Publié 26/02/2024|Modifié 01/02/2024

Michel Rocard

Figure de la deuxième gauche, Michel Rocard a été nommé Premier ministre en juin 1988 par le président de la République François Mitterrand suite à la réélection de ce dernier. Son mandat est marqué par la signature des Accords de Matignon concernant la Nouvelle-Calédonie. Le président le contraint à la démission en mai 1991.

Le métier politique ne consiste pas à inventer les solutions. C'est l'affaire d'experts, de chercheurs, de spécialistes en sciences exactes et plus encore en sciences humaines. Le métier politique, explicitement et limitativement, consiste, devant un problème repéré, à faire l'inventaire des solutions proposées par la science ou la technique, puis à choisir celle qu'il pense pouvoir faire accepter à l'opinion et grâce à cela la traduire dans les décisions législatives ou réglementaires.

Michel Rocard

Michel Rocard à Matignon
Michel Rocard à Matignon / Source : AFP

BIOGRAPHIE

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  • Né le 23 août 1930 à Courbevoie et décédé le 2 juillet 2016
  • Profession : inspecteur des finances
  • Partis politiques : PSU, Parti socialiste
  • Maire de Conflans-Sainte-Honorine de 1977 à 1994
  • Premier ministre de juin 1988 à mai 1991
Fils du physicien Yves Rocard, Michel Rocard est titulaire d’une licence en lettres, diplômé de l’institut d’études politiques de Paris, et élève de l’École nationale d’administration. Après son affectation en Algérie, il intègre l’Inspection des finances. Il adhère aux Etudiants socialistes en 1949 et est leur secrétaire national de 1954 à 1956. Il s’oppose à la politique algérienne de Guy Mollet.
En 1958, il participe à la scission de la SFIO qui donne naissance au Parti socialiste autonome. En 1960, il cofonde le Parti socialiste unifié dont il devient secrétaire national (1967 à 1973).Il devient secrétaire général de la Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation en 1965.
Le PSU défend le principe de l’autogestion et se rapproche du gauchisme en mai 68. Michel Rocard se présente à l’élection présidentielle de 1969, où il obtient 3,66 % des voix, puis est élu député au mois d’octobre suivant en battant le Premier ministre du général de Gaulle, Maurice Couve de Murville. Ces deux candidatures le révèlent au grand public. Dès le mois de novembre, un sondage le place en tête des personnalités de gauche préférées des Français.
De 1969 à 1973, il est député des Yvelines. En 1974, malgré son scepticisme quant au programme commun de la gauche et envers la stratégie d’union de la gauche, il rejoint le Parti socialiste et est pleinement associé à la campagne présidentielle de François Mitterrand.
Il est élu maire de Conflans-Sainte-Honorine aux élections municipales de 1977 et le reste jusqu'en 1994.
Il est réélu député des Yvelines en 1978, fonction qu'il quitte en juin 1981, quand il entre au premier gouvernement du Premier ministre Pierre Mauroy. Il est successivement ministre du Plan et de l'Aménagement du Territoire (juin 1981-mars 1983) et ministre de l'Agriculture (mars 1983-juillet 1984), dans les gouvernements Mauroy. Il reste ministre de l'Agriculture dans le gouvernement Fabius.
Critique sur l’adoption du scrutin proportionnel aux législatives, qu’il juge favorable au Front national, il démissionne en avril 1985 et prend date pour la future élection présidentielle de 1988.
La restauration de l’image présidentielle pendant la première cohabitation (1986-1988) le pousse à soutenir François Mitterrand.  

MICHEL ROCARD À L'HÔTEL DE MATIGNON

Après l'élection présidentielle de juin 1988, il est nommé Premier ministre par François Mitterrand qui effectue son second septennat. Cette nomination marque la réunion au sommet de l’Etat de la « gauche classique » et de la « deuxième gauche ».
Elu sous le signe de « la France unie », François Mitterrand échoue pourtant à ouvrir son gouvernement au centre. Au sein du couple exécutif, la prééminence présidentielle est confirmée. Les grands barons mitterrandiens conservent leur poste : Roland Dumas aux Affaires étrangères, Pierre Bérégovoy à l’Economie, Pierre Joxe à l’Intérieur ou Jack Lang à la Culture.
Une évolution qui sera confirmée lors du remaniement d’octobre 1990, qui voit des proches du président entrer au gouvernement, comme Georges Kiejman à la Justice ou Elisabeth Guigou aux Affaires européennes. Par ailleurs, les représentants de la société civile qui entrent au gouvernement, comme la ministre déléguée chargée de la Communication, Catherine Tasca, sont choisis par le président.
Avec 49 membres, le deuxième gouvernement Rocard, constitué après les législatives, est le plus nombreux constitué sous la Ve République. Il est marqué par une relative ouverture aux centristes barristes. Faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce gouvernement devra s’assurer, texte après texte, du soutien de celle-ci. Homme de négociation, le Premier ministre se voit contraint d’utiliser la manière forte : il use plus de l’article 49-3 que tous les gouvernements réunis avant le sien.  

Discours de politique générale du 29 juin 1988

Dans son discours de politique générale, le 29 juin 1988 à l’Assemblée nationale, Michel Rocard justifie tout d’abord l’action menée face à l’urgence de la situation en Nouvelle Calédonie. Trois jours auparavant, le 26 juin 1988, a été signé à l’Hôtel Matignon, un accord sur l’avenir du territoire. Cet accord, qui est approuvé par référendum le 6 novembre, prévoit un scrutin d’autodétermination en 1998. Michel Rocard annonce le 29 juin « la mise en place à Nouméa » d’un « cadre institutionnel nouveau » pour le 14 juillet 1989.
Ensuite, devant les députés, Michel Rocard en appelle à l’approfondissement de la « démocratie de tous les jours », en évoquant par exemple la question de la formation, la santé, de la place des femmes et des personnes âgées dans la société, ou encore celle du « grand problème des villes ». Concernant ce dernier point, il souhaite réconcilier « urbanité et urbanisme » par une série de mesures d’accompagnement social, notamment, par « des travaux d’urgence dans les quartiers dégradés » et par le « réaménagement de la dette des organismes HLM ».
Il appelle aussi à la création d’un « droit au revenu minimum d’insertion » (RMI)(voir vidéo ci-dessus), « innovation d’une portée considérable » qu’il compare à celle de la Sécurité sociale. Ce RMI sera financé, déclare-t-il par le rétablissement de l’impôt sur la fortune, « impôt de solidarité ». Toutefois, si la solidarité nationale est au cœur de sa politique, Michel Rocard reconnaît le besoin de maîtrise « des dépenses publiques et sociales (...) au service de l’emploi ». Le Premier ministre souhaite en effet réduire « le déficit prévisionnel du budget de l’État » de « 15 milliards en 1989 ».
Sur le terrain de la politique européenne, Michel Rocard rappelle la préparation du « grand marché » à constituer au 1er janvier 1993. Il se dit « conscient des difficultés de l’harmonisation fiscale » mais plaide pour une Europe fondée sur « l’équilibre des avantages accordés » quel que soit le secteur d’activité économique. Du point de vue politique, économique et social, « la France ne sera forte que dans une Europe forte », conclut-il.

À l’écoute des aspirations de la société civile

Dans une circulaire adressée aux ministres, Michel Rocard affirme sa volonté d’être à l’écoute des aspirations de la société civile et de privilégier « les négociations réelles, loyales, méthodiques ». Le cabinet du Premier ministre est dirigé par un administrateur civil, Jean-Paul Huchon, ancien du PSU, rejoint par quelques rocardiens historiques comme l’historien de l’éducation Antoine Prost ou le juriste Guy Carcassonne. Le goût du Premier ministre pour le travail en groupe et pour une certaine convivialité l’amène à instaurer de nouvelles pratiques de travail, comme les fameux « déjeuners à thème »

Accords de Nouvelle-Calédonie

Le règlement de l’affaire calédonienne est une des grandes réussites du gouvernement de Michel Rocard. Dès son arrivée, en juin 1988, il réussit à trouver une conciliation avec les Accords de Matignon. Ceux-ci fixent un statut transitoire pour la Nouvelle-Calédonie et permettent l'apaisement des conflits entre indépendantistes et loyalistes. Les Accords sont approuvés par référendum en novembre 1988.

La démocratie sociale

Vingt après le début de la « crise », il est patent que celle-ci est structurelle et correspond à une évolution de la forme libérale. Il s’agit donc d’inventer de nouveaux dispositifs pour assurer la cohésion sociale. C’est ce qui mène à l’adoption du Revenu minimum d’insertion (RMI), une allocation destinée aux adultes valides dès lors qu’ils sont dépourvus de ressources. Si l’allocation est en principe assortie à la mise en place d’un contrat d’insertion, en 1991, seul un tiers des bénéficiaires jouissent de ce type de contrat.
Assurer la fonction sociale de l’Etat réclame également des aménagements : ce sont la création de la Contribution sociale généralisée (CSG) en 1990 et le premier Livre blanc sur les retraites en 1991. Le vote de la loi instaurant la CSG demande l’usage du 49-3 et entraîne une motion de censure votée conjointement par les députés communistes et de droite, à quelques exceptions près qui permettent à Michel Rocard de tenir. La réforme est difficile à faire, mais elle est pérenne.
A l’initiative de Michel Rocard, le service public est modernisé par la création de La Poste et de France Télécom.
En 1988, est adoptée la première loi française de bioéthique.
Enfin, Michel Rocard souhaite moderniser la vie politique. Deux chantiers sont d’importance.
En 1990, une révision de la Constitution est votée par l’Assemblée nationale afin que soit reconnu aux justiciables français le droit de demander qu'une loi invoquée contre eux en justice puisse être déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Mais le Sénat (majoritairement à droite) rejette la proposition. Elle aboutira en 2008 grâce au président Nicolas Sarkozy, avec l’instauration de la procédure de « Question prioritaire de constitutionnalité ».
Le financement de la vie politique est revu en 1990 afin de moraliser la vie publique. La loi de 1990 affecte aux partis un financement sur fonds publics au prorata de leur nombre de suffrages enregistrés et de leur représentation parlementaire, elle plafonne les dons comme les dépenses de campagne et met en place une commission nationale de contrôle des financements politiques.

L'APRÈS-MATIGNON

Au lendemain de la Guerre du Golfe, le président Mitterrand exige de Michel Rocard qu’il lui présente la démission de son gouvernement.
Michel Rocard devient Premier secrétaire du Parti socialiste entre 1993 et 1994. L’échec de la liste qu’il conduit aux élections européennes entraîne son remplacement à la tête du Parti socialiste par Henri Emmanuelli. Il conserve son mandat de député européen jusqu’en 2009.
Au Parlement européen, il préside les commissions de la coopération et du développement (1997 à 1999), puis de l'emploi et des affaires sociales (1999 à 2002) et enfin de la culture (2002 à 2004).En 2005, il conduit la délégation d’observateurs européens pour assurer le bon déroulement de l'élection présidentielle en Palestine.
Maire de Conflans-Sainte-Honorine de 1977 à 1994, il en est ensuite conseiller municipal de 1994 à 2001.De 1995 à 1997, il est sénateur des Yvelines.
Le 13 mars 2009, le président Sarkozy le nomme ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique.
En juillet 2009, il préside à la demande du gouvernement français une conférence d'experts sur l'institution d'une Contribution climat énergie. La même année, il copréside la commission quant à la mise en œuvre d'un grand emprunt national, installée par le président Sarkozy.  

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT ROCARD

  • Accords de Matignon concernant la Nouvelle-Calédonie (1988)
  • Mise en place du Revenu minimum d'insertion (1988)
  • Loi Huriet sur la bioéthique et les essais cliniques (1988)
  • Création de la Contribution sociale généralisée (1990)