Publié 01/06/2023

Le jardin de Matignon

Découvrez les coulisses de l'un des plus beaux jardin de France à travers ses paysages harmonieux imaginés au fil du temps, depuis 1725.

L'Hôtel de Matignon et son jardin
L'Hôtel de Matignon et son jardin / Source : AFP
Au 36 rue de Babylone, derrière une discrète porte bleue, se trouve l'un des plus beaux parcs de Paris : le jardin de l'Hôtel de Matignon, résidence du Premier ministre. Avec ses trois hectares, le jardin de Matignon est l'un des plus grands de la capitale. On doit sa réalisation à deux prestigieux architectes du paysage : d’abord Claude Desgot, neveu et collaborateur d'André Le Nôtre, puis en 1902, Achille Duchêne. Le jardin allie la symétrie du style français et des massifs touffus et variés.

Le seuil de la porte franchi, on pénètre dans le jardin par une allée de graviers. La première vision est celle du parc aménagé au XIXe siècle. Les bosquets d'arbres denses font penser à la végétation naturelle des forêts. L'une des premières surprises du jardin est la découverte sous un magnolia, dans un tapis de lierre, de deux pierres tombales. Il s'agit de la sépulture d'un chien et d'un chat datant de l'époque où Matignon fut la propriété de l'Ambassade d'Autriche-Hongrie.

Le long du chemin courbe, l'on découvre progressivement les arbres plantés par les Premiers ministres. L'un des plus étonnants pour ses caractéristiques botaniques est le ginkgo biloba, planté en 1992 par Edith Cresson. Apparu il y a 220 millions d'années, cet arbre est extrêmement résistant, c'est le seul qui repoussa sur le sol dévasté par la bombe atomique d'Hiroshima en 1945. Il est également appelé l'arbre aux quarante écus en raison de la couleur dorée que prend son feuillage en automne.

Depuis 1978, treize arbres ont été plantés par les Premiers ministres (voir encadré ci-dessous). Le choix de l'arbre s’inscrit toujours dans la logique du jardin, en termes de lieu et d’espèce.

De la terrasse de l'hôtel, une magnifique perspective s'ouvre sur le jardin redessiné au XXe siècle par Achille Duchêne. Mandaté par l'ambassadeur d'Autriche-Hongrie, le paysagiste a eu consigne de réaliser une immense pelouse de réception. L'originalité de la réalisation réside dans les six massifs qui servent de coulisses aux festivités en plein air, avec des espaces propices aux apartés. Du temps de l'ambassadeur, une représentation des « Ombres et Lumières » de Gluck et des bals furent organisés. Au gré de la promenade, ces massifs ouvrent et ferment des perspectives différentes sur le parc.

L'histoire de l’Hôtel de Matignon

En 1719, le maréchal de France Charles-Louis de Montmorency Luxembourg, prince de Tingry, acquiert un terrain de 2 869 toises (environ 3 hectares) sur lequel il fait construire par Jean Courtonne un hôtel particulier. Trop coûteux, l’hôtel est cédé, peu de temps avant son achèvement, à Jacques de Matignon, prince de Monaco. Durant deux siècles, il change plusieurs fois de propriétaire. Parmi les plus célèbres, on peut citer : Talleyrand en 1808, Napoléon 1er en 1812, et l'ambassade d’Autriche-Hongrie de 1889 à 1914. L’État français redevient propriétaire de l’Hôtel de Matignon en 1922. C’est à l'initiative de Gaston Doumergue (président du Conseil du 9 février au 8 novembre 1934), que le bâtiment deviendra pour la première fois la résidence officielle du président du Conseil. Une décision entérinée par la loi de décembre 1934, adoptée sous le gouvernement de Pierre-Étienne Flandin son successeur (1934-1935). Le président de la République était Albert Lebrun (1932-1940). La fonction actuelle de l'Hôtel de Matignon remonte au 9 septembre 1944, quand Charles de Gaulle préside le premier Conseil des ministres du gouvernement provisoire de la République française. Sous la Ve République, le titre de président du Conseil des ministres est remplacé par celui de Premier ministre. Mais l’Hôtel de Matignon demeure la résidence officielle du chef du Gouvernement.

Le hêtre pourpre : le plus vieil arbre de Matignon

Le hêtre pourpre, âgé d’environ 150 ans, est l'un des plus beaux spécimens du parc. Il est remarquable par sa taille de 21 mètres et sa circonférence de 3,70 mètres.

Mais son originalité réside surtout dans l'aspect de son feuillage. Sous sa ramée, à l'abri de la lumière, les feuilles sont vertes tandis qu'au soleil elles se teignent de pourpre. Ce très bel arbre bronze littéralement au soleil.

A Matignon, pour l'entretien du jardin, l'utilisation de produits chimiques est proscrite.

La perspective accélérée de l'allée de tilleuls

Au milieu du jardin, le promeneur découvre les deux plus beaux points de vue du jardin. D'un côté, au bout de la pelouse dessinée par Achille Duchêne, l'Hôtel de Matignon et de l'autre la rectitude des allées de tilleuls du XVIIIe siècle.

L'alignement des 111 tilleuls, taillés en marquise conduit le regard du spectateur vers une statue de Pomone.

Savamment construite, la perspective donne l'illusion au spectateur d'atteindre en un bond la sculpture. Autre subterfuge : l’intervalle entre chaque tilleul se rétrécit à mesure que l’on avance.

Le parcours s'achève par une ultime curiosité, la visite d'une glacière dissimulée sous un monticule de terre. A l'intérieur, des couches successives de glace et de paille permettaient de conserver la glace ramassée en hiver pour la consommer en été.

Un Premier ministre, un arbre

Comme le veut la tradition républicaine initiée par Raymond Barre en 1978, le Premier ministre a la possibilité de planter un arbre dans le jardin de Matignon. A l’exception de Jacques Chirac, chaque chef du gouvernement a planté un arbre à son arrivée.
  • Élisabeth Borne : chêne vert (2022)
  • Jean Castex : frêne (2021)
  • Édouard Philippe : pommier « claque pépin », ainsi nommé car on peut entendre le grelot des pépins à l'intérieur en agitant la pomme quand elle est mûre (2018)
  • Bernard Cazeneuve : magnolia kobus (2017)
  • Manuel Valls : chêne fastigié (2014)
  • Jean-Marc Ayrault : magnolia grandiflora (2012)
  • François Fillon : cornouiller des pagodes (2007)
  • Dominique de Villepin : chêne pédonculé (2005)
  • Jean-Pierre Raffarin : arbre de fer (2002)
  • Lionel Jospin : orme (1997)
  • Alain Juppé : cercidiphyllum (1996)
  • Édouard Balladur : érable argenté (1994)
  • Pierre Bérégovoy : tulipier de Virginie (1992)
  • Édith Cresson : arbre aux quarante écus (1992)
  • Michel Rocard : copalme d'Amérique (1988)
  • Laurent Fabius : chêne de Bourgogne (1984)
  • Pierre Mauroy : chêne de Hongrie (1983)
  • Raymond Barre : érable à sucre (1978)