime et toute l'admiration et elle n'est pas feinte, elle est sincère, que j’ai pour ceux qui ici qu'ils soient élus ou administrateurs même si ma nature personnelle me porte à avoir encore plus d'admiration et d'estime pour les élus contribuent au fonctionnement des grandes métropoles, des agglomérations, de nos villes et tous les jours tissent le lien indispensable qui fait vivre la République.

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